Cour Administrative d'Appel de Marseille, 7ème chambre - formation à 3, 8 novembre 2010, 08MA01605, Inédit au recueil Lebon

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Chronologie de l’affaire

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Sur la décision

Référence :
CAA Marseille, 7e ch. - formation à 3, 8 nov. 2010, n° 0801605T
Juridiction : Cour administrative d'appel de Marseille
Numéro : 0801605T
Importance : Inédit au recueil Lebon
Type de recours : Excès de pouvoir
Décision précédente : Tribunal administratif de Montpellier, 17 décembre 2007, N° 0503535
Identifiant Légifrance : CETATEXT000023295815

Sur les parties

Texte intégral

Vu la requête, enregistrée au greffe de la Cour administrative d’appel de Marseille le 21 mars 2008, sous le 08MA01605, présentée pour M. Jacques A, demeurant …, par Me Mendes Constante, avocat ;

M. A demande à la Cour :

1°) d’annuler le jugement n° 0503535 du 18 décembre 2007 du Tribunal administratif de Montpellier en tant qu’il a rejeté sa demande tendant l’annulation de la décision du Premier ministre refusant implicitement de réformer la décision de la commission nationale de désendettement des rapatriés réinstallés dans une profession non salariée du 27 janvier 2005 le déclarant inéligible au bénéfice du dispositif prévu par le décret du 4 juin 1999 en faveur de certaines catégories de rapatriés ;

2°) d’annuler cette décision implicite et d’enjoindre au premier ministre de lui accorder le bénéfice de ce dispositif dans le délai d’un mois à compter de l’arrêt à intervenir sous astreinte de 500 euros par jour de retard passé ce délai ;

3°) de condamner l’Etat à lui verser une somme de 2.000 euros au titre de l’article L. 761-1 du code de justice administrative ;

……………………………………………..

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu la convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentale et son premier protocole additionnel ;

Vu la loi n° 61-1439 du 26 décembre 1961 relative à l’accueil et à la réinstallation des français d’outre-mer ;

Vu la loi n° 79-587 du 11 juillet 1979 ;

Vu la loi de finances rectificative n° 86-1318 du 30 décembre 1986 ;

Vu la loi n° 2002-73 du 14 janvier 2002 relative à la modernisation sociale ;

Vu le décret n° 99-469 du 4 juin 1999 relatif au désendettement des rapatriés réinstallés dans une profession non salariée modifié par le décret n° 2002-492 du 10 avril 2002 ;

Vu le code de justice administrative ;

Vu le décret n° 2009-14 du 7 janvier 2009 relatif au rapporteur public des juridictions administratives et au déroulement de l’audience devant ces juridictions ;

Vu l’arrêté du vice-président du Conseil d’Etat, en date du 27 janvier 2009, fixant la liste des tribunaux administratifs et des cours administratives d’appel autorisés à appliquer, à titre expérimental, les dispositions de l’article 2 du décret n° 2009-14 du 7 janvier 2009 ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l’audience ;

Après avoir entendu au cours de l’audience publique du 4 octobre 2010 :

— le rapport de Mlle Josset, premier conseiller,

— et les conclusions de M. Deliancourt, rapporteur public ;

Considérant que M. A fait appel du jugement du Tribunal administratif de Montpellier en date du 18 décembre 2007 en tant qu’il a rejeté son recours contre la décision du Premier ministre refusant implicitement de réformer la décision de la commission nationale de désendettement des rapatriés réinstallés dans une profession non salariée du 27 janvier 2005 le déclarant inéligible au bénéfice du dispositif prévu par le décret du 4 juin 1999 en faveur de certaines catégories de rapatriés ;


Sur la régularité du jugement :

Considérant, en premier lieu, que les dispositions de l’article R. 741-2 du code de justice administrative imposent que les jugements contiennent l’analyse des conclusions et des moyens ; qu’il ressort du dossier de première instance que la minute du jugement attaqué est accompagnée de l’analyse des conclusions et des moyens contenus dans la requête et dans les mémoires produits devant le tribunal ; qu’ainsi, l’absence du visa de ces moyens dans la copie du jugement notifiée aux requérants n’est pas de nature à entacher ce dernier d’irrégularité ;

Considérant, en deuxième lieu, qu’il résulte de l’examen des fiches requête et qu’il n’est d’ailleurs pas contesté que le mémoire en défense du Premier ministre du 26 octobre 2006 a été transmis à l’intéressé ; que le mémoire non communiqué, enregistré le 23 avril 2007, se bornait à indiquer que les nouvelles écritures de M. A n’appelaient pas d’observation complémentaire; que, dans ces conditions, M. A n’est pas fondé à soutenir que l’absence de visa dans le jugement qui lui a été notifié ne lui permettrait pas de connaître les moyens invoqués par l’administration et porterait atteinte ainsi aux droits de la défense ;

Considérant en dernier lieu, que la décision de la commission, dont le Premier ministre doit être regardé comme s’étant approprié les motifs, a rejeté la demande de M. A pour irrecevabilité, dès lors que celui-ci n’avait pas la qualité de rapatrié au sens du décret du 4 juin 1999 ; que l’intéressé, dans ses écritures en défense, a soulevé expressément le moyen tiré de ce que qu’il possédait cette qualité au regard des dispositions du décret du 10 mars 1962 ; que le tribunal en écartant ce moyen s’est borné à faire son office de juge et n’a procédé à aucune substitution de motifs ni statué ultra petita ;


Sur le bien-fondé du jugement :


Sur la légalité externe de la décision attaquée :

Considérant, en premier lieu, que la décision implicite du Premier ministre rejetant le recours administratif préalable obligatoire formé par M. A s’est substituée à la décision initiale de la Commission nationale de désendettement des rapatriés réinstallés dans une profession non salariée ; que dans ces conditions, le moyen tiré du défaut de motivation de la décision de la Commission ne peut être utilement invoqué à l’encontre de la décision du Premier ministre, dans la mesure où il s’agit d’un vice propre à la décision initiale qui a nécessairement disparu avec elle ;

Considérant, en deuxième lieu, qu’aux termes de l’article 5 de la loi du 11 juillet 1979 susvisée : Une décision implicite intervenue dans les cas où la décision explicite aurait dû être motivée n’est pas illégale du seul fait qu’elle n’est pas assortie de cette motivation. Toutefois, à la demande de l’intéressé, formulée dans les délais du recours contentieux, les motifs de toute décision implicite de rejet devront lui être communiqués dans le mois suivant cette demande. Dans ce cas, le délai du recours contentieux contre ladite décision est prorogé jusqu’à l’expiration de deux mois suivant le jour où les motifs lui auront été communiqués ; qu’aux termes de l’article R. 421-5 du code de justice administrative : Les délais de recours contre une décision administrative ne sont opposables qu’à la condition d’avoir été mentionnés, ainsi que les voies de recours, dans la notification de la décision ; qu’aux termes de l’article 19 de la loi du 12 avril 2000 susvisée : Toute demande adressée à une autorité administrative fait l’objet d’un accusé de réception délivré dans des conditions définies par décret en Conseil d’Etat. … Les délais de recours ne sont pas opposables à l’auteur d’une demande lorsque l’accusé de réception ne lui a pas été transmis ou ne comporte pas les indications prévues par le décret mentionné au premier alinéa ;

Considérant que M. A ne peut en tout état de cause utilement faire état d’un courrier du 9 septembre 2004 par lequel il aurait sollicité la communication des motifs de la décision implicite résultant du silence observé par le premier ministre sur le recours administratif qu’il a formé le 24 mars 2005 à l’encontre de la décision susévoquée de la commission, dès lors que ledit courrier est antérieur au rejet implicite en cause ; qu’il ressort des pièces du dossier d’appel que, par un courrier en date du 23 décembre 2009, reçu en janvier 2010, M. A a demandé au Premier ministre les motifs de la décision implicite de rejet de sa demande, et que ce dernier n’a pas répondu ; qu’il n’est pas contesté qu’aucun accusé de réception de sa demande n’a été délivré à M. A ; que, toutefois, la formation d’un recours juridictionnel tendant à l’annulation d’une décision administrative établit que l’auteur de ce recours a eu connaissance de cette décision au plus tard à la date à laquelle il a formé ce recours ; que dans ce cas, le délai de recours contentieux court à compter de la date de la saisine du Tribunal administratif ; qu’en l’espèce, M. A a introduit un recours, enregistré au greffe du Tribunal administratif de Montpellier le 1er juillet 2005, tendant à l’annulation de la décision implicite en litige ; que dans ces conditions, la demande de communication des motifs de cette décision implicite, effectuée plus de deux mois après la date de saisine du Tribunal, a été présentée après l’expiration du délai de recours contentieux ; que, par suite, l’absence de réponse du Premier ministre à une telle demande est sans incidence sur la légalité de sa décision implicite de rejet ; que dès lors M. A ne peut valablement soutenir que la décision attaquée serait entachée d’un défaut de motivation ;

Considérant, en troisième lieu, qu’en application de l’article 4 du décret du 4 juin 1999, La commission peut entendre le demandeur qui dispose alors de la faculté de se faire assister ou représenter par un avocat, par une personne exerçant une activité professionnelle réglementée ou par un mandataire choisi sur une liste arrêtée par le ministre chargé des rapatriés.. ; qu’il résulte clairement de ces dispositions que M. A pouvait se faire assister ou représenter par l’avocat de son choix et n’était nullement tenu de prendre un mandataire choisi sur la liste arrêtée par le ministre chargé des rapatriés ; que, par suite, le moyen tiré de la méconnaissance du principe général des droits de la défense doit être écarté ;

Considérant, en dernier lieu, que la commission concernée, qui doit statuer administrativement sur les demandes de désendettement qui lui sont soumises, ne dispose d’aucune compétence juridictionnelle et n’entre donc pas dans le champ des stipulations de l’article 6-1 de la convention susmentionnée ;


Sur la légalité interne de la décision attaquée :

Considérant qu’il résulte de ce qui précède que le moyen tiré de ce que la décision du Premier ministre serait illégale en raison des vices de procédure entachant la procédure suivie devant la commission ne peut être qu’écarté ;

Considérant qu’à l’appui de son recours contre la décision implicite en cause, M. A excipe de l’illégalité du décret du 4 juin 1999 en ce qu’il méconnaîtrait les stipulations de l’article 6-1 de la convention déjà mentionnée, dès lors que les rapatriés ne disposent que d’une voix sur quatre au sein de la Commission nationale de désendettement des rapatriés chargée d’examiner les demandes d’aides et de ce que ce décret lui fait obligation de choisir un mandataire arrêté sur une liste établie par l’administration ; qu’ainsi qu’il vient d’être dit, la commission dont s’agit ne disposant d’aucune compétence juridictionnelle, les stipulations invoquées ne peuvent s’appliquer au décret régissant le mode de fonctionnement de cette commission ; que le moyen invoqué est donc inopérant ;

Considérant qu’aux termes de l’article 1er du décret susvisé du 4 juin 1999 : Il est institué un dispositif de désendettement au bénéfice des personnes mentionnées à l’article 2 qui, exerçant une profession non salariée ou ayant cessé leur activité professionnelle ou cédé leur entreprise, rencontrent de graves difficultés économiques et financières, les rendant incapables de faire face à leur passif ; qu’aux termes de l’article 2 du même texte : Bénéficient des dispositions du présent décret les personnes appartenant à l’une des deux catégories suivantes : 1° Personnes mentionnées au I de l’article 44 de la loi de finances rectificative pour 1986 ; 2° Mineurs au moment du rapatriement qui, ne remplissant pas les conditions fixées au I de l’article 44 précité, répondent à l’une au moins des quatre conditions suivantes : – être pupille de la nation, – être orphelin de père et de mère en raison des événements ayant précédé le rapatriement – être orphelin et avoir repris l’entreprise d’un grand-parent – être une personne dont le père ou la mère, exerçant une profession non salariée, n’a pas pu se réinstaller en raison de son décès intervenu dans la période de cinq ans suivant le rapatriement ; qu’aux termes de l’article 14 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales : La jouissance des droits et libertés reconnus dans la présente convention doit être assurée, sans distinction aucune, fondée notamment sur le sexe, la race, la couleur, la langue, la religion, les opinions politiques ou toutes autres opinions, l’origine nationale ou sociale, l’appartenance à une minorité nationale, la fortune, la naissance ou toute autre situation ; qu’en vertu des stipulations de l’article 1er du premier protocole additionnel à cette convention : Toute personne physique ou morale a droit au respect de ses biens./ Nul ne peut être privé de sa propriété que pour cause d’utilité publique et dans les conditions prévues par la loi et les principes généraux du droit international. Les dispositions précédentes ne portent pas atteinte au droit que possèdent les Etats de mettre en vigueur les lois qu’ils jugent nécessaires pour réglementer 1'usage des biens conformément à l’intérêt général ou pour assurer le paiement des impôts ou d’autres contributions ou des amendes. ;

Considérant que pour déclarer inéligible la demande de M. A, la commission nationale de désendettement des rapatriés réinstallés dans une profession non salariée s’est fondée sur l’absence de justification de la qualité de rapatriés des parents de l’intéressé et de leur réinstallation dans une profession non salarié, et sur l’absence de preuve de son appartenance à l’une des catégories de bénéficiaires énoncées à l’article 2 du décret du 4 juin 1999 susvisé ; qu’en rejetant le recours administratif formé à l’encontre de cette décision, par une décision implicite qui s’est substituée à celle-ci, le Premier ministre doit être regardé comme s’étant approprié ce motif ;

Considérant que le principe d’égalité ne s’oppose pas à ce que l’autorité investie du pouvoir réglementaire règle de façon différente des situations différentes pourvu que la différence de traitement qui en résulte soit en rapport avec l’objet de la norme qui l’établit ; que, eu égard à leur objet, il ne ressort pas des dispositions précitées de l’article 44-I de la loi de finances rectificative pour 1986 que celles-ci seraient de nature à entraîner une discrimination entre des personnes placées dans une situation identique ; que, par suite, M. A n’est pas fondé à soutenir que ces dispositions législatives, en traitant différemment les rapatriés mineurs et les rapatriés majeurs, seraient incompatibles avec les stipulations précitées de la convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales et devraient, pour ce motif, être écartées par la juridiction administrative ;

Considérant que si M. A soutient qu’il serait légataire universel de M. et Mme B, eux-mêmes rapatriés de Tunisie, il n’apporte en tout état de cause aucun élément à l’appui de cette allégation ;

Considérant que le régime d’aide aux rapatriés qui est un régime entièrement distinct des régimes précédents, fait notamment expressément la différence entre mineurs et majeurs au moment du rapatriement ; que, dès lors, M. A, qui était mineur au moment du rapatriement ne peut utilement se prévaloir d’une attestation du 19 octobre 1995 du délégué aux rapatriés selon laquelle l’intéressé, bien que mineur au moment du rapatriement peut bénéficier de plein droit des textes en vigueur pour prétendre au bénéfice du régime instauré par le décret du 4 juin 1999 ; que, dès lors, l’attestation dont s’agit n’est pas susceptible d’avoir créé au profit de M. A un droit acquis au bénéfice des dispositions du décret du 4 juin 1999 revendiqué ; que, par suite, la décision contestée ne peut être regardée comme retirant illégalement un acte créateur de droit au profit de l’intéressé ;

Considérant que M. A n’apporte pas plus en appel qu’en première instance d’éléments de preuve à l’appui de ses allégations concernant la réinstallation de sa mère dans une activité non salariée pour laquelle elle aurait obtenu l’un des prêts visés par l’article 44-I de la loi de finances du 30 décembre 1986 ;

Considérant que dans ces conditions, c’est à bon droit que le tribunal a jugé que le Premier ministre avait pu, sans commettre d’erreur de droit ni d’erreur manifeste d’appréciation refuser de réformer la décision du 27 janvier 2005 de la commission ;

Considérant qu’il résulte de tout ce qui précède que M. A n’est pas fondé à soutenir que c’est à tort que le Tribunal administratif de Montpellier a rejeté sa demande ;

Sur les conclusions aux fins d’injonction et d’astreinte :

Considérant que le présent arrêt n’appelle aucune mesure d’exécution ; que par suite, les conclusions susvisées doivent être rejetées ;

Sur les conclusions tendant à l’application de l’article L. 761-1 du code de justice administrative :

Considérant que les dispositions de l’article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de l’Etat, qui n’est pas, dans la présente instance, la partie perdante, la somme que M. A demande au titre des frais exposés par lui et non compris dans les dépens ;

D E C I D E :


Article 1er: La requête de M. A est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. A et au Premier ministre.

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N° 08MA016052

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