Cour administrative d'appel de Marseille, 14 février 2013, n° 11MA03048

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Chronologie de l’affaire

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Sur la décision

Référence :
CAA Marseille, 14 févr. 2013, n° 11MA03048
Juridiction : Cour administrative d'appel de Marseille
Numéro : 11MA03048
Décision précédente : Tribunal administratif de Nîmes, 15 juin 2011, N° 0903103

Texte intégral

COUR ADMINISTRATIVE D’APPEL

DE MARSEILLE

N° 11MA03048


RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

M. X

_____________

M. Pocheron AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

Rapporteur

____________

M. Salvage La cour administrative d’appel de Marseille

Rapporteur public

____________ 5e chambre

Séance du 24 janvier 2013

Lecture du 14 février 2013

____________

60-01-04-01

60-04-03-01

C

Vu la requête, enregistrée le 29 juillet 2011 au greffe de la cour administrative d’appel de Marseille sous le n° 11MA03048, présentée pour M. B X, demeurant XXX à Villeneuve-les-Avignon (30400), par Me Avril ;

M. X demande à la Cour :

1°) de réformer le jugement n° 0903103 du 16 juin 2011 par lequel le tribunal administratif de Nîmes a condamné l’Etat à lui verser une indemnité de 40 150 euros qu’il estime insuffisante en réparation du préjudice qu’il a subi du chef de l’illégalité de la décision en date du 17 mars 2005 par laquelle le ministre de l’intérieur a fait connaître au secrétariat général du Pari mutuel urbain (PMU) que l’enquête effectuée sur son compte ne permettait pas d’envisager un avis favorable à sa demande d’exploitation d’un point de pari mutuel urbain, ;

2°) de condamner l’Etat à lui verser la somme de 304 312 euros avec intérêts aux taux légal à compter du 24 avril 2009, date de sa réclamation préalable ;

3°) de mettre à la charge de l’Etat une somme de 2 500 euros au titre de l’article L. 761-1 du code de justice administrative ;

Il soutient que :

— l’illégalité fautive de l’Etat est caractérisée par l’exceptionnelle gravité du comportement de ses services, qui ont sciemment caché au tribunal et à lui-même jusqu’au 5 juin 2008 l’existence de l’avis favorable en date du 3 mars 2006 tout en continuant à défendre devant le juge et à justifier au fond l’avis défavorable du 17 mars 2005 ;

— les conditions tenant à la réalité de son préjudice et l’existence d’un lien de causalité direct entre l’illégalité fautive et le préjudice sont réunies pour ouvrir droit à une indemnisation dans des conditions beaucoup plus favorables que celles admises de façon très restrictive par le tribunal ;

— la décision de justice de suspension de l’avis défavorable du ministre de l’intérieur, dont la date, le 11 janvier 2006, a été retenue par les premiers juges comme marquant la fin de la période de responsabilité de l’Etat, n’est pas de nature à mettre fin à l’impossibilité d’exploiter un point PMU impliquée par l’avis en cause ;

— cette décision de suspension n’a pas correspondu à l’achèvement du préjudice subi ;

— le préjudice a cessé au minimum à la date à laquelle le ministre de l’intérieur a transmis au tribunal, notamment au juge de l’exécution, l’avis favorable en date du 3 mars 2006, soit le 16 mai 2008, et plus certainement le 5 juin 2008, date à laquelle il a eu connaissance de cet avis ;

— de surcroît, le ministre de l’intérieur a indiqué dans son courrier du 16 mai 2008 au président du tribunal administratif que la licence ne pouvait plus lui être attribuée car entre temps un autre commerce situé à proximité de son établissement avait été autorisé à exploiter un point de vente PMU ;

— il n’avait aucune chance de récupérer une licence PMU alors qu’il en disposait avant l’avis défavorable du 17 mars 2005, entaché d’erreur manifeste d’appréciation, et avait commencé l’exploitation d’un point PMU ;

— les conséquences de l’illégalité fautive commise par le ministre de l’intérieur sont ainsi graves, caractérisées et irrémédiables ;

— il n’a pas seulement perdu une chance sérieuse de pouvoir exploiter un point d’enregistrement PMU, mais a subi un préjudice financier certain dans la mesure où il a été indûment privé de la possibilité de poursuivre une activité qui devait lui permettre de percevoir des commissions fondées sur un pourcentage du chiffre d’affaires réalisé et une prime sur objectif ;

— il a également subi une perte de bénéfices résultant de la baisse de l’attractivité de son établissement suite à la fermeture du point PMU ;

— son chiffre d’affaires moyen sur trois ans étant en augmentation de 32,06 % par rapport à celui du précédent exploitant de l’établissement, il aurait dû percevoir au minimum, sur le fondement de la moyenne sur trois ans des commissions PMU perçues par son prédécesseur au regard du tableau récapitulant exclusivement le chiffre d’affaires réalisé pour le PMU de 2002 à 2004, un montant de 40 578 euros par an de commissions PMU depuis 2005, soit un montant total de 162 312 euros si l’on ajoute l’année 2008 pendant laquelle il a encore augmenté son chiffre d’affaires par rapport à l’année 2007 ;

— compte tenu de l’augmentation de 32,06 % son chiffre d’affaires par rapport à celui de son prédécesseur, il convient d’ajouter la somme de 13 000 euros par an depuis 2005, soit 52 000 euros pour la période allant de 2005 à 2008 ;

— le préjudice financier s’élève ainsi à 214 312 euros ;

— l’avis défavorable du ministre de l’intérieur étant directement à l’origine de l’impossibilité de se voir attribuer l’exploitation d’un point PMU, il appartiendra à la Cour, à titre subsidiaire, de l’indemniser au titre de la perte de chance réelle et sérieuse de bénéficier de la commission PMU, par le versement d’une somme qui ne saurait être inférieure, pour la période 2005 à 2008, à 200 000 euros ;

— eu égard à l’attitude du ministre de l’intérieur dans cette affaire, à la suspicion sur la moralité du requérant créée par l’avis défavorable litigieux, le préjudice moral doit être évalué à 90 000 euros ;

— l’avis défavorable du ministre de l’intérieur est directement à l’origine du préjudice subi, dans la mesure où, en l’absence d’un tel avis, il aurait continué à percevoir les commissions liées à l’exploitation du point PMU ;

Vu le jugement attaqué ;

Vu le mémoire, enregistré le 2 décembre 2011 au greffe de la Cour, présenté par le ministre de l’intérieur, de l’outre-mer, des collectivités territoriales et de l’immigration ;

Le ministre demande à la Cour le rejet de la requête ;

Il soutient que :

— le requérant fait valoir en appel les mêmes moyens qu’en première instance, étayés par les mêmes éléments de preuve ;

Vu le courrier du 25 septembre 2012 adressé aux parties en application des dispositions de l’article R.611-11-1 du code de justice administrative, les informant de la date ou de la période à laquelle il est envisagé d’appeler l’affaire à l’audience et précisant la date à partir de laquelle l’instruction pourra être close dans les conditions prévues par le dernier alinéa de l’article R.613-1 et le dernier alinéa de l’article R.613-2 ;

Vu la lettre en date du 7 décembre 2012 informant les parties, en application de l’article R. 611-7 du code de justice administrative, que l’arrêt à intervenir est susceptible d’être fondé sur un moyen soulevé d’office ;

Vu l’avis d’audience adressé le 20 décembre 2012 portant clôture d’instruction en application des dispositions de l’article R.613-2 du code de justice administrative ;

Vu l’avis d’audience adressé le 07 janvier 2013 ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu le code monétaire et financier ;

Vu le décret n° 97-456 du 5 mai 1997 ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l’audience ;

Après avoir entendu au cours de l’audience publique du 24 janvier 2013 :

— le rapport de M. Pocheron, président-assesseur,

— les conclusions de M. Salvage, rapporteur public,

— et les observations de Me Avril pour M. X ;

1. Considérant qu’aux termes de l’article 27 du décret susvisé du 5 mai 1997 : « Les sociétés de course autorisées à organiser le pari mutuel hors les hippodromes, dans les conditions fixées par l’article 5 de la loi du 2 juin 1991 susvisée, en confient la gestion, pour leur compte, à un groupement d’intérêt économique qu’elles constituent entre elles dans les conditions fixées par l’ordonnance du 23 septembre 1967 susvisée. Les statuts de cet organisme, dénommé Pari mutuel urbain (PMU), sont approuvés par le ministre chargé de l’agriculture et le ministre chargé du budget./ Lorsque le Pari mutuel urbain autorise des personnes privées à exploiter des postes d’enregistrement des paris, cette autorisation doit intervenir après enquête et avis favorable du ministre de l’intérieur. » ;

2. Considérant que M. X, gérant depuis le 30 décembre 2004 d’un bar-tabac à Villeneuve-les-Avignon (Gard), avait conclu le 7 mars 2005 avec le PMU un contrat d’exploitation d’un poste d’enregistrement des paris dont l’article 2-2 stipulait que tout avis négatif du ministre de l’intérieur notifié à quelque moment que ce soit au PMU entraînerait sa résiliation immédiate ; que, le 22 mars 2005, le directeur d’agence du PMU notifiait à l’intéressé un « retrait d’agrément » par le ministre de l’intérieur justifiant une fermeture définitive du poste d’enregistrement des paris; qu’en exécution d’une ordonnance de référé administratif, M. X obtenait le 7 octobre 2005 communication de l’avis défavorable du ministre de l’intérieur en date du 17 mars 2005 ; qu’il obtenait la suspension de cet avis par ordonnance du 11 janvier 2006 du juge des référé du tribunal administratif de Montpellier, puis son annulation par jugement du 12 juin 2007 du tribunal administratif de Nîmes devenu définitif ; que ce jugement enjoignait également au ministre de l’intérieur de procéder à un nouvel examen de la candidature de M. X dans le délai de deux mois à compter de sa notification ; qu’en l’absence de réaction de l’administration, le requérant a été dans l’obligation le 4 février 2008 de saisir le président du Tribunal d’une demande d’exécution dudit jugement qui aboutissait le 16 septembre suivant à la communication par le ministre de l’intérieur d’un avis favorable à la demande de M. X en date du 3 mars 2006 ; que le requérant présentait le 30 décembre 2008 devant le tribunal administratif de Nîmes une demande de provision sur l’indemnisation du préjudice qu’il estimait avoir subi du chef de l’illégalité fautive de l’avis défavorable du 17 mars 2005 ; que, par ordonnance du 5 février 2009, le juge des référés lui accordait une provision d’un montant de 35 148 euros ; qu’en l’absence de réponse à sa réclamation préalable adressée au ministre de l’intérieur le 27 avril 2009, pour un montant total de 214 312 euros, M. X saisissait à nouveau le tribunal administratif de Nîmes qui, par le jugement attaqué du 16 juin 2011, condamnait l’Etat à lui verser la somme de 40 150 euros sous déduction de la somme de 35 148 euros déjà versée à titre de provision, avec intérêts au taux légal sur la somme restant à verser à compter du 27 avril 2009 ; que, par la présente requête, M. X sollicite la réformation de ce jugement, et la condamnation de l’Etat à lui verser la somme totale de 304 312 euros en réparation des préjudices financier et moral qu’il estime avoir subis ;

3. Considérant que le responsabilité de l’Etat est engagée à l’égard de M. X du chef de l’illégalité fautive de l’avis défavorable à l’exploitation par l’intéressé d’un point d’enregistrement des paris du PMU du 17 mars 2005 du ministre de l’intérieur, entaché de défaut de motivation et d’erreur manifeste d’appréciation ; que la date de début de la période de responsabilité de l’Etat doit ainsi être fixée au 22 mars 2005, date à laquelle la notification du sens dudit avis par le directeur d’agence du PMU à M. X a entraîné la résiliation immédiate du contrat d’exploitation du point d’enregistrement ; que la fin de cette période de responsabilité de l’Etat doit être fixée quant à elle au 6 mai 2006, deux mois après la date à laquelle le ministre de l’intérieur a émis un avis favorable à la demande d’exploitation d’un poste d’enregistrement de paris par le requérant, cette période de deux mois correspondant au délai de notification dudit avis aux services du PMU et au temps nécessaire auxdits service pour en assurer la mise en oeuvre ; que, postérieurement à cette date, l’Etat ne saurait être tenu pour responsable de l’absence d’attribution de point d’enregistrement à l’intéressé par le PMU ; que, de surcroît, la circonstance, pour éminemment regrettable qu’elle soit, que cet avis favorable du 6 mars 2006 n’a été porté à la connaissance de M. X que le 5 juin 2008 est par elle-même sans incidence sur l’existence de son préjudice tiré de l’impossibilité, du fait de l’Etat, de poursuivre l’exploitation du point d’enregistrement des paris à compter du 22 mars 2005 et jusqu’au 6 mai 2006 ;

4. Considérant que, pour évaluer l’importance du préjudice financier subi par M. X, il y a lieu de prendre en compte la moyenne annuelle des revenus tirés de l’exploitation du point d’enregistrement des paris par son prédécesseur de 2002 à 2004, soit une base annuelle de calcul de 40 578 euros ; que la circonstance que le chiffre d’affaires de l’établissement du requérant a augmenté de 32,06 % de 2005 à 2007 n’est pas de nature par elle-même à démontrer de manière certaine que les résultats de l’exploitation du point d’enregistrement des paris du PMU auraient connu une croissance identique ; que, par suite, il sera fait une exacte appréciation du préjudice financier subi par le requérant du 22 mars 2005 au 6 mai 2006 en l’évaluant à 45 640 euros ;

5. Considérant que M. X n’apporte pas en appel d’élément nouveau permettant d’estimer que le tribunal administratif de Nîmes n’aurait pas procédé à une juste évaluation de son préjudice moral en le fixant à 1 500 euros ; que, par suite, il n’y a pas lieu d’en modifier le montant ;

6. Considérant qu’il résulte de ce qui précède que le préjudice total subi par M. X du chef de l’illégalité de l’avis du ministre de l’intérieur en date du 17 mars 2005 s’élève à 47 140 euros ; que, par suite, le requérant est fondé à soutenir que c’est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Nîmes a condamné l’Etat à ne lui verser qu’une somme de 40 150 euros ;

Sur l’application des dispositions de l’article L. 761-1 du code de justice administrative :

7. Considérant qu’il y a lieu, dans les circonstances de l’espèce, de faire application des dispositions de l’article L. 761-1 du code de justice administrative et de mettre à la charge de l’Etat le versement de la somme de 2 000 euros au titre des frais exposés par M. X et non compris dans les dépens ;

DÉCIDE :

Article 1er : La somme de 40 150 (quarante mille cent cinquante) euros que l’Etat a été condamné à verser à M. X par le jugement du 16 juin 2011 du tribunal administratif de Nîmes est portée à 47 140 (quarante-sept mille cent quarante) euros, sous déduction de la somme de 35 148 (trente-cinq mille cent quarante-huit) euros déjà versée à titre de provision en exécution de l’ordonnance du 5 février 2009 du juge des référés du tribunal administratif de Nîmes. La somme restant ainsi à verser portera intérêts au taux légal à compter du 27 avril 2009.

Article 2 : Le jugement du 16 juin 2011 du tribunal administratif de Nîmes est réformé en ce qu’il a de contraire au présent arrêt.

Article 3 : L’Etat versera à M. X une somme de 2 000 (deux mille) euros au titre de l’article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 4 : Le surplus des conclusions de la requête est rejeté.

Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à M. Z X et au ministre de l’intérieur.

Délibéré après l’audience du 24 janvier 2013, où siégeaient :

— M. Férulla, président de chambre,

— M. Pocheron, président-assesseur,

— Mme Marzoug, premier conseiller

Lu en audience publique, le 14 février 2013.

Le rapporteur, Le président,

M. POCHERON G. FERULLA

Le greffier,

P. RANVIER

La République mande et ordonne au ministre de l’intérieur en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies

de droit commun contre les parties privées de pourvoir à l’exécution de la présente décision.

Pour expédition conforme,

Le greffier

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