Cour administrative d'appel de Marseille, 8e chambre, 30 septembre 2020, n° 19MA02147 - 19MA02148

  • Associations·
  • Environnement·
  • Département·
  • Justice administrative·
  • Tribunaux administratifs·
  • Expropriation·
  • Collectivités territoriales·
  • Transport·
  • Sauvegarde·
  • Défense

Chronologie de l’affaire

Commentaire0

Augmentez la visibilité de votre blog juridique : vos commentaires d’arrêts peuvent très simplement apparaitre sur toutes les décisions concernées. 

Sur la décision

Référence :
CAA Marseille, 8e ch., 30 sept. 2020, n° 19MA02147 - 19MA02148
Juridiction : Cour administrative d'appel de Marseille
Numéro : 19MA02147 - 19MA02148
Décision précédente : Tribunal administratif de Marseille, 13 mars 2019, N° 1603602, 1603627, 1605134
Dispositif : Rejet

Sur les parties

Texte intégral

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme J et autres, l’association pour la sauvegarde et l’animation du poumon vert de Saint-Mitre et l’association de défense des riverains de la LINEA et autres ont demandé au tribunal administratif de Marseille d’annuler l’arrêté du 25 février 2016 par lequel le préfet des Bouches-du-Rhône a déclaré d’utilité publique, au bénéfice du département des Bouches-du-Rhône, la réalisation du boulevard de Liaison du Nord-Est de l’Agglomération marseillaise (LINEA) et a mis en compatibilité les documents d’urbanisme des communes de Marseille, Plan-de-Cuques et Allauch.

Par un jugement n°s 1603602, 1603627, 1605134 du 14 mars 2019, le tribunal administratif de Marseille a annulé cet arrêté.

Procédure devant la Cour :

I. Par un recours et un mémoire, enregistrés sous le n° 19MA02147 le 14 mai 2019 et le 26 août 2020, la ministre de la cohésion des territoires et des relations avec les collectivités territoriales demande à la Cour :

1°) d’annuler ce jugement du tribunal administratif de Marseille du 14 mars 2019 ;

2°) de rejeter les demandes de Mme J et autres, de l’association pour la sauvegarde et l’animation du poumon vert de Saint-Mitre et de l’association de défense des riverains de la LINEA et autres devant le tribunal administratif de Marseille.

Elle soutient que :

— le jugement attaqué est insuffisamment motivé ;

— le contrôle de la finalité d’intérêt général du projet, qui repose seulement sur les buts poursuivis et l’existence d’un besoin, ne saurait se confondre avec celui de l’utilité´ publique, qui résulte du bilan coût- avantages ;

— le projet, qui est inscrit au SCOT métropolitain, permettra d’améliorer l’écoulement du trafic routier ;

— le projet, qui répond à une finalité d’intérêt général, présente un caractère d’utilité publique.

Par des mémoires en défense, enregistrés le 10 juin 2020 et le 1er septembre 2020, l’association pour la sauvegarde et l’animation du poumon vert de Saint-Mitre, l’association de défense des riverains de la LINEA, l’association France Nature Environnement Bouches-du-Rhône, M. et Mme AB, M. D et M. E, représentés par Me Victoria, concluent au rejet du recours et à ce qu’une somme de 5 000 euros soit mise à la charge de l’Etat et du département des Bouches-du-Rhône au titre de l’article L. 761-1 du code de justice administrative.

Ils soutiennent que :

— le recours est irrecevable en ce qu’il a été signé par une personne n’ayant pas qualité pour représenter la ministre ;

— les moyens soulevés par la ministre de la cohésion des territoires et des relations avec les collectivités territoriales ne sont pas fondés ;

— le dossier soumis à l’enquête d’utilité publique est insuffisant au regard des exigences fixées à l’article R. 112-4 du code de l’expropriation pour cause d’utilité publique ;

— l’étude d’impact est insuffisante au regard des dispositions de l’article R. 122-5 du code de l’environnement ;

— l’évaluation des incidences du projet prévue aux articles L. 414-4 et R. 414-19 du code de l’environnement est insuffisante ;

— l’étude socio-économique établie au titre de l’article L. 1511-2 du code des transports ne répond pas aux exigences fixées par ce texte ;

— la procédure de mise en compatibilité des plans locaux d’urbanisme des communes concernées avec le projet est viciée par l’absence d’évaluation environnementale et d’avis des conseils municipaux ainsi que de participation des personnes publiques associées ;

— cette mise en compatibilité n’a pas porté sur les rapports de présentation des PLU en cause ;

— l’autorité environnementale qui a émis un avis sur le projet ne disposait pas d’une autonomie réelle à l’égard du préfet qui a pris la décision attaquée ;

— l’enquête publique s’est déroulée dans des conditions irrégulières ;

— la déclaration d’utilité publique méconnaît le principe de prévention mentionné à l’article L. 110-1 du code de l’environnement ainsi que les dispositions combinées des articles L. 122-2 du code de l’expropriation pour cause d’utilité publique et L. 122-1 et R. 122-14 du code de l’environnement ;

— compte tenu du risque d’inondation résultant du projet, l’arrêté contesté méconnaît le principe de précaution et porte une atteinte excessive aux intérêts protégés par l’article L. 211-1 du code de l’environnement ;

— le projet demeure incompatible avec l’article 5 des dispositions générales du PLU d’Allauch ;

— le projet ne peut être déclaré d’utilité publique eu égard à ses inconvénients excessifs que ne compense pas son intérêt limité.

Une mise en demeure a été adressée le 20 février 2020 à Mme Y J, à M. V J, à Mme AA M, à M. AC AD, à M. B AD, à M. R C, à M. W C, à M. K G, à Mme N G, à M. Z G, à Mme T Q et à Mme L P.

II. Par une requête et des mémoires, enregistrés sous le n° 19MA02148, le 14 mai 2019, le 9 janvier 2020 et le 5 août 2020, le département des Bouches-du-Rhône, représenté par Me Cuzzi, demande à la Cour :

1°) d’annuler ce jugement du tribunal administratif de Marseille du 14 mars 2019 ;

2°) de rejeter les demandes de Mme J et autres, l’association pour la sauvegarde et l’animation du poumon vert de Saint-Mitre et l’association de défense des riverains de la LINEA et autres devant le tribunal administratif de Marseille ;

3°) de mettre solidairement à la charge des intimés une somme de 5 000 euros au titre de l’article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

— le jugement attaqué est irrégulier en ce que le défenseur du département n’a pas été mis en mesure de présenter des observations à l’audience ;

— le tribunal administratif s’est prononcé en opportunité et non pas sur la légalité de l’arrêté contesté ;

— il n’est pas établi que la minute du jugement comporte l’ensemble des signatures requises à l’article R. 741-7 du code de justice administrative ;

— le projet litigieux créera une offre de transport plurimodale qui n’existe pas actuellement ;

— c’est parce que le département ne détient pas de compétence en matière de transports urbains que le projet n’a pas prévu la création de parkings relais ;

— le projet, qui est inscrit au SCOT métropolitain, permettra d’améliorer l’écoulement du trafic routier ;

— le projet, qui répond à une finalité d’intérêt général, présente un caractère d’utilité publique.

Par des mémoires en défense, enregistrés le 9 juin 2020 et le 20 août 2020, l’association pour la sauvegarde et l’animation du poumon vert de Saint-Mitre, l’association de défense des riverains de la LINEA, l’association France Nature Environnement Bouches-du-Rhône, M. et Mme AB, M. D et M. E, représentés par Me Victoria, concluent au rejet de la requête et à ce qu’une somme de 5 000 euros soit mise à la charge de l’Etat et du département des Bouches-du-Rhône au titre de l’article L. 761-1 du code de justice administrative.

Ils soutiennent que :

— la requête est irrecevable en ce que la qualité de la présidente du conseil départemental des Bouches-du-Rhône pour relever appel du jugement au nom du département n’est pas établie ;

— les moyens soulevés par la ministre de la cohésion des territoires et des relations avec les collectivités territoriales ne sont pas fondés ;

— le dossier soumis à l’enquête d’utilité publique est insuffisant au regard des exigences fixées à l’article R. 112-4 du code de l’expropriation pour cause d’utilité publique ;

— l’étude d’impact est insuffisante au regard des dispositions de l’article R. 122-5 du code de l’environnement ;

— l’évaluation des incidences du projet prévue aux articles L. 414-4 et R. 414-19 du code de l’environnement est insuffisante ;

— l’étude socio-économique établie au titre de l’article L. 1511-2 du code des transports ne répond pas aux exigences fixées par ce texte ;

— la procédure de mise en compatibilité des plans locaux d’urbanisme des communes concernées avec le projet est viciée par l’absence d’évaluation environnementale et d’avis des conseils municipaux ainsi que de participation des personnes publiques associées ;

— cette mise en compatibilité n’a pas porté sur les rapports de présentation des PLU en cause ;

— l’autorité environnementale qui a émis un avis sur le projet ne disposait pas d’une autonomie réelle à l’égard du préfet qui a pris la décision attaquée ;

— l’enquête publique s’est déroulée dans des conditions irrégulières ;

— la déclaration d’utilité publique méconnaît le principe de prévention mentionné à l’article L. 110-1 du code de l’environnement ainsi que les dispositions combinées des articles L. 122-2 du code de l’expropriation pour cause d’utilité publique et L. 122-1 et R. 122-14 du code de l’environnement ;

— compte tenu du risque d’inondation résultant du projet, l’arrêté contesté méconnaît le principe de précaution et porte une atteinte excessive aux intérêts protégés par l’article L. 211-1 du code de l’environnement ;

— le projet demeure incompatible avec l’article 5 des dispositions générales du PLU d’Allauch ;

— le projet ne peut être déclaré d’utilité publique eu égard à ses inconvénients excessifs que ne compense pas son intérêt limité.

Une mise en demeure a été adressée le 20 février 2020 à Mme Y J, à M. V J, à Mme AA M, à M. AC AD, à M. B AD, à M. R C, à M. W C, à M. K G, à Mme N G, à M. Z G, à Mme T Q et à Mme L P.

Par ordonnance du 1er septembre 2020, la clôture de l’instruction a été fixée au 1er septembre 2020.

Vu les autres pièces des dossiers.

Vu :

— le code de l’environnement ;

— le code de l’expropriation pour cause d’utilité publique ;

— le code général des collectivités territoriales ;

— le code rural et de la pêche maritime ;

— le code de l’urbanisme ;

— le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l’audience.

Ont été entendus au cours de l’audience publique :

— le rapport de M. d’Izarn de Villefort,

— les conclusions de M. Angéniol, rapporteur public,

— et les observations de Me Delille, substituant Me Cuzzi, représentant le département des Bouches-du-Rhône, et de Me Victoria, représentant l’association pour la sauvegarde et l’animation du poumon vert de Saint-Mitre, l’association de défense des riverains de la LINEA, l’association France Nature Environnement Bouches-du-Rhône, M. et Mme AB, M. D et M. E.

Considérant ce qui suit :

1. Le recours de la ministre de la cohésion des territoires et des relations avec les collectivités territoriales, régulièrement signé par M. O A, chargé de mission auprès du chef de service du conseil juridique et du contentieux au ministère, et la requête du département des Bouches-du-Rhône sont dirigés contre le même jugement. Il y a lieu de les joindre pour statuer par un seul arrêt.

Sur l’intervention de l’association France Nature Environnement Bouches-du-Rhône :

2. L’association France Nature Environnement Bouches-du-Rhône, qui doit être regardée comme étant intervenue en appel et non comme défenderesse, a intérêt au maintien du jugement attaqué. Ainsi, son intervention est recevable.

Sur la régularité du jugement :

3. En premier lieu, aux termes de l’article R. 731-1 du code de justice administrative : « Les personnes qui assistent à l’audience doivent observer une attitude digne et garder le respect dû à la justice. Il leur est interdit de parler sans y avoir été invitées, de donner des signes d’approbation ou de désapprobation, ou de causer quelque désordre que ce soit. / Le président de la formation de jugement peut faire expulser toute personne qui n’obtempère pas à ses injonctions, sans préjudice des poursuites pénales ou disciplinaires qui pourraient être exercées contre elle. ». Aux termes de l’article R. 731-3 du même code : « A l’issue de l’audience, toute partie à l’instance peut adresser au président de la formation de jugement une note en délibéré. ». L’article R. 732-1 de ce code dispose : « Après le rapport qui est fait sur chaque affaire par un membre de la formation de jugement ou par le magistrat mentionné à l’article R. 222-13, le rapporteur public prononce ses conclusions lorsque le présent code l’impose. Les parties peuvent ensuite présenter, soit en personne, soit par un avocat au Conseil d’Etat et à la Cour de cassation, soit par un avocat, des observations orales à l’appui de leurs conclusions écrites. / Lorsque le rapporteur public ne prononce pas de conclusions, notamment en application de l’article R. 732-1-1, le président donne la parole aux parties après le rapport. () ».

4. Il résulte des dispositions de l’article R. 732-1 du code de justice administrative que les parties présentes ou représentées à l’audience doivent être mises à même de présenter des observations orales à l’appui de leurs conclusions écrites. Il ressort des mentions du jugement attaqué que l’avocat du département des Bouches-du-Rhône a présenté de telles observations au cours de l’audience tenue par le tribunal administratif. Si le département des Bouches-du-Rhône soutient que, conspué par les personnes présentes à l’audience, son avocat n’a pu en réalité s’exprimer convenablement et que la présidente de la formation de jugement a refusé de rétablir l’ordre ou de suspendre la séance, aucun élément ne vient corroborer cette affirmation. Le département s’est abstenu de présenter une note en délibéré en application de l’article R. 731-3 du même code, par laquelle il aurait pu faire état de ces faits et développer les observations qu’il n’aurait pu exposer à l’audience. La note en délibéré présentée par l’association France Nature Environnement Bouches-du-Rhône relève à l’inverse « l’excellente tenue des débats » lors de l’audience. Dans ces conditions, l’irrégularité invoquée par le département des Bouches-du-Rhône ne peut être tenue pour établie.

5. En deuxième lieu, il appartient au juge, lorsqu’il doit se prononcer sur le caractère d’utilité publique d’une opération nécessitant l’expropriation d’immeubles ou de droits réels immobiliers, de contrôler successivement qu’elle répond à une finalité d’intérêt général, que l’expropriant n’était pas en mesure de réaliser l’opération dans des conditions équivalentes sans recourir à l’expropriation, notamment en utilisant des biens se trouvant dans son patrimoine et, enfin, que les atteintes à la propriété privée, le coût financier et, le cas échéant, les inconvénients d’ordre social ou économique que comporte l’opération ne sont pas excessifs eu égard à l’intérêt qu’elle présente.

6. D’une part, pour annuler l’arrêté du préfet des Bouches-du-Rhône du 25 février 2016 en litige, le tribunal administratif de Marseille a considéré que le projet LINEA était dénué d’utilité publique dans la mesure où, tel qu’il était défini, il ne permettait pas d’atteindre les finalités d’intérêt général expressément invoquées pour sa réalisation. Il a estimé, en particulier, que les caractéristiques du projet LINEA ne permettaient pas de favoriser l’usage des transports en commun au détriment de la voiture individuelle, l’usage de la voiture individuelle demeurant excessif en l’état du projet, contrairement aux objectifs poursuivis. Compte tenu de ce motif d’annulation, les premiers juges n’ont entaché le jugement attaqué d’aucune insuffisance de motivation en s’abstenant de préciser si le recours a` l’expropriation était nécessaire ou d’exposer en quoi les inconvénients du projet excédaient ses avantages. En outre, ils ont estimé que la probabilité d’un report modal des riverains était à la fois limitée et incertaine dès lors que le projet prévoyait l’aménagement de voies de circulation destinées aux transports en commun mais également de voies pour les automobiles, que la construction de parkings relais de grande capacité n’était pas envisagée et qu’aucune concertation avec les autorités organisatrices de transport n’ayant eu lieu, l’organisation des connexions indispensables avec le reste du réseau de transport n’était pas démontrée. Le jugement attaqué est suffisamment motivé sur ce point. Si la ministre de la cohésion des territoires et des relations avec les collectivités territoriales fait valoir qu’il ne se prononce pas sur les besoins de stationnement, sur l’offre de stationnement existante, sur la circonstance que la LINEA croise les voies de bus radiales existantes, sur le fait que le projet est inscrit au plan de déplacements urbains et que la route litigieuse a vocation a` être prolongée, ni le préfet des Bouches-du-Rhône, ni le département des Bouches-du-Rhône n’avaient, en tout état de cause, opposé ces arguments pour écarter le moyen d’annulation retenu par le tribunal administratif. Par suite, la ministre n’est pas fondée à soutenir que le jugement serait irrégulier à raison d’une motivation insuffisante.

7. D’autre part, en portant une appréciation sur le caractère général des finalités du projet LINEA, le tribunal administratif n’a pas excédé son office et n’a donc entaché son jugement d’aucune irrégularité, contrairement à ce que soutient le département des Bouches-du-Rhône. La contestation du bien-fondé de cette appréciation relève de l’examen du litige par l’effet dévolutif de l’appel.

8. En troisième lieu, il ressort des pièces du dossier que le jugement attaqué a été signé par le président de la formation de jugement, le rapporteur et le greffier d’audience, conformément aux prescriptions de l’article R. 741-7 du code de justice administrative. Ainsi, l’irrégularité de ce jugement au regard de ces prescriptions n’est pas établie.

Sur la légalité de l’arrêté du préfet des Bouches-du-Rhône du 25 février 2016 :

9. Il ressort des pièces du dossier, notamment de la notice explicative jointe au dossier d’enquête et du document annexé à l’arrêté contesté, qui, en application de l’article L. 122-1 du code de l’expropriation pour cause d’utilité publique, expose les motifs et considérations justifiant l’utilité publique du projet, que le projet LINEA a pour objectifs d’encourager et de renforcer des modes alternatifs a` la voiture, spécialement les transports en commun et les modes doux, d’améliorer l’ossature viaire de l’organisation métropolitaine et de soutenir le développement de l’économie de la connaissance, de désengorger des axes actuellement saturés, notamment le boulevard Bara (RD44f), l’avenue du Vallon Vert (RD4b) et la rue Albert Einstein, d’améliorer le cadre de vie des coeurs villageois de Cha^teau-Gombert et d’Allauch grâce a` une diminution du trafic, d’offrir une infrastructure adaptée a` la mise en place d’un réseau de Transports en Commun en Site Propre (TCSP), répondant ainsi à un objectif prévu par le plan de déplacement urbain (PDU) de l’agglomération et permettant la desserte et le développement du pôle technologique de l’Etoile et de connecter les projets de densification de l’habitat et des emplois constitués, respectivement, par la ZAC de Cha^teau-Gombert et la ZAC des Hauts de Sainte-Marthe et par la technopole de Cha^teau-Gombert.

10. Le projet LINEA vise à la réalisation d’un boulevard urbain d’une longueur de 7 km de long, entre l’avenue de Merlan, à Marseille et l’avenue de Provence, à Allauch, desservant ainsi la ZAC et la technopole de Cha^teau-Gombert ainsi que la ZAC des Hauts de Sainte-Marthe. L’emprise, présentant une largeur de 31 m, permettra l’aménagement d’une voie dans chaque sens affectée à la circulation automobile, d’une voie dans chaque sens affectée aux transports en commun, et de part et d’autre, de pistes cyclables, de noues agrémentées de plantations paysagères et de trottoirs. Si les caractéristiques, et notamment la destination et l’itinéraire des lignes de transport urbains empruntant cette nouvelle voie située sur le territoire de la métropole Aix-Marseille-Provence créée le 1er janvier 2016, n’ont pas été définies par le projet, cette définition ne relevant d’ailleurs pas des compétences du département, il résulte de l’étude d’impact que le plan de déplacement urbain adopté le 28 juin 2013 a inscrit ce projet au nombre de ceux qui permettent une amélioration du maillage du réseau structurant et l’a inclus dans le schéma TCSP à l’horizon 2033 avec proposition de mise en place d’un Bus a` Haut Niveau de Service (BHNS) (p318). La nouvelle route croisera les voies radiales existantes sur lesquelles circulent déjà des autobus. Par ailleurs, l’étude de modélisation du trafic que contient l’étude d’impact considère que la mise en service de la voie de contournement dite L2 Est et Nord entraînerait une hausse du trafic au niveau des sections sud des principaux axes situés dans le secteur dans l’hypothèse où la LINEA ne serait pas construite alors que, dans le cas contraire, une baisse du trafic serait observée en 2020 sur la plupart de ces axes. Ainsi, l’opération projetée répond à une finalité d’intérêt général. Par suite, c’est à tort que le tribunal administratif s’est fondé sur le motif tiré de ce que le projet ne répondrait pas à une telle finalité pour annuler l’arrêté du préfet des Bouches-du-Rhône du 25 février 2016.

11. Toutefois, il appartient à la cour administrative d’appel, saisie de l’ensemble du litige par l’effet dévolutif de l’appel, d’examiner les autres moyens soulevés par Mme J et autres, l’association de défense des riverains de la LINEA et autres et l’association pour la sauvegarde et l’animation du poumon vert de Saint-Mitre devant le tribunal administratif.

12. Mme J et autres, l’association de défense des riverains de la LINEA et autres et l’association pour la sauvegarde et l’animation du poumon vert de Saint-Mitre ne soutiennent pas que le département des Bouches-du-Rhône serait en mesure de réaliser l’opération dans des conditions équivalentes sans recourir à l’expropriation.

13. En revanche, il ressort des pièces du dossier que le tracé du projet LINEA correspond à l’emplacement réservé dans les documents d’urbanisme locaux de Marseille, Plan-de-Cuques et Allauch qui avait été institué à l’origine pour permettre la construction, sous la maîtrise d’ouvrage de l’Etat, d’une voie de contournement autoroutière de l’agglomération marseillaise assurant la liaison entre les autoroutes A 7 et A 50, projet déclaré d’utilité publique en 1968. Ce projet initial ayant été abandonné au profit de la construction de la rocade dite L2, les parcelles déjà acquises par l’Etat ont été cédées en 1977 au département des Bouches-du-Rhône, l’emplacement réservé étant désormais prévu pour la création de la RD4d, d’une longueur totale de 16 km, comprenant, au nord, une section reliant le quartier des Aygalades à Marseille à l’avenue de Merlan, dénommée U4d, devant être aménagée par la communauté urbaine Marseille Provence Méditerranée, aux droits de laquelle est venue la métropole Aix-Marseille-Provence, une section centrale constituée par la LINEA et, à l’est, une section reliant Allauch au quartier de Saint-Menet à Marseille.

14. En premier lieu, le prolongement de la LINEA à ses deux extrémités n’a, pour autant, pas fait l’objet d’études définitives ou de décisions à la date de la déclaration d’utilité publique. En deuxième lieu, si la vocation de la LINEA est d’offrir un nouvel itinéraire urbain pour relier les différents quartiers qu’elle dessert et que, à ce titre, la vitesse sera limitée à 50 km/h, l’étude de modélisation du trafic effectuée estime à 2 ou 3 mn seulement le gain de temps dont bénéficieront les automobilistes empruntant les principaux axes radiaux traversant la zone concernée. En troisième lieu, à défaut d’études sérieuses et préalables des besoins de la population, le dossier ne permet pas d’estimer dans quelle mesure la création, sur une infrastructure routière transversale, coupée de nombreux carrefours et limitée à 50 km/h, d’une voie réservée aux transports en commun inciterait le public à emprunter ceux-ci dès lors que les effets de cet aménagement sur les flux de voyageurs empruntant les lignes circulant sur les axes radiaux n’ont eux-mêmes pas été étudiés et qu’aucun élément ne démontre que la prolongation de la ligne de métro n°1 jusqu’à la technopole de Cha^teau-Gombert desservie par la LINEA serait acquise, même si la connexion avec le BHNS n° 2 au niveau des carrefours Pe`bre d’Ai¨ et Albert Einstein est pour sa part assurée. Pour le même motif, il n’est pas établi que l’aménagement de pistes cyclables dans les deux sens, comportant au surplus des pentes accentuées et des passages par des tunnels, serait de nature à inciter à l’utilisation du vélo comme mode alternatif de transport. Dans ces conditions, alors même que le projet déclaré d’utilité publique par l’arrêté contesté répond, ainsi qu’il a été constaté au point 9, à une finalité d’intérêt général, l’intérêt qu’il présente apparaît, dans les circonstances de l’espèce, comme limité.

15. Par ailleurs, le dossier soumis à l’enquête indique que le coût global du projet s’élève à 176 000 000 euros hors taxe, soit 25 142 857 euros au km. L’appréciation sommaire des dépenses évalue à 21 000 000 euros les frais de direction et d’études, à 47 000 000 euros les travaux d’ouvrages d’art, à 89 000 000 euros les travaux routiers et à 19 000 000 euros les acquisitions foncières. En outre, la réalisation de l’opération nécessite l’expropriation de 53 propriétaires. L’étude d’impact précise que l’habitat existant dans la zone concernée est essentiellement compose´ d’habitat de type individuel, pavillonnaire et de lotissements, que l’ambiance sonore actuelle y reste modérée, a` l’exception des sites situés a` proximité´ immédiate des infrastructures fortement circulées telles que l’avenue de Provence (D44G) et l’avenue de la Libe´ration (D908) et que le projet va induire localement une dégradation de l’ambiance sonore. Cette étude relève néanmoins que, afin d’assurer l’insertion du projet dans l’environnement, aucun dispositif de nature à limiter les nuisances sonores ne doit être installé le long de la route mais que des protections acoustiques devront être posées sur les 37 bâtiments, dont 12 logements collectifs, au niveau desquels les niveaux sonores maximaux règlementaires seraient dépassés. Par suite, eu égard au surplus, au délai écoulé entre la création, en 1977, de l’emplacement réservé sur les documents d’urbanisme locaux et la déclaration d’utilité publique en litige, les inconvénients du projet l’emportent sur ses avantages dans des conditions de nature à lui faire perdre son caractère d’utilité publique.

16. Il résulte de ce qui précède que, sans qu’il soit besoin de statuer sur les fins de non-recevoir opposées par l’association pour la sauvegarde et l’animation du poumon vert de Saint-Mitre, l’association de défense des riverains de la LINEA, l’association France Nature Environnement Bouches-du-Rhône, M. et Mme AB, M. D et M. E, les deux appelants à savoir la ministre de la cohésion des territoires et des relations avec les collectivités territoriales et le département des Bouches-du-Rhône ne sont pas fondés à se plaindre de ce que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Marseille a annulé l’arrêté du préfet des Bouches-du-Rhône du 25 février 2016.

Sur les frais liés au litige :

17. Les dispositions de l’article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de Mme J et autres, de l’association pour la sauvegarde et l’animation du poumon vert de Saint-Mitre et de l’association de défense des riverains de la LINEA et autres, qui ne sont pas, dans la présente instance, les parties perdantes, la somme que le département des Bouches-du-Rhône demande au titre des frais exposés par lui et non compris dans les dépens. Dans les circonstances de l’espèce, il y a lieu de mettre à la charge de l’Etat et du département des Bouches-du-Rhône chacun une somme globale de 1 000 euros au titre des frais exposés par l’association pour la sauvegarde et l’animation du poumon vert de Saint-Mitre, l’association de défense des riverains de la LINEA, M. et Mme AB, M. D et M. E et non compris dans les dépens.

18. En revanche, l’association France Nature Environnement Bouches-du-Rhône, intervenante en défense n’étant pas partie à la présente instance, les dispositions de l’article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de l’Etat et du département des Bouches-du-Rhône une somme quelconque à ce titre.

D É C I D E :

Article 1er : L’intervention de l’association France Nature Environnement Bouches-du-Rhône est admise.

Article 2 : Le recours de la ministre de la cohésion des territoires et des relations avec les collectivités territoriales et la requête du département des Bouches-du-Rhône sont rejetés.

Article 3 : L’Etat et le département des Bouches-du-Rhône verseront chacun une somme globale de 1 000 euros à l’association pour la sauvegarde et l’animation du poumon vert de Saint-Mitre, à l’association de défense des riverains de la LINEA, à M. et Mme AB, à M. D et à M. E au titre de l’article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 4 : Les conclusions du département des Bouches-du-Rhône et de l’association France Nature Environnement Bouches-du-Rhône tendant à l’application des dispositions de l’article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 5 : Le présent arrêt sera notifié a` Mme Y J, à M. V J, à Mme AA M, à M. AC AD, à M. B AD, à M. R C, à M. W C, à M. K G, à Mme N G, à M. Z G, à Mme T Q, à Mme L P, à M. AE AB, à Mme H AB, à M. S E, à M. I D, à l’association pour la sauvegarde et l’animation du poumon vert de Saint-Mitre ", à l’association de défense des riverains de la LINEA (ADRL), à l’association France Nature Environnement Bouches-du-Rhône, à la ministre de la cohésion des territoires et des relations avec les collectivités territoriales et au département des Bouches-du-Rhône.

Copie en sera adressée au préfet des Bouches-du-Rhône.

Délibéré après l’audience du 8 septembre 2020, où siégeaient :

— M. Badie, président,

— M. d’Izarn de Villefort, président assesseur,

— M. Ury, premier conseiller.

Lu en audience publique, le 30 septembre 2020.

N° 19MA02147, 19MA02148

Chercher les extraits similaires
highlight
Chercher les extraits similaires
Extraits les plus copiés
Chercher les extraits similaires
Inscrivez-vous gratuitement pour imprimer votre décision
Cour administrative d'appel de Marseille, 8e chambre, 30 septembre 2020, n° 19MA02147 - 19MA02148