CAA de MARSEILLE, 3ème chambre, 30 décembre 2021, 19MA04336, Inédit au recueil Lebon

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Chronologie de l’affaire

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Deloitte Société d'Avocats · 7 novembre 2022

Cet article a été publié dans les Éditions JFA Juristes …

 
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Sur la décision

Référence :
CAA Marseille, 3e ch., 30 déc. 2021, n° 19MA04336
Juridiction : Cour administrative d'appel de Marseille
Numéro : 19MA04336
Importance : Inédit au recueil Lebon
Type de recours : Plein contentieux
Décision précédente : Tribunal administratif de Marseille, 20 juin 2019
Identifiant Légifrance : CETATEXT000044826623

Sur les parties

Texte intégral

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La société par action simplifiée (SAS) Microchip Technology Rousset a demandé au tribunal administratif de Marseille, par trois requêtes distinctes, de prononcer la décharge des cotisations supplémentaires d’impôt sur les sociétés et de la contribution sociale sur l’impôt sur les sociétés auxquelles elle a été assujettie au titre des exercices 2010 et 2011, de la retenue à la source à laquelle elle a été assujettie au titre des années 2010 et 2011, ainsi que des pénalités correspondantes et des cotisations sur la valeur ajoutée des entreprises et de la taxe additionnelle auxquelles elle a été assujettie au titre des années 2010 et 2011, et des intérêts de retard.

Par un jugement commun n° 1708101, 1708105, 1708395 du 21 juin 2019, le tribunal administratif de Marseille a prononcé la décharge demandée et a mis à la charge de l’Etat la somme de 1 500 euros au titre de l’article L. 761-1 du code de justice administrative.

Procédure devant la Cour :

Par un recours et un mémoire, enregistrés le 9 septembre 2019 et le 2 juillet 2020, le ministre de l’économie, des finances et de la relance demande à la Cour :

1°) d’annuler ce jugement du 21 juin 2019 du tribunal administratif de Marseille ;

2°) de remettre à la charge de la SAS Microchip Technology Rousset les impositions dont elle a été déchargée par le tribunal administratif.

Il soutient que :

— concernant la cession des titres de la SAS Fabco, la cession de l’activité de production résulte d’une décision de la société mère du groupe Atmel dans le cadre d’une réorganisation de ses activités de production et ne répond qu’au seul intérêt du groupe afin d’améliorer ses marges et non à celui de la SAS Atmel Rousset, devenue la SAS Microchip Technology Rousset ;

 – l’absence de facturation à la société mère des coûts liés à la cession de l’unité de fabrication constitue une renonciation anormale à recette constitutive d’un transfert de bénéfices au sens de l’article 57 du code général des impôts au profit de la société Atmel Corporation ;

 – la cession de l’unité de fabrication Fabco s’inscrit dans le cadre d’une réorganisation d’entreprise décidée par la société mère du groupe Atmel en méconnaissance du principe de pleine concurrence recommandée par l’OCDE qui doit s’apprécier au niveau de chaque entité d’un groupe impactée par la réorganisation de l’entreprise ;

 – la société intimée n’avait pas d’intérêt propre à prendre en charge les coûts du plan social de la SAS Fabco qui auraient dû être supportés par la société mère ;

 – la SAS Microchip Technology Rousset a supporté seule le surcoût lié aux achats de wafers à un prix supérieur au marché fixé par le contrat « Manufacturing Services Agreement » conclu avec le repreneur allemand et n’en a retiré aucune contrepartie ; elle a ainsi transféré une partie de ses bénéfices à des sociétés étrangères ;

 – ce montage a généré des revenus distribués à des sociétés étrangères devant être imposés au titre de la retenue à la source en application du 2° de de l’article 119 bis du code général des impôts ;

 – le surcoût supporté par la SAS Microchip Technology Rousset en application du contrat « Wafer Purchase Agreement » conclu entre la société mère du groupe Atmel et la société Inside Contactless, auquel elle n’était pas partie et dont elle ne tire aucun bénéfice, est constitutif d’un acte anormal de gestion ;

 – le montage résultant de ces contrats a généré des revenus distribués à des sociétés étrangères qui devaient être imposés au titre de la cotisation sur la valeur ajoutée des entreprises au titre des années 2010 et 2011.

Par des mémoires en défense, enregistrés le 24 décembre 2019 et le 31 juillet 2020, la SAS Microchip Technology Rousset, représentée par Me Le Bon, conclut au rejet du recours et demande à la Cour de mettre à la charge de l’Etat la somme de 10 000 euros en application de l’article L. 761-1 du code de justice administrative et les entiers dépens en application des dispositions de l’article R. 761-1 du code de justice administrative.

Elle fait valoir que les moyens du recours ne sont pas fondés.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

 – le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

 – le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l’audience.

Ont été entendus, au cours de l’audience publique :

 – le rapport de Mme Carotenuto,

 – les conclusions de Mme Courbon, rapporteure publique,

 – et les observations de Me Le Bon, substituant Me Goupille, représentant la SAS Microchip Technology Rousset.

Considérant ce qui suit :

1. La SAS Atmel Rousset, devenue la SAS Microchip Technology Rousset, est une filiale française du groupe international Atmel, lequel conçoit, fabrique, développe, et vend une vaste gamme de circuits intégrés semi-conducteurs. Elle a fait l’objet d’une vérification de comptabilité portant sur la période du 1er janvier 2010 au 31 décembre 2011. A l’issue de cette vérification, l’administration a mis à la charge de la société des impositions supplémentaires d’impôt sur les sociétés et de la contribution sociale sur l’impôt sur les sociétés aux titres des exercices clos en 2010 et 2011. Ces rectifications ayant également une incidence sur la valeur ajoutée produite par l’entreprise, l’administration a mis à sa charge des rehaussements en matière de cotisation sur la valeur ajoutée des entreprises et de taxe additionnelle au titre des années 2010 et 2011. Enfin, l’administration a également assujetti la SAS Atmel Rousset à la retenue à la source au titre des mêmes années à raison de revenus réputés distribués au profit d’une des sociétés du groupe Atmel. La commission nationale des impôts directs, saisie par la société, a examiné le désaccord avec l’administration fiscale concernant la détermination des bases de l’impôt sur les sociétés dû au titre des exercices en litige et a rendu, le 10 novembre 2016, un avis défavorable au service, non suivi par l’administration fiscale. La SAS Microchip Technology Rousset a saisi le tribunal administratif de Marseille d’une demande tendant à la décharge, en droits et pénalités, des impositions auxquelles elle a ainsi été assujettie au titre des années 2010 et 2011. L’administration a invoqué comme nouvelle base légale permettant de fonder les cotisations supplémentaires d’impôt sur les sociétés et la contribution sociale sur l’impôt sur les sociétés, résultant de la réintégration de la moins-value issue de la cession des titres de la SAS Fabco et de la prise en charge du plan social de la SAS Fabco, les dispositions de l’article 57 du code général des impôts, au lieu des dispositions du 1 de l’article 38 et du 1 de l’article 39 du même code. Par un jugement du 21 juin 2019, le tribunal administratif a accueilli la demande de substitution de base légale et a fait droit à la demande de décharge de la société. Le ministre de l’économie, des finances et de la relance relève appel de ce jugement.

I. Sur le bien-fondé des impositions :

En ce qui concerne l’impôt sur les sociétés :

S’agissant du transfert indirect de bénéfices :

2. Aux termes de l’article 57 du code général des impôts, dans sa rédaction applicable aux impositions en litige : « Pour l’établissement de l’impôt sur le revenu dû par les entreprises qui sont sous la dépendance ou qui possèdent le contrôle d’entreprises situées hors de France, les bénéfices indirectement transférés à ces dernières, soit par voie de majoration ou de diminution des prix d’achat ou de vente, soit par tout autre moyen, sont incorporés aux résultats accusés par les comptabilités. Il est procédé de même à l’égard des entreprises qui sont sous la dépendance d’une entreprise ou d’un groupe possédant également le contrôle d’entreprises situées hors de France. / La condition de dépendance ou de contrôle n’est pas exigée lorsque le transfert s’effectue avec des entreprises établies dans un Etat étranger ou dans un territoire situé hors de France dont le régime fiscal est privilégié au sens du deuxième alinéa de l’article 238 A. (…) ». Ces dispositions instituent, dès lors que l’administration établit l’existence d’un lien de dépendance et d’une pratique entrant dans leurs prévisions, une présomption de transfert indirect de bénéfices qui ne peut utilement être combattue par l’entreprise imposable en France que si celle-ci apporte la preuve que les avantages qu’elle a consentis ont été justifiés par l’obtention de contreparties. Constitue une telle pratique la prise en charge par une entreprise établie en France de dépenses incombant à sa société mère établie hors de France. Les transferts de bénéfices à l’étranger visés à l’article 57 du code général des impôts, réputés distribués en application des articles 109 à 111 du même code, sont soumis à la retenue à la source prévue au 2° de l’article 119 bis de ce code.

3. Aux termes de l’article 238 A du code général des impôts, dans sa rédaction applicable aux impositions en litige : « Les intérêts, arrérages et autres produits des obligations, créances, dépôts et cautionnements, les redevances de cession ou concession de licences d’exploitation, de brevets d’invention, de marques de fabrique, procédés ou formules de fabrication et autres droits analogues ou les rémunérations de services, payés ou dus par une personne physique ou morale domiciliée ou établie en France à des personnes physiques ou morales qui sont domiciliées ou établies dans un Etat étranger ou un territoire situé hors de France et y sont soumises à un régime fiscal privilégié, ne sont admis comme charges déductibles pour l’établissement de l’impôt que si le débiteur apporte la preuve que les dépenses correspondent à des opérations réelles et qu’elles ne présentent pas un caractère anormal ou exagéré. / Pour l’application du premier alinéa de l’article 57 du code général des impôts, les personnes sont regardées comme soumises à un régime fiscal privilégié dans l’Etat ou le territoire considéré si elles n’y sont pas imposables ou si elles y sont assujetties à des impôts sur les bénéfices ou les revenus dont le montant est inférieur de plus de la moitié à celui de l’impôt sur les bénéfices ou sur les revenus dont elles auraient été redevables dans les conditions de droit commun en France, si elles y avaient été domiciliées ou établies ». Pour l’application des deux premiers alinéas de l’article 238 A du code général des impôts, la charge de la preuve de ce que le bénéficiaire des rémunérations en cause est soumis à un régime fiscal privilégié incombe à l’administration. Il lui appartient à cet égard d’apporter tous éléments circonstanciés non seulement sur le taux d’imposition, mais sur l’ensemble des modalités selon lesquelles des activités du type de celles qu’exerce ce bénéficiaire sont imposées dans le pays où il est domicilié ou établi.

Quant à la moins-value générée par la cession des titres de la SAS Fabco :

4. Il n’est pas contesté qu’un lien de dépendance juridique existe entre la SAS Atmel Rousset, devenue la SAS Microchip Technology Rousset, membre du groupe Atmel, et la société mère de droit américain, Atmel Corporation, qui détient l’intégralité du capital de la société française. Il résulte de l’instruction que la SAS Microchip Technology Rousset, spécialisée dans le développement et la fabrication de circuits intégrés imprimés sur silicium, a procédé à la filialisation de son activité de fabrication dans le cadre d’une opération de restructuration globale opérée par le groupe Atmel en 2010, visant à repositionner la stratégie du groupe sur le marché des semi-conducteurs. Le 31 mai 2010, elle a ainsi constitué la filiale SAS Fabco, par un apport en numéraire de 1 000 euros. Par acte du 16 juin 2010, elle a apporté à cette société, avec effet rétroactif au 1er juin 2010, l’unité de fabrication dénommée Fab 7 située à Rousset. Il est constant que l’actif net apporté a été valorisé, le 30 mai 2010, à 73 233 898 euros et que le 23 juin 2010, la SAS Fabco a été revendue à la société allemande LFoundry GmbH pour 1 euro, avant une réévaluation qui a porté le prix de cession à 1 171 331 euros. Cette opération a généré une moins-value de 72 062 567 euros constatée en charges au titre de l’exercice 2010. Le service a estimé que l’écart constaté entre le produit exceptionnel encaissé par la SAS Atmel Rousset et résultant de cette vente, et la valorisation de l’usine, en date du 30 mai 2010, n’était justifié par aucune contrepartie réelle pour la SAS Microchip Technology Rousset. L’administration fiscale, qui se prévaut des lignes directrices préconisées dans les Principes de l’OCDE applicables aux prix de transfert à l’intention des entreprises multinationales et des administrations publiques, fait valoir que la cession de l’activité de production, matérialisée par la vente de l’usine de Rousset, s’inscrit dans le cadre d’une stratégie globale, sous-tendue par un objectif de réduction des surcapacités de production des usines du groupe, décidée par la société mère du groupe, qui bénéficiera des gains réalisés grâce à l’externalisation de l’activité de production et qui a d’ailleurs diligenté et mené les négociations, comme le démontre la lettre d’intention d’achat du 12 mai 2009 de la société LFoundry GmbH, adressée à la société mère du groupe. De même, l’administration relève que les contrats « Stock Purchase Agreement » et « Wafer Purchase Agreement » portant respectivement sur la cession des titres de la SAS Fabco, et sur les conditions d’achats des semi-conducteurs vendus par cette même société, ont été signés par M. A…, directeur des opérations de la société Atmel Corporation. Il résulte de l’ensemble de ces éléments que l’administration fiscale doit être regardée comme rapportant la preuve d’une pratique entrant dans les prévisions de l’article 57 du code général des impôts, instituant une présomption de transfert indirect de bénéfices.

5. Pour combattre cette présomption, la SAS Microchip Technology Rousset fait valoir que si l’externalisation de son activité de production s’inscrivait dans une stratégie globale du groupe Atmel, elle avait pour objectif premier d’assurer la pérennité de la SAS Microchip Technology Rousset, dès lors que la structure des coûts de cette activité mettait en péril la survie même de l’entreprise. Il résulte, en effet, du rapport d’information et de consultation du comité d’entreprise du 17 décembre 2009 que les sociétés de semi-conducteurs se sont spécialisées dans des segments spécifiques de la chaîne de valeur, comprenant la définition, la conception, la vente et la distribution des produits mais également « le prototypage » et la « fabrication des tranches », chaque étape de la chaîne de valeur nécessitant un niveau croissant d’investissement pour mettre en œuvre les technologies les plus récentes, et que l’unité de fabrication Fab 7 n’était plus suffisamment compétitive. Il n’est pas contesté que les coûts d’adaptation du site, que la SAS Microchip Technology Rousset aurait dû supporter si elle avait conservé cette activité, ont été évalués par ce même rapport à 345 000 000 de dollars tandis que le coût de construction d’une nouvelle usine était chiffré entre 1 500 et 2 000 millions de dollars. S’agissant des coûts de fermeture, la SAS Microchip Technology Rousset fait valoir, toujours sans être contredite, qu’ils se seraient élevés à la somme minimale de 211 586 000 euros, comme en atteste un tableau comparatif remis à l’administration fiscale en réponse à un questionnaire remis par le service pendant les opérations de contrôle. Un tableau élaboré par le cabinet d’avocats Flichy, dont les données ne sont pas contestées, a au demeurant évalué les seuls frais de licenciement à 176 800 000 euros, alors que le tableau comparatif précité avait initialement évalué ces mêmes frais à 136 000 000 euros. Il résulte de ce qui précède que les coûts de fermeture ou de restructuration de l’usine de fabrication de Rousset, dont il n’est pas contesté qu’ils auraient été à la seule charge de la filiale française du groupe Atmel, étaient supérieurs à la moins-value réalisée sur la cession des titres de la SAS Fabco. Par ces éléments, l’intimée rapporte la preuve qu’elle avait un intérêt propre à compenser la perte financière résultant de la vente des parts sociales de son ancienne usine, dès lors que, comme elle le soutient, elle aurait dû prendre en charge, sur sa propre trésorerie, les dépenses inhérentes à une restructuration ou une cessation d’activité qui, à défaut de la cession de son activité fabrication, auraient été nécessaires. Enfin, si l’administration fait valoir que cette opération a été entièrement conduite par le directeur des opérations de la société mère du groupe, cette circonstance, en raison notamment de l’envergure internationale du projet, n’est pas de nature à démontrer que les intérêts de la SAS Microchip Technology Rousset n’ont pas été pris en compte et que la transaction dont il s’agit a été conclue au bénéfice exclusif de l’entreprise américaine. Il résulte de ce qui précède que c’est à bon droit que le tribunal a considéré que la somme en litige ne pouvait être regardée comme un transfert indirect de bénéfices au profit de la société américaine Atmel Corporation au sens de l’article 57 du code général des impôts. Par suite, l’administration fiscale n’était pas fondée à rehausser le bénéfice soumis à l’impôt sur les sociétés au titre de l’exercice clos en 2010 de 72 062 567 euros.

Quant à la prise en charge par la société intimée des coûts liés au plan social :

6. Lors des opérations de vérification de comptabilité, le service a relevé que la SAS Atmel Rousset avait convenu avec le repreneur qu’elle conserverait à sa charge les coûts liés au plan social des salariés transférés à la SAS Fabco après le rachat de cette unité de fabrication par la société allemande LFoundry GmbH, la SAS Microchip Technology Rousset ayant constaté, à ce titre, dans ses charges exceptionnelles, un montant total de 22 775 858 euros. L’administration fiscale a considéré que la prise en charge par la société française de ces coûts incombait à sa société mère étrangère, Atmel Corporation, dès lors que cette dernière était seule bénéficiaire de l’opération de restructuration. Elle doit ainsi être regardée comme établissant l’existence d’une pratique entrant dans les prévisions de l’article 57 du code général des impôts.

7. Pour combattre cette présomption de transfert indirect de bénéfices, la SAS Microchip Technology Rousset fait valoir qu’elle était tenue de s’acquitter des frais en litige, pour le compte de la société LFoundry GmbH, en vertu du contrat de cession des titres de la SAS Fabco « Stock Purchase Agreement ». L’article 7.1 de ce document précise en effet, que la vente de l’usine de Rousset devait être approuvée par le comité d’entreprise, lequel avait indiqué, lors de deux réunions extraordinaires tenues le 12 janvier 2010 et le 22 janvier 2010, qu’il souhaitait que la SAS Atmel Rousset supporte les coûts du plan social de l’entreprise. Si l’article 6.8 de ce contrat prévoit que l’acquéreur de l’usine accepte et reconnaît devoir assumer tous les droits, pouvoirs, devoirs et responsabilités à l’égard des salariés et accepte d’honorer et de se conformer à l’accord sur la gestion prévisionnelle des emplois et des compétences signé par l’ancien employeur, ces stipulations ne font pas obstacle au financement du plan social de l’entreprise par la SAS Atmel Rousset dès lors qu’elles font référence au transfert de plein droit prévu à l’article L. 1224-1 du code du travail, lequel est sans incidence sur le financement d’un plan social. En outre, le financement des coûts liés au plan social des salariés était inclus dans l’analyse comparative des coûts liés à la fermeture ou la restructuration de l’usine de fabrication de Rousset et ceux résultant de la cession de cette unité et comme il a été dit au point 5, les pertes supportées par la cession de l’unité de fabrication, comprenant notamment la prise en charge des coûts du plan social, restent inférieures à toute autre décision de gestion de l’entreprise qui était envisagée. Ces éléments sont de nature à justifier qu’il était de l’intérêt propre de la société de prendre en charge les coûts en litige. L’administration n’était donc pas fondée, ainsi que l’a jugé le tribunal administratif, à réintégrer la somme correspondante dans les bénéfices imposables de la SAS Microchip Technology Rousset.

Quant à la prise en charge par la société intimée des coûts liés au contrat « Manufacturing Services Agreement » :

8. L’objectif de la cession de l’unité de fabrication, dénommée Fab 7, de Rousset consistait à abandonner un modèle totalement intégré, incluant le développement et la conception des circuits intégrés, ainsi que la production des tranches de silicium dite « wafers », pour un modèle dit « Fab-Lite », impliquant de se séparer des activités de fabrication. La SAS Atmel Rousset a, comme il a déjà été dit, créé la SAS Fabco, en lui cédant, le 16 juin 2010, sous le régime juridique des scissions, les actifs correspondant à son site de production situé à Rousset, avant de revendre cette filiale, à un acheteur allemand, la société LFoundry GmbH.

9. A la suite de cette cession, la SAS Atmel Rousset et la SAS Atmel Switzerland, une société de droit suisse, sœur de la SAS Atmel Rousset, ont signé, le 23 juin 2010, avec le repreneur de la SAS Fabco, un contrat « Manufacturing Services Agreement » au terme duquel les entités Atmel Rousset et Atmel Switzerland s’engageaient à commander à la société LFoundry GmbH, pendant une période de quatre années, une quantité déterminée de wafers à un prix d’achat supérieur aux prix pratiqués sur le marché des composants électroniques. S’agissant de l’année 2011, la société bermudienne Atmel Trading Company Limited, société sœur de la SAS Atmel Rousset, a repris les droits et obligations du contrat « Manufacturing Services Agreement » pour le compte de la SAS Atmel Switzerland. La SAS Microchip Technology Rousset a supporté seule la charge du surcoût lié à la majoration des prix. L’administration a considéré que la prise en charge par la SAS Atmel Rousset de la totalité des coûts liés au contrat « Manufacturing Services Agreement » ne pouvait être regardée comme engagée dans l’intérêt direct de l’entreprise et qu’en ne refacturant pas, au titre de l’exercice 2011, à l’entité bermudienne, cosignataire dudit contrat, la surcharge du coût correspondant à l’achat des wafers auprès de la société LFoundry GmbH, la SAS Atmel Rousset a transféré une partie de ses bénéfices à compter de 2011, à la société de droit bermudien Atmel Trading Company Limited et n’en a retiré aucune contrepartie. L’administration doit ainsi être regardée comme établissant l’existence d’une pratique entrant dans les prévisions de l’article 57 du code général des impôts, instituant une présomption de transfert indirect de bénéfices. Par ailleurs, elle n’a pas à justifier du lien de dépendance avec la société de droit bermudien, dès lors qu’elle établit, ainsi que cela résulte des termes de la proposition de rectification du 22 juillet 2014, sans que ceci ne soit contesté par la société intimée, que la société bermudienne, qui n’est pas imposable à l’impôt sur les sociétés et n’est assujettie qu’à une taxe annuelle dont le montant maximum s’élève à 22 230 USD, est soumise à un régime fiscal privilégié au sens de l’article 238 A du code général des impôts.

10. Pour combattre cette présomption, la SAS Microchip Technology Rousset expose que la mention de la société suisse, puis de la société bermudienne au contrat « Manufacturing Services Agreement » permettait seulement de garantir qu’elle exécuterait correctement l’accord commercial conclu avec la SAS Fabco en termes de volumes et de prix d’achat, et que ce contrat d’approvisionnement avait pour objectif unique d’assurer la vente de l’unité de fabrication de semi-conducteurs située à Rousset. En conséquence, les deux sociétés successivement cocontractantes de cet accord n’avaient, selon elle, aucun intérêt direct à la conclusion du contrat. Par ailleurs, la SAS Microchip Technology Rousset précise que les conditions d’achat fixées dans ce contrat d’approvisionnement ont été imposées par le repreneur de la filiale SAS Fabco de façon à réunir les conditions nécessaires à une reprise pérenne de l’activité. Il n’est pas utilement contesté par l’administration qu’en l’absence de telles garanties, la cession n’aurait pu aboutir avec la société LFoundry GmbH, ou avec toute autre société présente sur ce marché. A cet égard, est produite à l’instance une lettre de la société allemande du 23 juillet 2009 fixant le prix des wafers à 803 dollars alors qu’une proposition, en date du 29 mai 2009, d’une société concurrente, la Tejas Silicon Holding en fixe le prix à 810 dollars. Par ailleurs, il résulte également des éléments apportés par la société intimée que la charge correspondant au surcoût engendré par le contrat « Manufacturing Services Agreement » restait très inférieure aux coûts que la SAS Microchip Technology Rousset aurait eu à supporter en cas de restructuration de l’unité de fabrication de Rousset, ou de sa fermeture. Il résulte en effet des pièces versées au dossier que le cabinet Flichy a notamment estimé que les seuls frais de licenciement se seraient élevés à 176 800 000 euros, tandis que la communauté des pays d’Aix a évalué à 60 millions d’euros le montant de la taxe professionnelle qui aurait dû être acquitté en cas de cessation de l’activité. Enfin, la circonstance que le directeur des opérations de la société mère Atmel Corporation a pris les décisions relatives à la cession de l’activité de fabrication de la SAS Microchip Technology Rousset ne suffit pas à établir qu’en acceptant les termes du contrat « Manufacturing Services Agreement » et en prenant à sa seule charge le surcoût en résultant, la société intimée n’a pas agi dans l’intérêt de l’entreprise. Par suite, cette dernière apporte la preuve que les coûts en litige, qu’elle a supportés, ont été justifiés par l’obtention de contreparties favorables à sa propre exploitation et ne constituent pas un transfert indirect de bénéfices. L’administration n’était donc pas fondée, ainsi que l’a jugé le tribunal administratif, à réintégrer la somme correspondante dans les bénéfices imposables de la SAS Microchip Technology Rousset au titre de l’exercice clos en 2011.

Quant à la prise en charge par la société intimée des coûts liés au « Wafer Purchase Agreement » :

11. La SAS Atmel Rousset a cédé, le 30 septembre 2010, à la société française Inside Contactless son activité dite « smart card » et le même jour, la société mère du groupe, Atmel Corporation, a conclu un accord intitulé « Wafer Purchase Agreement » avec cette société. Au terme de cet accord, la société Inside Contactless s’engageait à acheter auprès de la SAS Fabco, pour une période de trois ans, une quantité prédéterminée de wafers pour la production de « smart card ». La SAS Atmel Rousset, devenue la SAS Microchip Technology Rousset, a intégralement remboursé, sur présentation des factures d’achat, à la société Inside Contactless, la différence de prix des wafers résultant des prix d’achat accordés à la société allemande LFoundry GmbH, dans les conditions évoquées au point 9. L’administration a considéré que les frais ainsi exposés n’avaient pas été engagés dans l’intérêt de l’entreprise dès lors que la société intimée n’étant pas partie au contrat « Wafer Purchase Agreement », seule la société Atmel Corporation, aurait pu prendre en charge le différentiel de prix. Elle doit ainsi être regardée comme établissant l’existence d’une pratique entrant dans les prévisions de l’article 57 du code général des impôts.

12. Toutefois, comme il a été dit précédemment, au terme du contrat « Manufacturing Services Agreement » conclu, le 23 juin 2010, entre la SAS Atmel Rousset et la société LFoundry GmbH qui a permis la cession de son activité de fabrication, l’intimée s’était engagée à se fournir en wafers auprès de la société LFoundry à un prix supérieur aux prix du marché. Le prix de vente de ces produits à la société Inside Contactless est directement lié aux conditions de la cession de l’unité de fabrication de Rousset, comme en témoigne la lettre cosignée le 23 juin 2010, concomitamment à la conclusion du contrat « Manufacturing Services Agreement » par la société Inside Contactless, la société LFoundry GmbH, la SAS Atmel Rousset et la société mère du groupe Atmel, Atmel Corporation. Il résulte des termes de cette lettre, valant accord commercial, que la société Inside Contactless s’est engagée à prendre en charge une partie des obligations d’achats supportées par la SAS Atmel Rousset au terme du contrat « Manufacturing Services Agreement » et que les produits commandés par la société Inside Contactless venaient en diminution des engagements pris par la SAS Atmel Rousset, le nombre de circuits à décompter des engagements de cette dernière correspondant exactement aux nombres de circuits commandés par la société Inside Contactless. S’il est exact, ainsi que le fait valoir le ministre, que cette lettre ne mentionne pas que la prise en charge du coût résultant de l’accord « Wafer Purchase Agreement » est supporté par la SAS Atmel Rousset, la compensation financière accordée par la SAS Atmel Rousset à la société Inside Contactless doit toutefois être regardée comme ayant été réalisée dans l’intérêt direct de la société dès lors qu’en son absence, la SAS Atmel Rousset n’aurait pu revendre les wafers qu’elle s’était engagée à acquérir auprès de la société LFoundry Rousset dans le cadre du contrat « Manufacturing Services Agreement » qui visait à assurer la pérennité des activités conservées par la SAS Atmel Rousset. Dans ces conditions, ni la circonstance que le directeur des opérations de la société mère Atmel Corporation a participé aux décisions relatives à la cession de l’activité de fabrication de la société ni le fait que la SAS Atmel Rousset n’a pas signé le contrat « Wafer Purchase Agreement » ne suffisent à établir que la décision consistant à compenser le coût d’achat des wafers à la société Inside Contactless n’aurait pas été prise dans l’intérêt direct de la société. Par suite, la société intimée apporte la preuve que les coûts en litige, qu’elle a supportés, ont été justifiés par l’obtention de contreparties favorables à sa propre exploitation et ne constituent pas un transfert indirect de bénéfices. L’administration n’était donc pas fondée, ainsi que l’a jugé le tribunal administratif, à réintégrer la somme correspondante dans les bénéfices imposables de la SAS Microchip Technology Rousset au titre de l’exercice clos en 2011.

En ce qui concerne l’acte anormal de gestion :

13. Il résulte de la proposition de rectification du 13 décembre 2013 que, pour fonder ses rectifications, l’administration a considéré que les coûts liés au contrat « Manufacturing Services Agreement » et ceux liés au « Wafer Purchase Agreement » supportés par la SAS Atmel Rousset au titre de l’exercice clos en 2010 n’avaient pas été exposés dans l’intérêt direct de l’exploitation de la société en méconnaissance du 1 de l’article 38 et du 1 de l’article 39 du code général des impôts.

14. Sauf à établir l’existence d’un acte anormal de gestion, l’administration fiscale n’a pas à s’immiscer dans la gestion des entreprises. En vertu des dispositions combinées des articles 38 et 209 du code général des impôts, le bénéfice imposable à l’impôt sur les sociétés est celui qui provient des opérations de toute nature faites par l’entreprise, à l’exception de celles qui, en raison de leur objet ou de leurs modalités, sont étrangères à une gestion commerciale normale. La prise en charge par une entreprise de frais dépourvus de contrepartie directe pour elle ou ne lui incombant pas directement ne relève d’une gestion commerciale normale que s’il apparaît qu’en consentant de tels avantages, l’entreprise a agi dans son propre intérêt.

15. Il résulte des motifs exposés aux points 10 et 12, rappelant l’intérêt pour la SAS Microchip Technology Rousset de supporter les surcoûts liés aux conditions de facturation prévues dans les contrats « Manufacturing Services Agreement » et « Wafer Purchase Agreement » relatifs à l’achat de wafers à la société LFoundry, que l’administration n’établit pas l’acte anormal de gestion.

En ce qui concerne la retenue à la source :

16. Il résulte de ce qui précède que c’est à bon droit que le tribunal administratif a accordé la décharge de la retenue à la source prévue par le 2° de l’article 119 bis du code général des impôts à laquelle la SAS Microchip Technology Rousset a été assujettie à raison des sommes regardées comme des revenus distribués au profit de la SAS Atmel Switzerland au titre de l’exercice clos en 2010 et au profit de la société Atmel Trading Company au titre de l’exercice clos en 2011.

En ce qui concerne les cotisations sur la valeur ajoutée des entreprises et de la taxe additionnelle :

17. Il résulte de ce qui précède que c’est à bon droit que le tribunal a accordé la décharge des cotisations sur la valeur ajoutée des entreprises et de la taxe additionnelle auxquelles la SAS Microchip Technology Rousset a été assujettie au titre des années 2010 et 2011 à raison de la remise en cause par le service des coûts liés à l’application du contrat « Manufacturing Services Agreement » et des coûts liés au « Wafer Purchase Agreement ».

18. Il résulte de tout ce qui précède que le ministre de l’économie, des finances et de la relance n’est pas fondé à soutenir que c’est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Marseille a prononcé la décharge demandée par la SAS Microchip Technology Rousset.

II. Sur les frais liés au litige :

19. D’une part, il y a lieu, dans les circonstances de l’espèce, de faire application des dispositions de l’article L. 761-1 du code de justice administrative et de mettre à la charge de l’Etat le versement à la SAS Microchip Technology Rousset d’une somme de 2 000 euros au titre des frais exposés et non compris dans les dépens.

20. D’autre part, aucun dépens n’ayant été exposé au cours de l’instance, les conclusions présentées à ce titre par la SAS Microchip Technology Rousset ne peuvent qu’être rejetées.

D É C I D E :

Article 1er : Le recours du ministre de l’économie, des finances et de la relance est rejeté.

Article 2 : L’Etat versera une somme de 2 000 euros à la SAS Microchip Technology Rousset en application de l’article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 3 : Les conclusions de la SAS Microchip Technology Rousset tendant à l’application de l’article R. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 4 : Le présent arrêt sera notifié au ministre de l’économie, des finances et de la relance et à la société par action simplifiée Microchip Technology Rousset.

Copie en sera adressée à la direction des vérifications nationales et internationales.

Délibéré après l’audience du 16 décembre 2021, où siégeaient :

— Mme Paix, présidente,

 – Mme Bernabeu, présidente assesseure,

 – Mme Carotenuto, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe, le 30 décembre 2021.

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N° 19MA04336

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CAA de MARSEILLE, 3ème chambre, 30 décembre 2021, 19MA04336, Inédit au recueil Lebon