CAA de MARSEILLE, 7ème chambre, 30 mai 2022, 20MA00986, Inédit au recueil Lebon

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Chronologie de l’affaire

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Sur la décision

Référence :
CAA Marseille, 7e ch. - formation à 3, 30 mai 2022, n° 20MA00986
Juridiction : Cour administrative d'appel de Marseille
Numéro : 20MA00986
Importance : Inédit au recueil Lebon
Type de recours : Excès de pouvoir
Décision précédente : Tribunal administratif de Toulon, 30 décembre 2019, N° 1702996
Dispositif : Rejet
Date de dernière mise à jour : 31 mai 2022
Identifiant Légifrance : CETATEXT000045842807

Sur les parties

Texte intégral

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La communauté d’agglomération de la Provence verte a demandé au tribunal administratif de Toulon d’annuler l’arrêté du 11 juillet 2017 par lequel le préfet du Var a refusé de lui accorder une dérogation à l’interdiction de destruction, altération d’habitats d’espèces protégées et de destruction et perturbation d’individus d’espèces protégées dans le cadre du projet de parc d’activités économiques communautaire du Mont Aurélien sur la commune de Saint-Maximin.

Par un jugement n° 1702996 du 31 décembre 2019, le tribunal administratif de Toulon a rejeté cette demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 28 février 2020, la communauté d’agglomération de la Provence Verte, représentée par Me Grimaldi, demande à la Cour :

1°) d’annuler le jugement du tribunal administratif de Toulon du 31 décembre 2019 ;

2°) d’annuler l’arrêté du 11 juillet 2017 ;

3°) de mettre à la charge de l’Etat la somme de 2 500 euros en application de l’article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

— l’arrêté contesté est entaché d’incompétence de son auteur ;

— sa motivation est insuffisante ;

— le tribunal a fait une appréciation erronée en tant qu’il estime que le site n° 4 ne recensait pas, parmi ses inconvénients, l’atteinte à l’objectif de conservation d’espèces animales ou végétales protégées et de leurs habitats ;

— il a estimé que le site n° 4 retenu implique un fort rétrécissement d’un corridor écologique en se dispensant d’appréhender la mesure compensatoire qui, par essence, a pour objet de réduire l’atteinte portée audit corridor.

La requête a été communiquée à la ministre de la transition écologique qui n’a pas produit de mémoire.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

— le code de l’environnement ;

— le code des relations entre le public et l’administration ;

— le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l’audience.

Ont été entendus au cours de l’audience publique :

— le rapport de Mme C,

— les conclusions de M. Roux, rapporteur public,

— et les observations de Me Schwing, représentant la communauté d’agglomération de la Provence verte.

Considérant ce qui suit :

1. La communauté de communes Sainte-Baume Mont-Aurélien a souhaité implanter un parc d’activités économiques au sud de l’autoroute A 8 sur le territoire des communes de Saint-Maximin-la-Sainte-Baume et d’Ollières. En raison des conséquences sur l’habitat et la survie d’espèces protégées, la communauté de communes a déposé une demande de dérogation sur le fondement de l’article L. 411-2 du code de l’environnement. Par un arrêté du 11 juillet 2017, le préfet du Var a refusé de lui accorder cette dérogation. La communauté d’agglomération de la Provence Verte relève appel du jugement du 31 décembre 2019 par lequel le tribunal administratif de Toulon a rejeté sa demande tendant à l’annulation de l’arrêté du 11 juillet 2017.

Sur le bien-fondé du jugement attaqué :

2. L’arrêté contesté est signé par Mme A B, sous-préfète, secrétaire général de la préfecture du Var, qui a reçu du préfet du Var, par un arrêté n° 2017/39/PJI du 23 mai 2017, régulièrement publié au recueil des actes administratifs spécial n° 35 de la préfecture du 24 mai 2017, une délégation de signature à effet de signer tous arrêtés relevant des attributions de l’État dans le département du Var, notamment en ce qui concerne les matières intéressant plusieurs chefs de services départementaux de l’administration à l’exception des déclinatoires de compétence et des arrêtés de conflits, de la réquisition du comptable public et des actes pour lesquels une délégation a été conférée à un chef de service de l’Etat dans le département. Une telle délégation qui est suffisamment précise, donnait compétence à l’intéressée pour signer, à la date de celui-ci-ci, l’arrêté en litige.

3. Aux termes de l’article L. 211-2 du code des relations entre le public et l’administration : « Les personnes physiques ou morales ont le droit d’être informées sans délai des motifs des décisions administratives individuelles défavorables qui les concernent. A cet effet, doivent être motivées les décisions qui : () 7° Refusent une autorisation () ». L’article L. 211-5 du même code, précise que : « La motivation exigée par la présente loi doit être écrite et comporter l’énoncé des considérations de droit et de fait qui constituent le fondement de la décision ».

4. Il ressort de l’arrêté attaqué que pour refuser d’accorder à la communauté d’agglomération de la Provence Verte une dérogation sur le fondement de l’article L. 411-2 du code de l’environnement, le préfet du Var a, après avoir cité les textes applicables, pris en compte le fait que la réalisation du projet de parc d’activités économiques communautaire du Mont Aurélien sur la commune de Saint-Maximin impliquerait la destruction et l’altération d’habitats d’espèces protégées ainsi que la destruction et la perturbation d’individus d’espèces protégées au titre de l’article L. 411-1 du code précité, conduirait à la réduction et à l’altération d’un corridor écologique majeur situé entre le massif de la Sainte-Baume et celui de la Sainte-Victoire, perturbant donc le déplacement d’espèces protégées et nuisant au maintien des populations dans leur aire de répartition naturelle, entraînerait des bénéfices socio-économiques, au motif qu’il participerait à l’équilibre entre démographie croissante et accès à l’emploi et répondrait à la demande d’installation des entreprises sur le territoire, étayée dans le dossier technique. Il précise toutefois que des solutions alternatives de moindre impact environnemental permettraient de répondre localement aux objectifs visés par le projet, en particulier, le site alternatif n° 3, dont l’impossibilité d’extension future a été considérée par le maître d’ouvrage comme préjudiciable et constituait une variante présentant des avantages tant du point de vue de sa situation vis-vis de l’autoroute, de sa proximité des centres de vie que de son impact écologique par rapport au site finalement retenu par le maître d’ouvrage et relève l’absence d’évaluation des effets cumulés avec les autres projets à proximité, en particulier ceux liés à la production d’énergie renouvelable. Le préfet du Var a également estimé que la mesure compensatoire définie dans le dossier susvisé est insuffisante pour compenser la destruction d’habitats d’espèces, en particulier, l’altération d’habitats et la perturbation d’individus induits par la réduction du corridor écologique majeur entre le massif de la Sainte-Baume et celui de la Sainte-Victoire. Il en a déduit que les trois conditions définies à l’article L. 411-2 du code de l’environnement, à savoir que le projet présente une raison impérative d’intérêt public majeur, que le dossier démontre l’absence d’autre solution satisfaisante et que la dérogation ne nuise pas au maintien, dans un état de conservation favorable, des populations des espèces concernées dans leur aire de répartition naturelle ne sont pas respectées. Les circonstances que le motif lié au site alternatif n° 3 se bornerait à reprendre les mentions de la colonne « Atout » du « site 3 » figurant dans un tableau d’une note de réponse à l’avis du conseil national de la protection de la nature et que l’arrêté n’énoncerait pas en quoi la mesure compensatoire serait insuffisante ne sont pas de nature à établir que l’arrêté en litige serait insuffisamment motivé. Si la requérante soutient que la seule présence de l’autoroute et des centres de vie n’est pas, en soi, de nature à justifier le fait que le site alternatif n° 3 devrait être retenu dans la mesure où ce site était moins pertinent que celui finalement retenu, cet argument qui relève de la légalité interne est sans incidence sur la motivation de l’arrêté contesté.

5. Le I de l’article L. 411-1 du code de l’environnement comporte un ensemble d’interdictions visant à assurer la conservation d’espèces animales ou végétales protégées et de leurs habitats. Sont ainsi interdits en vertu du 1° du I de cet article : « La destruction ou l’enlèvement des œufs ou des nids, la mutilation, la destruction, la capture ou l’enlèvement, la perturbation intentionnelle, la naturalisation d’animaux de ces espèces ou, qu’ils soient vivants ou morts, leur transport, leur colportage, leur utilisation, leur détention, leur mise en vente, leur vente ou leur achat ». Sont interdits en vertu du 2° du I du même article : « La destruction, la coupe, la mutilation, l’arrachage, la cueillette ou l’enlèvement de végétaux de ces espèces, de leurs fructifications ou de toute autre forme prise par ces espèces au cours de leur cycle biologique, leur transport, leur colportage, leur utilisation, leur mise en vente, leur vente ou leur achat, la détention de spécimens prélevés dans le milieu naturel ». Sont interdits en vertu du 3 du I du même article : « La destruction, l’altération ou la dégradation de ces habitats naturels ou de ces habitats d’espèces ». Toutefois, le 4° du I de l’article L. 411-2 du même code permet à l’autorité administrative de délivrer des dérogations à ces interdictions dès lors que sont remplies trois conditions distinctes et cumulatives tenant à l’absence de solution alternative satisfaisante, à la condition de ne pas nuire « au maintien, dans un état de conservation favorable, des populations des espèces concernées dans leur aire de répartition naturelle » et, enfin, à la justification de la dérogation par l’un des cinq motifs qu’il énumère limitativement, dont celui énoncé au c) qui mentionne « l’intérêt de la santé et de la sécurité publiques », « d’autres raisons impératives d’intérêt public majeur, y compris de nature sociale ou économique » et « les motifs qui comporteraient des conséquences bénéfiques primordiales pour l’environnement ».

6. Il résulte de ces dispositions qu’un projet d’aménagement ou de construction d’une personne publique ou privée susceptible d’affecter la conservation d’espèces animales ou végétales protégées et de leurs habitats ne peut être autorisé, à titre dérogatoire, que s’il répond, par sa nature et compte tenu notamment du projet urbain dans lequel il s’inscrit, à une raison impérative d’intérêt public majeur. En présence d’un tel intérêt, le projet ne peut cependant être autorisé, eu égard aux atteintes portées aux espèces protégées appréciées en tenant compte des mesures de réduction et de compensation prévues, que si, d’une part, il n’existe pas d’autre solution satisfaisante et, d’autre part, cette dérogation ne nuit pas au maintien, dans un état de conservation favorable, des populations des espèces concernées dans leur aire de répartition naturelle.

7. En premier lieu, le projet en litige a pour objet la création d’une zone d’aménagement concerté (ZAC) d’une superficie d’environ 75 ha, située à l’articulation des territoires de Saint-Maximin, la Sainte-Baume et d’Ollières au contact immédiat de l’autoroute A8 et de la RDN7. Elle comporte notamment quinze secteurs constructibles comprenant deux îlots au nord de la RDN7 d’une surface cessible de 81 700 m2, treize îlots au sud de la RDN7 d’une surface cessible de 31 850 m2, des aires de stationnement permettant 1 160 places, pour 53 400 m2, des espaces naturels, à hauteur de 43 ha, un dispositif de voirie de desserte à partir de la RDN7 et un système de voirie interne. Le dossier de demande de dérogation du projet précité mentionne que le choix d’implantation du site a été fait en raison de l’absence de possibilité de développement des zones d’activités actuelles, des contraintes topographiques, environnementales, réglementaires et patrimoniales présentes sur le territoire, de l’accessibilité au site, des zones urbaines, notamment résidentielles, ne présentant pas de foncier intéressant dans l’optique d’aménagement d’une zone d’activité majeure, des zones agricoles fortement protégées ou « sacralisées » par les différentes évolutions législatives et par le SCOT de la Provence approuvé en janvier 2014. Toutefois, il ressort des pièces du dossier que cette ZAC doit s’implanter dans un espace naturel quasiment vierge de toute construction, occupé majoritairement par des espaces boisés et quelques secteurs ouverts plus ou moins anthropisés tels que des garrigues et des anciennes carrières, lequel constitue un corridor majeur entre le massif de la Sainte Baume et celui de la Sainte-Victoire. Selon le dossier de demande de dérogation du projet, ce corridor écologique permet le transit saisonnier pour les espèces forestières et notamment les chiroptères telles que la barbastelle d’Europe, le murin à oreilles échancrées, le grand rhinolophe, le petit rhinolophe, le rhinolophe euryale et le murin de Bechstein. Ce dossier précise, par ailleurs, qu’une altération de ce corridor, pour ces espèces lucifuges, pourrait induire une fragmentation des populations présentes sur le Mont-Aurélien et sur la Sainte-Victoire, que l’emprise du projet vient altérer ce corridor et que l’impact est fort et permanent. En outre, sont prévues, d’une part, douze mesures pour supprimer ou réduire cet impact qui reste cependant fort sur l’altération des continuités écologiques liées à l’emprise et entraîne la destruction de 30 ha de milieux boisés et d’autre part, une mesure compensatoire consistant en la gestion sur 40 ans d’une surface de 160 ha de milieux naturels visant à maintenir et améliorer la fonctionnalité du corridor et préserver et entretenir les milieux ouverts. Est prévue également la mise en place d’un arrêté préfectoral de protection de biotope (APPB) permettant d’assurer la préservation de la zone soumise à la pression foncière.

8. En second lieu, si le dossier de demande de dérogation n’analyse aucune solution alternative, il ressort des pièces du dossier, plus particulièrement d’une réponse faite aux remarques du conseil national de la protection de la nature que des solutions alternatives ont été étudiées correspondant à quatre sites dont trois ont été écartés en raison de l’éloignement des centres de vie, l’absence de logiques fonctionnelles, un territoire agricole de qualité pour le site n° 1, un patchwork de zones naturelles et agricoles, une rupture avec les logiques de territoire de Saint-Maximin, un site en partie en zone naturelle d’intérêt écologique, faunistique et floristique (ZNIEFF) pour le site n° 2, une proximité avec des espaces urbains qui limite les occupations potentielles et l’absence de réelle possibilité d’extension future pour le site n° 3, sans que ne soient véritablement analysées, pour ces trois sites, les atteintes portées aux espèces protégées. Le choix du site n° 4 est justifié par sa situation à l’articulation des territoires de Saint-Maximin, Ollières et Pourcieux, l’absence d’altération du territoire agricole, la desserte par le RDN7, la RD203 et la ligne Sncf ainsi que par une logique fonctionnelle. Toutefois, il ressort de l’avis défavorable émis le 23 février 2017 par le conseil national de la protection de la nature, que des quatre variantes étudiées, le pétitionnaire a fait le choix du site n° 4 plus favorable du point de vue économique mais le moins intéressant d’un point de vue environnemental paysager puisqu’il est le seul à occuper un zonage remarquable entre deux massifs reliés par un corridor écologique réservoir de biodiversité. Selon ce conseil, le site n° 3 présente pourtant de nombreux avantages au regard des enjeux tant économiques qu’environnementaux et les mesures compensatoires n’apportent pas de solution pérennes et réparatrices de l’interruption du corridor écologique. Ainsi, il ressort de cet avis qu’il existait au moins une solution alternative de moindre impact, comme l’a relevé le préfet du Var dans l’arrêté en litige, sans commettre d’erreur de droit et imposer un quelconque choix d’implantation. Par suite, l’absence d’autre solution satisfaisante n’étant pas établie, la demande de dérogation ne remplit pas l’une des conditions du 4° du I de l’article L. 411-2 du code de l’environnement.

9. Il résulte de tout ce qui précède que la communauté d’agglomération de la Provence Verte n’est pas fondée à soutenir que c’est à tort que le tribunal administratif de Toulon a rejeté sa demande tendant à l’annulation de l’arrêté préfectoral du 11 juillet 2017.

Sur les frais liés au litige :

10. Les dispositions de l’article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de l’Etat, qui n’est pas, dans la présente instance la partie perdante, la somme que la communauté d’agglomération de la Provence Verte demande au titre des frais exposés et non compris dans les dépens.

D E C I D E :

Article 1er : La requête de la communauté d’agglomération de la Provence Verte est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à la communauté d’agglomération de la Provence Verte et à la ministre de la transition écologique.

Délibéré après l’audience du 13 mai 2022, à laquelle siégeaient :

M. Pocheron, président de chambre,

M. Prieto, premier conseiller,

Mme Marchessaux, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 30 mai 2022.

N°20MA00986

bb

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