CAA de MARSEILLE, 1ère chambre, 3 février 2022, 21MA02731, Inédit au recueil Lebon

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Chronologie de l’affaire

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Sur la décision

Référence :
CAA Marseille, 1re ch., 3 févr. 2022, n° 21MA02731
Juridiction : Cour administrative d'appel de Marseille
Numéro : 21MA02731
Importance : Inédit au recueil Lebon
Type de recours : Excès de pouvoir
Décision précédente : Tribunal administratif de Toulon, 17 mai 2021, N° 1800978
Identifiant Légifrance : CETATEXT000045122128

Sur les parties

Texte intégral

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme A… B… a demandé au tribunal administratif de Toulon d’annuler l’arrêté du 11 octobre 2017 par lequel le maire de Cavalaire-sur-Mer a délivré à la SCI Stépan un permis de construire en vue d’autoriser la réhabilitation et l’extension du restaurant Les Flots Bleus, sis Promenade de la Mer.

Par un jugement n° 1800978 du 18 mai 2021, le tribunal administratif de Toulon a annulé cet arrêté.

Procédure devant la Cour :

I. Par une requête et un mémoire enregistrés sous le n° 21MA02731 le 13 juillet 2021 et le 22 décembre 2021, la commune de Cavalaire-sur-Mer, représentée par Me Pontier, demande à la Cour :

1°) d’annuler ce jugement ;

2°) de rejeter la demande de Mme B… devant le tribunal administratif de Toulon ;

3°) de mettre à la charge de Mme B… la somme de 3 000 euros au titre de l’article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

 – la demande de première instance était irrecevable, Mme B… ne justifiant pas d’un intérêt lui donnant qualité pour agir ;

 – la construction litigieuse relève de celles qui sont autorisées par l’article N 2.5 du règlement du plan local d’urbanisme ;

 – les dispositions de l’article N 10.2.3 du règlement du plan local d’urbanisme permettaient d’autoriser le projet en dépit d’un dépassement de hauteur ;

 – les autres moyens soulevés par Mme B… devant le tribunal ne sont pas fondés.

Par un mémoire en défense enregistré le 16 novembre 2021, Mme B…, représentée par Me Lamouille, conclut au rejet de la requête et à ce que la somme de 5 000 euros soit mise à la charge de la commune de Cavalaire-sur-Mer au titre de l’article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que les moyens soulevés par la commune de Cavalaire-sur-Mer ne sont pas fondés.

II. Par une requête et un mémoire enregistrés sous le n° 21MA02798 le 19 juillet 2021 et le 20 décembre 2021, la SCI Stépan, représentée par Me Casadéi-Jung, demande à la Cour :

1°) d’annuler ce jugement ;

2°) de rejeter la demande de Mme B… devant le tribunal administratif de Toulon ;

3°) de mettre à la charge de Mme B… la somme de 2 000 euros au titre de l’article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

 – la demande de première instance était irrecevable, Mme B… ne justifiant pas d’un intérêt lui donnant qualité pour agir ;

 – la construction n’est pas située sur le domaine public maritime ;

 – le classement du terrain d’assiette en zone Np du plan local d’urbanisme est entaché d’erreur manifeste d’appréciation, tout comme le classement en zone Nda prononcé par les documents d’urbanisme antérieurs ;

 – aucune disposition du règlement national d’urbanisme ne s’opposant à la délivrance du permis de construire demandé, il y a lieu de procéder à la substitution de base légale correspondante.

Par un mémoire en défense enregistré le 16 novembre 2021, Mme B…, représentée par Me Lamouille, conclut au rejet de la requête et à ce que la somme de 5 000 euros soit mise à la charge de la SCI Stépan au titre de l’article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que les moyens soulevés par la commune de Cavalaire-sur-Mer ne sont pas fondés.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

 – le code général de la propriété des personnes publiques ;

 – le code de l’urbanisme ;

 – le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l’audience.

Ont été entendus au cours de l’audience publique :

 – le rapport de M. d’Izarn de Villefort,

 – les conclusions de Mme Gougot, rapporteure publique,

 – et les observations de Me Pontier, représentant la commune de Cavalaire-sur-Mer, et de Me Lamouille, représentant Mme B….

Considérant ce qui suit :

1. Par un arrêté du 11 octobre 2017, le maire de Cavalaire-sur-Mer a délivré à la SCI Stépan un permis de construire en vue d’autoriser la réhabilitation et une extension du restaurant sis Promenade de la Mer. La commune de Cavalaire-sur-Mer et la SCI Stépan relèvent appel du jugement du 18 mai 2021 par lequel le tribunal administratif de Toulon a annulé cet arrêté.

2. Les requêtes susvisées, enregistrées sous les n° 21MA02731, 21MA02798, présentées par la commune de Cavalaire-sur-Mer et la SCI Stépan étant dirigées contre le même jugement, il y a lieu de les joindre pour qu’il y soit statué par un seul arrêt.

Sur la recevabilité de la demande de première instance :

3. Aux termes de l’article L. 600-1-2 du code de l’urbanisme : « Une personne autre que l’Etat, les collectivités territoriales ou leurs groupements ou une association n’est recevable à former un recours pour excès de pouvoir contre un permis de construire, de démolir ou d’aménager que si la construction, l’aménagement ou les travaux sont de nature à affecter directement les conditions d’occupation, d’utilisation ou de jouissance du bien qu’elle détient ou occupe régulièrement ou pour lequel elle bénéficie d’une promesse de vente, de bail, ou d’un contrat préliminaire mentionné à l’article L. 261-15 du code de la construction et de l’habitation ». Il résulte de ces dispositions qu’il appartient à tout requérant qui saisit le juge administratif d’un recours pour excès de pouvoir tendant à l’annulation d’un permis de construire, de démolir ou d’aménager, de préciser l’atteinte qu’il invoque pour justifier d’un intérêt lui donnant qualité pour agir, en faisant état de tous éléments suffisamment précis et étayés de nature à établir que cette atteinte est susceptible d’affecter directement les conditions d’occupation, d’utilisation ou de jouissance de son bien. Il appartient au défendeur, s’il entend contester l’intérêt à agir du requérant, d’apporter tous éléments de nature à établir que les atteintes alléguées sont dépourvues de réalité. Le juge de l’excès de pouvoir apprécie la recevabilité de la requête au vu des éléments ainsi versés au dossier par les parties, en écartant le cas échéant les allégations qu’il jugerait insuffisamment étayées mais sans pour autant exiger de l’auteur du recours qu’il apporte la preuve du caractère certain des atteintes qu’il invoque au soutien de la recevabilité de celui-ci. Eu égard à sa situation particulière, le voisin immédiat justifie, en principe, d’un intérêt à agir lorsqu’il fait état devant le juge, qui statue au vu de l’ensemble des pièces du dossier, d’éléments relatifs à la nature, à l’importance ou à la localisation du projet de construction.

4. Il ressort des pièces du dossier que Mme B… est propriétaire d’un appartement avec terrasse situé au premier étage d’un immeuble construit le long de la Promenade de la Mer. Cet appartement a une vue directe depuis sa terrasse sur l’établissement Les Flots Bleus, construit de l’autre côté de cette voie dans l’axe de l’entrée de l’immeuble et légèrement décalé par rapport à cet appartement. Le niveau inférieur de cet établissement correspond à celui de la plage, son niveau supérieur étant situé à celui de la voie publique. Le projet litigieux consiste à étendre sur toute la longueur du bâtiment la partie couverte aménagée à ce niveau supérieur sur la moitié de sa longueur, l’autre moitié servant actuellement de parking, et à créer une terrasse en toiture accessible à la clientèle. En faisant état de la réduction de la vue sur la mer depuis son appartement et des nuisances résultant des nouvelles prestations offertes par l’établissement ainsi que de l’augmentation de sa fréquentation, Mme B…, qui est voisine immédiate du projet justifie d’un intérêt lui donnant qualité pour demander l’annulation de l’arrêté du 11 octobre 2017, ainsi que l’a jugé à bon droit le tribunal administratif de Toulon et contrairement à ce que soutiennent à nouveau la commune de Cavalaire-sur-Mer et la SCI Stépan.

Sur la légalité de l’arrêté du 11 octobre 2017 :

5. Aux termes du III de L. 146-4 du code de l’urbanisme, dont les dispositions ont été reprises, à compter du 1er janvier 2016, aux articles L. 121-16 et L. 121-17 de ce code : « En dehors des espaces urbanisés, les constructions ou installations sont interdites sur une bande littorale de cent mètres à compter de la limite haute du rivage (…). / Cette interdiction ne s’applique pas aux constructions ou installations nécessaires à des services publics ou à des activités économiques exigeant la proximité immédiate de l’eau. ». Aux termes de l’article R. 2124-13 du code général de la propriété des personnes publiques : « L’Etat peut accorder sur le domaine public maritime des concessions ayant pour objet l’aménagement, l’exploitation et l’entretien de plages. / Le concessionnaire est autorisé à occuper une partie de l’espace concédé, pour y installer et exploiter des activités destinées à répondre aux besoins du service public balnéaire. Ces activités doivent avoir un rapport direct avec l’exploitation de la plage et être compatibles avec le maintien de l’usage libre et gratuit des plages, les impératifs de préservation des sites et paysages du littoral et des ressources biologiques ainsi qu’avec la vocation des espaces terrestres avoisinants. / La durée de la concession ne peut excéder douze ans. ». Aux termes de l’article R. 2124-16 du même code : « (…) Seuls sont permis sur une plage les équipements et installations démontables ou transportables ne présentant aucun élément de nature à les ancrer durablement au sol et dont l’importance et le coût sont compatibles avec la vocation du domaine et sa durée d’occupation. Les équipements et installations implantés doivent être conçus de manière à permettre, en fin de concession, un retour du site à l’état initial. Leur localisation et leur aspect doivent respecter le caractère des sites et ne pas porter atteinte aux milieux naturels. Toutefois, les installations sanitaires publiques et les postes de sécurité peuvent donner lieu à des implantations fixes, sauf dans un espace remarquable au sens de l’article L. 121-23 du code de l’urbanisme. ».

6. Le plan local d’urbanisme de Cavalaire-sur-Mer approuvé le 10 juillet 2013 délimite au sein de la zone N, zone naturelle qui fait l’objet d’une protection particulière en raison notamment de la qualité des sites et paysages ou de l’existence de risques naturels, un secteur Np qui correspond aux plages de la baie de Cavalaire. L’article N 1 du règlement de ce plan dispose que toutes les occupations et utilisations du sol non mentionnées à l’article N 2 sont interdites. Aux termes de l’article N 2, relatif aux occupations et utilisations du sol soumises à des conditions particulières : " (…) 2.5. En secteur Np : / Les occupations, installations, constructions et ouvrages mentionnés dans le cahier des charges de la concession de plage et notamment : / – les occupations, installations et constructions démontables, liées directement aux activités de bains de mer et ses accessoires ; / -les constructions et installations saisonnières directement liées aux obligations de la commune en matière de sécurité, de police et de salubrité ; / – l’entretien des épis en enrochements et l’intervention sur les ouvrages techniques localisés en mer ; / – les aménagements et installations démontables nécessaires au fonctionnement des activités liées à l’animation du front de mer ".

7. En premier lieu, il ressort des pièces du dossier que le terrain d’assiette du projet, qui s’intercale entre le domaine public routier et le domaine public maritime, est une propriété privée, qui, par suite, ne peut être comprise dans la concession de la plage de la baie de Cavalaire éventuellement consentie par l’Etat à la commune de de Cavalaire-sur-Mer, une telle concession portant nécessairement sur le domaine public maritime. Il est constant par ailleurs que ce terrain se trouve compris dans la bande littorale de cent mètres à compter de la limite haute du rivage dans laquelle les dispositions du III de L. 146-4 du code de l’urbanisme actuellement reprises aux articles L. 121-16 et L. 121-17 interdisent, en dehors des espaces urbanisés, toutes constructions ou installations à l’exception de celles qui sont nécessaires à des services publics ou à des activités économiques exigeant la proximité immédiate de l’eau. D’une part, ce même terrain, bien que constituant une propriété privée jouxte directement la plage. D’autre part, les occupations, installations, constructions et ouvrages mentionnés dans le cahier des charges de la concession de plage mentionnés par le paragraphe N 2.5 du règlement du plan local d’urbanisme se rattachent aux types de constructions et d’installations qui sont autorisés dans la bande littorale de cent mètres par le III de L. 146-4 et que les titulaires d’une concession de plage peuvent édifier sur le domaine public concédé, en application des articles R. 2124-13 et R. 2124-16 du code général de la propriété des personnes publiques. Dans ces conditions, contrairement à ce que soutient la SCI Stépan, le classement du terrain d’assiette du projet en secteur Np n’est pas entaché d’une erreur manifeste d’appréciation et ne procède pas davantage d’une contradiction avec le règlement de zone alors même que ce terrain ne fait pas partie du domaine public maritime susceptible d’être concédé.

8. En deuxième lieu, le terrain d’assiette du projet n’est pas situé sur la partie du secteur Np pouvant faire l’objet d’une concession de plage. Par suite, les dispositions du paragraphe 2.5 de l’article N2, qui autorisent en secteur Np les occupations, installations, constructions et ouvrages mentionnés dans le cahier des charges de la concession de plage ne sont pas applicables à ce terrain.

9. En troisième lieu, l’article N 10 du règlement du plan local d’urbanisme de Cavalaire-sur-Mer, relatif à la hauteur des constructions, dispose : « (…) 2 – hauteur absolue / (…) 2.2 En secteur Np : / La hauteur des constructions ne peut excéder 3 mètres mesurés à l’égout du toit et 4 mètres au faîtage à l’exception des installations liées à la surveillance des plages. (…) 3 – Au-dessus de la hauteur imposée dans chaque zone, sont autorisés : (…) – Les travaux portant sur une construction existante non conforme aux prescriptions de l’article N10.2, sous réserve que les travaux envisagés aient pour objet d’améliorer la conformité de cette construction avec ces prescriptions, ou pour des travaux qui sont sans effet sur le gabarit de cette construction ».

10. Il ressort des pièces du dossier que la hauteur de la construction existante, surmontée d’un toit terrasse, atteint 5,76 mètres, et dépasse donc les hauteurs maximales fixées au paragraphe 2.2 de l’article N 10 du règlement du plan local d’urbanisme. Les travaux litigieux, qui entraînent un dépassement de ces hauteurs sur toute la longueur de la construction existante alors que ce dépassement n’était constitué que sur la moitié de cette longueur, sont de nature à aggraver cette non-conformité. En outre, ces travaux, qui doubleront le volume occupé par le niveau supérieur, ne seront pas sans effet sur le gabarit de la construction. Ainsi, la commune de Cavalaire-sur-Mer n’est pas fondée à soutenir qu’ils entraient dans le champ d’application des exceptions aux règles de hauteur définies au paragraphe 3. Le moyen tenant à la méconnaissance des règles de hauteur applicables dans la zone est donc fondé, comme l’ont estimé les premiers juges.

11. Il résulte de tout ce qui précède que la commune de Cavalaire-sur-Mer et la SCI Stépan ne sont pas fondées à soutenir que c’est à tort ce que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Toulon a annulé l’arrêté du 11 octobre 2017.

12. Les dispositions de l’article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de Mme B…, qui n’est pas, dans la présente instance, la partie perdante, les sommes que la commune de Cavalaire-sur-Mer et la SCI Stépan demandent au titre des frais exposés par elles et non compris dans les dépens. Dans les circonstances de l’espèce, il y a lieu de mettre à la charge de la commune de Cavalaire-sur-Mer et la SCI Stépan une somme chacune de 1 200 euros au titre des frais exposés par Mme B… et non compris dans les dépens.


D É C I D E :


Article 1er : Les requêtes de la commune de Cavalaire-sur-Mer et la SCI Stépan sont rejetées.

Article 2 : La commune de Cavalaire-sur-Mer et la SCI Stépan verseront à Mme B… une somme chacune de 1 200 euros au titre de l’article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à la commune de Cavalaire-sur-Mer, à la société civile immobilière Stépan et à Mme A… B….

Délibéré après l’audience du 20 janvier 2022, où siégeaient :

— M. Chazan, président,

 – M. d’Izarn de Villefort, président assesseur,

 – M. Quenette, premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 3 février 2022.

N° 21MA02731, 21MA02798 2

nb

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