Cour administrative d'appel de Marseille, 21 août 2023, n° 23MA00762

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Chronologie de l’affaire

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Sur la décision

Référence :
CAA Marseille, 21 août 2023, n° 23MA00762
Juridiction : Cour administrative d'appel de Marseille
Numéro : 23MA00762
Type de recours : Excès de pouvoir
Décision précédente : Tribunal administratif de Marseille, 27 février 2023, N° 2209483
Dispositif : Rejet R. 222-1 appel manifestement infondé
Date de dernière mise à jour : 28 août 2023

Sur les parties

Texte intégral

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. A B a demandé au tribunal administratif de Marseille d’annuler la décision implicite rejetant sa demande de titre de séjour présentée le 15 avril 2022 ainsi que l’arrêté du 10 octobre 2022 par lequel le préfet des Bouches-du-Rhône a refusé de lui délivrer un titre de séjour, l’a obligé à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de sa destination.

Par un jugement n° 2209483 du 28 février 2023, le tribunal administratif de Marseille a rejeté sa demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête, enregistrée le 29 mars 2023, M. B, représenté par Me Daïmallah, demande à la Cour :

1°) de l’admettre au bénéfice de l’aide juridictionnelle provisoire ;

2°) d’annuler le jugement du 28 février 2023 du tribunal administratif de Marseille ;

3°) d’annuler l’arrêté du 10 octobre 2022 du préfet des Bouches-du-Rhône ;

4°) d’enjoindre au préfet des Bouches-du-Rhône de lui délivrer un certificat de résidence dans un délai d’un mois à compter de la notification de la décision à intervenir ou, à défaut, de réexaminer sa situation dans le même délai ;

5°) de mettre à la charge de l’Etat une somme de 1 000 euros au titre des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991.

Il soutient que :

— le tribunal a méconnu l’article L. 243-3 du code des relations entre le public et l’administration en regardant comme inopérants les moyens dirigés contre la décision implicite de rejet opposée à sa demande au motif que cette décision devait être regardée comme ayant retiré par la décision explicite intervenu le 10 octobre 2022 ;

— il a été privé de son droit à être entendu avant l’édiction d’une mesure individuelle, en méconnaissance des articles 41 et 51 de la charte des droits fondamentaux de l’Union européenne dès lors que l’obligation de quitter le territoire français n’a pas été prise concomitamment avec la décision implicite rejetant sa demande de titre de séjour ;

— le tribunal n’a pas répondu au moyen tiré de l’insuffisance de motivation de l’arrêté en litige ;

— l’arrêté en litige est insuffisamment motivé en ce qu’il est fondé sur un avis du collège des médecins qui n’y est pas joint ; il est, en outre, rédigé en des termes stéréotypés ;

— le tribunal n’a pas répondu à son moyen tiré de l’erreur manifeste d’appréciation fondé sur ce que sa situation personnelle et familiale avait été totalement éludée par le préfet ;

— l’arrêté a été pris par une autorité incompétente ;

— il est entaché d’un vice de procédure dès lors qu’il n’est pas établi que l’avis rendu par le collège de médecins de l’OFII a été régulièrement émis ;

— l’arrêté est insuffisamment motivé et est entaché d’un défaut d’examen réel et sérieux de sa situation ;

— il méconnaît l’article 6 alinéa 7 de l’accord franco-algérien du 27 décembre 1968 modifié relatif à la circulation, à l’emploi et au séjour des ressortissants algériens et de leurs familles, dès lors qu’il ne peut bénéficier dans son pays de soins adaptés à sa pathologie ;

— il méconnaît l’article L. 243-3 du code des relations entre le public et l’administration en ce que la décision implicite de rejet de sa demande de titre a été retirée de manière irrégulière ;

— le préfet a méconnu sa propre compétence en s’estimant lié par l’avis du collège de médecins de l’Office français de l’immigration et de l’intégration, entachant son arrêté d’une erreur de droit ;

— l’arrêté est entaché d’erreur de fait, son état de santé nécessitant une prise en charge dont il ne pourrait bénéficier en Algérie.

M. B a été admis au bénéfice de l’aide juridictionnelle totale par une décision du bureau d’aide juridictionnelle près le tribunal judiciaire de Marseille du 30 juin 2023.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

— la convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales ;

— l’accord franco-algérien du 27 décembre 1968 ;

— le code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile ;

— le code des relations entre le public et l’administration ;

— la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

— le code de justice administrative.

Considérant ce qui suit :

1. M. B, de nationalité algérienne, demande l’annulation du jugement par lequel le tribunal administratif de Marseille a rejeté sa demande dirigée contre la décision implicite rejetant sa demande de titre de séjour présentée le 15 avril 2022 ainsi que contre l’arrêté du préfet des Bouches-du-Rhône du 10 octobre 2022 refusant de lui délivrer un titre de séjour, l’obligeant à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et fixant le pays de sa destination.

Sur la demande d’admission à l’aide juridictionnelle provisoire :

2. Par décision du 30 juin 2023, le bureau d’aide juridictionnelle près le tribunal judiciaire de Marseille a admis M. B au bénéfice de l’aide juridictionnelle totale. Dès lors, les conclusions présentées par l’intéressé tendant à ce que la Cour l’admette provisoirement à l’aide juridictionnelle dans cette instance sont devenues sans objet à la date de la présente ordonnance. Il n’y a, dès lors, plus lieu d’y statuer.

Sur la régularité du jugement attaqué :

3. En premier lieu, le tribunal administratif a, à bon droit, constaté que l’arrêté pris par le préfet des Bouches-du-Rhône le 10 octobre 2022 en réponse à la demande de titre de séjour déposée par M. B le 15 avril 2022 avait nécessairement eu pour effet de se substituer à la décision implicite de rejet opposée à cette demande, rendant ainsi sans objet les conclusions du requérant dirigées contre cette décision et inopérants les moyens tirés de ses vices propres. Le requérant ne peut utilement se prévaloir, pour contester cette analyse, des dispositions de l’article L. 243-3 du code des relations entre le public et l’administration, dès lors, en tout état de cause, que le retrait de la décision implicite ainsi opéré a eu pour effet de lui substituer un acte express de même portée.

4. En second lieu, l’article R. 613-1 du code de justice administrative dispose que : « Le président de la formation de jugement peut, par une ordonnance, fixer la date à partir de laquelle l’instruction sera close. () ». Aux termes de l’article R. 613-3 dudit code : « Les mémoires produits après la clôture de l’instruction ne donnent pas lieu à communication, sauf réouverture de l’instruction. ».

5. Devant les juridictions administratives et dans l’intérêt d’une bonne administration de la justice, le juge a toujours la faculté de rouvrir l’instruction, qu’il dirige, lorsqu’il est saisi d’une production postérieure à la clôture de celle-ci. Il lui appartient, dans tous les cas, de prendre connaissance de cette production avant de rendre sa décision et de la viser. S’il décide d’en tenir compte, il rouvre l’instruction et soumet au débat contradictoire les éléments contenus dans cette production qu’il doit, en outre, analyser. Dans le cas particulier où cette production contient l’exposé d’une circonstance de fait ou d’un élément de droit dont la partie qui l’invoque n’était pas en mesure de faire état avant la clôture de l’instruction et qui est susceptible d’exercer une influence sur le jugement de l’affaire, le juge doit alors en tenir compte, à peine d’irrégularité de sa décision.

6. Il ressort des pièces du dossier de première instance que par une ordonnance du 1er décembre 2022 prise sur le fondement des articles R. 613-1 et R. 776-11 du code de justice administrative, la présidente de la 7ème chambre du tribunal administratif de Marseille a fixé la date de la clôture de l’instruction au 6 janvier 2023 à midi. Un nouveau mémoire a été produit par M. B, le 1er février 2023, soit postérieurement à cette clôture. Cette production ne contenait l’exposé d’aucune circonstance de fait ou d’aucun élément de droit dont M. B n’aurait pas été en mesure de faire état avant la clôture de l’instruction. Dès lors, le tribunal a fait une exacte application des règles prévues à l’article R. 613-3 précité du code de justice administrative en se bornant à viser ce mémoire sans l’analyser. Si cette production contenait l’exposé de deux moyens nouveaux tirés de l’insuffisance de motivation de la décision en litige et de « l’erreur manifeste d’appréciation » commise par le préfet « pour avoir éludé » les éléments relatifs à sa situation personnelle et familiale, dans la mesure où ceux-ci ont été présentés après la clôture de l’instruction et n’étaient pas d’ordre public, le tribunal n’était pas tenu de les examiner et d’y répondre. Par suite, M. B n’est pas fondé à soutenir que le jugement attaqué serait entaché d’irrégularité.

Sur le bien-fondé du jugement attaqué :

7. En premier lieu, le moyen tiré de l’incompétence du signataire de l’arrêté attaqué doit être écarté par adoption des motifs retenus par les premiers juges au point 17 de leur jugement.

8. En deuxième lieu, l’arrêté attaqué comporte l’énoncé des considérations de droit et de fait sur lesquelles il se fonde, et vise notamment le 7) de l’article 6 de l’accord franco-algérien et le 3° de l’article L. 611-1 du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile, et précise que l’état de santé de M. B ne nécessite pas son maintien sur le territoire dès lors que, s’il nécessite une prise en charge médicale dont le défaut peut entraîner des conséquences d’une exceptionnelle gravité, eu égard à l’offre de soins et aux caractéristiques du système de santé dans la pays dont il est originaire, il peut y bénéficier d’un traitement approprié, et peut voyager sans risque vers l’Algérie. Par ailleurs, l’arrêté retrace le parcours de M. B en France, rappelle ses conditions de séjour sur le territoire français et sa situation privée et familiale, notamment qu’il est célibataire et sans enfant. La circonstance que l’avis du collège des médecins n’était pas joint à l’arrêté est sans incidence sur la régularité de sa motivation dès lors que le sens de cet avis a été reproduit. Et le requérant ne saurait faire grief au préfet de ne pas avoir mentionné des éléments détaillés sur son état de santé qui sont, en tout état de cause, couverts par le secret médical. Dès lors, le moyen tiré de ce que cette décision serait insuffisamment motivée doit être écarté. Pour les mêmes motifs, le moyen tiré de ce que le préfet des Bouches-du-Rhône n’aurait pas procédé à un examen particulier de sa situation personnelle et familiale doit également être écarté.

9. En troisième lieu, aux termes de l’article 41 de la charte des droits fondamentaux de l’Union européenne : « Toute personne a le droit de voir ses affaires traitées impartialement, équitablement et dans un délai raisonnable par les institutions et organes de l’Union ». Aux termes du 2ème paragraphe de ce même article : « Ce droit comporte notamment : / – le droit de toute personne d’être entendue avant qu’une mesure individuelle qui l’affecterait défavorablement ne soit prise à son encontre () ».

10. Le droit d’être entendu, principe général du droit de l’Union européenne, se définit comme celui de toute personne à faire connaître, de manière utile et effective, ses observations écrites ou orales au cours d’une procédure administrative, avant l’adoption de toute décision susceptible de lui faire grief. Toutefois, ce droit n’implique pas systématiquement l’obligation, pour l’administration, d’organiser, de sa propre initiative, un entretien avec l’intéressé, ni même d’inviter ce dernier à produire ses observations, mais suppose seulement que, informé de ce qu’une décision lui faisant grief est susceptible d’être prise à son encontre, il soit en mesure de présenter spontanément des observations écrites ou de solliciter un entretien pour faire valoir ses observations orales.

11. En l’espèce, à l’occasion du dépôt de sa demande de titre de séjour, M. B a été conduit à préciser à l’administration les motifs pour lesquels il a demandé que lui soit délivré un titre de séjour et à produire tous les éléments susceptibles de venir au soutien de cette demande. Il lui appartenait, lors du dépôt de cette demande, d’apporter à l’administration toutes les précisions qu’il jugeait utiles et il lui était loisible, au cours de l’instruction de sa demande, de faire valoir auprès de l’administration toute observation complémentaire utile, au besoin en faisant état d’éléments nouveaux. Par suite, le moyen tiré de la méconnaissance du droit d’être entendu ne peut qu’être écarté.

12. En quatrième lieu, le moyen tiré de ce que l’avis du collège de médecins de l’Office français de l’immigration et de l’intégration aurait été pris irrégulièrement, entachant l’arrêté d’un vice de procédure, qui a été présenté dans les mêmes termes en première instance, doit être écarté par adoption des motifs retenus par le tribunal aux points 10 à 12 du jugement de première instance, étant précisé que les médecins signataires de l’avis ne sont pas tenus, pour répondre aux questions posées, de procéder à des échanges entre eux.

13. En cinquième lieu, aux termes de l’article 6 de l’accord franco-algérien du 27 décembre 1968 : « () Le certificat de résidence d’un an portant la mention » vie privée et familiale « est délivré de plein droit : () 7. Au ressortissant algérien, résidant habituellement en France, dont l’état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait entraîner pour lui des conséquences d’une exceptionnelle gravité, sous réserve qu’il ne puisse effectivement bénéficier d’un traitement approprié dans son pays. / Le certificat de résidence délivré au titre du présent article donne droit à l’exercice d’une activité professionnelle () ».

14. Il ressort des pièces du dossier que M. B bénéficie d’un suivi psychologique en raison d’une schizophrénie paranoïde. Ni les pièces produites par le requérant ni les considérations générales dont il se prévaut sur les systèmes de santé en Afrique ne sont de nature à infirmer le bien-fondé de l’avis émis par le collège des médecins de l’Office français de l’immigration et de l’intégration selon lequel il peut bénéficier, en Algérie, d’une prise en charge adaptée à sa pathologie, alors, du reste, que ces mêmes pièces témoignent qu’il y avait été effectivement pris en charge avant son arrivée en France. Il ne peut, à cet égard, utilement se prévaloir de la distance entre ce qui était alors son lieu de résidence et l’hôpital qui le prenait en charge. Par suite, les moyens tirés de la méconnaissance des stipulations du 7) de l’article 6 de l’accord franco-algérien et de l’erreur de fait doivent être écartés.

15. En sixième lieu, il ne ressort pas des pièces du dossier que le préfet des Bouches-du-Rhône se serait estimé tenu, au regard du sens de l’avis émis par le collège de médecins de l’Office français de l’immigration et de l’intégration, de refuser de délivrer à M. B un titre de séjour et de lui faire obligation de quitter le territoire français, alors qu’il résulte des termes mêmes de l’arrêté attaqué qu’il a recherché si la mesure ainsi prise était susceptible d’être contraire à l’article 8 de la Convention européenne de sauvegarde des libertés fondamentales et des droits de l’homme. Par suite, le moyen tiré de l’erreur de droit ne peut qu’être écarté.

16. Enfin, si le requérant peut être regardé, en invoquant une erreur manifeste d’appréciation au regard de sa situation familiale, comme cherchant à se prévaloir d’une méconnaissance par le préfet des stipulations de cet article, il ne produit aucun document propre à établir la réalité de ses allégations selon lesquelles il est intégralement pris en charge tant d’un point de vue affectif et matériel par son frère et sa sœur de nationalité française, alors, au demeurant, qu’il ne soutient être entré en France que depuis janvier 2021.

17. Il résulte de ce qui précède que la requête d’appel de M. B, qui est manifestement dépourvue de fondement, au sens des dispositions du dernier alinéa de l’article R. 222-1 du code de justice administrative, doit être rejetée, en application de ces dispositions, y compris les conclusions présentées à fin d’injonction et au titre de l’article L. 761-1 du code de justice administrative et de l’article 37 de la loi du 10 juillet 1991.

O R D O N N E :

Article 1er : Il n’y a pas lieu de statuer sur la demande d’admission de M. B au bénéfice de l’aide juridictionnelle à titre provisoire.

Article 2 : La requête de M. B est rejetée.

Article 3 : La présente ordonnance sera notifiée à M. A B et à Me Daïmallah.

Copie en sera adressée au préfet des Bouches-du-Rhône.

Fait à Marseille, le 21 août 2023

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