CAA de NANCY, 2ème chambre, 31 décembre 2021, 21NC01014, Inédit au recueil Lebon

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Chronologie de l’affaire

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Sur la décision

Référence :
CAA Nancy, 2e ch., 31 déc. 2021, n° 21NC01014
Juridiction : Cour administrative d'appel de Nancy
Numéro : 21NC01014
Importance : Inédit au recueil Lebon
Type de recours : Plein contentieux
Décision précédente : Tribunal administratif de Strasbourg, 10 août 2020, N° 1806869
Identifiant Légifrance : CETATEXT000044861251

Sur les parties

Texte intégral

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. B… D… a demandé au tribunal administratif de Strasbourg de condamner l’Office français de l’immigration et de l’intégration à lui verser une somme de 12 000 euros en réparation du préjudice moral qu’il a subi en ne bénéficiant pas des conditions matérielles d’accueil correspondant à sa situation familiale.

Par un jugement n° 1806869 du 11 août 2020, le tribunal administratif de Strasbourg a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête et un mémoire, enregistrés respectivement les 7 avril et 15 octobre 2021, M. D…, représenté par Me Chebbale, demande à la cour :

1°) d’annuler ce jugement du 11 août 2020 ;

2°) de condamner l’Office français de l’immigration et de l’intégration à lui verser une somme de 12 000 euros en réparation du préjudice moral qu’il a subi en ne bénéficiant pas des conditions matérielles d’accueil correspondant à sa situation familiale et en l’absence d’hébergement ;

3°) de mettre à la charge de l’Office français de l’immigration et de l’intégration une somme de 2 400 euros à verser à son conseil en application des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991.

Il soutient que :

 – le tribunal administratif a omis de statuer sur la faute commise par l’administration qui ne lui a jamais proposé d’hébergement ;

 – l’absence d’hébergement pendant toute la durée de l’examen de sa demande d’asile méconnaît les articles L. 744-1 et L. 744-6 du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile et constitue une faute de l’administration ;

 –  il a informé l’OFII de la présence de sa femme et de ses filles lors de l’offre de prise en charge le 29 mai 2017, le versement partiel de l’allocation pour demandeur d’asile constitue donc un agissement fautif de l’administration ;

 – le lien de causalité entre la faute et son préjudice est établi ;

 – son préjudice moral est constitué par le sentiment de rejet de la société française et la situation de précarité A… laquelle il a vécu ;

 – le préjudice moral pour lui et sa famille est évalué à une somme de 12 000 euros.

Par un mémoire en défense, enregistré le 5 octobre 2021, l’Office français de l’immigration et de l’intégration conclut au rejet de la requête.

Il soutient que les moyens soulevés par M. D… ne sont pas fondés.

M. D… a été admis au bénéfice de l’aide juridictionnelle totale par une décision du 4 février 2021.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

 – le code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile ;

 – la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 modifiée ;

 – l’arrêté du 23 octobre 2015 relatif au questionnaire de détection des vulnérabilités des demandeurs d’asile prévu à l’article L. 744-6 du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile ;

 – le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l’audience.

Ont été entendus au cours de l’audience publique :

 – le rapport de Mme Mosser,

 – et les conclusions de Mme Haudier, rapporteure publique.

Considérant ce qui suit :

1. M. B… D…, né le 25 septembre 1971 à Erevan (Arménie) et de nationalité arménienne, est entré en France le 17 avril 2017 afin d’y solliciter l’asile. Le 29 mai 2017, il a déposé une demande d’asile et a accepté l’offre de prise en charge de l’Office français de l’immigration et de l’intégration (OFII). Sa demande d’asile a été rejetée en dernier lieu par la Cour nationale du droit d’asile le 22 décembre 2017. M. D… relève appel du jugement du 11 août 2020 qui a rejeté sa demande tendant à la condamnation de l’OFII à lui verser une somme de 12 000 euros en réparation du préjudice moral qu’il estime avoir subi du fait de la faute qu’aurait commise l’OFII en ne lui accordant pas, dès le 29 mai 2017, des conditions matérielles d’accueil conformes à sa situation familiale.

Sur la régularité du jugement :

2. M. D… soutient que le tribunal administratif de Strasbourg n’a pas statué sur le moyen tiré de la faute commise par l’administration qui ne lui a jamais proposé d’hébergement. Il ressort toutefois des termes du jugement que le tribunal administratif de Strasbourg, en examinant si l’OFII avait commis une faute en ne lui octroyant pas les conditions matérielles d’accueil correspondant à sa situation familiale, a nécessairement examiné si l’OFII avait commis une faute en ne lui proposant pas d’hébergement. A… ces conditions, M. D… n’est pas fondé à soutenir que ce jugement serait irrégulier à raison du défaut d’examen de ce fondement de responsabilité.

Sur la responsabilité :

3. D’une part, l’article L. 744-1 du code de l’entrée et du séjour des étrangers dispose que : « Les conditions matérielles d’accueil du demandeur d’asile, au sens de la directive 2013/33/UE du Parlement européen et du Conseil, du 26 juin 2013, établissant des normes pour l’accueil des personnes demandant la protection internationale, sont proposées à chaque demandeur d’asile par l’Office français de l’immigration et de l’intégration après l’enregistrement de la demande d’asile par l’autorité administrative compétente, en application du présent chapitre. Les conditions matérielles d’accueil comprennent les prestations et l’allocation prévues au présent chapitre. (…) ». Aux termes de l’article L. 744-6 du même code : « A la suite de la présentation d’une demande d’asile, l’Office français de l’immigration et de l’intégration est chargé de procéder, A… un délai raisonnable et après un entretien personnel avec le demandeur d’asile, à une évaluation de la vulnérabilité de ce dernier afin de déterminer, le cas échéant, ses besoins particuliers en matière d’accueil. Ces besoins particuliers sont également pris en compte s’ils deviennent manifestes à une étape ultérieure de la procédure d’asile. A… la mise en œuvre des droits des demandeurs d’asile et pendant toute la période d’instruction de leur demande, il est tenu compte de la situation spécifique des personnes vulnérables. / L’évaluation de la vulnérabilité vise, en particulier, à identifier les mineurs, (…) ».

4. C… part, aux termes de l’article D. 744-24 de ce code : « Le demandeur d’asile fait connaître à l’Office français de l’immigration et de l’intégration toutes informations relatives à son domicile, à ses modalités d’hébergement, à sa situation de famille, à ses activités professionnelles, à ses ressources et à ses biens ainsi qu’à ceux des membres du foyer. (…) »

5. Il résulte de l’instruction que A… le cadre de sa demande d’asile déposée le 29 mai 2017 auprès du guichet unique des demandeurs d’asile, M. D… a été informé, A… une langue qu’il comprenait, de ses droits concernant les conditions matérielles d’accueil. Contrairement à ce qu’il soutient, aucune disposition du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile ou de l’arrêté du 23 octobre 2015 relatif au questionnaire de détection des vulnérabilités des demandeurs d’asile prévu à l’article L. 744-6 du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile n’impose la mention du nom et la signature de l’interprète sur l’offre de prise en charge au titre du dispositif national d’accueil qu’il a accepté et signé. Il résulte de cette offre de prise en charge que le requérant n’a alors déclaré ni la présence de sa conjointe, ni celle de ses enfants sur le territoire français. L’attestation de demande d’asile en procédure accélérée délivrée par la préfecture le 3 juillet 2017 indique également qu’il est célibataire. Si pour justifier qu’il a informé l’administration de sa situation familiale dès le 29 mai 2017, M. D… se prévaut du témoignage de sa belle-mère établi pour les besoins de la cause et de la mention sur sa notice de demande d’asile de l’enregistrement de son épouse à l’Office français de protection des réfugiés et du droit d’asile, ces éléments ne permettant pas, à eux seuls, de démontrer que M. D… avait informé l’administration de la composition exacte de son foyer. Ainsi, ce n’est que le 20 décembre 2017, à l’occasion d’un nouvel entretien, qu’il est établi que M. D… a déclaré à l’OFII avoir à sa charge ses deux enfants mineurs. A… ces conditions, le requérant n’est pas fondé à soutenir que l’OFII a commis une faute en lui versant une allocation pour demandeur d’asile ne correspondant pas à sa situation familiale de juin à décembre 2017.

6. Aux termes de l’article L. 744-9 du code d’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile : « Le demandeur d’asile qui a accepté les conditions matérielles d’accueil proposées en application de l’article L. 744-1 bénéficie d’une allocation pour demandeur d’asile s’il satisfait à des conditions d’âge et de ressources. (…) ». L’article D. 744-26 du même code dispose que : « En application du cinquième alinéa de l’article L. 744-9, l’allocation pour demandeur d’asile est composée d’un montant forfaitaire, dont le niveau varie en fonction du nombre de personnes composant le foyer, et, le cas échéant, d’un montant additionnel destiné à couvrir les frais d’hébergement ou de logement du demandeur. Le montant additionnel n’est pas versé au demandeur qui n’a pas manifesté de besoin d’hébergement ou qui a accès gratuitement à un hébergement ou un logement à quelque titre que ce soit. (…) ».

7. Il résulte des dispositions de l’article L. 744-1 et celles énoncées ci-dessus que lorsqu’un demandeur d’asile n’est pas hébergé, l’allocation dont il bénéficie est composée d’un montant forfaitaire et d’un montant additionnel destiné à compenser l’absence d’une solution d’hébergement en nature. Dès lors que l’allocation dont bénéficie un demandeur d’asile qui n’est pas hébergé comporte le montant additionnel prévu à l’article D. 744-26 du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile, l’absence d’hébergement en nature ne saurait constituer, par elle-même, une faute de nature à engager la responsabilité de la puissance publique.

8. Il résulte de l’instruction que M. D…, qui s’est déclaré, ainsi qu’il a été dit, célibataire lors de sa demande de pris en charge, n’a pas fait état lors de l’entretien de vulnérabilité prévu par les dispositions précitées de l’article L. 744-6 du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile d’un élément particulier de vulnérabilité. Le requérant n’établit pas non plus avoir cherché sans succès à être hébergé lui et sa famille via le dispositif d’urgence du 115. Par ailleurs, il est constant que le requérant a bénéficié de l’allocation instituée par l’article L. 744-9 du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile majorée du montant additionnel prévu par l’article D. 744-26 en l’absence d’offre d’hébergement. A la suite de son changement de situation, cette allocation a pris en compte ses deux enfants mineurs pour le mois de janvier 2018. A… ces conditions, eu égard à l’absence d’offre d’hébergement disponible, M. D… n’est pas fondé à soutenir que l’OFII a commis une faute en ne lui proposant pas un hébergement pendant la durée d’examen de sa demande d’asile.

9. Il s’ensuit qu’en l’absence de faute de l’OFII, le requérant n’est pas fondé à demander la réparation du préjudice moral qu’il aurait subi en ne bénéficiant pas avant janvier 2018 des conditions matérielles d’accueil correspondant à sa situation familiale et en l’absence d’hébergement.

10. Il résulte de tout ce qui précède, que M. D… n’est pas fondé à soutenir que c’est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Strasbourg a rejeté sa demande tendant à la condamnation de l’OFII à lui verser une somme de 12 000 euros en réparation du préjudice moral qu’il a subi en ne bénéficiant pas des conditions matérielles d’accueil correspondant à sa situation familiale. Il y a lieu de rejeter, par voie de conséquence, les conclusions tendant à l’application des dispositions de l’article L. 761-1 du code de justice administrative et de l’article 37 de la loi du 10 juillet 1991.

D E C I D E :

Article 1er : La requête de M. D… est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. B… D… et au l’Office français de l’immigration et de l’intégration .

Une copie du présent arrêt sera adressée à la préfète du Bas-Rhin.

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N° 21NC01014

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