Cour administrative d'appel de Nantes, 29 novembre 2013, n° 12NT01173

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Sur la décision

Référence :
CAA Nantes, 29 nov. 2013, n° 12NT01173
Juridiction : Cour administrative d'appel de Nantes
Numéro : 12NT01173
Décision précédente : Tribunal administratif d'Orléans, 7 mars 2012, N° 1200075

Texte intégral

COUR ADMINISTRATIVE D’APPEL

DE NANTES

N° 12NT01173


M. D A

_____________

M. Millet

Rapporteur

_____________

Mme Grenier

Rapporteur public

_____________

Audience du 8 novembre 2013

Lecture du 29 novembre 2013

_____________

C

RÉpublique française

AU NOM DU PEUPLE français

La cour administrative d’appel de Nantes

(5e chambre)

Vu la requête, enregistrée le 4 mai 2012, présentée pour M. D A, demeurant XXX à XXX, par Me André, avocat au barreau de Paris ; M. A demande à la cour :

1°) d’annuler l’ordonnance n° 1200075 en date du 8 mars 2012 par laquelle le président de la 2e chambre du tribunal administratif d’Orléans a rejeté, sur le fondement des dispositions du 7° de l’article R. 222-1 du code de justice administrative, sa demande tendant à l’annulation de l’arrêté du 14 octobre 2011 par lequel le préfet du Cher a déclaré cessibles, au profit de la commune de Colombiers, des parcelles de terrain nécessaires au projet d’agrandissement du cimetière ;

2°) d’annuler l’arrêté de cessibilité du 14 octobre 2011, ainsi que l’arrêté du 21 mars 2011 déclarant d’utilité publique l’acquisition de ces parcelles par la commune de Colombiers, subsidiairement de renvoyer l’affaire devant le tribunal administratif d’Orléans ;

3°) de mettre à la charge de l’Etat la somme de 2 500 euros sur le fondement de l’article L. 761-1 du code de justice administrative ;

il soutient que :

— l’ordonnance du 8 mars 2012 est irrégulière dés lors que sa motivation est erronée ; il avait en effet soulevé, non pas un unique moyen, mais trois moyens : un moyen de légalité externe tiré de l’absence de notification de l’arrêté querellé, un moyen de légalité interne tenant à la protection dont bénéficiait le terrain cédé du fait de son inscription à l’inventaire supplémentaire des monuments historiques et un moyen de légalité interne tenant à l’absence de caractère nécessaire de la cessibilité du terrain ;

— l’article R. 222-1 déroge irrégulièrement à l’ensemble des principes énoncés, dans le livre préliminaire du code de justice administrative, aux articles L. 3, L. 5 et L. 7, selon lesquels les jugements sont rendus en formation collégiale, après une instruction contradictoire et après avoir entendu les conclusions du rapporteur public ; les droits de la défense et le principe d’égalité sont ainsi méconnus ;

— le rejet par ordonnance ne pouvait intervenir qu’après une demande de régularisation lorsqu’il s’agit de la production de copie de pièces ;

— il est fondé à demander, en même temps que l’annulation de l’arrêté de cessibilité, celle de l’arrêté déclaratif d’utilité publique, qui ne lui a pas été notifié ;

— les arrêtés litigieux sont entachés d’illégalité externe à défaut de motivation suffisante, et de signature par une autorité bénéficiant d’une délégation régulière ; en outre, la décision par laquelle le maire a décidé d’engager la procédure d’expropriation est irrégulière ; la convocation ne mentionnait pas que la mise en œuvre de la procédure d’expropriation serait débattue ; la délibération du conseil municipal ne fait état d’aucun débat ;

— le dossier d’enquête publique ne mentionnait pas le coût total du projet, de sorte qu’il était irrégulièrement composé à défaut « d’estimation sommaire des dépenses », ceci justifiant l’annulation de l’arrêté déclaratif d’utilité publique et de l’arrêté de cessibilité ;

— les arrêtés litigieux sont entachés d’illégalité interne ; le maire ne pouvait solliciter l’agrandissement du cimetière sans avoir préalablement listé les concessions en état d’abandon, permettant de connaître les places disponibles dans le cimetière ; le maire n’a pas sollicité l’avis conforme de l’ABF sur la modification de la destination des terrains aux abords du manoir de La Salle, monument inscrit à l’inventaire supplémentaire ; le préfet du Cher a commis une erreur manifeste d’appréciation en estimant que le projet était d’utilité publique ; il n’y avait pas de nécessité, dès lors que le cimetière, mal situé, était loin d’être saturé ; il existe, outre 7 emplacements libres, 41 tombes faisant l’objet d’un avis, ainsi que 30 places relatives à des emplacements semblant abandonnés pouvant faire l’objet de reprises ; il existait également d’autres terrains dont la mairie pouvait disposer ; en l’absence de justification d’un coût précis, le bilan coût/avantages ne peut être étudié ;

Vu l’ordonnance attaquée ;

Vu le mémoire en défense, enregistré le 17 octobre 2012, présenté par le ministre de l’intérieur, qui conclut au rejet de la requête ;

il soutient que :

— quand bien même la requête aurait comporté trois moyens, aucun n’était assorti des précisions permettant d’en apprécier le bien fondé ; l’inscription du manoir est sans incidence sur la légalité de l’arrêté querellé, puisque la procédure d’expropriation porte sur la propriété du terrain, et ne vaut pas autorisation de réalisation des travaux ; c’est lors de la demande d’autorisation de ces derniers que l’architecte des bâtiments de France sera amené à se prononcer ; toutefois, l’ABF a été associé au projet qu’il a d’ailleurs validé ; le projet est d’intérêt public dès lors qu’il est tout à fait mesuré ;

— l’ordonnance a été rendue de manière régulière ; les développements consacrés au respect des droits de la défense sont inopérants, puisque le premier juge a statué sur le terrain de la recevabilité, et non sur son bien fondé ; l’article R. 222-1 ne prévoit aucune obligation pour le juge d’inviter à régulariser ;

— l’arrêté de cessibilité du 14 octobre 2011 n’est entaché ni d’illégalité externe, ni d’illégalité interne ; s’agissant de la légalité externe, le moyen tiré de l’absence de notification de l’arrêté de déclaration d’utilité publique du 21 mars 2011 est inopérant puisqu’un arrêté de DUP doit faire l’objet d’une publication collective et non d’une notification ; l’arrêté de cessibilité n’est pas au nombre des décisions devant être motivées en application de la loi du 11 juillet 1979 ; M. Y a reçu une délégation du préfet par un arrêté du préfet du 22 octobre 2010, régulièrement publié au recueil des actes administratifs de la préfecture du Cher du 31 octobre 2010 ; elle était toujours valable le 14 octobre 2011, le nouveau préfet n’ayant pris ses fonctions que le 24 octobre 2011 ; la procédure d’expropriation a été régulièrement engagée par le maire ; s’agissant de la légalité interne, l’article R. 2223-17 du code général des collectivités territoriales n’a pas été méconnu ; la commune a réalisé un état des lieux en 2008-2009 sur le nombre de sépultures ; les règles relatives au monuments historiques n’ont pas été méconnues, la procédure d’acquisition des parcelles étant indépendante du régime de protection de ces monuments ; l’utilité publique du projet est établie ; l’agrandissement, qui ne correspond qu’à 10,5 % du terrain considéré, est raisonnable et son coût total limité à 100 000 euros ; le coût de l’acquisition du terrain ne représente que 2,4 % de l’opération qui s’intègre parfaitement dans le village et son environnement ; le bilan coût/avantages est nettement positif ;

Vu le mémoire, enregistré le 17 décembre 2012, présenté pour la commune de Colombiers, représentée par son maire en exercice, à ce dûment habilité par délibération du conseil municipal du 12 juillet 2012, par Me Silvestre, avocat au barreau d’Orléans, qui conclut au rejet de la requête et à ce qu’une somme de 2 500 euros soit mise à la charge de M. A au titre de l’article L. 761-1 du code de justice administrative ;

elle soutient que :

— l’ordonnance attaquée est régulière ; les dispositions de l’article R. 222-1 7° du code de justice administrative étaient applicables ; le moyen tiré de la prétendue irrégularité de la notification de l’arrêté de cessibilité est inopérant, un tel moyen n’étant pas un moyen de légalité ; les deux autres moyens n’étaient pas assortis des précisions permettant d’en apprécier le bien fondé ;

— il ne saurait être excipé de l’illégalité du 7° de l’article R. 222-1 du code de justice administrative, dès lors que le conseil d’Etat a jugé, par sa décision n° 302040 du 11 juillet 2007, que le décret n° 2006-1708 du 23 décembre 2006, qui l’insère dans ce code, était légal ;

— les conclusions dirigées contre l’arrêté déclaratif d’utilité publique du 21 mars 2011 sont nouvelles en appel est par suite irrecevables ; les moyens de légalité externe dirigés contre les arrêtés litigieux reposent sur une cause juridique distincte de celle soulevée en première instance ; en tout état de cause ces moyens devront être écartés, puisque ces arrêtés n’étaient pas soumis à l’obligation de motivation ; en outre, le secrétaire général de la préfecture, M. Y, disposait bien d’une délégation de signature du préfet du Cher régulièrement publiée ;

— la convocation adressée aux conseillers municipaux le 23 mars 2010 mentionnait que l’ordre du jour porterait notamment sur l’examen de la question relative à déclaration d’utilité publique du cimetière et l’opportunité de recourir à la procédure d’expropriation ; le conseil municipal a bien délibéré sur cette question et un débat a eu lieu ;

— une appréciation sommaire des dépenses figurait dans le dossier d’enquête publique ; la valeur des terrains à exproprier figurait dans l’avis des domaines du 27 avril 2010 pour 2 400 euros ; la notice explicative spécifiait que les travaux à réaliser s’élevaient à 100 000 euros ;

— les moyens de légalité interne devront être écartés ; il ne ressort d’aucune disposition qu’une liste des concessions à l’état d’abandon doive être dressée avant d’entreprendre des travaux d’agrandissement d’un cimetière ; comme l’indique la notice explicative, il ne reste qu’une quinzaine de places disponibles pour des sépultures, et seulement 10 à 20 emplacements pourraient être récupérés par le biais d’une reprise de concessions abandonnées, procédure à l’issue incertaine ; la population a augmenté de 13 % entre 1999 et 2009 ; un lotissement va être créé dans la commune ;

— la procédure d’expropriation n’entrainant aucune modification d’immeubles, la législation relative à la protection des monuments historiques ne peut être invoquée à l’encontre d’un arrêté de cessibilité ;

— le préfet du cher n’a pas commis d’erreur manifeste d’appréciation en estimant que le projet était nécessaire et n’entrainerait pas d’inconvénients excessifs ; le nombre d’emplacements disponibles est peu important et la superficie du cimetière ne permet pas la création d’un columbarium et d’un jardin du souvenir ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu le code général des collectivités territoriales ;

Vu le code de l’expropriation pour cause d’utilité publique ;

Vu le code du patrimoine ;

Vu la loi du 31 décembre 1913 sur les monuments historiques ;

Vu la loi n° 79-587 du 11 juillet 1979 relative à la motivation des actes administratifs et à l’amélioration des relatons entre l’administration et le public ;

Vu le décret 2004-374 du 29 avril 2004 relatif aux pouvoirs des préfets, à l’organisation et à l’action des services de l’Etat dans les régions et départements ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l’audience ;

Après avoir entendu au cours de l’audience publique du 8 novembre 2013 :

— le rapport de M. Millet, président-assesseur ;

— et les conclusions de Mme Grenier, rapporteur public ;

1. Considérant que M. A interjette appel de l’ordonnance du 8 mars 2012 par laquelle le président de la 2e chambre du tribunal administratif d’Orléans a, sur le fondement du 7° de l’article R. 222-1 du code de justice administrative, rejeté sa demande tendant à l’annulation de l’arrêté du 14 octobre 2011 par lequel le préfet du Cher a déclaré cessibles, au profit de la commune de Colombiers, des parcelles de terrain lui appartenant nécessaires au projet d’agrandissement du cimetière ;

Sur la recevabilité des conclusions tendant à l’annulation de l’arrêté déclaratif d’utilité publique du 21 mars 2011 :

2. Considérant que les conclusions de la requête de M. A dirigées contre l’arrêté déclaratif d’utilité publique du 21 mars 2011 sont nouvelles en appel et par suite irrecevables ;

Sur la régularité de l’ordonnance attaquée :

3. Considérant que par une décision n° 302040 du 11 juillet 2007, le Conseil d’Etat, statuant au contentieux, a admis la légalité du 7° de l’article R. 222-1 du code de justice administrative, inséré dans le code précité par le II de l’article 7 du décret n° 2006-1708 du 23 décembre 2006 modifiant la partie réglementaire du code de justice administrative ; que, par la décision n° 2010-54 QPC du 14 octobre 2010, le conseil constitutionnel a déclaré les dispositions de l’article L. 222-1 du code de justice administrative, sur le fondement desquelles il a été pris, conformes à la constitution ; que, dans ces conditions, M. A ne saurait soutenir que ces dispositions, qui dérogent, dans des cas limitativement énumérés, au principe du jugement en formation collégiale après audition du rapporteur public, méconnaitraient le caractère contradictoire de la procédure, les droits de la défense et le principe d’égal accès à la justice ;

4. Considérant qu’aux termes du 7° de l’article R. 222-1 du code de justice administrative : « (…) les présidents de formation de jugement des tribunaux et des cours peuvent, par ordonnance : / (…) Rejeter, après l’expiration du délai de recours (…), les requêtes ne comportant que des moyens de légalité externe manifestement infondés, des moyens irrecevables, des moyens inopérants ou des moyens qui ne sont assortis que de faits manifestement insusceptibles de venir à leur soutien ou ne sont manifestement pas assortis des précisions permettant d’en apprécier le bien-fondé » ; qu’aux termes de l’article R. 411-1 du même code : « La juridiction est saisie par requête. La requête indique les nom et domicile des parties. Elle contient l’exposé des faits et moyens, ainsi que l’énoncé des conclusions soumises au juge. / L’auteur d’une requête ne contenant l’exposé d’aucun moyen ne peut la régulariser par le dépôt d’un mémoire exposant un ou plusieurs moyens que jusqu’à l’expiration du délai de recours » ;

5. Considérant que les dispositions du 7° de l’article R. 222-1 permettent notamment le rejet par ordonnance, après l’expiration du délai de recours ou, lorsqu’un mémoire complémentaire a été annoncé, après la production de ce mémoire, des requêtes qui, bien qu’assorties, avant l’expiration du délai de recours, d’un ou plusieurs moyens, ne peuvent qu’être rejetées, dès lors qu’il est manifeste qu’aucun des moyens qu’elles comportent n’est assorti des précisions permettant au juge d’en apprécier le bien-fondé ; qu’une ordonnance rejetant une requête sur ce fondement, à la différence d’une ordonnance prise en vertu de l’article R. 411-1, la rejette comme non fondée et non comme irrecevable ; qu’il s’en suit que, sauf à juger que la demande de première instance était irrecevable pour des motifs qu’il lui appartient de préciser, le juge d’appel ne peut rejeter comme non fondé un appel dirigé contre une telle ordonnance sans avoir examiné non seulement les moyens tirés de l’irrégularité de celle-ci, mais également les moyens soulevés devant lui et tirés de l’illégalité de la décision attaquée devant le premier juge, qui ne sont pas inopérants ;

6. Considérant que, à l’appui de ses conclusions dirigées contre l’arrêté de cessibilité du 14 octobre 2011, M. A, contrairement à ce qu’il prétend, n’a soulevé qu’un unique moyen tiré de ce que le projet donnant lieu à l’expropriation objet du litige ne présentait pas un caractère d’utilité publique ; que, toutefois, ce moyen n’était pas assorti de précisions suffisantes permettant d’en apprécier le bien fondé ; qu’il n’appartenait pas au juge d’inviter le requérant à produire d’autres pièces que la décision attaquée, laquelle était jointe à la requête ; que, par suite, en rejetant la requête de M. A, non pas comme irrecevable, mais comme non fondée, le président de la deuxième chambre du tribunal administratif d’Orléans n’a pas fait une inexacte application des dispositions précitées du 7° de l’article R. 222-1 du code de justice administrative ;

Sur la légalité de l’arrêté de cessibilité du 14 octobre 2011 :

7. Considérant, en premier lieu, que dans sa demande de première instance, M. A n’a soulevé qu’un moyen de légalité interne ; que, par suite, le moyen de légalité externe, qui ne présente pas un caractère d’ordre public, tiré de l’insuffisance de motivation qu’il soulève en appel à l’encontre de l’arrêté de cessibilité repose sur une cause juridique distincte de celle soulevée devant le premier juge ; qu’il n’est, dès lors, pas recevable et doit, en tout état de cause, être écarté ;

8. Considérant, en deuxième lieu, qu’aux termes du deuxième alinéa de l’article 45 du décret n° 2004-374 du 29 avril 2004 relatif aux pouvoirs des préfets, à l’organisation et à l’action des services de l’Etat dans les régions et départements : “(…) En cas de vacance momentanée du poste de préfet, l’intérim est assuré par le secrétaire général de la préfecture.” ; que l’arrêté litigieux a été signé par M. F Z, secrétaire général de la préfecture du Cher, lequel bénéficiait à cet effet d’une délégation de signature du 22 octobre 2010 du préfet du Cher ; qu’à raison de la cessation de fonctions de Mme B C, nommée préfet du Cher par décret du 27 juin 2008, et dans l’attente de l’installation dans ces mêmes fonctions de M. X, intervenue le 24 octobre 2011 à la suite de sa nomination par décret du 29 septembre 2011, M. Z assurait à la date du 14 octobre 2011 l’intérim du poste de préfet du Cher ; que, par suite, le moyen tiré de ce que M. Z n’était pas compétent pour signer l’arrêté contesté manque en fait ;

9. Considérant, en troisième lieu, que M. A excipe de l’irrégularité de la délibération du 31 mars 2010 par laquelle le conseil municipal de Colombiers a sollicité l’ouverture d’une double enquête d’utilité publique et parcellaire en vue de « déclarer d’utilité publique le projet d’agrandissement du cimetière », à défaut d’accord amiable sur la cession d’une partie de la parcelle cadastrée section AD n° 30 par l’intéressé ; que, toutefois, cette délibération n’est pas entachée d’illégalité, du seul fait qu’elle ne mentionne pas expressément le recours envisagé à la procédure d’expropriation, lequel ressort de son objet et de ses motifs ;

10. Considérant, en quatrième lieu, que si M. A soulève, par voie d’exception, l’insuffisance de motivation de l’arrêté du 21 mars 2011, un arrêté portant déclaration d’utilité publique ne présente pas le caractère d’une décision individuelle soumise à l’obligation de motivation en vertu de l’article 1er de la loi n° 79-587 du 11 juillet 1979 relative à la motivation des actes administratifs et à l’amélioration des relations entre l’administration et le public ;

11. Considérant, en cinquième lieu, qu’aux termes de l’article R. 11-3 du code de l’expropriation pour cause d’utilité publique : « L’expropriant adresse au préfet pour être soumis à l’enquête un dossier qui comporte obligatoirement : I.- Lorsque la déclaration d’utilité publique est demandée en vue de la réalisation de travaux ou d’ouvrages : / (…) 5º L’appréciation sommaire des dépenses (…) » ; que si M. A soutient que le dossier d’enquête publique ne mentionne pas le coût total du projet et qu’il est irrégulièrement composé à défaut d’estimation sommaire des dépenses, le dossier comporte une appréciation de la valeur vénale du terrain à exproprier estimée à 2 400 euros par le service des domaines, et une appréciation sommaire des travaux à réaliser dont le montant s’élève à 100 000 euros selon la notice explicative ; que le moyen manque, dès lors, en fait ;

12. Considérant, en sixième lieu, qu’aux termes de l’article R. 2223-17 du code général des collectivités territoriales alors en vigueur : « il est tenu dans chaque mairie une liste des concessions dont l’état d’abandon a été constaté conformément aux articles R. 2223-12 à R. 2223-16 » ; qu’il ne résulte pas de ces dispositions qu’une liste de cette nature doive être dressée avant d’entreprendre des travaux d’agrandissement d’un cimetière, que ces travaux soient réalisés ou non à la suite d’une procédure d’expropriation ; qu’une telle liste ne peut, au demeurant, être dressée que pour autant qu’existent des concessions à l’état d’abandon ; qu’il ressort, au surplus, des pièces du dossier qu’un recensement des tombes à récupérer était en cours dans la commune depuis 2008-2009, sans que les résultats puissent être regardés comme acquis ; que ces résultats partiels et incertains permettaient néanmoins, contrairement à ce que soutient M. A, d’évaluer le nombre des emplacements susceptibles d’être libérés, et de déterminer la capacité du cimetière ; que le moyen tiré de la méconnaissance des dispositions précitées doit, ainsi, être écarté ;

13. Considérant, en septième lieu, qu’il appartient au juge, lorsqu’il doit se prononcer sur le caractère d’utilité publique d’une opération nécessitant l’expropriation d’immeubles ou de droits réels immobiliers, de contrôler successivement qu’elle répond à une finalité d’intérêt général, que l’expropriant n’était pas en mesure de réaliser l’opération dans des conditions équivalentes sans recourir à l’expropriation, notamment en utilisant des biens se trouvant dans son patrimoine et, enfin, que les atteintes à la propriété privée, le coût financier et, le cas échéant, les inconvénients d’ordre social ou économique que comporte l’opération ne sont pas excessifs eu égard à l’intérêt qu’elle présente ;

14. Considérant qu’il ressort des pièces du dossier, et notamment de la notice explicative jointe au dossier d’enquête publique, que le cimetière municipal de Colombiers, petite commune en expansion, arrive à saturation, une quinzaine de places restant disponibles pour les sépultures ; qu’une pré-étude réalisée en 2008-2009 a montré que la commune pourrait seulement récupérer entre 10 et 20 emplacements par reprise de concessions à l’état d’abandon ; que la superficie du terrain actuel ne permet pas la création d’un jardin du souvenir et d’un columbarium ; que l’opération répond ainsi à une finalité d’intérêt général ; qu’aucun autre terrain équivalent ne figure à proximité du cimetière ; que le projet prévoit une extension limitée d’environ 1200 m², close par un mur en pierre du côté de l’église et par un aménagement paysager du côté du manoir de la Salle de façon à s’intégrer parfaitement au site ; que la propriété de M. A, qui s’étend sur environ 1,42 ha ne sera amputée que de 10,5 %, le coût de l’acquisition du terrain étant évalué, ainsi qu’il a été dit ci-dessus, à 2 400 euros, et l’ensemble du projet à 100 000 euros ; que les conclusions du commissaire-enquêteur, qui a émis un avis favorable au projet, font état de ce que « l’avis de l’architecte des bâtiments de France, l’engagement de la municipalité à réaliser des aménagements paysagers et hydrauliques visant à minimiser l’impact du projet sur l’environnement et le voisinage sont l’assurance que l’extension du cimetière envisagé ne constitue en rien une atteinte insupportable à l’intégrité de l’ensemble historique constitué par le manoir de la Salle et les terres afférentes » ; que, par conséquent, les atteintes à la propriété privée, le coût économique du projet et les atteintes portées à l’environnement ne sont pas, eu égard notamment à l’importance limitée de l’emprise réalisée sur le terrain de M. A et compte tenu des mesures prises afin de réduire les nuisances, de nature à excéder l’intérêt que l’opération présente et à lui retirer, par suite, son caractère d’utilité publique ;

15. Considérant, enfin, qu’aux termes de l’article L. 621-31 du code du patrimoine, qui reprend les dispositions de l’article 13 bis de la loi du 31 décembre 1913 susvisée : « Lorsqu’un immeuble est situé dans le champ de visibilité d’un édifice classé au titre des monuments historiques ou inscrits, il ne peut faire l’objet, tant de la part des propriétaires privés que des collectivités et établissements publics, d’aucune construction nouvelle, d’aucune démolition, d’aucune transformation ou modification de nature à en affecter l’aspect, sans une autorisation préalable » ; que le cimetière dont l’agrandissement est projeté se situe dans le champ de visibilité du château de la Salle, qui est inscrit à l’inventaire supplémentaire des monuments historiques ; que, toutefois, ni l’arrêté ayant pour objet de déclarer d’utilité publique l’acquisition du terrain de M. A, ni l’arrêté de cessibilité du 14 octobre 2011 n’entraînent, par eux-mêmes, une modification d’immeubles, au sens des dispositions précitées ; que, par suite, le moyen tiré de ce que ces dispositions auraient été méconnues est inopérant et ne peut qu’être écarté ;

16. Considérant qu’il résulte de tout ce qui précède, que M. A n’est pas fondé à soutenir que c’est à tort que, par l’ordonnance attaquée, le président de la 2e chambre du tribunal administratif d’Orléans a rejeté sa demande ;

Sur les conclusions tendant à l’application des dispositions de l’article L. 761-1 du code de justice administrative :

17. Considérant que ces dispositions font obstacle à ce que soit mis à la charge de l’Etat, qui n’est pas la partie perdante dans la présente instance, le versement de la somme que M. A demande au titre des frais exposés et non compris dans les dépens ; qu’il y a lieu, dans les circonstances de l’espèce, en application de ces mêmes dispositions, de mettre à la charge de M. A, le versement d’une somme de 1 500 euros à la commune de Colombiers au titre des frais de même nature qu’elle a exposés ;

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de M. A est rejetée.

Article 2 : M. A versera une somme de 1 500 euros (mille cinq cents euros) à la commune de Colombiers au titre de l’article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à M. D A, au ministre de l’intérieur et à la commune de Colombiers.

Délibéré après l’audience du 8 novembre 2013, à laquelle siégeaient :

— M. Iselin, président de chambre,

— M. Millet, président-assesseur,

— M. Durup de Baleine, premier conseiller.

Lu en audience publique, le 29 novembre 2013.

Le rapporteur,

J-F. MILLET

Le président,

B. ISELIN

Le greffier,

F. PERSEHAYE

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Cour administrative d'appel de Nantes, 29 novembre 2013, n° 12NT01173