Cour Administrative d'Appel de Nantes, 1ère Chambre , 6 novembre 2014, 13NT02251, Inédit au recueil Lebon

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Chronologie de l’affaire

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Sur la décision

Référence :
CAA Nantes, 1re ch., 6 nov. 2014, n° 13NT02251
Juridiction : Cour administrative d'appel de Nantes
Numéro : 13NT02251
Importance : Inédit au recueil Lebon
Type de recours : Autres
Décision précédente : Tribunal administratif de Nantes, 19 juin 2013, N° 1001291
Identifiant Légifrance : CETATEXT000029762105

Sur les parties

Texte intégral

Vu la requête, enregistrée le 1er août 2013, présentée pour Me A… B… en qualité de liquidateur judiciaire de la société anonyme (SA) Société de fabrication de boissons (SOFABO), par Me Proux, avocat ; Me B… demande à la cour :

1°) d’annuler le jugement n° 1001291 en date du 20 juin 2013 en tant que le tribunal administratif de Nantes a rejeté sa demande tendant à la décharge, d’une part, des cotisations supplémentaires à l’impôt sur les sociétés auxquelles la SA SOFABO a été assujettie au titre des exercices clos en 2006 et 2007 et, d’autre part, de la pénalité prévue au 3° du I de l’article 1737 du code général des impôts ;

2°) de prononcer la décharge de ces impositions et de cette pénalité ;

3°) de mettre à la charge de l’Etat une somme de 6 000 euros au titre de l’article L. 761-1 du code de justice administrative ;

il soutient que :

— la vente de déchets en acier inoxydable à la société GDE s’est faite à l’insu de la SA SOFABO ; l’attestation établie par trois salariés de la SA SOFABO, qui met en cause les dirigeants de celle-ci, a été obtenue sous la contrainte et ne présente donc pas de caractère probant ; pour reconstituer le bénéfice résultant de la vente de déchets, l’administration s’est fondée sur des documents comptables de la société GDE, lesquels avaient été falsifiés ;

— dès lors que les déchets vendus à la société GDE lui avaient été volés, la pénalité prévue au 3° du I de l’article 1737 du code général des impôts ne saurait être mise à sa charge ;

Vu le jugement attaqué ;

Vu le mémoire en défense, enregistré le 12 décembre 2013, présenté par le ministre délégué chargé du budget qui demande à la cour :

1°) de rejeter la requête ;

2°) par la voie de l’appel incident, d’annuler l’article 1er du jugement attaqué, par lequel le tribunal administratif de Nantes a déchargé la SA SOFABO des pénalités pour manoeuvres frauduleuses dont avaient été assorties les cotisations supplémentaires à l’impôt sur les sociétés auxquelles elle avait été assujettie au titre des exercices clos en 2006 et 2007 et de substituer à la pénalité pour manoeuvres frauduleuses la pénalité pour manquement délibéré prévue à l’article 1729 du code général des impôts ;

le ministre soutient que :

— les ventes de déchets n’ont pu avoir lieu à l’insu des dirigeants de la SA SOFABO ; des éléments issus de la comptabilité de la société GDE pouvaient être utilisés pour déterminer le bénéfice résultant des ventes de déchets ;

— la pénalité prévue au 3° du I de l’article 1737 du code général des impôts est justifiée dès lors que les déchets n’ont pas été soustraits frauduleusement à la SA SOFABO mais ont été vendus par ses préposés à la société GDE ; la majoration pour manquement délibéré doit être substituée à celle pour manoeuvres frauduleuses en raison du caractère intentionnel des omissions déclaratives en cause ;

Vu le mémoire, enregistré le 11 juillet 2014, par lequel Me B… conclut aux mêmes fins par les mêmes moyens ;

il soutient en outre que, dès lors que la SA SOFABO a été victime d’un vol, la pénalité pour manquement délibéré ne trouve pas à s’appliquer ;

Vu le mémoire, enregistré le 8 septembre 2014, par lequel le ministre des finances et des comptes publics conclut aux mêmes fins par les mêmes moyens ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l’audience ;

Après avoir entendu au cours de l’audience publique du 16 octobre 2014 :

— le rapport de M. Jouno, premier conseiller,

— et les conclusions de Mlle Wunderlich, rapporteur public ;

1. Considérant que la SA SOFABO, qui exerçait l’activité de production et d’embouteillage d’eau de source, a fait l’objet d’une vérification de comptabilité qui a porté sur les exercices clos en 2006 et 2007 ; qu’à l’issue de cette vérification, l’administration a réintégré aux résultats de cette société des recettes issues de la vente de déchets à la société GDE et a mis en conséquence à sa charge, au titre des deux exercices vérifiés, des cotisations supplémentaires à l’impôt sur les sociétés ; qu’elle a assorti ces cotisations supplémentaires de la majoration pour manoeuvres frauduleuses visée au b de l’article 1729 du code général des impôts ainsi que de l’amende pour défaut de délivrance de facture prévue au 3° du I de l’article 1737 du même code ; que, saisi d’une demande tendant à la décharge de ces cotisations supplémentaires et de ces pénalités, le tribunal administratif de Nantes a, par jugement du 20 juin 2013, déchargé la SA SOFABO de la majoration pour manoeuvres frauduleuses, mais rejeté le surplus des conclusions qui lui étaient présentées ; que Me B…, en qualité de liquidateur judiciaire de la SA SOFABO, relève appel de ce jugement en tant qu’il a rejeté sa demande tendant à la décharge des cotisations supplémentaires à l’impôt sur les sociétés auxquelles cette société avait été assujettie au titre des exercices clos en 2006 et 2007 ainsi que de l’amende pour défaut de délivrance de factures ; que le ministre sollicite, par la voie de l’appel incident, l’annulation de l’article 1er du même jugement, lequel a déchargé la SA SOFABO des pénalités pour manoeuvres frauduleuses, et la substitution à ces pénalités de la majoration pour manquement délibéré ;

Sur l’appel principal :

En ce qui concerne le bien-fondé des impositions :

2. Considérant qu’il est constant que des déchets en acier inoxydable issus des activités de la SA SOFABO ont été livrés, au cours des exercices litigieux, par des salariés de cette société à la société GDE et que cette dernière a réglé en espèces ces livraisons, sans que de tels règlements aient été comptabilisés par la SA SOFABO ;

3. Considérant, en premier lieu, que Me B… fait valoir que ces livraisons ont été réalisées à l’insu des dirigeants de la SA SOFABO par trois de ses salariés ; qu’il précise, à cet égard, que, si ces derniers ont attesté, par acte du 13 novembre 2008, que leurs agissements avaient reçu l’aval des dirigeants de la société, deux d’entre eux ont rétracté cette attestation le 13 janvier 2009 et ont précisé, par actes du 23 mai 2009, que celle-ci n’avait été obtenue qu’en raison des menaces exercées sur eux par l’administration ; qu’il ajoute, par ailleurs, que les agissements dont il s’agit n’ont pas été rendus possibles par l’absence ou le manque de supervision des trois salariés en question ; que, toutefois, si deux des signataires de l’attestation du 13 novembre 2008 ont rétracté celle-ci le 13 janvier 2009 puis ont prétendu, le 23 mai 2009, que leurs aveux initiaux avaient été obtenus sous la contrainte de l’administration, ces deux personnes étaient, contrairement au troisième signataire, restées placées à ces dates dans un lien de subordination vis-à-vis des dirigeants de la SA SOFABO ; qu’en outre, les allégations qu’ils ont formulées le 23 mai 2009 ne sont corroborées par aucun commencement de preuve ; que, dès lors, ni ces allégations ni la rétractation intervenue le 13 janvier 2009 ne sauraient priver de force probante l’attestation du 13 novembre 2008 ;

4. Considérant, en deuxième lieu, que, si ces salariés ont été prévenus, l’un, du chef d’abus de confiance, et les deux autres, du chef de recel de bien obtenu à l’aide d’un abus de confiance, il ont tous trois été relaxés par jugement du tribunal de grande instance de la Roche-sur-Yon du 28 janvier 2013 ; que, contrairement à ce que prétend la SA SOFABO, cette juridiction ne s’est d’ailleurs pas fondée sur une attestation de la société GDE de laquelle il ressortirait que les dirigeants de la SA SOFABO n’avaient pas été tenus informés des livraisons de déchets mentionnées au point 2 ;

5. Considérant, en troisième lieu, ainsi que l’ont relevé les premiers juges, que les cessions de déchets dont il s’agit portaient sur des volumes très significatifs, à savoir 11 tonnes au titre de l’exercice clos en 2006 et 42 tonnes au titre de l’exercice clos en 2007 ; qu’elles ont été réalisées par des salariés de la SA SOFABO à l’aide des moyens de celle-ci, au terme de travaux préparatoires conséquents ; que le nombre des salariés impliqués, rapporté aux effectifs de la société, n’était pas négligeable ;

6. Considérant que le ministre, qui invoque les circonstances décrites aux points précédents, doit être regardé comme ayant démontré non seulement que les dirigeants de la SA SOFABO avaient connaissance de ces cessions de déchets mais aussi que ces dernières avaient été réalisées pour le compte de la SA SOFABO ;

7. Considérant que l’administration a évalué les recettes résultant de la vente de déchets à la société GDE à 19 380 euros au titre de l’exercice clos en 2006 et à 77 306 euros au titre de l’exercice clos en 2007 ; que, pour déterminer ces montants, l’administration s’est principalement appuyée sur des états intitulés « édition des pesées au fil de l’eau par fournisseur du 1er janvier 2005 au 31 décembre 2007 » dont elle avait demandé la communication à la société GDE ;

8. Considérant que, pour contester l’évaluation faite par l’administration, Me B… soutient que ces documents, issus de la société GDE, ne doivent pas être pris en considération dès lors que cette société masque l’identité de certaines personnes lui livrant des déchets métalliques et attribue ces livraisons à des tiers ;

9. Considérant, toutefois, que, s’il est vrai que l’administration a elle-même fait valoir, dans la proposition de rectification et dans son rapport à la commission départementale des impôts directs et des taxes sur le chiffre d’affaires, que les documents dans lesquels la société GDE consignait les pesées de déchets métalliques avaient été falsifiés par les employés de cette société, ces falsifications, qui portaient seulement sur l’identité des auteurs des livraisons de déchets, étaient aisément identifiables ; qu’il n’est, par ailleurs, pas contesté que les indications fournies par les états intitulés « édition des pesées au fil de l’eau par fournisseur du 1er janvier 2005 au 31 décembre 2007 » ont été recoupées avec d’autres éléments issus de la comptabilité de la société GDE, tels que les sommes portées sur le compte fournisseur de la SA SOFABO ; que, dans ces circonstances particulières, dont l’administration justifie, Me B… n’est pas fondé à faire valoir que les bénéfices résultant de la vente de déchets à la société GDE ont été surévalués ;

En ce qui concerne l’amende prévue au 3° du I de l’article 1737 du code général des impôts :

10. Considérant qu’aux termes du I de l’article 1737 du code général des impôts : " Entraîne l’application d’une amende égale à 50 % du montant : / (…) 3. De la transaction, le fait de ne pas délivrer une facture. Le client est solidairement tenu au paiement de cette amende. Toutefois, lorsque le fournisseur apporte, dans les trente jours de la mise en demeure adressée par l’administration fiscale, la preuve que l’opération a été régulièrement comptabilisée, il encourt une amende réduite à 5 % du montant de la transaction ; (…). / Les dispositions des 1 à 4 s’appliquent aux opérations réalisées dans le cadre d’une activité professionnelle. » ;

11. Considérant que Me B… soutient que les déchets dont il s’agit ont été volés à la SA SOFABO par ses salariés et que cette société n’était donc pas, au sens de l’article précité, le fournisseur de ceux-ci ;

12. Considérant, cependant, qu’ainsi qu’il a été exposé aux points 3 à 6, l’administration

doit être regardée comme ayant démontré que les déchets en cause avaient été livrés à la société GDE pour le compte de la SA SOFABO ; qu’il est, par ailleurs, constant que ces livraisons à titre onéreux n’ont donné lieu à aucune facture et n’ont pas été comptabilisées ; que, par suite, c’est à bon droit que l’amende de 50 % du montant de ces livraisons, prévue au 3° du I de l’article 1737 du code général des impôts, a été mise à la charge de la SA SOFABO ;

13. Considérant qu’il résulte de ce qui précède que Me B… n’est pas fondé à soutenir que c’est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Nantes a rejeté ses conclusions à fin de décharge, d’une part, des cotisations supplémentaires à l’impôt sur les sociétés mises à la charge de la SA SOFABO au titre des exercices clos en 2006 et 2007, et d’autre part, de l’amende prévue au 3° du I de l’article 1737 du code général des impôts ;

Sur l’appel incident :

14. Considérant qu’aux termes de l’article 1729 du code général des impôts : " Les inexactitudes ou les omissions relevées dans une déclaration ou un acte comportant l’indication d’éléments à retenir pour l’assiette ou la liquidation de l’impôt ainsi que la restitution d’une créance de nature fiscale dont le versement a été indûment obtenu de l’Etat entraînent l’application d’une majoration de : a. 40 % en cas de manquement délibéré ; (…) c. 80 % en cas de manoeuvres frauduleuses (…) » ;

15. Considérant qu’il résulte de ce qui précède que le ministre, qui demande à la cour par la voie de l’appel incident de substituer la majoration de 40 % pour manquement délibéré à la majoration de 80 % pour manoeuvres frauduleuses dont les premiers juges avaient déchargé la SA SOFABO, établit que celle-ci avait omis sciemment de porter en comptabilité les ventes de déchets mentionnées aux points précédents ; qu’il y a, par suite, lieu de procéder à la substitution demandée ;

16. Considérant qu’il suit de là qu’il y a lieu d’annuler l’article 1er du jugement attaqué et d’assortir les cotisations supplémentaires à l’impôt sur les sociétés mises à la charge de la SA SOFABO au titre des exercices clos en 2006 et 2007 de la pénalité pour manquement délibéré ;

Sur les conclusions tendant à l’application des dispositions de l’article L. 761-1 du code de justice administrative :

17. Considérant que ces dispositions font obstacle à ce que soit mise à la charge de l’Etat, qui n’est pas la partie perdante dans la présente instance, la somme que Me B… demande au titre des frais exposés par lui et non compris dans les dépens ;

DÉCIDE :


Article 1er : L’article 1er du jugement n° 1001291 du tribunal administratif de Nantes du 20 juin 2013 est annulé.

Article 2 : Les cotisations supplémentaires à l’impôt sur les sociétés mises à la charge de la SA SOFABO au titre des exercices clos en 2006 et 2007 seront assorties de la pénalité de 40 % pour manquement délibéré prévue par l’article 1729 du code général des impôts.

Article 3 : La requête de Me B…, liquidateur judiciaire de la société anonyme (SA) Société de fabrication de boissons (SOFABO), est rejetée.

Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à Me A… B… et au ministre des finances et des comptes publics.

Délibéré après l’audience du 16 octobre 2014, à laquelle siégeaient :

— M. Bataille, président de chambre,

 – Mme Loirat, président-assesseur,

 – M. Jouno, premier conseiller.

Lu en audience publique, le 6 novembre 2014.

Le rapporteur,

T. JOUNO Le président,

F. BATAILLE

Le greffier,

C. CROIGER


La République mande et ordonne au ministre des finances et des comptes publics en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l’exécution de la présente décision.

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N° 13NT02251 2

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