CAA de NANTES, 6ème chambre, 1 décembre 2020, 19NT01555, Inédit au recueil Lebon

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Chronologie de l’affaire

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Sur la décision

Référence :
CAA Nantes, 6e ch., 1er déc. 2020, n° 19NT01555
Juridiction : Cour administrative d'appel de Nantes
Numéro : 19NT01555
Importance : Inédit au recueil Lebon
Type de recours : Plein contentieux
Décision précédente : Tribunal administratif d'Orléans, 5 décembre 2018, N° 1703369
Dispositif : Satisfaction partielle
Identifiant Légifrance : CETATEXT000042600970

Sur les parties

Texte intégral

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme B… A… a demandé au tribunal administratif d’Orléans de condamner l’Etat à lui verser la somme de 29 251,75 euros correspondant à l’indemnité représentative des salaires qui lui auraient été versés jusqu’à la liquidation de ses droits à la retraite ou, à titre subsidiaire, la somme de 3 741 euros au titre de l’indemnité de licenciement, la somme de 633,81 euros au titre de l’indemnité compensatrice de congés annuels et une somme de 15 000 euros en réparation du préjudice moral subi à l’occasion de la rupture de son contrat.

Par un jugement n° 1703369 du 6 décembre 2018, le tribunal administratif d’Orléans a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 20 avril 2019, Mme A…, représentée par Me C…, demande à la cour :

1°) d’annuler ce jugement ;

2°) de condamner l’Etat à lui verser la somme de 29 251,75 euros correspondant à l’indemnité représentative des salaires qui lui auraient été versés jusqu’à la liquidation de ses droits à la retraite ou, à titre subsidiaire, la somme de 3 741 euros au titre de l’indemnité de licenciement, la somme de 633,81 euros au titre de l’indemnité compensatrice de congés annuels et une somme de 15 000 euros en réparation du préjudice moral subi à l’occasion de la rupture de son contrat ;

3°) de mettre à la charge de l’Etat une somme de 2 000 euros au titre de l’article L. 761-1 du code de justice administrative et une somme de 500 euros à verser à son conseil en application de l’article 37 de la loi du 10 juillet 1991.

Elle soutient que :

 – elle a occupé de manière continue en tant que femme de ménage puis agent d’entretien à hauteur de 55 heures par mois de septembre 1996 au 31 août 2016 un emploi à caractère permanent correspondant à un besoin permanent de l’administration et doit être regardée comme ayant eu la qualité d’agent contractuel de droit public et non de vacataire ;

 – la responsabilité de l’Etat est engagée pour faute du fait de l’illégalité de son licenciement en l’absence de mise en oeuvre de la procédure prévue par les dispositions des articles 45-2 et suivants du décret n°86-83 du 17 janvier 1986 ;

 – c’est à tort que les premiers juges ont estimé que son contrat n’avait pas, en application du second alinéa du I de l’article 13 de la loi du 26 juillet 2015, été conclu à durée indéterminée en l’absence de justification d’avoir été en fonction depuis six ans au moins dès lors qu’elle a occupé ses fonctions de manière continue à compter du mois de septembre 1996 ;

 – contrairement à ce qu’a relevé le tribunal, elle n’a pas invoqué les dispositions du II de l’article 13 de la loi du 26 juillet 2005 ;

 – c’est à tort que les premiers juges ont estimé que n’avait pas à lui être obligatoirement proposé un contrat à durée indéterminée en application de l’article 8 de la loi du 12 mars 2012 dès lors qu’elle a occupé ses fonctions de manière continue à compter du mois de septembre 1996 et se trouvait en fonction au rectorat au jour de la publication de cette loi ; compte tenu de la quotité exercée, elle doit être regardée comme ayant un contrat à durée indéterminée à compter du 13 mars 2012 ;

 – la responsabilité de l’Etat est engagée pour faute du fait de la méconnaissance du délai de prévenance prévu par l’article 45 du décret n°86-83 du 17 janvier 1986 dans la mesure où elle n’a été informée que cinq jours avant son terme du fait que son engagement ne serait pas renouvelé ;

 – la responsabilité de l’Etat est engagée pour faute du fait de l’absence de délivrance de l’attestation employeur sans laquelle elle n’a pu faire valoir ses droits à l’allocation de retour à l’emploi ;

 – ce licenciement illégal l’a privé d’un emploi permanent et lui cause un préjudice de perte de salaires de 29 251,75 euros ; à titre subsidiaire, elle sollicite le versement de l’indemnité de licenciement prévue par l’article 54 du décret n°83-86 du 17 janvier 1986 de 3 741, 21 euros ;

 – n’ayant pas bénéficié des six jours de congés annuels auxquels elle pouvait prétendre, elle sollicite le versement de la somme de 633, 38 euros au titre de l’indemnité compensatrice de congés annuels ;

 – elle a subi un préjudice moral résultant du caractère brutal et imprévu de la fin de son engagement du fait de la méconnaissance du délai de prévenance et du défaut de délivrance de l’attestation employeur.

Par un mémoire, enregistré le 4 février 2020, le ministre de l’éducation nationale et de la jeunesse conclut au rejet de la requête.

Il s’en remet aux écritures produites dans le cadre de la première instance.
Mme A… a été admise au bénéfice de l’aide juridictionnelle partielle par décision du 19 février 2019.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

 – le code du travail ;

 – la loi n°83-634 du 13 juillet 1983 ;

 – la loi n°84-16 du 11 janvier 1984 ;

 – la loi n°2012-347 du 12 mars 2012 ;

 – la loi n°2005-843 du 26 juillet 2005 ;

 – le décret n°86-83 du 17 janvier 1986 ;

 – la loi n°91-647 du 10 juillet 1991 ;

 – le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l’audience.

Ont été entendus au cours de l’audience publique :

 – le rapport de Mme D…,

 – les conclusions de M. Lemoine, rapporteur public,

 – et les observations de Me E…, substituant Me C…, représentant Mme A….

Considérant ce qui suit :

1. Mme A…, recrutée en qualité de personnel d’entretien vacataire à la direction des services de l’éducation nationale du Cher, assurait l’entretien des locaux de la circonscription de Vierzon à raison de 55 heures par mois jusqu’au 31 août 2016, date à laquelle a pris fin le dernier engagement dont elle bénéficiait depuis le 1er janvier 2016. Après le rejet, par décision du 21 juillet 2017, de la demande indemnitaire qu’elle avait présentée en réparation des préjudices qu’elle estimait subir du fait de son éviction, elle a sollicité auprès du tribunal administratif d’Orléans la condamnation de l’Etat à lui verser la somme de 29 251,75 euros correspondant à l’indemnité représentative des salaires qui lui auraient été versés jusqu’à la liquidation de ses droits à la retraite ou, à titre subsidiaire, la somme de 3 741 euros au titre de l’indemnité de licenciement, la somme de 633,81 euros au titre de l’indemnité compensatrice de congés annuels et une somme de 15 000 euros en réparation du préjudice moral subi à l’occasion de la rupture de son contrat. Elle relève appel du jugement du 6 décembre 2018 par lequel ce tribunal a rejeté sa demande.

Sur la responsabilité pour faute :

En ce qui concerne la faute résultant de l’absence de proposition d’un contrat à durée indéterminée :

S’agissant de la qualité d’agent non titulaire de l’administration :

2. Aux termes de l’article 3 de la loi du 13 juillet 1983 portant droits et obligations des fonctionnaires : « Sauf dérogation prévue par une disposition législative, les emplois civils permanents de l’Etat, des régions, des départements, des communes et de leurs établissements publics à caractère administratif sont, à l’exception de ceux réservés aux magistrats de l’ordre judiciaire et aux fonctionnaires des assemblées parlementaires, occupés soit par des fonctionnaires régis par le présent titre, soit par des fonctionnaires des assemblées parlementaires, des magistrats de l’ordre judiciaire ou des militaires dans les conditions prévues par leur statut ». Aux termes de l’article 4 de la loi du 11 janvier 1984 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique de l’Etat : " Par dérogation au principe énoncé à l’article 3 du titre Ier du statut général, des agents contractuels peuvent être recrutés dans les cas suivants : 1° Lorsqu’il n’existe pas de corps de fonctionnaires susceptibles d’assurer les fonctions correspondantes ; 2° Pour les emplois du niveau de la catégorie A et, dans les représentations de l’Etat à l’étranger, des autres catégories, lorsque la nature des fonctions ou les besoins des services le justifient « . Aux termes de l’article 6 de cette loi dans sa rédaction applicable : » Les fonctions qui, correspondant à un besoin permanent, impliquent un service à temps incomplet d’une durée n’excédant pas 70 % d’un service à temps complet, sont assurées par des agents contractuels. (…) « . Aux termes de l’article 1er du décret du 17 janvier 1986 relatif aux dispositions générales applicables aux agents contractuels de l’Etat pris pour l’application de l’article 7 de la loi n° 84-16 du 11 janvier 1984 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique de l’Etat : » Les dispositions du présent décret s’appliquent aux agents contractuels de droit public recrutés par l’une des administrations mentionnées à l’article 2 de la loi du 11 janvier 1984 susvisée en vertu (…) des articles 4, 6, 6 bis, 6 ter, 6 quater, 6 quinquies, 6 sexies ou 6 septies de la même loi. (…) ".

3. Un agent de droit public employé par l’Etat ne peut pas prétendre au bénéfice des dispositions prévues par le décret du 17 janvier 1986 en faveur de ses agents non titulaires mais doit être regardé comme ayant été engagé pour exécuter un acte déterminé lorsqu’il a été recruté pour répondre ponctuellement à un besoin de l’administration. La circonstance que cet agent a été recruté plusieurs fois, au cours de différentes années, pour exécuter des actes déterminés n’a pas pour effet, à elle seule, de lui conférer la qualité d’agent contractuel. En revanche, lorsque l’exécution d’actes déterminés multiples répond à un besoin permanent de l’administration, l’agent doit être regardé comme ayant la qualité d’agent non titulaire de l’administration.

4. Il résulte de l’instruction, notamment de l’attestation d’employeur du 1er février 2019 produite en appel, que Mme A… a été employée, sans discontinuer du mois de septembre 1996 au mois d’août 2016, pour assurer, à raison de 55 heures par mois, l’entretien des locaux de la circonscription de Vierzon des services départementaux de l’éducation nationale. Mme A… est, de ce fait, fondée à soutenir qu’elle occupait un emploi répondant à un besoin permanent de l’administration, sa rémunération à la vacation et la latitude dont elle disposait dans l’organisation de son travail étant sans influence sur cette situation. Par suite, et compte tenu de la nature et conditions d’exercice à temps incomplet de ces fonctions, qui ne relèvent pas de la catégorie A et peuvent être assumées par un corps de fonctionnaires, le lien contractuel en cause présente les caractéristiques énoncées à l’article 6 de la loi du 26 janvier 1984. Mme A… doit donc être regardée comme ayant la qualité, non de vacataire mais d’agent non titulaire de l’administration employé sur le fondement de l’article 6 de la loi du 26 janvier 1984 pouvant prétendre au bénéfice des dispositions prévues par le décret du 17 janvier 1986.

S’agissant de la durée du contrat :

5. Aux termes du premier alinéa du I de l’article 13 de la loi du 26 juillet 2005 : « I. – Lorsque l’agent, recruté sur un emploi permanent, est en fonction à la date de publication de la présente loi ou bénéficie, à cette date, d’un congé, en application des dispositions du décret mentionné à l’article 7 de la loi n° 84-16 du 11 janvier 1984 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique de l’Etat, le renouvellement de son contrat est soumis aux conditions prévues aux quatrième, cinquième et sixième alinéas de l’article 4 de la même loi./ Lorsque, à la date de publication de la présente loi, l’agent est en fonction depuis six ans au moins, de manière continue, son contrat ne peut, à son terme, être reconduit que par décision expresse et pour une durée indéterminée. ». Si Mme A… soutient que le contrat dont elle était titulaire a été transformé en contrat à durée indéterminée lors de son renouvellement le 1er janvier 2006 en application du second alinéa du I de l’article 13 de la loi du 26 juillet 2005, cette disposition, qui prévoit que les contrats à durée déterminée des agents de la fonction publique de l’Etat recrutés dans les cas prévus par l’article 4 de la loi du 11 janvier 1984 sont dans certaines conditions reconduits pour une durée indéterminée à l’expiration d’une période de six ans, ne lui est pas applicable dès lors qu’ainsi qu’il a été dit au point 4, la base légale de son contrat à temps incomplet n’est pas l’article 4 de la loi du 11 janvier 1984 mais l’article 6 de cette même loi.

6. Aux termes de l’article 8 de la loi du 12 mars 2012 : « A la date de publication de la présente loi, la transformation de son contrat en contrat à durée indéterminée est obligatoirement proposée à l’agent contractuel, employé par l’Etat, l’un de ses établissements publics ou un établissement public local d’enseignement sur le fondement du dernier alinéa de l’article 3 ou des articles 4 ou 6 de la loi n° 84-16 du 11 janvier 1984 précitée dans sa rédaction antérieure à celle résultant de la présente loi, qui se trouve en fonction ou bénéficie d’un congé prévu par le décret pris en application de l’article 7 de la même loi./ Le droit défini au premier alinéa du présent article est subordonné à une durée de services publics effectifs, accomplis auprès du même département ministériel, de la même autorité publique ou du même établissement public, au moins égale à six années au cours des huit années précédant la publication de la présente loi.(…) ». Aux termes de l’article 37 de cette même loi : " I. _ Après l’article 6 de la loi n° 84-16 du 11 janvier 1984 précitée, sont insérés des articles 6 bis à 6 septies ainsi rédigés : / « Art. 6 bis. – Lorsque les contrats pris en application des articles 4 et 6 sont conclus pour une durée déterminée, cette durée est au maximum de trois ans. Ces contrats sont renouvelables par reconduction expresse dans la limite d’une durée maximale de six ans. / » Tout contrat conclu ou renouvelé en application des mêmes articles 4 et 6 avec un agent qui justifie d’une durée de services publics effectifs de six ans dans des fonctions relevant de la même catégorie hiérarchique est conclu, par une décision expresse, pour une durée indéterminée. ".

7. En application des dispositions citées au point 6, Mme A…, qui avait fait l’objet d’une décision d’engagement pour la période du 1er janvier 2012 au 31 décembre 2012 et avait accompli, ce qui ressort de l’attestation d’employeur produite et n’est pas contesté par l’administration, des services effectifs auprès du même employeur sur une durée égale à six années au cours des huit années précédant la publication de la loi du 12 mars 2012, est fondée à soutenir que l’administration aurait dû lui proposer de transformer son contrat en contrat à durée indéterminée et que le renouvellement de son contrat aurait dû être conclu pour une durée indéterminée.

8. Il s’ensuit que Mme A… est fondée à soutenir que l’administration a commis une première faute en s’abstenant de lui proposer la transformation de son contrat en contrat à durée indéterminée.

En ce qui concerne la faute résultant du non-respect de la procédure de licenciement :

9. Aux termes de l’article 45-2 du décret du 17 janvier 1986 : « L’agent contractuel peut être licencié pour un motif d’insuffisance professionnelle. L’agent doit préalablement être mis à même de demander la communication de l’intégralité de toute pièce figurant dans son dossier individuel, dans un délai suffisant permettant à l’intéressé d’en prendre connaissance. Le droit à communication concerne également toute pièce sur laquelle l’administration entend fonder sa décision, même si elle ne figure pas au dossier individuel. ».

10. Il résulte de ce qui a été dit aux points 4 et 7 que la décision de non-renouvellement du contrat de Mme A… doit être analysée comme un licenciement intervenu au cours d’un contrat à durée indéterminée. Il est constant que l’administration n’a pas mis en oeuvre la procédure de licenciement prévue par les articles 45-2 et suivants du décret du 17 janvier 1986, privant Mme A… des garanties, notamment celle du droit de demander communication de son dossier individuel. Par suite, Mme A… est fondée soutenir que l’administration a commis une deuxième faute liée à l’irrégularité de la procédure ayant conduit à sa cessation d’emploi.

En ce qui concerne la faute résultant de l’absence de délivrance de l’attestation prévue à l’article R. 1234-9 du code du travail :

11. Aux termes de l’article R. 1234-9 du code du travail : « L’employeur délivre au salarié, au moment de l’expiration ou de la rupture du contrat de travail, les attestations et justifications qui lui permettent d’exercer ses droits aux prestations mentionnées à l’article L. 5421-2 et transmet sans délai ces mêmes attestations à Pôle emploi. (…) ».

12. Il résulte de l’instruction qu’alors que la délivrance de l’attestation prévue par l’article R. 1234-9 du code du travail est nécessaire à l’examen par Pôle emploi d’une demande d’allocation au titre de l’assurance chômage et qu’elle revêt le caractère d’une obligation pour l’employeur dans tous les cas d’expiration ou de rupture du contrat de travail, l’administration s’est abstenue de délivrer à Mme A… l’attestation liée à la rupture de son contrat de travail au 30 août 2016 avant le 18 janvier 2019. Ce faisant, elle a commis une faute.

13. Il résulte de ce qui précède que Mme A… est fondée à soutenir que la responsabilité de l’Etat doit être engagée du fait des fautes commises et à obtenir la réparation des préjudices en lien direct avec ces fautes.

Sur les préjudices :

En ce qui concerne l’indemnisation de la perte de rémunération :

14. En vertu des principes généraux qui régissent la responsabilité des personnes publiques, l’agent public irrégulièrement évincé a droit à la réparation intégrale du préjudice qu’il a effectivement subi du fait de la mesure illégalement prise à son encontre, y compris au titre de la perte des rémunérations auxquelles il aurait pu prétendre s’il était resté en fonctions. Lorsque l’agent ne demande pas l’annulation de cette mesure mais se borne à solliciter le versement d’une indemnité en réparation de l’illégalité dont elle est entachée, il appartient au juge de plein contentieux, forgeant sa conviction au vu de l’ensemble des éléments produits par les parties, de lui accorder une indemnité versée pour solde de tout compte et déterminée en tenant compte notamment de la nature et de la gravité des illégalités affectant la mesure d’éviction, de l’ancienneté de l’intéressé, de sa rémunération antérieure ainsi que, le cas échéant, des fautes qu’il a commises.

15. Il résulte de l’instruction que Mme A…, âgée de 57 ans en 2016, a été employée par le ministère de l’éducation nationale pendant vingt ans à hauteur de 55 heures par mois sans qu’un contrat à durée indéterminée ne lui soit proposé et pour un revenu net mensuel en 2016 de 433,03 euros par mois. Si l’administration évoque que son éviction était motivée par l’externalisation de la prestation d’entretien, elle ne produit aucun élément confirmant la mise en oeuvre de cette externalisation au 1er septembre 2016 et n’explique pas les raisons pour lesquelles elle était finalement en mesure de proposer à Mme A… de reprendre son activité à compter du 14 novembre 2016. Elle ne justifie pas davantage que cette offre d’emploi était conforme au cadre juridique décrit aux points 4. à 7., de sorte que le refus de Mme A… n’apparait pas fautif. Compte tenu de son ancienneté, de son âge et de l’illégalité externe de la mesure d’éviction dont elle a fait l’objet, il sera fait une juste appréciation du préjudice subi par Mme A… en l’évaluant à la somme de 3 000 euros.

En ce qui concerne l’indemnité de licenciement :

16. Aux termes de l’article 51 du décret du 17 janvier 1786 : « En cas de licenciement n’intervenant pas à titre de sanction disciplinaire, une indemnité de licenciement est versée à l’agent recruté pour une durée indéterminée ou à l’agent recruté pour une déterminée et licencié avant le terme de son contrat. (…) ». Aux termes de l’article 53 de ce même décret : « La rémunération servant de base au calcul de l’indemnité de licenciement est la dernière rémunération nette des cotisations de la sécurité sociale et, le cas échéant, des cotisations d’un régime de prévoyance complémentaire, effectivement perçue au cours du mois civil précédant le licenciement. Elle ne comprend ni les prestations familiales, ni le supplément familial de traitement, ni les indemnités pour travaux supplémentaires ou autres indemnités accessoires. / Le montant de la rémunération servant de base au calcul de l’indemnité de licenciement d’un agent employé à temps partiel est égal au montant de la rémunération qu’il aurait perçue s’il avait été employé à temps complet, telle qu’elle est définie à l’alinéa précédent. (…) ». Aux termes de l’article 54 de ce même décret : « L’indemnité de licenciement est égale à la moitié de la rémunération de base définie à l’article précédent pour chacune des douze premières années de services, au tiers de la même rémunération pour chacune des années suivantes, sans pouvoir excéder douze fois la rémunération de base. Elle est réduite de moitié en cas de licenciement pour insuffisance professionnelle. (…) ».

17. Eu égard à la dernière rémunération nette perçue par Mme A…, laquelle n’a pas à être calculée par référence au montant de rémunération à temps complet dès lors que l’intéressée n’exerçait pas à temps partiel mais à temps incomplet et aux modalités de calcul prévue par les dispositions citées au point précédent, il y a lieu de faire droit à la demande présentée par Mme A… à hauteur de la somme de 3 741,21 euros sollicitée.

En ce qui concerne l’indemnité compensatrice de congés payés :

18. Aux termes de l’article 10 du décret du 17 janvier 1986 : « I.- L’agent non titulaire en activité a droit, compte tenu de la durée de service effectué, à un congé annuel dont la durée et les conditions d’attribution sont identiques à celles du congé annuel des fonctionnaires titulaires prévu par le décret n° 84-972 du 26 octobre 1984 susvisé. / II.- En cas de licenciement n’intervenant pas à titre de sanction disciplinaire ou à la fin d’un contrat à durée déterminée, l’agent qui, du fait de l’administration en raison notamment de la définition par le chef de service du calendrier des congés annuels, n’a pu bénéficier de tout ou partie de ses congés annuels a droit à une indemnité compensatrice de congés annuels. / L’indemnité compensatrice de congés annuels est égale au 1/10 de la rémunération totale brute perçue par l’agent au cours de sa période d’emploi, entre le 1er janvier et le 31 décembre de l’année en cours. L’indemnité est proportionnelle au nombre de jours de congés annuels dus non pris. (…) ».

19. Mme A… avait, en sa qualité d’agent non titulaire en activité, droit à six jours de congés au titre de la période du 1er janvier au 31 août 2016, dont elle n’a pu bénéficier en raison de la qualité de vacataire que l’administration, qui ne conteste d’ailleurs aucun de ces éléments, lui opposait. Par suite, la requérante est fondée à solliciter, sur le fondement de l’article 10 du décret du 17 janvier 1986, le bénéfice de l’indemnité compensatrice de congés payés qui, eu égard au montant de rémunération brute totale perçue sur cette période mentionnée sur ses bulletins de salaires, s’élève à la somme de 465,48 euros.

En ce qui concerne le préjudice moral :

20. Quand bien même Mme A… a refusé l’offre qui lui a été faite le 12 novembre 2016 de reprendre ses fonctions antérieures, l’intéressée, alors âgée de 57 ans, qui était employée de manière précaire mais constante depuis vingt ans sur les mêmes fonctions, qui a été informée tardivement du non-renouvellement de son engagement alors qu’elle était en droit de bénéficier d’un contrat à durée indéterminée et à qui la délivrance de l’attestation employeur permettant de parfaire son inscription à Pôle Emploi a été refusée pendant plus de deux ans, justifie d’un préjudice moral lié aux conditions de sa cessation d’emploi dont il sera fait une juste appréciation en l’évaluant à la somme de 5 000 euros.

21. Il résulte de l’ensemble de ce qui précède que, d’une part, Mme A… est fondée à soutenir que c’est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif d’Orléans a rejeté sa demande indemnitaire et que, d’autre part, l’Etat doit être condamné à lui verser la somme totale de 12 206,69 euros.

Sur les frais liés au litige :

22. Mme A… a été admise au bénéfice de l’aide juridictionnelle partielle à hauteur de 25 %. Son avocat peut se prévaloir des dispositions de l’article L. 761-1 du code de justice administrative et de l’article 37 de la loi du 10 juillet 1991 relative à l’aide juridique. Dans les circonstances de l’espèce, il y a lieu de mettre à la charge de l’Etat le versement au conseil de Mme A… de la somme de 500 euros, sous réserve que Me C… renonce à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l’Etat, et à Mme A… le versement de la somme de 1 500 euros.


DECIDE :

Article 1er : Le jugement du tribunal administratif d’Orléans du 6 décembre 2018 est annulé.

Article 2 : L’Etat est condamné à verser à Mme A… la somme de 12 209,69 euros.

Article 3 : L’Etat versera, sur le fondement des articles L. 761-1 du code de justice administrative et de l’article 37 de la loi du 10 juillet 1991, la somme de 1 500 euros à Mme A… et la somme de 500 euros à Me C…, sous réserve que ce dernier renonce à percevoir la contribution versée par l’Etat au titre de l’aide juridictionnelle.

Article 4 : Le surplus des conclusions de la requête est rejeté.

Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à Mme B… A… et au ministre de l’éducation nationale, de la jeunesse et des sports.

Délibéré après l’audience du 12 novembre 2020, à laquelle siégeaient :

— M. Gaspon, président de chambre,

 – M. Coiffet, président assesseur,

 – Mme D…, premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 1er décembre 2020.


Le rapporteur,

F. D… Le président,

O. GASPON

Le greffier,

P. CHAVEROUX

La République mande et ordonne au ministre de ministre de l’éducation nationale, de la jeunesse et des sports en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l’exécution de la présente décision.

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N°19NT01555

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