Cour administrative d'appel de Paris, 17 décembre 2010, n° 09P02252

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Chronologie de l’affaire

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Sur la décision

Référence :
CAA Paris, 17 déc. 2010, n° 09P02252
Juridiction : Cour administrative d'appel de Paris
Numéro : 09P02252
Décision précédente : Tribunal administratif de Melun, 23 février 2009, N° 0606754

Texte intégral

LA COUR ADMINISTRATIVE D’APPEL DE PARIS

N° 09PA02252


Mme B X Y

__________

M. Fournier de Laurière

Président

__________

M. Ladreyt

Rapporteur

__________

Mme Sirinelli

Rapporteur public

__________

Audience du 6 décembre 2010

Lecture du 17 décembre 2010

__________

vs

REPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

La Cour administrative d’appel de Paris

(6e Chambre)

Vu la requête, enregistrée le 20 avril 2009, présentée par Mme B X Y, demeurant XXX à Bonneuil-sur-Marne (94380) ; Mme X Y demande à la Cour :

1°) d’annuler le jugement n° 0606754 du 24 février 2009 par lequel le Tribunal administratif de Melun a rejeté sa demande tendant à l’annulation de la décision en date du

5 octobre 2006 par laquelle le président du conseil général du département du Val-de-Marne lui a infligé un avertissement et à la condamnation de l’Etat à lui verser une somme de 600 euros au titre des dispositions de l’article L. 761-1 du code de justice administrative ;

2°) d’annuler, pour excès de pouvoir, la décision précitée ;

Elle soutient que l’avis d’audience qu’elle a reçu ne faisait aucune référence aux dispositions de l’article R. 712-1 du code de justice administrative en vertu desquelles les parties sont mises en mesure de connaître, avant la tenue de l’audience, le sens des conclusions du rapporteur public sur l’affaire qui les concerne ; que ces conclusions ayant été communiquées au département, il a été porté atteinte au droit à un procès équitable garanti par les stipulations de l’article 6 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales et au principe d’égalité des armes ; que le jugement est insuffisamment motivé en ce qui concerne la régularité de la convocation à l’entretien disciplinaire du 15 mai 2006 ; que l’administration a porté atteinte aux droits de la défense en omettant de préciser dans sa convocation la possibilité pour la demanderesse d’être assistée d’une pluralité de conseils comme le prévoit l’article 4 du décret du 18 septembre 1989 relatif à la procédure disciplinaire applicable aux fonctionnaires territoriaux ; que le jugement attaqué renverserait la charge de la preuve en ce qui concerne le caractère disciplinaire de l’entretien du 1er mars 2006 ; que les premiers juges ont commis une erreur de qualification des faits en concluant à l’existence d’une faute de service alors que l’incident s’est produit en dehors des locaux et des horaires de service et ne concernait pas l’organisation du service ; que l’administration a méconnu les stipulations des articles 8 et 10 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales qui garantissent le respect de la vie privée et la liberté d’expression ; que le caractère injurieux ou irrespectueux de ses propos et de son comportement n’est pas établi ;

Vu le mémoire en défense, enregistré le 30 novembre 2009, présenté par le département du Val-de-Marne, représenté par son président en exercice, qui conclut au rejet de la requête et à la condamnation de l’appelante au paiement d’une somme de 1 000 euros en application des dispositions de l’article L. 761-1 du code de justice administrative aux motifs suivants : les dispositions relatives aux mentions devant figurer dans les avis d’audience et issues du décret n° 2009-14 du 7 janvier 2009 relatif au rapporteur public des juridictions administratives et au déroulement de l’audience devant ces juridictions n’étaient applicables, en vertu de l’article 3 de ce décret, qu’aux audiences et séances de jugement tenues à compter du premier jour du troisième mois suivant cette publication ; le département ne conteste pas avoir demandé le sens des conclusions du rapporteur public mais n’a pas eu de réponse à cette demande ; l’agent a été informé de ses droits par courrier en date du 15 mai 2006 ; la circonstance que ce courrier ait omis de préciser que l’intéressée pouvait être assistée d’une pluralité de conseils de son choix reste sans incidence dès lors qu’elle a été effectivement assistée d’un conseil (CE

12 décembre 1997, n° 134341) ; que la charge de la preuve de l’irrégularité de la procédure disciplinaire repose bien sur la requérante ; la procédure disciplinaire n’a été mise en œuvre qu’à compter de la lettre du 15 mai 2006 ; l’incident a eu lieu dans l’enceinte du parking affecté aux véhicules du service, aux horaires de service et en lien avec l’organisation du service ; même si les faits s’étaient déroulés en dehors du service le lien avec le service aurait été suffisant pour justifier l’existence d’une faute de service (CE, 15 juin 2005, n° 261691) ;

Vu le mémoire en réplique, enregistré le 28 décembre 2009, présenté par

Mme X Y par lequel celle-ci maintient ses précédentes conclusions par les moyens suivants : le rapporteur public a transmis au département le sens de ses conclusions avant l’entrée en vigueur des nouvelles dispositions en cause ; l’entretien du 1er mars 2006 avait bien un caractère disciplinaire dès lors qu’il a eu lieu avec la directrice des ressources humaines et concernait la demande de sanction disciplinaire ; que la preuve d’un lien avec le service n’est pas rapportée ; les pièces produites par la partie défenderesse n’ont pas de caractère probant ; l’administration ne précise aucun élément horaire, ni le numéro de la place de parking, ni le lot de copropriété auquel il est rattaché ; il n’est pas établi non plus qu’une clef aurait été à la disposition de la requérante ; l’attestation de M. Z A corrobore ses affirmations ; le département n’est pas susceptible de se voir verser des frais irrépétibles compte tenu de l’état de la jurisprudence administrative ;

Vu le second mémoire en défense, enregistré le 4 juin 2010, par lequel le département du Val-de-Marne maintient ses précédentes conclusions par les motifs suivants : la requérante n’établit pas en l’espèce avoir demandé communication du sens des conclusions du rapporteur public ; la procédure disciplinaire n’a débuté qu’à compter de la lettre adressée à cet effet le

15 mai 2006 par le département ; il s’agit bien d’une faute de service ; des frais irrépétibles peuvent être versés à une partie non représentée par un avocat ;

Vu le mémoire, enregistré le 28 novembre 2010, présenté pour Mme X Y par lequel celle-ci maintient ses précédentes conclusions par le moyen suivant : le département ne précise pas les emplacements de voiture dont il est propriétaire ; le département n’a aucun pouvoir de police sur les places de stationnement qui ont donné lieu à l’altercation ; cette altercation n’a donné lieu à aucun retentissement à l’extérieur des services du département ; elle conteste avoir tenu des propos irrespectueux ou menaçants ; le département ne justifie pas avoir engagé des frais donnant lieu à remboursement en application des dispositions de l’article

L. 761-1 du code de justice administrative ;

Vu le mémoire, enregistré le 1er décembre 2010, par lequel le département du Val-de-Marne transmet à la Cour la délibération autorisant son président à la défendre en justice ;

Vu le mémoire en réplique, enregistré le 2 décembre 2010, par lequel la requérante maintient ses précédentes conclusions par les mêmes moyens et soutient que la sanction qui lui a été infligée était insuffisamment motivée ;

Vu la convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales ;

Vu le code de justice administrative ;

Vu le décret n° 89-677 du 18 septembre 1989 relatif à la procédure disciplinaire applicable aux fonctionnaires territoriaux ;

Vu le décret n° 2009-14 du 7 janvier 2009 relatif au rapporteur public des juridictions administratives et au déroulement de l’audience devant ces juridictions ;

Vu le jugement attaqué ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l’audience ;

Après avoir entendu au cours de l’audience publique du 6 décembre 2010 :

— le rapport de M. Ladreyt, rapporteur,

— et les conclusions de Mme Sirinelli, rapporteur public ;

Considérant que Mme X Y, adjoint administratif affecté à la direction de la logistique du département du Val-de-Marne, a fait l’objet le 5 octobre 2006 d’un avertissement suite à l’altercation qu’elle a eue le 17 février 2006 avec la directrice dont elle relève hiérarchiquement et envers laquelle elle a tenu des propos injurieux ; que la requérante a saisi le 16 octobre 2006 le Tribunal administratif de Melun d’une demande tendant à l’annulation de cette décision et à la condamnation du département d’une somme de 600 euros au titre des frais irrépétibles, demande qui a été rejetée par un jugement en date du 24 février 2009 dont elle relève régulièrement appel ;

Sur la régularité du jugement attaqué :

En ce qui concerne la communication du sens des conclusions du rapporteur public :

S’agissant de l’avis d’audience :

Considérant qu’aux termes des dispositions de l’article R. 711-2 du code de justice administrative dans sa rédaction issue du décret n° 2009-14 du 7 janvier 2009 relatif au rapporteur public des juridictions administratives et au déroulement de l’audience devant ces juridictions susvisé : « L’avis d’audience ( …) mentionne également les modalités selon lesquelles les parties ou leurs mandataires peuvent prendre connaissance du sens des conclusions du rapporteur public, en application de l’article R. 711-3. » ; que, toutefois, aux termes de l’article 3 du décret précité du 7 janvier 2009, ces dispositions ne s’appliquent qu’aux audiences tenues à compter du premier jour du troisième mois suivant la publication dudit décret ;

Considérant que si Mme X Y fait grief à l’avis d’audience en date du

20 janvier 2009 que lui a adressé le Tribunal administratif de Melun de ne pas avoir fait référence à l’article du code de justice administrative mentionnant les modalités de communication aux parties du sens des conclusions du rapporteur public pour l’affaire qui la concernait, il résulte de la combinaison des dispositions précitées que cette mention n’a été rendue applicable que pour les audiences tenues à compter du 1er avril 2009 ; que le litige soumis au Tribunal administratif de Melun ayant été exposé à une audience en date du 3 février 2009, antérieure à l’entrée en vigueur de ces nouvelles dispositions, ce moyen ne pourra qu’être écarté ;

S’agissant de la communication du sens des conclusions aux parties :

Considérant qu’aux termes des dispositions de l’article R. 711-3 du code de justice administrative dans sa rédaction issue du décret n° 2009-14 du 17 janvier 2009 susvisé : « Si le jugement de l’affaire doit intervenir après le prononcé de conclusions du rapporteur public, les parties ou leurs mandataires sont mis en mesure de connaître, avant la tenue de l’audience, le sens de ces conclusions sur l’affaire qui les concerne. » ; qu’aux termes des dispositions de l’article 3 du décret précité du 7 janvier 2009, ces dispositions sont entrées en vigueur le premier jour du premier mois suivant celui de sa publication, soit le 1er février 2009 ;

Considérant que l’appelante n’est pas fondée à soutenir que le département du Val-de-Marne n’aurait pas dû avoir communication du sens des conclusions du rapporteur public alors que les dispositions du décret précité du 17 janvier 2009 étaient entrées en vigueur dès le 1er février 2009 ; que, d’autre part, si l’appelante se plaint de ce qu’elle n’aurait pas eu connaissance du sens des conclusions du rapporteur public avant que l’affaire ne soit jugée, il ne ressort pas des pièces du dossier qu’elle ait adressé une demande à cette fin à la juridiction de première instance ; que, dès lors, les premiers juges n’ont porté atteinte, par suite, ni au droit à un procès équitable prévu à l’article 6 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales ni au principe d’égalité des armes ;

En ce qui concerne la motivation :

Considérant que si Mme X Y soutient que les premiers juges auraient omis de statuer sur le moyen soulevé en première instance et tiré de l’irrégularité éventuelle de la convocation à l’entretien qu’elle a eu le 1er mars 2006 avec la directrice des ressources humaines du département, il ressort des pièces du dossier qu’il a été statué sur ce moyen dans les 6e et 8e considérants du jugement attaqué ; que ce moyen ne pourra, dès lors, qu’être écarté comme manquant en fait ;

Sur les conclusions tendant à l’annulation de la décision du président du conseil général en date du 5 octobre 2006 :

En ce qui concerne la légalité externe :

S’agissant de l’entretien du 1er mars 2006 :

Considérant qu’aux termes de l’article 4 du décret n° 89-677 du 18 septembre 1989 relatif à la procédure disciplinaire applicable aux fonctionnaires territoriaux susvisé : « L’autorité investie du pouvoir disciplinaire informe par écrit l’intéressé de la procédure disciplinaire engagée contre lui, lui précise les faits qui lui sont reprochés et lui indique qu’il a le droit d’obtenir la communication intégrale de son dossier individuel au siège de l’autorité territoriale et la possibilité de se faire assister par un ou plusieurs conseils de son choix. » ;

Considérant qu’il ressort des pièces du dossier que l’entretien que Mme X Y a eu le 1er mars 2006, à son initiative, avec la directrice des ressources humaines de la collectivité territoriale au sujet de l’altercation précitée était informel et n’a débouché sur aucune prise de position de l’administration à son égard ; que ce n’est qu’à la suite d’une lettre en date du

15 mai 2006, adressée à l’intéressée plus de deux mois après cette entrevue, que la directrice des ressources humaines a, par délégation du président du conseil général, engagé une procédure disciplinaire à son encontre en la convoquant pour le 6 juin 2006 ; que, dès lors, le moyen tiré de ce que cet entretien aurait eu une nature disciplinaire ne peut qu’être écarté ; que le tribunal administratif n’a pas, à cette occasion, renversé la charge de la preuve ;

S’agissant de l’entretien du 6 juin 2006 :

Considérant que si Mme X Y a été avisée par l’administration qu’elle pourrait, lors de sa convocation à l’entretien du 6 juin 2006 avec la directrice des ressources humaines, être accompagnée d’une personne de son choix et non « d’un ou plusieurs conseils » selon la formulation de l’article 4 du décret du 18 septembre 1989 susvisé, cette omission n’est pas, à elle seule, de nature à entacher d’illégalité la décision contestée dès lors qu’en l’espèce il est constant que Mme X Y a été assistée d’un défenseur lors de cet entretien ; que le moyen tiré d’un vice de procédure ne pourra donc qu’être écarté ;

S’agissant de la motivation de la sanction :

Considérant que si Mme X Y soutient que la sanction qui lui a été infligée serait insuffisamment motivée, cette décision en date du 5 octobre 2006 comporte les considérations de droit et de fait qui la fondent ; que, dès lors, ce moyen ne pourra qu’être écarté ;

En ce qui concerne la légalité interne :

Considérant que si Mme X Y soutient que le président du conseil général ne pouvait lui infliger un avertissement pour des faits sans lien avec le service, il ressort des pièces du dossier que les propos qu’elle a tenus à l’encontre de sa directrice, dont le caractère injurieux n’est pas sérieusement contesté, ont été proférés sur le lieu de travail et pour un motif de service ; que la circonstance que les emplacements ayant donné lieu à cette altercation aient appartenu ou non au département est sans incidence sur la faute de comportement reprochée à la requérante ; que ces faits, non dépourvus de tout lien avec le service, étaient de nature à justifier que l’intéressée fasse l’objet d’un avertissement qui constitue la sanction disciplinaire la plus légère du premier groupe et qui ne figure pas au dossier de l’agent ; que, ce faisant, les premiers juges n’ont commis aucune erreur dans la qualification des faits qui leur étaient soumis ; que les moyens tirés d’une méconnaissance des stipulations des articles 8 et 10 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales ne peuvent, également, qu’être écartés ;

Considérant qu’il résulte de ce qui précède que Mme X Y n’est pas fondée à soutenir que c’est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Melun a rejeté sa demande ;

Sur l’application des dispositions de l’article L. 761-1 du code de justice administrative :

Considérant qu’il n’y a pas lieu, dans les circonstances de l’espèce, de faire droit aux conclusions présentées par le département du Val-de-Marne au titre des dispositions susmentionnées ;

D E C I D E :

Article 1er : La requête de Mme X Y est rejetée.

Article 2 : Le surplus des conclusions du département du Val-de-Marne est rejeté.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à Mme B X Y et au président du conseil général du département du Val-de-Marne.

Copie en sera adressée au ministre de l’intérieur, de l’outre-mer, des collectivités territoriales et de l’immigration.

Délibéré après l’audience du 6 décembre 2010 à laquelle siégeaient :

M. Fournier de Laurière, président,

Mme Terrasse, président,

M. Ladreyt, premier conseiller,

Lu en audience publique, le 17 décembre 2010.

Le rapporteur, Le président,

J-P. LADREYT J. FOURNIER DE LAURIERE

Le greffier,

P. TISSERAND

La République mande et ordonne au ministre de l’intérieur, de l’outre-mer, des collectivités territoriales et de l’immigration en ce qui le concerne et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l’exécution de la présente décision.

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