Cour administrative d'appel de Paris, 5ème Chambre, 27 novembre 2014, 12PA02340, Inédit au recueil Lebon

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Chronologie de l’affaire

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Sur la décision

Référence :
CAA Paris, 5e ch., 27 nov. 2014, n° 12PA02340
Juridiction : Cour administrative d'appel de Paris
Numéro : 12PA02340
Importance : Inédit au recueil Lebon
Type de recours : Plein contentieux
Décision précédente : Tribunal administratif de Melun, 7 mars 2012, N° 0802946/6 et 1003448/6
Identifiant Légifrance : CETATEXT000030622039

Sur les parties

Texte intégral

Vu la requête, enregistrée par télécopie le 30 mai 2012 et régularisée par la production de l’original le 1er juin 2012, présentée pour M. A… D…, demeurant…, par Me Bonnet-Cerisier, avocat ; M. D… demande à la Cour :

1°) d’annuler le jugement n° 0802946/6 et 1003448/6 en date du 8 mars 2012 en tant que, par ce jugement, le Tribunal administratif de Melun a limité la condamnation prononcée à sa demande à l’encontre de l’Etat au versement d’une somme de 3 000 euros, ainsi qu’au paiement de la part des frais exposés, non compris dans les dépens, qui ont été laissés à sa charge, et a rejeté le surplus des conclusions de sa demande ;

2°) de condamner l’Etat à lui verser, en réparation de son préjudice, la somme totale de 148 413,52 euros, augmentée des intérêts au taux légal ainsi que de la capitalisation de ces intérêts en application de l’article 1154 du code civil ;

3°) d’annuler la décision du 14 mai 2010 par laquelle sa demande tendant au réexamen de sa situation a été rejetée ;

4°) d’enjoindre au ministre des finances et des comptes publics de prononcer son rétablissement dans ses fonctions à la date du 14 mai 2010 et de procéder à une nouvelle reconstitution de sa carrière ;

5°) de mettre à la charge de l’Etat le versement de la somme de 2 000 euros au titre de l’article L. 761-1 du code de justice administrative ;

Il soutient que :

— le greffe du tribunal administratif a omis, dans l’affaire n° 1003448, de l’aviser de la tenue d’une audience ;

— le tribunal n’a pas répondu au moyen qu’il avait invoqué en première instance pour contester la légalité de la décision en date du 2 mai 2013, prononçant sa suspension de ses fonctions, tiré de l’absence de saisine du conseil de discipline ;

— le tribunal n’a pas non plus répondu au moyen qu’il avait invoqué pour contester la légalité de la décision du 14 mai 2010 rejetant sa demande tendant au réexamen de sa situation et tiré de ce que les poursuites pénales engagées à son encontre ne constituaient pas une atteinte à l’intérêt du service ;

— le tribunal a prononcé à tort un non-lieu à statuer sur ses conclusions tendant à la réparation du préjudice qu’il estime avoir subi en raison de l’illégalité de l’arrêté du 16 septembre 2003, diminuant de moitié sa rémunération, en considérant que l’autorité administrative devait être regardée comme ayant retiré cette décision, alors qu’il n’a pas obtenu le versement de l’ensemble des primes auxquelles il avait normalement droit ;

— le tribunal a prononcé à tort un non-lieu à statuer sur ses conclusions à fin d’injonction tendant à ce qu’il soit ordonné à l’administration qu’elle procède à son rétablissement dans ses fonctions et à une nouvelle reconstitution de sa carrière ;

— le tribunal a omis de se prononcer sur sa demande tendant à obtenir, pour l’indemnité qui lui a été accordée, le paiement d’intérêts au taux légal et la capitalisation de ces intérêts ;

— l’arrêté du 2 mai 2003 prononçant sa suspension est entaché d’un vice de procédure, à défaut pour l’autorité administrative d’avoir saisi le conseil de discipline ;

— cette décision est également entachée d’une erreur d’appréciation ; les faits qui lui sont reprochés ne présentaient pas un caractère de gravité et de vraisemblance suffisant pour justifier une mesure de suspension et la réduction de sa rémunération ; l’autorité administrative n’a pas établi que les poursuites engagées à son encontre porteraient atteinte à l’intérêt du service ;

— la décision du 4 mai 2010, par laquelle l’administration a refusé de procéder au réexamen de sa situation et de mettre fin à la mesure de suspension, est elle-même entachée d’une erreur d’appréciation, dès lors que les accusations dont il faisait l’objet de la part de son épouse étaient infondées et relevaient de la calomnie ; la nouvelle qualification des faits pour lesquels il était poursuivi à la suite de l’arrêt de la chambre d’instruction de la Cour d’appel de Paris du 10 décembre 2008 relevaient seulement d’un litige d’ordre privé et n’avaient aucun effet sur le fonctionnement du service ;

— le retard de l’administration pour prononcer son rétablissement dans ses fonctions et pour lui notifier cette décision est fautif ; contrairement à ce qu’a estimé le tribunal, ce retard n’est pas, en partie, imputable à une mauvaise volonté de sa part, dès lors qu’il a au contraire accepté, dans un souci de conciliation, un des postes qui lui avait été proposé par la direction générale des finances publiques ; il a, par ailleurs, subi un préjudice matériel en raison de ce retard, dès lors qu’il a perdu une chance sérieuse d’obtenir une promotion, compte tenu des appréciations favorables dont il a toujours fait l’objet ; le préjudice moral qu’il a subi ne résulte pas seulement du retard de l’administration pour procéder à son rétablissement dans ses fonctions mais provient également des attitudes vexatoires adoptées par l’autorité administrative à son égard ;

— la décision du 20 février 2011 mettant fin à sa suspension ne lui garantissait pas un rétablissement dans les fonctions qu’il occupait antérieurement à sa suspension ; il appartient à l’administration de lui proposer, non seulement une affectation conforme à son statut, mais également les mêmes fonctions que celles exercées dans l’administration centrale, avant sa suspension ;

— l’administration n’a pas procédé à la reconstitution de la carrière à laquelle il a droit ;

Vu le mémoire en défense, enregistré 28 mai 2013, présenté par le ministre de l’économie et des finances, qui conclut au rejet de la requête ;

Il soutient que :

— le greffe du Tribunal administratif de Melun a adressé un avis d’audience le 31 janvier 2012 au conseil du requérant, qui en a accusé réception le 4 février suivant ;

— le tribunal a répondu au moyen tiré de l’absence d’atteinte à l’intérêt du service et invoqué par le requérant pour contester la légalité de la mesure de suspension prononcée à son encontre ;

— l’administration n’avait pas à verser à l’intéressé les primes liées à l’exercice effectif des fonctions, dès lors que celui-ci avait été suspendu ; M. D… ne pouvait pas non plus prétendre à une indemnité de résidence, dès lors que son lieu d’affectation relevait de la zone d’abattement 3 ; en décidant qu’il n’y avait pas lieu de statuer sur les conclusions du requérant tendant à la réparation de son préjudice matériel, né de la décision du 16 septembre 2003, le tribunal n’a commis aucune irrégularité ;

— les moyens soulevés par le requérant à l’encontre de la décision du 2 mai 2003 prononçant sa suspension ont déjà été écartés par la Cour, dans son arrêt du 30 mars 2009, qui est revêtu de l’autorité de la chose jugée ; dès lors que cette décision n’est entachée d’aucune illégalité fautive, l’intéressé n’est pas fondé à demander la réparation du préjudice qu’il estime avoir subi à la suite de sa suspension ;

— contrairement à ce que soutient M. D…, celui-ci a bénéficié lors de son rétablissement dans ses fonctions d’une reconstitution de sa carrière conforme aux dispositions et à la jurisprudence applicables en la matière ;

— le préjudice moral, dont M. D… se prévaut, lui est en partie imputable, dès lors qu’il s’est montré particulièrement exigeant quant à la nature et aux conditions d’exercice des fonctions dans lesquelles il voulait être rétabli ; il a commencé par refuser les postes qui lui avaient été proposés au motif qu’ils ne répondaient pas à ses attentes et n’a accepté ensuite un poste d’analyste qu’à « titre conservatoire et sous réserves » ;

— M. D…, qui n’établit pas qu’il aurait fait l’objet de mesures vexatoires, ne peut prétendre à une indemnisation de son préjudice moral, supérieure à la somme de 3 000 euros que le tribunal lui a allouée ;

— contrairement à ce que soutient le requérant, l’administration a satisfait à son obligation à laquelle elle était tenue de donner à l’intéressé, à l’issue de sa suspension, une affectation conforme à son statut ;

Vu le mémoire en réplique, enregistré par télécopie le 7 novembre 2014, régularisé le 12 novembre 2014 par la production de l’original, présenté pour M. D…, par lequel celui-ci conclut aux mêmes fins que sa requête par les mêmes moyens ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 ;

Vu la loi n° 84-16 du 11 janvier 1984 ;

Vu le décret n° 85-1148 du 24 octobre 1985 ;

Vu le décret n° 95-866 du 2 août 1995 ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l’audience ;

Après avoir entendu, au cours de l’audience publique du 13 novembre 2014 :

— le rapport de M. Blanc, premier conseiller,

— les conclusions de M. Lemaire, rapporteur public,

— les observations de Me Bonnet-Cerisier, avocat de M. D… ;

1. Considérant que M. D…, inspecteur des impôts, a été suspendu de ses fonctions, par arrêté du ministre de l’économie, des finances et de l’industrie et du ministre délégué au budget et à la réforme budgétaire en date du 2 mai 2003, à la suite de sa mise en examen pour avoir, au cours des années 1999 à 2001, commis des actes de viol sur la personne de son épouse, précédés, accompagnés ou suivis de tortures ou d’actes de barbarie et pour agressions sexuelles, autres que le viol, sur mineurs de 15 ans par ascendant et corruption de ces mêmes mineurs ; que par arrêté du ministre délégué au budget et à la réforme budgétaire du 16 septembre 2003, la rémunération de l’intéressé a, par ailleurs, été réduite de moitié ; que la 5e chambre de l’instruction de la Cour d’appel de Paris, par un arrêt en date du 10 septembre 2008 a infirmé l’ordonnance de mise en accusation, prise à l’encontre de M. D…, a décidé de renvoyer celui-ci devant le tribunal correctionnel, après avoir requalifié les faits qui lui étaient reprochés en délit d’exhibition sexuelle et prononcé un non-lieu sur le surplus des poursuites engagées à l’encontre de l’intéressé ; que celui-ci a présenté, le 13 janvier 2010, une demande tendant au réexamen de sa situation, qui a été rejetée par décision du ministre du budget, des comptes publics et de la réforme de l’Etat, le 14 mai suivant ; que, par un jugement du Tribunal correctionnel de Créteil du 28 mai 2010, M. D… a été relaxé et l’ensemble des poursuites pénales engagées à son encontre ont été abandonnées ; qu’à la suite de ce jugement, il a été mis fin, par arrêté du 30 juillet 2010, à la suspension des fonctions de l’intéressé, qui a été également rétabli, par arrêté du 18 mars 2011, dans ses droits à rémunération à plein traitement à compter du 23 septembre 2003 ; que M. D… a demandé devant le Tribunal administratif de Melun, d’une part, la réparation du préjudice qu’il estime avoir subi en raison de l’illégalité des décisions du 2 mai et 16 septembre 2003 prononçant sa suspension de ses fonctions et la réduction de sa rémunération, d’autre part, l’annulation de la décision du 14 mai 2010 rejetant sa demande tendant au réexamen de sa situation administrative, enfin, à ce qu’il soit enjoint à l’administration de le rétablir à nouveau dans ses fonctions et de procéder à une nouvelle reconstitution de sa carrière ; qu’il fait appel du jugement en date du 8 mars 2012 du Tribunal administratif de Melun, qui n’a fait que partiellement droit à ses conclusions indemnitaires, en lui accordant une indemnité d’un montant de 3 000 euros en réparation du préjudice moral subi en raison du retard mis par l’administration pour procéder à son rétablissement dans ses fonctions ;

Sur la régularité du jugement attaqué :

2. Considérant en premier lieu que, si M. D… soutient qu’il n’a pas été régulièrement convoqué à l’audience du 16 février 2012 devant le tribunal administratif à laquelle a été appelée sa requête enregistrée sous le n° 1003448, il ressort toutefois des pièces du dossier de première instance qu’un avis d’audience a été notifié à son mandataire conformément aux prescriptions de l’article R. 711-2 du code de justice administrative ; qu’ainsi, le moyen manque en fait ;

3. Considérant, en deuxième lieu, que les premiers juges, qui n’étaient pas tenus de répondre à l’ensemble des arguments dont se prévalait le requérant, ont suffisamment répondu au moyen invoqué par celui-ci pour contester la légalité du refus de l’administration de mettre fin à sa suspension, tiré de la méconnaissance des dispositions de l’article 30 de la loi du 13 juillet 1983, en estimant que le ministre avait pu, sans entacher sa décision d’erreur de droit, ni d’erreur manifeste d’appréciation, considérer qu’il était toujours en présence de faits reflétant un caractère suffisant de vraisemblance et de gravité, alors même que, pour caractériser cette gravité, le tribunal n’a pas relevé expressément, aux termes de cette motivation, une atteinte portée à l’intérêt du service ;

4. Considérant, en troisième lieu, qu’aux termes de l’article 20 de la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 : « Les fonctionnaires ont droit, après service fait, à une rémunération comprenant le traitement, l’indemnité de résidence, le supplément familial de traitement ainsi que les indemnités instituées par un texte législatif ou réglementaire. S’y ajoutent les prestations familiales obligatoires. (…) » ; qu’aux termes de l’article 30 de la même loi : « (…) Le fonctionnaire suspendu conserve son traitement, l’indemnité de résidence, le supplément familial de traitement et les prestations familiales obligatoires. Sa situation doit être définitivement réglée dans le délai de quatre mois. Si, à l’expiration de ce délai, aucune décision n’a été prise par l’autorité ayant pouvoir disciplinaire, l’intéressé, sauf s’il est l’objet de poursuites pénales, est rétabli dans ses fonctions. / Le fonctionnaire qui, en raison de poursuites pénales, n’est pas rétabli dans ses fonctions peut subir une retenue qui ne peut être supérieure à la moitié de la rémunération mentionnée à l’alinéa précédent. Il continue, néanmoins, à percevoir la totalité des suppléments pour charges de famille. Le fonctionnaire suspendu conserve son traitement, l’indemnité de résidence, le supplément familial de traitement et les prestations familiales obligatoires. (…) » ;

5. Considérant qu’il résulte de l’article 20 de la loi du 13 juillet 1983 précité que la rémunération des fonctionnaires est la contrepartie du service fait ; que si les dispositions de l’article 30 de la même loi dérogent à ce principe, il résulte des termes de cet article qu’en l’absence de service fait en raison de sa suspension, le fonctionnaire ne conserve que les éléments de rémunération que cet article énumère et au nombre desquels ne figure aucune prime ; qu’ainsi le montant de la rémunération à laquelle M. D… pouvait prétendre au titre de la période correspondant à la durée de sa suspension, ne pouvait comprendre le montant des primes ou celui représentatif des avantages liés à l’exercice effectif des fonctions  ; que si l’indemnité de résidence fait partie des éléments de rémunération énumérés par les dispositions de l’article 30 précité dont le fonctionnaire suspendu conserve le bénéfice, M. D… ne pouvait toutefois prétendre au paiement d’une telle indemnité, dès lors que la ville de Nemours, dans laquelle il avait été affecté avant sa suspension, se trouvait dans une zone d’abattement, pour laquelle le taux de l’indemnité est nul en application des dispositions de l’article 9 du décret du 24 octobre 1985 susvisé ; qu’il est constant que l’administration a versé à M. D…, au terme de sa suspension, au cours des mois de mars et avril 2011, la somme de 100 451,81 euros, correspondant à la part de son traitement dont il avait été privé pendant la durée de sa suspension, dans les conditions prévues par l’article 30 de la loi du 13 juillet 1983 ; qu’ainsi, en considérant que le ministre devait être regardé comme ayant retiré la décision par laquelle il avait initialement décidé la réduction de moitié de la rémunération de M. D… et en en déduisant qu’il n’y avait plus lieu de statuer sur les conclusions de la demande de l’intéressé tendant à la réparation du préjudice matériel causé par l’arrêté du 16 septembre 2003, au motif que ces conclusions étaient dépourvues d’objet, les premiers juges n’ont entaché leur jugement d’aucune irrégularité ;

6. Considérant, en quatrième lieu, que, sous réserve de dispositions statutaires particulières, tout fonctionnaire en activité tient de son statut le droit de recevoir, dans un délai raisonnable, une affectation correspondant à son grade ; qu’il ressort des pièces du dossier que M. D… a, au terme de sa suspension, été affecté à la direction des résidents à l’étranger et des services généraux, dans ses services situés à Noisiel, pour exercer des fonctions d’analyste similaires à celles qui étaent déjà les siennes, avant sa suspension, au sein du service de l’organisation informatique de Noisiel, ou au sein des services informatiques de Nemours ; qu’ainsi, M. D… a reçu, en cours d’instance, par arrêté du 20 février 2011, une affectation conforme à son statut et à son grade ; que M. D… a, par ailleurs, bénéficié, au moment de son rétablissement dans ses fonctions, d’un avancement d’échelon plus favorable que celui prévu par l’article 32 du décret du 2 août 1995, alors applicable ; qu’ainsi, les premiers juges ont pu considérer à bon droit qu’il n’y avait plus lieu de statuer sur ses conclusions tendant à ce qu’il soit enjoint à l’administration de procéder à son rétablissement dans ses fonctions ou à une reconstitution de sa carrière, dès lors que ces conclusions avaient perdu leur objet ;

7. Considérant, en cinquième et dernier lieu, qu’au soutien de ses conclusions tendant à la réparation du préjudice subi en raison de l’illégalité de sa suspension de ses fonctions, M. D… a soutenu devant le Tribunal administratif de Melun que la décision du 2 mai 2003 prononçant cette suspension était entachée d’un vice de procédure, à défaut pour l’autorité administrative d’avoir saisi le conseil de discipline ; que si le tribunal administratif n’était pas tenu de répondre à un tel moyen, qui était inopérant, il lui incombait néanmoins, à peine d’irrégularité, de le viser et de l’analyser ; qu’il est constant que ce moyen n’a pas été mentionné dans les visas du jugement attaqué, qui a, dès lors, été rendu dans des conditions irrégulières ; qu’ainsi, il y a lieu d’annuler le jugement attaqué en tant qu’il a rejeté les conclusions de la demande de M. D… tendant à la réparation du préjudice subi en raison de l’illégalité de sa suspension de ses fonctions et de statuer immédiatement, par la voie de l’évocation, sur ces conclusions ; qu’il y a lieu de statuer, par la voie de l’effet dévolutif, sur les autres conclusions de M. D… ;

Sur les conclusions tendant à la réparation du préjudice subi à la suite de la mesure de suspension en date du 2 mai 2003 :

8. Considérant, en premier lieu, qu’il résulte des dispositions de l’arrêté du 27 mai 2002 du ministre de l’économie, des finances et de l’industrie portant délégation de signature et du décret du 11 juin 2002 portant délégation de signature, régulièrement publiés, qu’une délégation de signature a été donnée à M. C… B…, chef de service, en matière de gestion des personnels de la direction générale des impôts ; que, dès lors, M. D… n’est pas fondé à soutenir que la décision en date du 2 mai 2003 serait entachée d’incompétence ;

9. Considérant, en deuxième lieu, que la suspension de fonctions est une mesure conservatoire prise dans l’intérêt du service et ne constitue pas une sanction disciplinaire ; que, par suite, elle n’est pas au nombre des décisions qui doivent être motivées par application du premier alinéa de l’article 1er de la loi susvisée du 11 juillet 1979 ; que, dès lors, le moyen tiré du défaut de motivation ne saurait être accueilli ;

10. Considérant, en troisième lieu, qu’aux termes de l’article 30 de la loi de la loi du 13 juillet 1983 : « En cas de faute grave commise par un fonctionnaire, qu’il s’agisse d’un manquement à ses obligations professionnelles ou d’une infraction de droit commun, l’auteur de cette faute peut être suspendu par l’autorité ayant pouvoir disciplinaire qui saisit, sans délai, le conseil de discipline » ;

11. Considérant que le requérant ne peut utilement se prévaloir, pour contester la légalité de la mesure de suspension prise à son encontre le 2 mai 2003, de ce que l’autorité administrative n’aurait pas saisi, sans délai, le conseil de discipline en application des dispositions précitées de l’article 30 de la loi du 13 juillet 1983, dès lors que cette circonstance, qui est postérieure à la décision litigieuse, est en tout état de cause sans incidence sur sa légalité ;

12. Considérant, en quatrième et dernier lieu, qu’il ressort des pièces du dossier qu’à la date à laquelle la mesure de suspension litigieuse a été prise, M. D…, qui était mis en examen depuis le 20 août 2001, faisait l’objet de poursuites pénales ; qu’à cette date, les faits reprochés à l’intéressé présentaient un caractère de gravité et de vraisemblance suffisant pour justifier une telle mesure dans l’intérêt du service ; que, ni l’intervention de l’arrêt de la 5e chambre de l’instruction de la Cour d’appel de Paris en date du 10 septembre 2008, requalifiant en délit d’exhibition sexuelle, les faits pour lesquels l’intéressé avait été mis en examen sous la qualification de corruption de mineurs, et disant qu’il n’y a lieu à suivre pour les autres faits, ni le jugement du Tribunal correctionnel de Créteil en date du 28 mai 2010 prononçant la relaxe de M. D… pour ces mêmes faits, ne sont de nature à entacher rétroactivement d’illégalité la mesure de suspension litigieuse ; que la circonstance que les faits initialement reprochés au requérant ont été commis en dehors du service ne faisait pas obstacle à ce qu’ils justifient une mesure de suspension, dès lors qu’ils relevaient d’une qualification criminelle ; que, dès lors, en prenant cette mesure à caractère conservatoire, qui n’était pas contraire aux principes généraux du droit pénal français, l’administration n’a ni préjugé la décision à intervenir sur le plan pénal, ni présumé la culpabilité de l’intéressé ;

13. Considérant qu’il résulte de ce qui précède que la mesure de suspension prononcée à l’encontre de M. D…, le 2 mai 2003, n’est entachée d’aucune illégalité ; que, par suite, le requérant n’est pas fondé à rechercher la responsabilité de l’Etat en raison de l’illégalité de cette décision ;

Sur les conclusions tendant l’annulation de la décision par laquelle l’administration a rejeté sa demande de réexamen de sa situation :

14. Considérant qu’il ressort des pièces du dossier que la demande par laquelle le requérant a sollicité le réexamen de sa situation a été présentée à l’administration le 13 janvier 2010 ; qu’à la date à laquelle l’administration a rejeté cette demande et a refusé de mettre fin à la suspension de l’intéressé, soit le 14 mai 2010, celui-ci faisait toujours l’objet de poursuites pénales, sur lesquels le Tribunal correctionnel de Créteil n’avait pas encore statué ; que si les faits pour lesquels il était désormais poursuivi relevaient seulement d’une qualification délictuelle, ils présentaient néanmoins, encore à cette date, un caractère de vraisemblance et de gravité suffisant pour justifier qu’il ne soit pas mis fin, dans l’intérêt du service, à la mesure de suspension ; qu’ainsi qu’il a été dit au point 12 du présent arrêt, M. D… ne peut utilement se prévaloir de la circonstance qu’il a été relaxé de l’ensemble des poursuites pénales engagées à son encontre pour contester la légalité de la décision du 14 mai 2010, par laquelle le ministre a refusé de mettre fin à sa suspension, dès lors que le jugement prononçant sa relaxe a été rendu postérieurement à cette décision ;

Sur les conclusions à fin d’injonction :

15. Considérant, ainsi qu’il a été dit au point précédent, que M. D… n’est pas fondé à demander l’annulation de la décision par laquelle l’administration a refusé de mettre fin à sa suspension ; que, par suite, les conclusions du requérant tendant à ce qu’il soit enjoint à l’administration de le rétablir dans ses fonctions à cette date et de procéder à une nouvelle reconstitution de sa carrière, doivent, par voie de conséquence, être rejetées ;

Sur les conclusions tendant à la réparation du préjudice subi en raison du retard de l’administration de procéder au rétablissement de M. D… dans ses fonctions :

16. Considérant que la faute retenue par le tribunal administratif pour considérer que la responsabilité de l’Etat était engagée à l’égard de M. D… est celle de n’avoir procédé au rétablissement effectif de l’intéressé dans ses fonctions que le 7 mars 2011, alors que la fin de sa suspension avait été décidée dès le 30 juillet 2010 ; qu’à supposer, ainsi que le soutient le requérant, qu’il puisse être reproché à l’administration de ne pas avoir tiré les conséquences de la fin de sa suspension de ses fonctions pendant une durée de sept mois, un tel retard n’est pas d’une importance suffisante pour pouvoir considérer que l’intéressé aurait été privé d’une chance sérieuse d’obtenir une promotion, alors même qu’il aurait été susceptible d’obtenir au cours de cette période des appréciations favorables sur sa manière de servir ; que M. D… a, par ailleurs, bénéficié, au terme de sa suspension, d’un avancement d’échelon plus favorable que celui prévu par l’article 32 du décret du 2 août 1995, alors applicable ; qu’ainsi, M. D… n’établit pas qu’il aurait pu prétendre à un avancement plus rapide que celui dont il a bénéficié, ni, par conséquent, qu’il ait été privé d’un chance sérieuse d’obtenir une promotion ;

17. Considérant que M. D… conteste que le retard pris pour son rétablissement dans ses fonctions puisse lui être en partie imputable ; qu’il ressort toutefois des pièces du dossier que celui-ci a formulé, aux termes de la demande qu’il avait présentée, le 29 juin 2010, de nombreuses exigences sur les seules fonctions qu’il acceptait d’exercer ; qu’il n’a accepté que le 16 novembre 2010 une affectation sur un des postes que lui avait proposés l’administration deux mois auparavant, après que celui-ci a, dans un premier temps, avant de revenir sur sa position, refusé aux termes de son courrier du 6 octobre 2010, l’ensemble des onze propositions d’affectation faites sur des postes situés en région parisienne ; que, par suite, si l’administration n’a pas accompli les diligences nécessaires pour informer M. D… de la fin de sa suspension et n’a pris qu’avec retard les mesures d’exécution qu’impliquait cette décision, le requérant doit être regardé comme ayant, par son comportement, lui-même contribué, en partie, à retarder son rétablissement dans ses fonctions ;

18. Considérant que M. D… soutient qu’il a également subi un préjudice moral en raison d’une attitude vexatoire de la part de l’administration à son égard ; que toutefois, la circonstance que l’administration lui ait indiqué au cours de sa suspension qu’il était autorisé à exercer une activité rémunérée dans le secteur privé, ou encore le retard mis pour lui notifier l’arrêté mettant fin à sa suspension ainsi que la décision prononçant sa réintégration, alors qu’il avait été informé de ces mesures, par lettre du 17 septembre 2010, à la suite de la décision du Tribunal correctionnel prononçant sa relaxe, ne peuvent être regardés comme revêtant un caractère vexatoire de nature à engager la responsabilité de l’Etat ;

19. Considérant qu’il résulte de ce qui précède que M. D… n’est pas fondé à soutenir que c’est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Melun a limité à la somme de 3 000 euros le montant de l’indemnité devant lui être allouée en réparation de son préjudice moral, dont il a été fait une juste appréciation ;

Sur les intérêts et la capitalisation des intérêts :

20. Considérant, sans qu’il soit besoin d’examiner le moyen tiré de l’irrégularité du jugement à cet égard, que M. D… a droit, à compter du 14 septembre 2007, date de réception de sa demande préalable, aux intérêts au taux légal correspondant à l’indemnité d’un montant de 3 000 euros, qui lui a été allouée en réparation de son préjudice moral ; que la capitalisation des intérêts a été demandée par M. D… au termes de son mémoire en réplique, enregistré le 25 février 2011, devant les premiers juges ; qu’à cette date, il était dû au moins une année d’intérêts ; que, dès lors, conformément aux dispositions de l’article 1154 du code civil, il y a également lieu de faire droit à la demande de capitalisation de ces intérêts présentée par le requérant ;

Sur les conclusions tendant à l’application des dispositions de l’article L. 761-1 du code de justice administrative :

21. Considérant que, dans les circonstances de l’espèce, il n’y a pas lieu de faire droit aux conclusions de M. D… présentées sur le fondement des dispositions de l’article L. 761-1 du code de justice administrative ;

D E C I D E :


Article 1er : Le jugement n° 0802946/6 et 1003448/6 du Tribunal administratif de Melun en date du 8 mars 2012 est annulé en tant qu’il a rejeté les conclusions de M. D… tendant à la réparation du préjudice qu’il estime avoir subi en raison de l’illégalité de sa suspension de ses fonctions.


Article 2 : L’Etat est condamné à verser à M. D… les intérêts au taux légal dus, à compter du 14 septembre 2007, au titre de l’indemnité d’un montant de 3 000 euros allouée à celui-ci en raison du retard pris par l’administration pour procéder à son rétablissement dans ses fonctions. Les intérêts échus à la date du 25 février 2011, puis à chaque échéance annuelle à compter de cette date, seront capitalisés à chacune de ces dates pour produire eux-mêmes intérêts.


Article 3 : Le jugement du Tribunal administratif de Melun en date du 8 mars 2012 est réformé en ce qu’il a de contraire à l’article 2 du présent arrêt.


Article 4 : Les conclusions présentées par M. D… devant le Tribunal administratif de Melun tendant à la réparation du préjudice subi en raison de l’illégalité de la décision du 2 mai 2003 prononçant sa suspension ainsi que le surplus des conclusions d’appel de M. D… sont rejetés.


Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à M. A… D… et au ministre des finances et des comptes publics.

Copie en sera adressée au ministre de l’économie, de l’industrie et du numérique.


Délibéré après l’audience du 13 novembre 2014, à laquelle siégeaient :

- M. Formery, président de chambre,

- Mme Coiffet, président assesseur,

- M. Blanc, premier conseiller,


Lu en audience publique, le 27 novembre 2014.


Le rapporteur,

P. BLANCLe président,

S.-L. FORMERY

Le greffier,

S. CHALBOT-SANTT

La République mande et ordonne au ministre des finances et des comptes publics en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l’exécution de la présente décision.

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N° 12PA02340

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Cour administrative d'appel de Paris, 5ème Chambre, 27 novembre 2014, 12PA02340, Inédit au recueil Lebon