CAA de PARIS, 1ère chambre , 31 décembre 2015, 14PA01487, Inédit au recueil Lebon

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Chronologie de l’affaire

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Sur la décision

Référence :
CAA Paris, 1re ch., 31 déc. 2015, n° 14PA01487
Juridiction : Cour administrative d'appel de Paris
Numéro : 14PA01487
Importance : Inédit au recueil Lebon
Type de recours : Excès de pouvoir
Décision précédente : Tribunal administratif de Melun, 6 février 2014, N° 1202994
Identifiant Légifrance : CETATEXT000031857340

Sur les parties

Texte intégral

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La société SOS Bennes a demandé au tribunal administratif de Melun d’annuler l’arrêté n° 2012/828 du 6 mars 2012 par lequel le préfet du Val-de-Marne l’a mise en demeure d’assurer ou de faire assurer, dans un délai de quinze jours à compter de la notification dudit arrêté, la gestion des déchets qu’elle a confiés à la société LGD Développement et qui ont contribué aux derniers 150 000 mètres cubes de déchets déposés sur son site.

Par un jugement n° 1202994 du 7 février 2014, le tribunal administratif de Melun a annulé l’arrêté attaqué.

Procédure devant la Cour :

Par un recours et des mémoires enregistrés les 4 avril 2014, 14 mai 2014 et 9 décembre 2015, le ministre de l’écologie, du développement durable et de l’énergie demande à la Cour :

1°) d’annuler le jugement n° 1202994 du 7 février 2014 du tribunal administratif de Melun ;

2°) de rejeter la demande présentée par la société SOS Bennes devant le tribunal administratif de Melun.

Il soutient que :

 – le jugement attaqué est irrégulier dès lors qu’il est insuffisamment motivé ;

 – le jugement est entaché de contradictions de motifs ;

 – contrairement à ce qu’a estimé le tribunal, la société SOS Bennes avait la qualité de détenteur au sens et pour l’application des dispositions de l’article L. 541-3 du code de l’environnement ;

 – en l’espèce les déchets remis à la société LGD n’étaient pas gérés conformément aux dispositions législatives et réglementaires et la société qui les avait déposés pouvait donc être rendue destinataire des mesures de gestion prévues par l’arrêté litigieux ;

 – à supposer même que la société intimée ne puisse être rendue débitrice d’une obligation matérielle, subsiste sa responsabilité financière en application du principe « pollueur-payeur » qui s’applique à tout détenteur et tout producteur de déchets ; or l’article L. 541-3 constitue la seule procédure permettant de faire supporter au producteur ou détenteur antérieur le coût de l’élimination des déchets ;

 – c’est à tort que les premiers juges ont estimé qu’en confiant à l’ADEME la mission de gérer les déchets présents sur le site de la société LGD Développement, le préfet ne pouvait plus légalement mettre en demeure les détenteurs antérieurs de ces déchets d’assurer ou de faire assurer la gestion de ces déchets ; qu’en effet, la légalité de l’arrêté contesté pris en application des dispositions des articles L. 541-2 et du I de l’article L. 541-3 du code de l’environnement ne s’apprécie pas au regard des décisions prises sur le fondement du V de ce même article ; qu’en outre il n’est pas établi qu’à la date de l’arrêté litigieux plus aucun déchet géré, déposé ou abandonné illégalement ne subsistait dans l’installation de la société LGD développement.

Par un mémoire en défense enregistré le 28 octobre 2015, la société SOS Bennes, représentée par Me A…, conclut au rejet du recours et à ce que le versement de la somme de 4 000 euros soit mis à la charge de l’Etat sur le fondement de l’article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

 – le jugement est régulier ;

 – les moyens d’annulation retenus par le tribunal administratif sont fondés ;

 – l’arrêté est entaché de détournement de procédure ;

 – elle avait demandé à présenter des observations orales avant l’arrêté litigieux et n’a pas été admise à le faire.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

 – le code de l’environnement ;

 – le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l’audience.

Ont été entendus au cours de l’audience publique :

 – le rapport de Mme Pellissier,

 – les conclusions de M. Romnicianu, rapporteur public,

 – et les observations de Me A…, pour la société SOS Bennes ;

1. Considérant que par arrêté du 16 novembre 2005, le préfet du Val-de-Marne a autorisé la société LGD Développement à exploiter, sur le territoire de la commune de Limeil-Brévannes (94), un centre de tri et de transit de déchets issus de chantiers de constructions ou de démolitions ; qu’à la suite de deux inspections intervenues les 21 juillet et 14 septembre 2009, l’administration a constaté que la société LGD Développement ne respectait pas les prescriptions relatives à l’exploitation du site et l’a mise en demeure de se mettre en conformité par arrêtés des 9 octobre 2009 et 6 juillet 2010 ; qu’en l’absence de respect de ces deux arrêtés, le préfet du Val-de-Marne a suspendu l’activité de la société LGD Développement par arrêté du 15 novembre 2010 avant de lui enjoindre, par arrêté du 16 février 2011, de consigner la somme de neuf millions d’euros correspondant au coût estimé des travaux nécessaires pour l’évacuation et l’élimination des déchets présents sur le site ; qu’à la suite de la liquidation judiciaire de la société LGD Développement le 28 avril 2011, le préfet du Val-de-Marne a demandé à l’Agence de l’environnement et de la maîtrise de l’énergie (ADEME), par arrêtés des 25 mai et 3 août 2011, d’intervenir pour sécuriser le site et évacuer les déchets aux frais des personnes physiques ou morales responsables ; que, par une série d’arrêtés du 6 mars 2012 pris après une procédure contradictoire, le préfet du Val-de-Marne a mis en demeure, sur le fondement de l’article L. 541-3 du code de l’environnement, plusieurs sociétés clientes de la société LGD Développement d’assurer ou de faire assurer dans le délai de quinze jours la gestion des déchets remis à cette société qui ont contribué aux derniers 150 000 mètres cubes de déchets stockés sur le site ; que, par le présent recours, le ministre de l’écologie relève appel du jugement du 7 février 2014 par lequel le tribunal administratif de Melun a annulé l’arrêté pris à l’encontre de la société SOS Bennes ;

Sur la régularité du jugement attaqué :

2. Considérant, en premier lieu, qu’aux termes de l’article L. 9 du code de justice administrative : « Les jugements sont motivés » ;

3. Considérant que le ministre soutient que le jugement est insuffisamment motivé dans la mesure où il ne permet pas de comprendre si l’impossibilité, qu’il constate, de mettre en demeure la société d’assurer ou de faire assurer la gestion des déchets tient à la circonstance qu’elle n’en était plus détenteur ou à celle qu’elle n’avait pas connaissance de la suspension de l’autorisation donnée à la société LGD Développement ; qu’il ressort toutefois de l’examen des points 2 et 3 du jugement que le tribunal a retenu, pour annuler la décision préfectorale, l’une et l’autre de ces circonstances, ainsi d’ailleurs qu’un autre motif exposé au point 4 du jugement ; que les juges de première instance ont ainsi suffisamment expliqué en fait et en droit les raisons pour lesquelles ils estimaient que le préfet du Val-de-Marne ne pouvait légalement mettre en demeure la société SOS Bennes de faire assurer la gestion des déchets litigieux ; que, par suite, le moyen tiré de l’insuffisante motivation du jugement doit être écarté ;

4. Considérant, en second lieu, que si le ministre soutient que le jugement attaqué est entaché d’une contradiction de motifs, celle-ci n’affecterait que le bien fondé de ce jugement, qu’il appartient en tout état de cause à la cour d’examiner dans le cadre de l’effet dévolutif de l’appel ;

Sur le bien fondé du jugement attaqué :

5. Considérant, d’une part, qu’aux termes de l’article L. 541-1-1 du code de l’environnement : " Au sens du présent chapitre, on entend par : Déchet : toute substance ou tout objet, ou plus généralement tout bien meuble, dont le détenteur se défait ou dont il a l’intention ou l’obligation de se défaire (…) Gestion des déchets : la collecte, le transport, la valorisation et l’élimination des déchets et, plus largement, toute activité participant de l’organisation de la prise en charge des déchets depuis leur production jusqu’à leur traitement final, y compris les activités de négoce ou de courtage et la supervision de l’ensemble de ces opérations ; Producteur de déchets : toute personne dont l’activité produit des déchets (producteur initial de déchets) ou toute personne qui effectue des opérations de traitement des déchets conduisant à un changement de la nature ou de la composition de ces déchets (producteur subséquent de déchets) ; Détenteur de déchets : producteur des déchets ou toute autre personne qui se trouve en possession des déchets (…) » ;

6. Considérant, d’autre part, qu’aux termes de l’article L. 541-3 du code de l’environnement : « I. Lorsque des déchets sont abandonnés, déposés ou gérés contrairement aux prescriptions du présent chapitre et des règlements pris pour leur application, l’autorité titulaire du pouvoir de police compétente avise le producteur ou détenteur de déchets des faits qui lui sont reprochés ainsi que des sanctions qu’il encourt et, après l’avoir informé de la possibilité de présenter ses observations, écrites ou orales, dans un délai d’un mois (…) peut le mettre en demeure d’effectuer les opérations nécessaires au respect de cette réglementation dans un délai déterminé Au terme de cette procédure, si la personne n’a pas obtempéré à cette injonction dans le délai imparti par la mise en demeure, l’autorité titulaire du pouvoir de police peut, par une décision motivée (…) : 1° L’obliger à consigner entre les mains d’un comptable public une somme correspondant au montant des mesures prescrites (…) 2° Faire procéder d’office, en lieu et place de la personne mise en demeure et à ses frais, à l’exécution des mesures prescrites (…) L’exécution des travaux ordonnés d’office peut être confiée par le ministre chargé de l’environnement à l’Agence de l’environnement et de la maitrise de l’énergie (…) II. En cas d’urgence, l’autorité titulaire du pouvoir de police compétente fixe les mesures nécessaires pour prévenir les dangers graves et imminents pour la santé, la sécurité publique ou l’environnement. (…) V. Si le producteur ou le détenteur des déchets ne peut être identifié ou s’il est insolvable, l’Etat peut, avec le concours financier éventuel des collectivités territoriales, confier la gestion des déchets et la remise en état du site pollué par ces déchets à l’Agence de l’environnement et de la maîtrise de l’énergie ou à un autre établissement public compétent. » ; qu’aux termes de l’article L. 541-2 du même code : « Tout producteur ou détenteur de déchets est tenu d’en assurer ou d’en faire assurer la gestion, conformément aux dispositions du présent chapitre. Tout producteur ou détenteur de déchets est responsable de la gestion de ces déchets jusqu’à leur élimination ou valorisation finale, même lorsque le déchet est transféré à des fins de traitement à un tiers. Tout producteur ou détenteur de déchets s’assure que la personne à qui il les remet est autorisée à les prendre en charge » ;

7. Considérant, en premier lieu, que, pour annuler la décision litigieuse, le tribunal administratif a estimé que le préfet avait méconnu le champ d’application des dispositions précitées de l’article L. 541-3 du code de l’environnement dès lors que la société intimée ne pouvait pas, en sa seule qualité de collecteur et transporteur de déchets qu’elle avait remis à la société LGD Développement, être tenue d’assurer la réalisation matérielle des opérations d’élimination de déchets qu’elle ne détenait plus ; que, toutefois, il ne résulte ni des dispositions précitées de l’article L. 541-3 du code de l’environnement ni de celles de l’article L. 541-1-1 du code de l’environnement que seul le détenteur actuel des déchets pourrait être mis en demeure, sur le fondement de l’article L. 541-3 du code de l’environnement, d’en assurer une gestion conforme aux règles environnementales ; que ces dispositions, au contraire, permettent de poursuivre un détenteur antérieur si celui-ci a méconnu les prescriptions du code de l’environnement en abandonnant, gérant ou déposant des déchets contrairement à ces prescriptions ;

8. Considérant, cependant, que la société SOS Bennes, ayant pour activité la collecte et le transport de déchets de chantiers, a déposé des déchets au centre de tri et de transit exploité par la société LGD Développement ; que, comme il a été dit au point 1, l’activité de celle-ci avait été autorisée par un arrêté du préfet du Val-de-Marne du 16 novembre 2005 avant d’être suspendue, à la suite de plusieurs mises en demeure restées infructueuses, par arrêté du préfet du Val-de-Marne du 15 novembre 2010 ; qu’il ne ressort pas des pièces du dossier que la société SOS Bennes ait continué à déposer des déchets après publication de cette décision de suspension ; qu’il ne peut lui être reproché, contrairement à ce que soutient le ministre, de ne pas s’être informée des mises en demeure éventuellement adressées à l’exploitant du centre de tri dans la mesure où aucune disposition législative ou réglementaire ne prévoit une telle obligation ; qu’ainsi, et dès lors que la société SOS Bennes a, sans qu’aucune négligence puisse être relevée à son encontre, transporté et déposé les déchets dans un centre de tri autorisé par l’administration sans les abandonner irrégulièrement, le préfet du Val-de-Marne ne pouvait légalement la mettre en demeure, sur le fondement des dispositions précitées de l’article L. 541-3 du code de l’environnement, d’assurer ou de faire assurer la gestion des déchets qu’elle avait remis à la société LGD Développement ;

9. Considérant, en deuxième lieu, qu’il ressort des pièces du dossier que par arrêté du 3 août 2011, le préfet du Val-de-Marne a confié à l’Agence de l’environnement et de la maîtrise de l’énergie le traitement et la gestion de l’ensemble des déchets présents sur le site de la société LGD Développement dans le cadre des dispositions du V de l’article L. 541-3 du code de l’environnement du fait de la défaillance de la société LGD Développement ; qu’il ne ressort d’aucune pièce du dossier qu’à la date de la décision litigieuse, les déchets apportés par la société SOS Bennes se trouvaient encore sur le site ; qu’ainsi c’est à juste titre que les premiers juges ont estimé que le préfet ne pouvait plus mettre en demeure la société SOS Bennes d’assurer ou de faire assurer dans un délai de quinze jours la gestion des déchets en cause, et annulé, pour ce second motif, la décision contestée ;

10. Considérant, enfin, qu’il résulte des dispositions des articles L. 541-4 et L. 541-6 du code de l’environnement que l’Etat et les personnes publiques disposent de voies de droit permettant de rechercher la responsabilité des personnes responsables des dommages causés à l’environnement du fait des opérations de gestion de déchets et d’obtenir le remboursement des frais engagés ; qu’il s’ensuit que le ministre n’est pas fondé à soutenir que la circonstance que l’intimée ne puisse pas faire l’objet d’une mise en demeure sur le fondement des dispositions de l’article L. 541-3 du code de l’environnement méconnaîtrait le principe « pollueur-payeur » tel qu’il est rappelé à l’article 14 de la directive 2008/98/CE du 19 novembre 2008 du Parlement européen et du Conseil ;

11. Considérant qu’il résulte de tout ce qui précède que le ministre de l’écologie du développement durable et de l’énergie n’est pas fondé à soutenir que c’est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Melun a annulé l’arrêté du 6 mars 2012 par lequel le

préfet du Val-de-Marne a mis en demeure la société SOS Bennes d’assurer ou de faire assurer, dans un délai de quinze jours, la gestion des déchets qu’elle a confiés à la société LGD Développement ;

Sur les conclusions présentées sur le fondement de l’article L. 761-1 du code de justice administrative :

12. Considérant qu’il y a lieu, dans les circonstances de l’espèce, de mettre à la charge de l’Etat, partie perdante en la présente instance, le versement de la somme de 1 500 euros au titre des frais exposés par la société SOS Bennes pour sa défense ;


DÉCIDE :


Article 1er : Le recours du ministre de l’écologie, du développement durable et de l’énergie est rejeté.

Article 2 : L’Etat versera à la société SOS Bennes une somme de 1 500 euros au titre de l’article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié au ministre de l’écologie, du développement durable et de l’énergie et à la société SOS Bennes.


Délibéré après l’audience du 17 décembre 2015, à laquelle siégeaient :


- Mme Pellissier, président de chambre,

- Mme Mielnik-Meddah, premier conseiller,

- M. Gouès, premier conseiller,


Lu en audience publique, le 31 décembre 2015.


L’assesseur le plus ancien,

A. MIELNIK-MEDDAHLe président rapporteur,

S. PELLISSIER Le greffier,

F. TROUYET

La République mande et ordonne au ministre de l’écologie, du développement durable et de l’énergie en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l’exécution de la présente décision.

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N° 14PA01487

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