Cour administrative d'appel de Paris, 22 octobre 2020, n° 20PA02786

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Chronologie de l’affaire

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Sur la décision

Référence :
CAA Paris, 22 oct. 2020, n° 20PA02786
Juridiction : Cour administrative d'appel de Paris
Numéro : 20PA02786
Décision précédente : Cour administrative d'appel de Paris, 19 juin 2019, N° 18PA00724
Dispositif : Satisfaction partielle

Texte intégral

Vu la procédure suivante :

Par une requête enregistrée le 24 septembre 2020, la fédération des syndicats des personnels de la formation et de l’enseignement privé (FEP-CFDT), la fédération nationale des syndicats professionnels de l’enseignement libre catholique (SPELC) et le syndicat national de l’enseignement chrétien (SNEC-CFTC), représentés par la SCP Thouvenin, C, et Grevy, avocat, demandent au juge des référés de la Cour, statuant par application des dispositions de l’article L. 521-1 du code de justice administrative :

1°) de suspendre l’exécution de la décision implicite, née du silence gardé par la ministre du travail sur leur demande du 11 février 2020, par laquelle la ministre a refusé de déterminer la liste des organisations syndicales salariées représentatives dans la branche d’activité de l’enseignement agricole privé ;

2°) d’enjoindre à la ministre du travail de réexaminer leur demande dans un délai de sept jours à compter de la notification de l’ordonnance à intervenir et sous astreinte de 200 euros par jour de retard ;

3°) de mettre à la charge de l’Etat le versement de la somme de 3 500 euros sur le fondement de l’article L. 761-1 du code de justice administrative.

Ils soutiennent que :

— il existe un doute sérieux quant à la légalité de la décision attaquée :

* le refus de prendre un nouvel arrêté méconnaît l’article L. 2122-11 du code du travail, selon lequel le ministre du travail est tenu d’arrêter la liste des organisations syndicales représentatives dans une branche professionnelle ; le secteur des établissements privés d’enseignement agricole constitue une branche professionnelle, et l’arrêté du 29 novembre 2017 fixant la liste des organisations professionnelles d’employeurs représentatives dans ce secteur est en vigueur ;

* ce refus procède d’une erreur manifeste d’appréciation ; les motifs retenus par la Cour pour annuler l’arrêté du 22 décembre 2017 ne font pas obstacle à l’adoption d’un nouvel arrêté ; la ministre du travail n’a pas présenté de requête aux fins de sursis à exécution de l’arrêt de la Cour ayant annulé l’arrêté du 22 décembre 2017;

* cette décision est irrégulière au regard de l’article L. 2122-1 du code du travail, en application duquel toute décision du ministre impliquant sa compétence pour adopter des arrêtés fixant la liste des organisations syndicales représentatives doit être prise après la consultation du Haut Conseil du dialogue social ;

— la condition tenant à l’urgence est satisfaite ;

* les organisations requérantes figuraient sur la liste des organisations représentatives dans la convention collective nationale mentionnée dans l’arrêté du 22 décembre 2017 annulé par la Cour ; le refus de prendre un nouvel arrêté les prive de leur capacité de négocier alors que les enjeux actuels sont cruciaux, en effet :

. d’une part, de nombreux textes conventionnels ont été dénoncés le 19 novembre 2019 ; la fédération familiale nationale pour l’enseignement agricole privé (FFNEAP) a dénoncé la convention collective nationale des personnels des établissements agricoles privés signée le 10 juillet 2018, la convention collective des personnels des établissements agricoles privés relevant du conseil national de l’enseignement agricole privé (CNEAP) signée le 24 novembre 2016, l’accord de branche sur l’aménagement, la réduction du temps de travail et la création d’emploi signé le 11 mars 1999 ainsi que ses avenants n°1 du 18 mai 1999 et n°2 du 28 juin 2001, et le groupement des organismes de formation et de promotion agricole (GOFPA) a dénoncé la convention collective nationale des personnels des établissements agricoles privés signée le 10 juillet 2018, la convention collective nationale du GOFPA signée le 11 décembre 1986 révisée le 21 juin 2016, l’accord-cadre sur l’aménagement et la réduction du temps de travail signé le 8 avril 1999 ainsi que son avenant n°1 du 23 mai 2002, l’accord national sur la classification signé le 2 février 2012 et l’accord national sur la création d’un salaire minimum conventionnel minimum signé le 17 octobre 2012 ; ces textes doivent de nouveau être rédigés et négociés ce qui est impossible tant que la ministre n’a pas fixé la liste des organisations syndicales représentatives ; cette situation conduit à ce que l’article 22.1 de la convention collective du CNEAP sur la dénonciation, qui prévoit que la dénonciation doit être accompagnée d’un projet de texte de substitution et que les négociations doivent s’engager dans un délai de deux mois à compter de la réception de l’avis de dénonciation, n’est pas respecté ;

. d’autre part, en application de l’article L. 912-1 du code de la sécurité sociale en vertu duquel doivent être renégociés tous les cinq ans les accords professionnels ou interprofessionnels qui prévoient une mutualisation des risques dont ils organisent la couverture auprès d’un organisme auxquels adhèrent alors obligatoirement les entreprises concernées, l’accord du 18 juin 2015 relatif à la recommandation d’organismes d’assureurs et qui instaure un régime de frais de santé obligatoire à compter du 1er janvier 2016 doit être réexaminé et la négociation aurait dû commencer le 1er août 2020, soit 6 mois avant la date de son échéance comme indiqué à l’article 6 de cet accord, outre qu’une procédure de mise en concurrence entre les assureurs doit pouvoir être organisée, or cette démarche est impossible tant que les organisations syndicales représentatives n’ont pas été désignées ;

. enfin, les commissions de certification créées par l’accord interbranche relatif à l’emploi et à la formation professionnelle le 3 novembre 2015, qui en application des dispositions combinées des articles 2.1.1 et 3.12.1 de cet accord sont composées de membres désignés par des organisations représentatives des salariés, ne peuvent plus se réunir pour délivrer les certificats de qualification professionnelle gérés par la branche ce qui fait obstacle à un changement de classification et à l’augmentation de salaire qui pourrait en résulter de sorte et bloque ainsi l’instruction des dossiers pour la qualification d’éducateur de vie scolaire et de coordinateur de vie scolaire, faisant peser le risque que les salariés engagés en septembre 2019 dans ce dispositif perdent le bénéfice des formations suivies en 2019-2020;

* compte tenu de ces enjeux, le refus d’adoption d’un arrêté fixant la liste des organisations représentatives porte également un préjudice grave et immédiat aux droits de l’ensemble des organisations syndicales, qui se trouvent privées de la possibilité de jouer leur rôle en matière de négociation collective, ainsi qu’aux intérêts que les syndicats défendent.

Par un mémoire enregistré le 12 octobre 2020 la ministre du travail conclut au rejet de la requête.

Elle fait valoir que :

— ce contentieux intervient dans le cadre de la politique de restructuration des branches professionnelles conduite par le ministère depuis la loi du 5 mars 2014, qui peut aboutir à ce qu’au cours d’un cycle de quatre ans une fusion ou un regroupement de branches professionnelles pose la question de la représentativité des organisations sur le nouveau périmètre issu du rapprochement ;

— la condition relative à l’urgence n’est pas satisfaite, car le refus d’édicter un nouvel arrêté de représentativité ne fait pas obstacle à la poursuite de la négociation collective ;

* en effet, le 10 juillet 2018 la FFNEAP et le GOFPA d’un côté, le Syndicat national de l’enseignement chrétien (SNEC CFTC), la Fédération formation et enseignement privés (FEP CFDT) et la Fédération nationale des syndicats professionnels libre catholique (SPELC) de l’autre, ont conclu, premièrement, un accord relatif à la création de la convention collective nationale des personnels des établissements agricoles privés qui, en application de l’article L. 2261-33 du code du travail, porte fusion des champs d’application de la convention collective « des personnels des établissements agricoles privés relevant du CNEAP » (IDCC 7520) d’une part, et de la convention collective « groupement des organismes de formation et de promotion agricoles » (IDCC 7509) d’autre part et, deuxièmement, une convention collective unifiée intégrant à la convention collective des personnels des établissements agricoles privés (IDCC 7520) les stipulations de la convention collective des organismes de formation et de promotion agricoles (IDCC 7509) ; la commission paritaire permanente de négociation et d’interprétation (CPPNI) de la nouvelle branche issue de cette fusion ayant saisi les services du ministère afin qu’il soit procédé à une nouvelle mesure de l’audience des organisations syndicales et patronales, la mesure de l’audience sur le nouveau périmètre de branche a été présentée aux partenaires sociaux lors du Haut conseil du dialogue social (HCDS) du 22 janvier 2019, et a été adressée le 31 juillet 2020 aux partenaires sociaux siégeant au sein de la commission paritaire (CPPNI);

* or, en application des articles L.2261-32, L.2261-33 et L.2261-34 du code du travail, une fusion crée une nouvelle branche professionnelle née de la fusion des champs d’application des branches fusionnées, les taux mentionnés à l’article L. 2232-6 devant alors être appréciés au niveau de la branche issue de la fusion ou du regroupement, de sorte que les négociations avec les organismes de formation et de promotion agricoles doivent désormais être menées sur le fondement des taux recalculés au niveau de la branche issue de la fusion ; ainsi il est loisible aux partenaires sociaux de poursuivre les négociations en cours sur la base de la liste et des taux qui ont été communiqués par les services du ministère, par courriers en date du 31 juillet 2020 ;

— aucun moyen ne paraît de nature à créer un doute sérieux quant à la légalité de la décision en litige :

* la consultation du Haut Conseil du dialogue social, prévue à l’article L. 2122-11 du code du travail, n’a pas lieu d’être en cas de refus d’édicter un arrêté de représentativité ;

* l’obligation faite au ministre d’arrêter la liste des organisations syndicales reconnues représentatives dans les branches professionnelles en application de l’article L.2122-11 du code du travail suppose qu’il existe une branche professionnelle sur le périmètre de laquelle le ministre chargé du travail est habilité à déterminer la liste des organisations syndicales représentatives ; or, du fait de la fusion intervenue par accord collectif le 10 juillet 2018, non dénoncée, les établissements agricoles privés relevant du CNEAP ne constituent plus une branche professionnelle mais un sous-ensemble de la branche professionnelle née de la fusion du champ d’application de leur convention collective avec celle des organismes de formation et de promotion agricoles ; le périmètre sur lequel les organisations requérantes sollicitent l’édiction d’un arrêté ne constituant plus une branche professionnelle, le refus d’édicter l’arrêté de représentativité demandé ne méconnaît pas l’article L. 2122-11 du code du travail.

Vu :

— les autres pièces du dossier ;

— la requête enregistrée le 11 juin 2020 sous le n° 2008091 au greffe du tribunal administratif de Paris, transmise à la Cour par ordonnance de ce tribunal et enregistrée au greffe de la Cour le 12 octobre 2020 sous le n° 2002947, par laquelle la fédération des syndicats des personnels de la formation et de l’enseignement privé (FEP-CFDT), la fédération nationale des syndicats professionnels de l’enseignement libre catholique (SPELC) et le syndicat national de l’enseignement chrétien (SNEC-CFTC) demandent l’annulation de la décision implicite par laquelle la ministre du travail a refusé de prendre un arrêté de représentativité au sein de la branche de l’enseignement agricole privé.

Vu :

— le code du travail ;

— le code de la sécurité sociale ;

— le code de justice administrative.

Par une décision du 1er septembre 2020, le président de la Cour a désigné Mme B, présidente de la 8e chambre, pour statuer en qualité de juge des référés de la Cour administrative d’appel de Paris.

Les parties ont été régulièrement convoquées à l’audience publique du 13 octobre 2020 à 14 h 30.

Après avoir entendu, au cours de l’audience publique, tenue en présence de Mme Herber, greffier d’audience :

— le rapport de Mme B ;

— les observations orales de Me C, représentant les organisations requérantes, qui maintiennent leurs conclusions par les mêmes moyens et ajoutent que :

. l’impossibilité de signer de nouveaux accords en l’absence d’arrêté de représentativité, malgré le périmètre et les enjeux des accords dénoncés, est la source de multiples et très graves difficultés pour tous les partenaires sociaux;

. l’administration n’est pas fondée à se prévaloir de la diffusion qu’elle a faite de nouveaux taux sur la mesure d’audience pour soutenir que la condition relative à l’urgence ne serait pas satisfaite, car la mesure d’audience constitue un seul des sept critères de l’article L. 2121-1 du code du travail ; la mesure d’audience ne constitue pas en elle-même une base fiable et n’a pas la même portée qu’un arrêté, ainsi engager des négociations sur cette base conduirait à des ambiguïtés et à des recours d’autant moins inévitables que le contexte actuel est conflictuel ; dans l’hypothèse où l’administration n’entendrait pas modifier les six autres critères il lui est très simple de prendre rapidement un nouvel arrêté reprenant ces critères et tenant compte de la nouvelle mesure d’audience établie il y a plus de deux mois ; dans l’hypothèse où l’administration entendrait modifier un ou plusieurs des six autres critères, elle ne saurait le faire sous une autre forme que celle d’un nouvel arrêté sauf à générer immanquablement un contentieux ;

. les conclusions à fins de suspension visent tout particulièrement le refus de la ministre de prendre un arrêté déterminant la liste des organisations syndicales salariées représentatives dans la branche d’activité de l’enseignement agricole privé issue de la fusion résultant de l’accord signé le 10 juillet 2018 ;

— les observations orales de M. A, représentant la ministre du travail qui maintient ses conclusions par les mêmes motifs et ajoute que :

. la condition relative à l’urgence n’est pas satisfaite, car les courriers qui ont été adressés aux partenaires sociaux permettent la poursuite du dialogue social ;

. la fusion des deux branches, décidée par l’accord du 10 juillet 2018, fait obstacle à l’édiction d’un arrêté de représentativité pour la branche qui était concernée par l’arrêté annulé par la Cour et qui n’existe plus ;

. il ne convient pas d’édicter un arrêté de représentativité dans la nouvelle branche issue de la fusion décidée par l’accord du 10 juillet 2018, car l’arrêt de la Cour est intervenu en cours de cycle ; or lorsque le cycle de quarte ans a été cassé par une décision de justice, le principe de stabilité du cycle s’oppose à l’édiction d’un nouvel arrêté, qui supposerait de réexaminer les sept critères fixés à l’article L. 2121-1 du code du travail ; des considérations opérationnelles justifient que des arrêtés soient pris en masse dans un laps de temps limité ;

. il n’est pas utile de reporter la clôture de l’instruction pour lui permettre de produire des documents.

La clôture de l’instruction a été prononcée à l’issue de l’audience, à 15 h 30.

Considérant ce qui suit :

1. Par un arrêt n° 18PA00724 en date du 20 juin 2019, la Cour administrative d’appel de Paris a annulé l’arrêté du 22 décembre 2017 par lequel la ministre du travail avait fixé la liste des organisations syndicales salariées reconnues représentatives dans la convention collective nationale de l’enseignement privé. La ministre du travail s’est pourvue en cassation contre cet arrêt. Par un courrier du 11 février 2020, la fédération des syndicats des personnels de la formation et de l’enseignement privé (FEP-CFDT), la fédération nationale des syndicats professionnels de l’enseignement libre catholique (SPELC) et le syndicat national de l’enseignement chrétien (SNEC-CFTC) ont demandé à la ministre du travail de prendre un nouvel arrêté déterminant la liste des organisations syndicales salariées représentatives. Par le présente requête, enregistrée le 24 septembre 2020, la FEP-CFDT, la SPELC et le SNEC-CFTC demandent au juge des référés de la Cour, sur le fondement des dispositions de l’article L. 521-1 du code de justice administrative, de suspendre l’exécution de la décision implicite, née du silence gardé par la ministre du travail sur leur demande en date du 11 février 2020, par laquelle la ministre a refusé de déterminer la liste des organisations syndicales salariées représentatives dans la branche d’activité de l’enseignement agricole privé. Les organisations requérantes ont précisé au cours de l’audience qu’elles demandent tout particulièrement la suspension de l’exécution de la décision implicite de la ministre du travail en tant qu’elle a refusé de déterminer la liste des organisations syndicales salariées représentatives dans la nouvelle branche issue de la fusion, initiée par un accord signé le 10 juillet 2018, des champs d’application, respectivement, de la convention collective des personnels des établissements agricoles privés relevant du conseil national de l’enseignement agricole privé (CNEAP) et de la convention collective relevant du groupement des organismes de formation et de promotion agricoles (GOFPA).

Sur l’objet du litige :

2. Le courrier en date du 11 février 2020 adressé par les organisations requérantes aux services de la ministre du travail a pour objet la « demande de publication d’un nouvel arrêté de représentativité ». Si les organisations requérantes y rappellent que la Cour a annulé « l’arrêté du 22 décembre 2017 fixant la liste des organisations syndicales représentatives dans la branche d’activité de l’enseignement agricole privé (Cneap) », elles demandent que « soit pris un nouvel arrêté » sans autre précision, en arguant des conséquences préjudiciables de l’annulation pour toute forme de négociation et dans un contexte de dénonciation conventionnelle.

3. Dans ces conditions, et dès lors que ce courrier ne comporte aucune précision quant au champ d’application d’une convention collective que les organisations requérantes auraient demandé à la ministre de prendre en compte dans l’arrêté visé par leur demande, il doit être regardé comme demandant à la ministre de prendre un nouvel arrêté de représentativité des organisations syndicales salariées dans la branche d’activité de l’enseignement agricole privé, indifféremment, soit dans la branche d’activité correspondant au champ d’application de la convention collective relevant du CNEAP, soit dans la nouvelle branche d’activité résultant de la fusion des champs d’application de la convention collective relevant du CNEAP et de la convention collective relevant du GOFPA.

4. Or, d’une part, il ressort des termes de la présente requête, comme de ceux de la requête à fins d’annulation visée ci-dessus, qu’elles sont dirigées contre la décision implicite, née du silence gardé par la ministre du travail sur la demande des organisations requérantes en date du 11 février 2020, par laquelle la ministre a refusé de déterminer la liste des organisations syndicales salariées représentatives dans la branche d’activité de l’enseignement agricole privé, sans que l’une ou l’autre requête ne comporte une quelconque précision quant à une convention collective qui déterminerait une branche d’activité. Et si les organisations requérantes ont précisé au cours de l’audience que leurs conclusions tendent tout particulièrement à la suspension de l’exécution du refus de la ministre de prendre un arrêté déterminant la liste des organisations syndicales salariées représentatives dans la branche d’activité de l’enseignement agricole privé issue de la fusion résultant de l’accord signé le 10 juillet 2018, elles ne se sont pas expressément désistées des conclusions de la requête en tant qu’elle peut également être regardée comme tendant à la suspension de l’exécution du refus de la ministre de prendre un arrêté déterminant la liste des organisations syndicales salariées représentatives dans la branche d’activité de l’enseignement agricole privé correspondant au champ d’application de la convention collective relevant du CNEAP.

5. Et, d’autre part, si de son côté la ministre a indiqué, dans son mémoire en défense, qu’il ne pouvait pas être fait droit à la requête entendue comme étant dirigée contre le refus de prendre un arrêté déterminant la liste des organisations syndicales salariées représentatives au sein de la branche de l’enseignement agricole privé relevant du CNEAP, dès lors que selon la ministre celle-ci ne constituerait plus une branche professionnelle mais un sous-ensemble de la branche professionnelle née de la fusion des champs d’application de la convention collective relevant du CNEAP et de celle relevant du GOFPA, le représentant du ministre a ajouté à la barre qu’il ne peut pas davantage être fait droit à la demande des organisations requérantes entendue comme portant sur l’édiction d’un arrêté déterminant la liste des organisations syndicales salariées représentatives au sein de la nouvelle branche issue de la fusion décidée en 2018 des champs d’application de ces deux conventions collectives, confirmant ainsi la portée de sa décision implicite de rejet né du silence gardé sur la demande du 11 février 2020.

6. Il suit de là qu’il y a lieu de statuer sur les conclusions par lesquelles les organisations requérantes demandent la suspension de l’exécution du refus de la ministre du travail de prendre un arrêté déterminant la liste des organisations syndicales salariées représentatives dans la branche d’activité de l’enseignement agricole privé, que ce soit, à titre principal, dans la nouvelle branche d’activité de l’enseignement agricole privé résultant de la fusion des champs d’application de la convention collective relevant du CNEAP et de la convention collective relevant du GOFPA, ou, à titre subsidiaire, dans la branche d’activité correspondant au champ d’application de la convention collective relevant du CNEAP.

Sur les conclusions à fins de suspension :

7. Aux termes de l’article L. 521-1 du code de justice administrative : « Quand une décision administrative, même de rejet, fait l’objet d’une requête en annulation ou en réformation, le juge des référés, saisi d’une demande en ce sens, peut ordonner la suspension de l’exécution de cette décision, ou de certains de ses effets, lorsque l’urgence le justifie et qu’il est fait état d’un moyen propre à créer, en l’état de l’instruction, un doute sérieux quant à la légalité de la décision () ».

— S’agissant du critère relatif au doute sérieux quant à la légalité de la décision :

8. A l’appui de leurs conclusions, les organisations requérantes soutiennent notamment, que, compte tenu de l’annulation de l’arrêté ministériel du 22 décembre 2017, le refus de la ministre du travail de prendre un nouvel arrêté déterminant la liste des organisations syndicales salariées représentatives dans la branche d’activité de l’enseignement agricole privé méconnaît les dispositions de l’article L. 2122-11 du code du travail qui, selon la requête, font obligation au ministre du travail d’arrêter la liste des organisations syndicales représentatives dans une branche professionnelle. Aux termes de cet article : « Après avis du Haut Conseil du dialogue social, le ministre chargé du travail arrête la liste des organisations syndicales reconnues représentatives par branche professionnelle et des organisations syndicales reconnues représentatives au niveau national et interprofessionnel en application des articles L. 2122-5 à L. 2122-10 ».

9. En premier lieu, s’agissant de son refus de prendre un arrêté déterminant la liste des organisations syndicales salariées représentatives dans la nouvelle branche d’activité de l’enseignement agricole privé résultant de la fusion décidée le 10 juillet 2018 des champs d’application de la convention collective relevant du CNEAP et de la convention collective relevant du GOFPA, la ministre du travail se borne à faire valoir la circonstance que l’annulation, par la Cour, de l’arrêté ministériel du 22 décembre 2017, est intervenue au cours d’un cycle de quatre ans, et à se prévaloir du « principe de stabilité du cycle » qui s’opposerait à l’édiction d’un nouvel arrêté, ou de considérations opérationnelles justifiant que des arrêtés de représentativité, dont l’édiction suppose de réexaminer les sept critères fixés à l’article L. 2121-1 du code du travail, soient pris en masse dans un laps de temps limité.

10. Dans ces conditions, et en l’état de l’instruction, le moyen tiré de ce que le refus de la ministre de prendre un arrêté déterminant la liste des organisations syndicales salariées représentatives dans la nouvelle branche d’activité de l’enseignement agricole privé résultant de la fusion des champs d’application de la convention collective relevant du CNEAP et de la convention collective relevant du GOFPA méconnaît les dispositions de l’article L. 2122-11 du code du travail paraît propre, en l’état de l’instruction, à créer un doute sérieux quant à la légalité de ce refus.

11. En second lieu, s’agissant de son refus de prendre un arrêté déterminant la liste des organisations syndicales salariées représentatives dans la branche d’activité de l’enseignement agricole privé correspondant au champ d’application de la convention collective relevant du CNEAP, la ministre fait valoir que cette branche a disparu en conséquence de la signature, le 10 juillet 2018, par les organisations requérantes d’une part et la fédération familiale nationale pour l’enseignement agricole privé ( FFNEAP) et le GOFPA d’autre part, d’un accord relatif à la création de la convention collective nationale des personnels des établissements agricoles privés qui, en application de l’article L. 2261-33 du code du travail, porte fusion des champs d’application de la convention collective « des personnels des établissements agricoles privés relevant du CNEAP » (IDCC 7520) et de la convention collective « groupement des organismes de formation et de promotion agricoles » (IDCC 7509), ainsi que d’une convention collective unifiée intégrant à la convention collective nationale des personnels des établissements agricoles privés (IDCC 7520) les stipulations de la convention collective des organismes de formation et de promotion agricoles (IDCC 7509). La ministre fait valoir que cet accord et cette convention collective font obstacle à l’édiction d’un nouvel arrêté déterminant la liste des organisations syndicales salariées représentatives dans la branche d’activité de l’enseignement agricole privé correspondant au seul champ d’application de la convention collective relevant du CNEAP.

12. Cependant, la ministre n’a pas produit la copie de l’accord et de la convention collective dont elle se prévaut, malgré l’invitation en ce sens qui lui a été faite à l’audience. Ainsi, elle ne met pas le juge des référés en mesure d’apprécier la portée de cet accord et de cette convention en vérifiant, notamment, la date d’effet de la fusion telle que fixée par les signataires, à compter de laquelle l’article L. 2261-33 du code du travail prévoit d’ailleurs que la branche issue de la fusion peut maintenir plusieurs conventions collectives pendant un délai de cinq ans, ainsi que les modalités de l’intégration à la convention collective relevant du CNEAP des stipulations de la convention collective relevant du GOFPA, telles que prévues par les signataires. Et la ministre ne conteste pas que l’arrêté du 29 novembre 2017 fixant la liste des organisations professionnelles d’employeurs reconnues représentatives dans la branche d’activité de l’enseignement agricole privé correspondant au champ d’application de la convention collective relevant du CNEAP est actuellement en vigueur, ainsi que le font valoir les requérants.

13. Dans ces conditions, et en l’état de l’instruction, le moyen tiré de ce que le refus de la ministre de prendre un arrêté déterminant la liste des organisations syndicales salariées représentatives dans la branche d’activité de l’enseignement agricole privé correspondant au champ d’application de la convention collective relevant du CNEAP méconnaît les dispositions de l’article L. 2122-11 du code du travail paraît également propre, en l’état de l’instruction, à créer un doute sérieux quant à la légalité de ce refus.

— S’agissant du critère de l’urgence :

14. L’urgence justifie que soit prononcée la suspension d’un acte administratif lorsque l’exécution de celui-ci porte atteinte, de manière suffisamment grave et immédiate, à un intérêt public, à la situation du requérant ou aux intérêts qu’il entend défendre. Il appartient au juge des référés d’apprécier concrètement, compte tenu des justifications fournies par le requérant, si les effets de l’acte litigieux sont de nature à caractériser une urgence justifiant que, sans attendre le jugement de la requête au fond, l’exécution de la décision soit suspendue. L’urgence doit être appréciée objectivement et compte tenu de l’ensemble des circonstances de l’affaire, à la date à laquelle le juge des référés se prononce.

15. Pour justifier de l’urgence qui s’attache à la suspension de son exécution, les organisations requérantes soutiennent que le refus de la ministre du travail de prendre un arrêté déterminant la liste des organisations syndicales salariées représentatives dans la branche d’activité de l’enseignement agricole privé les empêche de participer de façon efficace au dialogue social et aux négociations nécessaires alors qu’elles figuraient sur la liste des organisations représentatives dans la convention collective nationale mentionnée dans l’arrêté du 22 décembre 2017. Elles ajoutent que ce refus porte également atteinte de façon grave et immédiate aux droits de l’ensemble des organisations syndicales qui se trouvent ainsi privées de la possibilité de jouer leur rôle en matière de négociation collective, ainsi qu’aux intérêts que les syndicats défendent, alors que le caractère conflictuel du contexte actuel, caractérisé par la dénonciation de multiples accords concernant des enjeux sociaux multiples et d’importance majeure, rend d’autant plus nécessaires la fiabilité et l’efficacité du dialogue social.

16. A l’appui de leur allégation, les organisations requérantes soutiennent en particulier que, le 19 novembre 2019, de nombreux textes conventionnels ont été dénoncés, la FFNEAP ayant notamment dénoncé la convention collective nationale des personnels des établissements agricoles privés signée le 10 juillet 2018, la convention collective des personnels des établissements agricoles privés relevant du CNEAP signée le 24 novembre 2016, l’accord de branche sur l’aménagement, la réduction du temps de travail et la création d’emploi du 11 mars 1999 et ses avenants, et le GOFPA ayant dénoncé la convention collective nationale des personnels des établissements agricoles privés signée le 10 juillet 2018, la convention collective nationale du GOFPA signée le 11 décembre 1986 révisée, l’accord-cadre sur l’aménagement et la réduction du temps de travail du 8 avril 1999 et son avenant, l’accord national sur la classification signé le 2 février 2012 et l’accord national sur la création d’un salaire minimum conventionnel minimum signé le 17 octobre 2012, ces textes devant ainsi être de nouveau rédigés et négociés. Elles ajoutent qu’en application de l’article L. 912-1 du code de la sécurité sociale en vertu duquel doivent être renégociés tous les cinq ans les accords professionnels ou interprofessionnels qui prévoient une mutualisation des risques dont ils organisent la couverture auprès d’un organisme auxquels adhèrent alors obligatoirement les entreprises concernées, l’accord du 18 juin 2015 relatif à la recommandation d’organismes d’assureurs et qui instaure un régime de frais de santé obligatoire à compter du 1er janvier 2016 doit être réexaminé et la négociation aurait dû commencer le 1er août 2020, soit 6 mois avant la date de son échéance comme indiqué à l’article 6 de cet accord, outre qu’une procédure de mise en concurrence entre les assureurs doit pouvoir être organisée. Elles ajoutent encore que les commissions de certification créées par l’accord interbranche relatif à l’emploi et à la formation professionnelle le 3 novembre 2015, qui en application des dispositions combinées des articles 2.1.1 et 3.12.1 de cet accord sont composées de membres désignés par des organisations représentatives des salariés, ne peuvent plus se réunir pour délivrer les certificats de qualification professionnelle gérés par la branche ce qui fait obstacle à un changement de classification et à l’augmentation de salaire qui pourrait en résulter de sorte et bloque ainsi l’instruction des dossiers pour la qualification d’éducateur de vie scolaire et de coordinateur de vie scolaire, faisant peser le risque que les salariés engagés en septembre 2019 dans ce dispositif perdent le bénéfice des formations suivies en 2019-2020.

17. Pour justifier au contraire de ce que le critère relatif à l’urgence n’est pas satisfait, la ministre du travail fait valoir que, par courriers en date du 31 juillet 2020, ses services ont notifié aux partenaires sociaux une liste d’organisations syndicales salariées dans la nouvelle branche d’activité issue de la fusion résultant de l’accord du 10 juillet 2018, ainsi que les taux de mesure d’audience, mentionnés l’article L. 2232-6 du code du travail, appréciés au niveau de la branche issue de la fusion initiée par l’accord du 10 juillet 2018. Cependant, la ministre n’a pas produit la copie de ces courriers, malgré l’invitation en ce sens qui lui a été faite à l’audience, et ne met ainsi pas au juge des référés en mesure d’en apprécier la portée ni leurs effets potentiels sur les conditions du dialogue social qui serait susceptible de se poursuivre sur cette base.

18. De plus, la ministre ne conteste pas sérieusement les objections avancées par les organisations requérantes, selon lesquelles la diffusion de la mesure d’audience ne constitue pas en elle-même une base fiable et n’a pas la même portée qu’un arrêté, dont les requérantes infèrent que la poursuite de négociations qui seraient conduites sur la base de ces seuls courriers, et non sur celle d’un arrêté de représentativité, conduirait à des ambiguïtés et à des recours d’autant moins inévitables que le contexte s’est avéré conflictuel. Enfin la ministre, qui ne conteste pas qu’elle n’a pas présenté de requête aux fins de sursis à exécution de l’arrêt du 20 juin 2019 de la Cour, ne peut être regardée, en se bornant à se prévaloir du « principe de stabilité du cycle » et de considérations opérationnelles, comme justifiant d’un argument de fait ou de droit dont résulterait l’urgence à ne pas suspendre la décision en litige.

19. Dans ces conditions, la condition d’urgence posée par l’article L. 521-1 du code de justice administrative doit, en l’espèce, être regardée comme remplie.

20. Il résulte de tout ce qui précède qu’il y a lieu de suspendre l’exécution de la décision implicite par laquelle la ministre du travail a refusé de prendre un arrêté déterminant la liste des organisations syndicales salariées représentatives au sein de la branche de l’enseignement agricole privé jusqu’à ce qu’il ait été statué sur la requête tendant à l’annulation de cette décision.

Sur les conclusions à fins d’injonction :

21. La suspension de l’exécution de la décision par laquelle la ministre du travail a refusé de prendre un arrêté déterminant la liste des organisations syndicales salariées représentatives au sein de la branche de l’enseignement agricole privé implique, eu égard à ses motifs, que la ministre du travail procède au réexamen de la demande présentée le 11 février 2020 par les organisations requérantes et qu’elle prenne une décision explicite sur cette demande, soit sous la forme d’un arrêté fixant la liste des organisations syndicales salariées représentatives au sein de la nouvelle branche d’activité de l’enseignement agricole privé résultant de la fusion des champs d’application de la convention collective relevant du CNEAP et de la convention collective relevant du GOFPA, ou à défaut et subsidiairement au sein de la branche d’activité correspondant au champ d’application de la convention collective relevant du CNEAP, soit encore à défaut sous la forme d’un rejet de cette demande dûment motivé et justifié. Il y a lieu d’enjoindre à la ministre du travail d’y procéder dans un délai d’un mois à compter de la présente ordonnance, sous astreinte de 200 euros par jour de retard.

Sur les frais de l’instance :

22. Il y a lieu, dans les circonstances de l’espèce, de mettre à la charge de l’Etat le versement de la somme totale de 2 000 euros à la fédération des syndicats des personnels de la formation et de l’enseignement privé (FEP-CFDT), la fédération nationale des syndicats professionnels de l’enseignement libre catholique (SPELC) et le syndicat national de l’enseignement chrétien (SNEC-CFTC) au titre de l’article L. 761-1 du code de justice administrative.

ORDONNE :

Article 1er : L’exécution de la décision implicite par laquelle la ministre du travail a refusé de prendre un arrêté déterminant la liste des organisations syndicales salariées représentatives au sein de la branche de l’enseignement agricole privé est suspendue jusqu’à ce qu’il ait été statué sur la requête tendant à l’annulation de cette décision.

Article 2 : Il est enjoint à la ministre du travail de réexaminer la demande présentée le 11 février 2020 par les organisations requérantes et de prendre une nouvelle décision explicite, soit sous la forme d’un arrêté fixant la liste des organisations syndicales salariées représentatives au sein de la nouvelle branche d’activité de l’enseignement agricole privé résultant de la fusion des champs d’application de la convention collective relevant du conseil national de l’enseignement agricole privé (CNEAP) et de la convention collective relevant du groupement des organismes de formation et de promotion agricoles (GOFPA), ou à défaut et subsidiairement au sein de la branche d’activité correspondant au champ d’application de la convention collective relevant du CNEAP, soit, encore à défaut, sous la forme d’un rejet de cette demande dûment motivé et justifié, dans le délai d’un mois à compter de la notification de la présente ordonnance et sous astreinte de 200 euros par jour de retard.

Article 3 : L’Etat versera la somme totale de 2 000 euros à la fédération des syndicats des personnels de la formation et de l’enseignement privé (FEP-CFDT), la fédération nationale des syndicats professionnels de l’enseignement libre catholique (SPELC) et le syndicat national de l’enseignement chrétien (SNEC-CFTC) au titre de l’article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 4 : La présente ordonnance sera notifiée à la fédération des syndicats des personnels de la formation et de l’enseignement privé (FEP-CFDT), à la fédération nationale des syndicats professionnels de l’enseignement libre catholique (SPELC), au syndicat national de l’enseignement chrétien (SNEC-CFTC) et à la ministre du travail.

Fait à Paris, le 22 octobre 2020.

Le juge des référés,

H. B

La République mande et ordonne à la ministre du travail en ce qui la concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l’exécution de la présente décision.

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Cour administrative d'appel de Paris, 22 octobre 2020, n° 20PA02786