CAA de PARIS, 3ème chambre, 23 juillet 2021, 21PA03773, Inédit au recueil Lebon

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Chronologie de l’affaire

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Sur la décision

Référence :
CAA Paris, 3e ch., 23 juill. 2021, n° 21PA03773
Juridiction : Cour administrative d'appel de Paris
Numéro : 21PA03773
Importance : Inédit au recueil Lebon
Type de recours : Excès de pouvoir
Décision précédente : Tribunal administratif de Paris, 28 juin 2021, N° 1922034 et 1921941/3-3
Dispositif : Rejet
Identifiant Légifrance : CETATEXT000043867854

Sur les parties

Texte intégral

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La fédération nationale des salariés de la construction-bois-ameublement CGT (FNSCBA-CGT) a demandé au tribunal administratif de Paris d’une part d’annuler l’arrêté de la ministre du travail du 29 mars 2019 portant agrément de l’opérateur de compétences de la construction (OPCO Construction) et d’autre part d’annuler la décision du 26 juillet 2019 par laquelle la ministre du travail a refusé de retirer l’arrêté du 29 mars 2019 portant agrément de l’OPCO de la construction.

Par un jugement n° 1922034 et 1921941/3-3 du 29 juin 2021, le tribunal administratif de Paris a annulé l’arrêté du 29 mars 2019 et la décision de refus de retrait de cet arrêté du 26 juillet 2019 de la ministre du travail.

Procédure devant la Cour :

Par une requête, enregistrée le 7 juillet 2021, la ministre du travail, de l’emploi et de l’insertion demande à la Cour de prononcer le sursis à l’exécution du jugement n° 1922034 et 1921941/3-3 du 29 juin 2021 du tribunal administratif de Paris.

Elle soutient que :

 – les moyens invoqués dans la requête d’appel sont sérieux et de nature à justifier l’annulation du jugement attaqué ;

 – les conclusions présentées par le syndicat requérant devant le tribunal administratif de Paris ne peuvent qu’être rejetées, aucun moyen n’étant de nature à justifier l’annulation des décisions litigieuses ;

 – l’exécution du jugement risque par ailleurs d’entraîner des conséquences difficilement réparables.

Par un mémoire en défense, enregistré le 19 juillet 2021, la fédération nationale des salariés de la construction-bois-ameublement CGT (FNSCBA CGT), représentée par Me C…, conclut au rejet de la requête et à ce que le versement la somme de 3 600 euros soit mis à la charge de l’Etat sur le fondement de l’article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que la demande de sursis à exécution à l’encontre du jugement attaqué est irrecevable dès lors que ce jugement a déjà commencé à recevoir exécution, et que, de plus, les moyens soulevés par la ministre du travail, de l’emploi et de l’insertion ne sont pas fondés.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

 – le code du travail ;

 – le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l’audience.

Ont été entendus au cours de l’audience publique :

 – le rapport de M. B…,

 – les conclusions de Mme Pena, rapporteure publique,

 – les observations de MM. Breton, Lucas et Carro, représentant la ministre du travail, de l’emploi et de l’insertion, et les observations de Me C…, avocat de la Fédération Nationale des Salariés de la Construction-Bois-Ameublement CGT (FNSCBA CGT).

Considérant ce qui suit :

1. Aux termes de l’article R. 811-15 du code de justice administrative : « Lorsqu’il est fait appel d’un jugement de tribunal administratif prononçant l’annulation d’une décision administrative, la juridiction d’appel peut, à la demande de l’appelant, ordonner qu’il soit sursis à l’exécution de ce jugement si les moyens invoqués par l’appelant paraissent, en l’état de l’instruction, sérieux et de nature à justifier, outre l’annulation ou la réformation du jugement attaqué, le rejet des conclusions à fin d’annulation accueillies par ce jugement. ». Aux termes de l’article R. 811-17 du même code : « Dans les autres cas, le sursis peut être ordonné à la demande du requérant si l’exécution de la décision de première instance attaquée risque d’entraîner des conséquences difficilement réparables et si les moyens énoncés dans la requête paraissent sérieux en l’état de l’instruction. ».

2. Par le jugement n° 1922034 et 1921941/3-3 du 29 juin 2021 dont le sursis à exécution est demandé par la ministre du travail, de l’emploi et de l’insertion, le tribunal administratif de Paris a annulé l’arrêté de la ministre du travail du 29 mars 2019 portant agrément de l’opérateur de compétences de la construction (OPCO Construction) et la décision de refus de retrait de cet arrêté du 26 juillet 2019.

Sans qu’il soit besoin de statuer sur la recevabilité de la requête ;

Sur le caractère sérieux des moyens invoqués par la ministre du travail, de l’emploi et de l’insertion :

3. Aux termes de l’article L. 6332-1-1 du code du travail : « I.- L’opérateur de compétences est agréé par l’autorité administrative pour gérer les fonds mentionnés aux 1° et c du 3° de l’article L. 6123-5. Il a une compétence nationale. / (…) III.- L’agrément est subordonné à l’existence d’un accord conclu à cette fin entre les organisations syndicales de salariés et les organisations professionnelles d’employeurs représentatives d’une ou plusieurs branches qui composent le champ d’application de l’accord. / (…) ». Aux termes de l’article R. 6332-4 du même code : " L’agrément est accordé en application du II de l’article L. 6332-1-1 lorsque les opérateurs de compétences : / (…) 4° Sont dirigés par un conseil d’administration ou disposent des organes mentionnés au 2° de l’article R. 6332-8 permettant d’assurer une représentation de l’ensemble des organisations syndicales de salariés et des organisations professionnelles d’employeurs relevant des branches adhérentes de l’opérateur de compétences ; / (…) « . Aux termes de l’article R. 6332-9 du même code : » Le conseil d’administration de l’opérateur de compétences est composé d’un nombre égal de représentants des salariés et des employeurs désignés parmi les organisations signataires. Les membres du conseil d’administration peuvent se faire représenter par un suppléant désigné selon les mêmes modalités que le titulaire. / La composition du conseil d’administration tient compte de la diversité des branches professionnelles adhérentes. ".

4. Les accords conclus sur le fondement des dispositions précitées du III de l’article

L. 6332-1-1 du code du travail entre les organisations syndicales de salariés et les organisations professionnelles d’employeurs représentatives ont le caractère de conventions de droit privé. Toutefois, leur existence conditionne l’intervention d’un arrêté ministériel d’agrément de l’opérateur de compétences. Il s’ensuit que, d’une part, le juge judiciaire a compétence pour apprécier la validité d’un tel accord et peut en écarter, le cas échéant, l’application, alors même que l’arrêté ministériel d’agrément n’aurait pas été contesté devant le juge administratif et que, d’autre part, compte tenu de la nature particulière de ces accords, auxquels le législateur a confié le soin de définir les mesures prises pour l’application de la loi et auxquels il a subordonné l’intervention de l’arrêté ministériel d’agrément, le juge administratif, compétemment saisi d’une contestation mettant en cause la légalité de l’arrêté ministériel d’agrément de l’opérateur de compétences, a également compétence pour se prononcer sur les moyens mettant en cause la validité de l’accord.

5. L’accord collectif national interbranches du 14 décembre 2018 relatif à la constitution de l’opérateur de compétences de la construction, conclu entre des organisations syndicales de salariés et des organisations professionnelles d’employeurs représentatives sur le fondement des dispositions précitées du III de l’article L. 6332-1-1 du code du travail, stipule, dans son article 5.2 concernant le conseil d’administration : « L’association est gérée par un Conseil d’administration paritaire composé d’un nombre égal de représentants désignés par les organisations professionnelles d’employeurs et les organisations syndicales de salariés représentatives des branches professionnelles adhérentes ou signataires à l’Opérateur de compétences de la Construction. / (…) Le collège salariés est composé de 20 membres désignés par les organisations syndicales de salariés reconnues représentatives au sein d’au moins deux branches professionnelles distinctes, signataires ou adhérentes au présent accord, constitutives de l’Opérateur de compétences de la Construction. Chaque organisation syndicale prédéfinie désigne quatre représentants et arrête en son sein la répartition de ses sièges. ». L’article 5.6 du même accord, qui organise des sections professionnelles paritaires thématiques (Bâtiment, Travaux publics, Négoce des matériaux de construction et Architecture et cadre de vie) et des commissions paritaires, stipule : " Les Sections professionnelles paritaires sont composées : / • Pour le collège salariés, de 2 représentants au maximum par organisation syndicale représentative de la branche relevant de la section, / • Pour le collège employeurs, d’un nombre égal de représentants. Ceux-ci sont répartis entre les organisations professionnelles représentatives de la branche relevant de la section selon une règle définie entre elles. / Les Commissions paritaires sont composées : / • Pour le collège salariés, le nombre de représentants peut être porté à 3 représentants par organisations syndicales représentatives des branches relevant de la commission paritaire. / • Dans ce cas, le collège employeurs comprend un nombre égal de représentants répartis entre les organisations d’employeurs représentatives des branches relevant de la Commission paritaire selon une règle définie entre eux. ".

6. Il résulte des dispositions combinées du premier alinéa de l’article R. 6332-9 du code du travail, du III de l’article L. 6332-1-1 du même code et du 4° de l’article R. 6332-4 du même code que « le conseil d’administration de l’opérateur de compétences est composé d’un nombre égal de représentants des salariés et des employeurs désignés parmi les organisations signataires » de l’accord prévu par le III de l’article L. 6332-1-1, ces organisations signataires de l’accord étant « les organisations syndicales de salariés et les organisations professionnelles d’employeurs représentatives d’une ou plusieurs branches qui composent le champ d’application de l’accord ». Par suite, l’article 5.2 de l’accord collectif national interbranches du 14 décembre 2018, qui stipule que le conseil d’administration est bien « composé d’un nombre égal de représentants désignés par les organisations professionnelles d’employeurs et les organisations syndicales de salariés représentatives des branches professionnelles adhérentes ou signataires à l’Opérateur de compétences de la Construction », ne fait ainsi que reprendre les dispositions combinées précitées. Il s’ensuit que le moyen tiré de l’erreur de droit dont est entaché le jugement attaqué, qui a estimé, dans son point 5, « qu’il résulte des dispositions citées au point 3 que le conseil d’administration de l’OPCO doit être composé de l’ensemble des organisations syndicales de salariés relevant des branches adhérentes de l’opérateur de compétences, que ces organisations syndicales soient représentatives ou non et pourvu qu’elles relèvent d’une des branches adhérentes de l’opérateur de compétences » et que " ces stipulations [de l’article 5.2 de l’accord collectif national interbranches du 14 décembre 2018] limitent l’accès au conseil d’administration de l’OPCO de la construction aux seules organisations syndicales de salariés représentatives, alors que le 4° de l’article R. 6332-4 du code du travail impose une représentation de l’ensemble des organisations syndicales de salariés, qu’elles soient représentatives ou non ", paraît, en l’état de l’instruction, sérieux et de nature à justifier la censure du jugement du tribunal administratif de Paris du 29 juin 2021.

7. Toutefois, d’une part, les stipulations précitées de l’article 5.2 de l’accord collectif national interbranches du 14 décembre 2018, aux termes desquelles « le collège salariés est composé de 20 membres désignés par les organisations syndicales de salariés reconnues représentatives au sein d’au moins deux branches professionnelles distinctes, signataires ou adhérentes au présent accord, constitutives de l’Opérateur de compétences de la Construction », qui limitent l’accès au conseil d’administration (collège salariés) aux seules organisations syndicales de salariés reconnues représentatives au sein d’au moins deux branches professionnelles distinctes, signataires ou adhérentes au présent accord, constitutives de l’opérateur de compétences de la construction, alors qu’aucune disposition législative ou réglementaire du code du travail ne prévoient une telle restriction, et qu’au contraire, aux termes des dispositions précitées de l’article

R. 6332-4 du code du travail, pour que l’agrément puisse être accordé, " les opérateurs de compétences (…) [doivent être] dirigés par un conseil d’administration (…) permettant d’assurer une représentation de l’ensemble des organisations syndicales de salariés (…) relevant des branches adhérentes de l’opérateur de compétences ", semblent de nature à confirmer, en l’état de l’instruction, l’annulation prononcée par les premiers juges.

8. D’autre part, aux termes des dispositions précitées de l’article R. 6332-4 du code du travail, pour que l’agrément puisse être accordé, quand les opérateurs de compétences disposent des organes mentionnés au 2° de l’article R. 6332-8 du même code, c’est-à-dire « des sections paritaires professionnelles de branches ou des commissions paritaires afférentes à un champ plus large, ou relatives aux activités complémentaires », ils doivent permettre « d’assurer une représentation de l’ensemble des organisations syndicales de salariés et des organisations professionnelles d’employeurs relevant des branches adhérentes de l’opérateur de compétences ». Or les stipulations précitées de l’article 5.6 de l’accord constitutif du 14 décembre 2018, qui limitent aux seules organisations représentatives la participation aux sections professionnelles paritaires et aux commissions paritaires, introduisent ainsi une restriction qui n’est prévue par aucune disposition législative ou réglementaire du code du travail et qui méconnaît les dispositions précitées de l’article R. 6332-4 du code du travail. Ce motif semble également de nature à confirmer, en l’état de l’instruction, l’annulation prononcée par les premiers juges.

Sur les conséquences difficilement réparables :

9. Les conséquences difficilement réparables invoquées par la ministre du travail, de l’emploi et de l’insertion ne sont pas établies, alors qu’au surplus le Tribunal judiciaire de Paris, par un jugement du 4 février 2020, a annulé les statuts de l’opérateur de compétences de la construction.

10. Il résulte de tout ce qui précède que les conclusions à fin de sursis à exécution du jugement du tribunal administratif de Paris du 29 juin 2021 ne peuvent qu’être rejetées.

Sur les frais liés à l’instance :

11. Il y a lieu, dans les circonstances de l’espèce, de mettre à la charge de l’Etat (ministre du travail, de l’emploi et de l’insertion) le paiement à la fédération nationale des salariés de la construction-bois-ameublement CGT (FNSCBA-CGT) de la somme de 1 500 euros au titre des frais liés à l’instance en application des dispositions de l’article L. 761-1 du code de justice administrative.


DÉCIDE :


Article 1er : La requête de la ministre du travail, de l’emploi et de l’insertion est rejetée.

Article 2 : L’Etat (ministre du travail, de l’emploi et de l’insertion) versera à la fédération nationale des salariés de la construction-bois-ameublement CGT (FNSCBA-CGT) une somme de 1 500 euros au titre de l’article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à la ministre du travail, de l’emploi et de l’insertion, à la fédération nationale des salariés de la construction-bois-ameublement CGT (FNSCBA-CGT) et à l’opérateur de compétences de la construction.


Délibéré après l’audience du 23 juillet 2021, à laquelle siégeaient :


- M. B…, président,

- Mme A…, première conseillère.

- Mme D…, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 23 juillet 2021.


Le président-rapporteur,

I. B… L’assesseure la plus ancienne,
M. D. A…

La greffière,

N. DAHMANI

La République mande et ordonne à la ministre du travail, de l’emploi et de l’insertion en ce qui la concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l’exécution de la présente décision.

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N° 21PA03773

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  2. Code du travail
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