CAA de PARIS, 8ème chambre, 22 décembre 2021, 21PA02928, Inédit au recueil Lebon

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Chronologie de l’affaire

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Sur la décision

Référence :
CAA Paris, 8e ch., 22 déc. 2021, n° 21PA02928
Juridiction : Cour administrative d'appel de Paris
Numéro : 21PA02928
Importance : Inédit au recueil Lebon
Type de recours : Excès de pouvoir
Décision précédente : Tribunal administratif de Paris, 10 mars 2021, N° 2011256/51
Dispositif : Rejet
Identifiant Légifrance : CETATEXT000044552902

Sur les parties

Texte intégral

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. B… A… a demandé au tribunal administratif de Paris d’annuler l’arrêté du 30 juin 2020 par lequel le préfet de police a refusé de lui délivrer un titre de séjour, a assorti ce refus d’une obligation de quitter le territoire français dans le délai de trente jours et a fixé le pays de destination.

Par un jugement n° 2011256/5-1 du 11 mars 2021, le tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête enregistrée le 31 mai 2021, M. A…, représenté par Me Griolet, demande à la Cour :

1°) d’annuler le jugement n° 2011256/5-1 du 11 mars 2021 du tribunal administratif de Paris ;

2°) d’annuler l’arrêté du 30 juin 2020 du préfet de police ;

3°) d’enjoindre au préfet de police de lui délivrer un titre de séjour portant la mention « vie privée et familiale » ou, à titre subsidiaire, de réexaminer sa situation dans un délai d’un mois à compter de l’arrêt à intervenir, sous astreinte de 50 euros par jour de retard et de lui délivrer pendant cet examen une autorisation de séjour ;

4°) de mettre à la charge de l’Etat la somme de 1 500 euros à verser à Me Griolet, conseil de M. A…, sur le fondement des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991, sous réserve qu’il renonce à percevoir la part contributive de l’Etat au titre de l’aide juridictionnelle.

Il soutient que :

— l’arrêté contesté méconnaît le 11° de l’article L. 313-11 du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile dès lors qu’en cas de retour en Russie ou en Tchétchénie, il n’aura pas accès aux soins et traitements médicaux que nécessite son état de santé ; en outre, les traitements sont de moindre qualité et sont parfois en rupture de stock ;

 – il méconnaît les stipulations de l’article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales eu égard à la durée de sa présence sur le territoire français, à l’intensité de ses liens personnels en France alors qu’il n’a plus de relations avec les membres de sa famille résidant dans son pays d’origine du fait de sa maladie ;

 – il méconnaît les stipulations de l’article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales dès lors qu’en cas de retour en Russie ou en Tchétchénie, il n’aura pas accès à la prise en charge médicale que nécessite son état de santé et il sera stigmatisé et isolé du fait de sa maladie ;

 – le préfet a commis une erreur manifeste dans l’appréciation des conséquences de son arrêté sur sa situation personnelle.

Par un mémoire en défense enregistré le 28 octobre 2021, le préfet de police conclut au rejet de la requête.

Il soutient que les moyens soulevés par le requérant ne sont pas fondés.

M. A… a été admis au bénéfice de l’aide juridictionnelle totale par une décision du bureau d’aide juridictionnelle près le tribunal judiciaire de Paris du 10 mai 2021.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

— la convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales ;

 – le code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile ;

 – la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

 – le code de justice administrative.

Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l’audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l’audience.

Le rapport de Mme Larsonnier a été entendu au cours de l’audience publique.

Considérant ce qui suit :

1. M. A…, ressortissant russe, né le 19 décembre 1967 à Grozny, est entré en France le 26 juin 2016 selon ses déclarations. Il a sollicité un titre de séjour sur le fondement du 11° de l’article L. 313-11 du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile. Par un arrêté du 30 juin 2020, le préfet de police a refusé de lui délivrer un titre de séjour, a assorti ce refus d’une obligation de quitter le territoire français dans le délai de trente jours et a fixé le pays de destination. Par un jugement du 11 mars 2021, le tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande tendant à l’annulation de cet arrêté. M. A… relève appel de ce jugement.

2. En premier lieu, aux termes de l’article L. 313-11 du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile, qui ont été reprises à l’article L. 425-9 de ce code : « Sauf si sa présence constitue une menace pour l’ordre public, la carte de séjour temporaire portant la mention » vie privée et familiale « est délivrée de plein droit : (…) 11° A l’étranger résidant habituellement en France, si son état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait avoir pour lui des conséquences d’une exceptionnelle gravité et si, eu égard à l’offre de soins et aux caractéristiques du système de santé dans le pays dont il est originaire, il ne pourrait pas y bénéficier effectivement d’un traitement approprié. La condition prévue à l’article L. 313-2 n’est pas exigée. La décision de délivrer la carte de séjour est prise par l’autorité administrative après avis d’un collège de médecins du service médical de l’Office français de l’immigration et de l’intégration, dans des conditions définies par décret en Conseil d’Etat. (…) ».

3. Il ressort des pièces du dossier que M. A… est atteint par le virus de l’immunodéficience humaine (VIH), que son état de santé nécessite la prise du médicament Biktarvy ainsi qu’un suivi médical régulier. Pour rejeter la demande de titre de séjour de M. A…, le préfet de police s’est notamment fondé sur l’avis du 4 juin 2020 du collège de médecins de l’Office français de l’immigration et de l’intégration (OFII) qui précisait que si l’état de santé de M. A… nécessitait une prise en charge médicale dont le défaut pouvait entraîner des conséquences d’une exceptionnelle gravité, l’intéressé pouvait bénéficier effectivement d’un traitement approprié dans son pays d’origine eu égard à l’offre de soins et aux caractéristiques du système de santé de ce pays. Pour contester la disponibilité et l’accessibilité de son traitement médicamenteux en Russie, et plus particulièrement en Tchétchénie, M. A… verse au dossier des certificats médicaux établis par des praticiens hospitaliers de l’hôpital de La Pitié-Salpêtrière les 1er et 16 décembre 2020 et 2 juin 2021 qui mentionnent que le traitement par Biktarvy n’est pas disponible en Russie. Cependant, ces certificats médicaux, qui n’indiquent pas que seul le Biktarvy doit être prescrit à l’intéressé, et alors qu’il ressort notamment du compte rendu de consultation de l’hôpital de La

Pitié-Salpêtrière du 21 octobre 2021 que ce médicament est prescrit à M. A… depuis le 26 décembre 2018 et qu’il a bénéficié depuis 2010 d’autres traitements médicamenteux, ne permettent pas d’établir que d’autres médicaments adaptés à l’état de santé de l’intéressé ne seraient pas disponibles en Russie, ni en Tchétchénie. En outre, il ressort des écritures du requérant que les patients atteints du VIH peuvent bénéficier de trithérapie et de médicaments génériques en Russie. Par ailleurs, l’article du journal Slate du 7 décembre 2016 faisant état d’un taux d’infection par le VIH en Russie en hausse de 10 % à 15 % par an, l’article du Centre de politique de santé mondiale du 11 mars 2020 mentionnant une mise sur le marché de génériques de fabrication russe moins efficaces ou produisant des effets secondaires intolérables, l’article du journal La Croix du 8 mars 2016 indiquant que l’accès aux traitements de qualité contre le VIH en Russie, « théoriquement gratuit, bute sur les problèmes d’approvisionnement qu’entraînent les lourdeurs administratives, le manque de fonds, voire la corruption » et que « les personnes récemment infectées ont été mises, avec retard, sous trithérapie et que des génériques russes de qualité douteuse sont utilisés pour les malades les plus indigents » et le rapport de l’Organisation suisse d’aide aux réfugiés intitulé « Tchétchénie : système de santé et traitement des maladies et troubles psychiques » de septembre 2015 relevant notamment l’absence de qualification et de formation du personnel médical, qui, au demeurant ne sont pas versés au dossier, ne permettent pas d’établir que M. A… ne pourrait pas personnellement bénéficier de la prise en charge médicale requise par son état de santé en cas de retour en Russie, et en particulier en Tchétchénie. Si le requérant entend soutenir qu’il n’a pas les moyens financiers lui permettant de s’acquitter du coût du traitement adapté à son état de santé dans son pays d’origine, il ne l’établit pas. Par suite, le moyen tiré de la méconnaissance du 11° de l’article L. 313-11 du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile doit être écarté.

4. En deuxième lieu, aux termes de l’article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales : « 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. / 2. Il ne peut y avoir ingérence d’une autorité publique dans l’exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu’elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l’ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d’autrui ».

5. Il ressort des pièces du dossier, notamment des certificats médicaux des 27 novembre 2017, 1er et 16 décembre 2020 et 2 juin 2021 des praticiens de l’hôpital de La Pitié-Salpêtrière qui prennent en charge M. A… et des attestations de l’association Aurore des 23 et 24 juillet 2020 et 4 juin 2021, que l’intéressé réside habituellement en France depuis juillet 2016 et qu’il bénéficie d’une prise en charge médico-sociale dans le cadre du dispositif d’appartement de coordination thérapeutique mis en place par cette association depuis le 11 octobre 2016. S’il soutient qu’il partage son appartement avec sa compagne, il ne produit aucune pièce au soutien de cette affirmation. M. A…, célibataire et sans charge de famille en France, ne se prévaut d’aucune attache familiale sur le territoire français. Il n’établit ni n’allègue être dépourvu d’attaches familiales dans son pays d’origine où il a vécu jusqu’à l’âge de 48 ans. Dans ces conditions, l’arrêté contesté n’a pas porté au droit de M. A… au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée aux buts en vue desquels il a été pris. Par suite, le préfet de police n’a pas méconnu l’article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales.

6. En troisième lieu, aux termes de l’article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales : « Nul ne peut être soumis à la torture ni à des peines ou traitements inhumains ou dégradants ».

7. M. A… soutient qu’en cas de retour en Tchétchénie, alors qu’il n’a plus de relation avec les membres de sa famille et qu’il sera sans ressources, il se trouvera dans un état de particulière vulnérabilité, ne pouvant accéder de façon effective et certaine à un traitement de qualité adapté à son état de santé. Toutefois, il ne ressort pas des pièces du dossier, ainsi qu’il a été dit au point 3, que M. A… ne pourrait pas bénéficier de manière effective d’un traitement médicamenteux et d’un suivi adaptés à son état de santé dans son pays d’origine, ni qu’il n’aurait pas les ressources financières suffisantes pour s’acquitter du coût de cette prise en charge. En outre, comme il a été dit au point 5, le requérant n’établit pas être dépourvu de toutes attaches dans son pays d’origine où il a vécu jusqu’à l’âge de 48 ans et, par suite, être isolé en cas de retour en Russie. Dans ces conditions, le préfet de police n’a pas méconnu l’article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales.

8. En dernier lieu, il ne ressort pas des pièces du dossier que le préfet de police a commis une erreur manifeste dans l’appréciation des conséquences de son arrêté sur la situation de M. A….

9. Il résulte de tout ce qui précède que M. A… n’est pas fondé à soutenir que c’est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande. Par voie de conséquence, ses conclusions aux fins d’injonction sous astreinte et celles présentées au titre de l’article L. 761-1 du code de justice administrative et de l’article 37 de la loi du 10 juillet 1991 ne peuvent qu’être rejetées.


DÉCIDE :

Article 1er : La requête de M. A… est rejetée.


Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. B… A… et au ministre de l’intérieur.


Copie en sera adressée au préfet de police.

Délibéré après l’audience du 6 décembre 2021, à laquelle siégeaient :

- M. Le Goff, président,

- M. Ho Si Fat, président assesseur,

- Mme Larsonnier, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 22 décembre 2021.


La rapporteure,


V. LARSONNIER Le président,


R. LE GOFF


La greffière,


E. VERGNOL

La République mande et ordonne au ministre de l’intérieur en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l’exécution de la présente décision.

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N° 21PA02928

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