CAA de PARIS, 7ème chambre, 14 février 2023, 21PA03377, Inédit au recueil Lebon

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www.actu-juridique.fr · 5 juin 2023

Village Justice · 8 mars 2023

Dans un arrêt du 14 février 2023 (CAA Paris 14-2-2023, n° 21PA03377), la Cour administrative d'appel de Paris valide un redressement fiscal portant sur une indemnité transactionnelle versée en réparation d'un licenciement. Cette décision crée une insécurité juridique malvenue en la matière. 1. Rappel du contexte : le régime de faveur. Sur le plan social, l'indemnité transactionnelle portant sur la rupture du contrat de travail est exclue de l'assiette des cotisations, dans la limite d'un montant fixé à deux fois la valeur annuelle du plafond de la sécurité sociale (« PASS »), soit …

 
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Sur la décision

Référence :
CAA Paris, 7e ch., 14 févr. 2023, n° 21PA03377
Juridiction : Cour administrative d'appel de Paris
Numéro : 21PA03377
Importance : Inédit au recueil Lebon
Type de recours : Plein contentieux
Décision précédente : Tribunal administratif de Paris, 19 avril 2021, N° 1919437/1-2
Dispositif : Rejet
Date de dernière mise à jour : 21 février 2023
Identifiant Légifrance : CETATEXT000047206206

Sur les parties

Texte intégral

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme E F a demandé au Tribunal administratif de Paris de prononcer la décharge des cotisations supplémentaires d’impôt sur le revenu et de contributions sociales auxquelles elle a été assujettie au titre de l’année 2016, en droits et pénalités.

Par un jugement n° 1919437/1-2 du 20 avril 2021, le Tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête, enregistrée le 18 juin 2021, Mme F, représentée par Me Caporiccio, demande à la Cour :

1°) d’annuler le jugement n° 1919437/1-2 du 20 avril 2021 du Tribunal administratif de Paris ;

2°) de prononcer la décharge des impositions litigieuses, en droits et pénalités ;

3°) de condamner l’Etat à verser des intérêts au taux de 10 % sur la somme à lui restituer ;

4°) de lui accorder le sursis de paiement ;

5°) de mettre à la charge de l’Etat la somme de 7 000 euros sur le fondement de l’article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que l’indemnité transactionnelle n’était pas imposable sur le fondement de l’article 80 duoedecies du code général des impôts dès lors que son licenciement était dépourvu de cause réelle et sérieuse.

Par un mémoire en défense, enregistré le 23 décembre 2021, le ministre de l’économie, des finances et de la relance conclut au rejet de la requête.

Il soutient que les moyens soulevés par la requérante ne sont pas fondés.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

— le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

— le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l’audience.

Ont été entendus au cours de l’audience publique :

— le rapport de M. Segretain,

— les conclusions de Mme Breillon, rapporteure publique,

— et les observations de Me Caporiccio, avocate de Mme F.

Considérant ce qui suit :

1. Mme F, qui occupait les fonctions de manager au sein de la société Hays Pharma, a été licenciée le 11 juin 2015. Elle a saisi le conseil des prud’hommes le 5 août 2015. Pour mettre fin au litige les opposant, Mme F et la société Hays Pharma ont signé un protocole d’accord transactionnel le 23 mars 2016 prévoyant notamment que la société verserait à l’intéressée la somme nette de 60 000 euros afin de compenser l’ensemble des préjudices qu’elle estime avoir subis du fait de la rupture de son contrat de travail. A la suite d’un contrôle sur pièces, conclu par une proposition de rectification du 15 mai 2018 notifiée selon la procédure contradictoire, Mme F a été assujettie à des cotisations supplémentaires d’impôt sur le revenu et de contributions sociales au titre de 2016, à raison de l’imposition de son indemnité transactionnelle. Elle fait appel du jugement du 20 avril 2021 par lequel le Tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande tendant à la décharge de cette imposition, en droits et pénalités.

Sur le bien-fondé de l’imposition :

2. Aux termes du 1 de l’article 80 duodecies du code général des impôts, dans sa rédaction applicable au litige : " Toute indemnité versée à l’occasion de la rupture du contrat de travail constitue une rémunération imposable, sous réserve des dispositions suivantes. / Ne constituent pas une rémunération imposable : / 1° Les indemnités mentionnées aux articles L. 1235-2, L. 1235-3 et L. 1235-11 à L. 1235-13 du code du travail ; () « . Aux termes de l’article L. 1235-3 du code du travail : » Si le licenciement d’un salarié survient pour une cause qui n’est pas réelle et sérieuse, le juge peut proposer la réintégration du salarié dans l’entreprise, avec maintien de ses avantages acquis. / Si l’une ou l’autre des parties refuse, le juge octroie une indemnité au salarié. Cette indemnité, à la charge de l’employeur, ne peut être inférieure aux salaires des six derniers mois. Elle est due sans préjudice, le cas échéant, de l’indemnité de licenciement prévue à l’article L. 1234-9 ".

3. Pour déterminer si une indemnité versée en exécution d’une transaction conclue à l’occasion de la rupture d’un contrat de travail est imposable, il appartient à l’administration et, lorsqu’il est saisi, au juge de l’impôt, de rechercher la qualification à donner aux sommes qui font l’objet de la transaction. Ces dernières ne sont susceptibles d’être regardées comme une indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse mentionnée à l’article L. 1235-3 du code du travail que s’il résulte de l’instruction que la rupture des relations de travail est assimilable à un tel licenciement. Dans ce cas, les indemnités accordées au titre d’un licenciement sans cause réelle et sérieuse sont exonérées. Il appartient à l’administration et, lorsqu’il est saisi, au juge de l’impôt, au vu de l’instruction, de rechercher la qualification à donner aux sommes objet de la transaction, en recherchant notamment si elles ont entendu couvrir, au-delà des indemnités accordées au titre du licenciement, la réparation de préjudices distincts, afin de déterminer dans quelle proportion ces sommes sont susceptibles d’être exonérées.

4. Il résulte de l’instruction que le licenciement de Mme F prononcé le 11 juin 2015 par la société Hays Pharma était motivé par la pression négative exercée sur une salariée, Mme C, susceptible de mettre sa santé en danger, à travers la menace d’un licenciement, la mise en compétition permanente et la critique publique, le management de celle-ci lui ayant été retiré, par le fait qu’elle a demandé à celle-ci, en l’absence de son supérieur, de faire un point sur un client après que son management lui avait été retiré, par des agissements répétés susceptibles de compromettre l’avenir professionnel d’une stagiaire, Mme D, cantonnée à des rôles de secrétariat, par son refus de se présenter le 27 mai 2015 à une convocation de la direction pour s’expliquer sur ces deux sujets, alors qu’une mise à pied conservatoire lui avait été notifiée dans le même temps, par des méthodes managériales autoritaires et inappropriées s’apparentant à du harcèlement à l’égard d’un autre stagiaire, M. B qui, en conséquence, a décliné la proposition d’embauche en contrat à durée indéterminée qui lui avait été faite à l’issue de ce stage de fin d’études, et enfin par son attitude à l’égard d’une autre salariée, Mme A, ayant travaillé sous sa supervision pendant trois mois avant de demander à changer d’équipe, dénonçant la fixation d’objectifs irréalisables, l’absence de possibilité pour elle de prendre des pauses, un contrôle constant, et des horaires insoutenables.

5. Face à ces éléments invoqués par la société, dont il ne résulte pas de l’instruction qu’ils ne pouvaient l’être utilement au regard du moment où elle en a pris connaissance, et dont Mme F se borne à souligner qu’ils ne sont pas appuyés par la production des courriels cités par la société, qui n’est pas partie à la présente instance, mais dont elle ne conteste pas l’authenticité des termes cités, la requérante fait valoir, d’une part, sans verser de pièces en ce sens, que ses relations avec Mme C auraient été excellentes, que Mme D n’aurait pas été cantonnée à des tâches de secrétariat, et que M. B a décliné l’offre qui lui avait été faite en raison de son acceptation d’une offre concurrente mieux rémunérée. Elle ne conteste enfin pas utilement les déclarations de Mme A, et en particulier les termes utilisés par celle-ci pour qualifier les méthodes de travail qui avaient été employées. D’autre part, si la requérante fait valoir que son licenciement a été causé par sa dénonciation du harcèlement dont elle faisait l’objet par son supérieur hiérarchique, et qui a eu une incidence sur son état de santé, les éléments qu’elle produit, en particulier les courriels de l’intéressé, ne révèlent pas de faits constitutifs de harcèlement moral, et elle n’établit pas l’influence de cette dénonciation sur son licenciement, fondé sur les motifs précités justifiés. Dans ces conditions, et au regard de l’ensemble de ces éléments, d’une part, la rupture des relations de travail de Mme F avec la société Hays Pharma ne peut être assimilée à un licenciement sans cause réelle et sérieuse et l’indemnité versée à cette occasion ne peut être regardée comme une indemnité mentionnée par l’article L. 1235-3 du code du travail, et d’autre part, cette indemnité ne peut être regardée comme réparant le préjudice causé par le harcèlement moral qu’elle aurait subi, qui n’est pas établi. Par suite, elle ne pouvait être exonérée d’impôt sur le revenu en vertu du 1° du 1 de l’article 80 duodecies du code général des impôts.

6. Il résulte de ce qui précède que Mme F n’est pas fondée à soutenir que c’est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande tendant à la décharge, en droits et pénalités, des cotisations supplémentaires d’impôt sur le revenu et de contributions sociales auxquelles elle a été assujettie au titre de l’année 2016. Par voie de conséquence, ses conclusions tendant au paiement d’intérêts moratoires doivent être rejetées, ainsi que, en tout état de cause, ses conclusions tendant à l’obtention du sursis de paiement, et ses conclusions tendant à l’application des dispositions de l’article L. 761-1 du code de justice administrative.

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de Mme F est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à Mme E F et au ministre de l’économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique.

Copie en sera adressée à la direction régionale des finances publiques d’Ile-de-France et de Paris (pôle contrôle fiscal et affaires juridiques – SCAD).

Délibéré après l’audience du 24 janvier 2023, à laquelle siégeaient :

— M. Jardin, président,

— M. Segretain, premier conseiller,

— M. Desvigne-Repusseau, premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 14 février 2023.

Le rapporteur,

A. Segretain

Le président,

C. JARDINLa greffière,

L. CHANA

La République mande et ordonne au ministre de l’économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l’exécution de la présente décision.

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