Cour de Cassation, Chambre criminelle, du 18 novembre 1991, 90-86.930, Publié au bulletin

  • Contravention aux décrets et arrêtés légalement faits·
  • Contravention de l'article r. 26.15° du code pénal·
  • Liberté du commerce et de l'industrie·
  • Décrets et arrêtés légalement faits·
  • Acte assorti d'une sanction pénale·
  • Acte administratif réglementaire·
  • Vente de boissons alcoolisées·
  • Compétence du juge répressif·
  • Contravention de l'article r·
  • Appréciation de la légalité

Chronologie de l’affaire

Résumé de la juridiction

° Lorsqu’un acte administratif réglementaire est assorti d’une sanction pénale qu’il est demandé à un tribunal judiciaire de prononcer, les juges ont le devoir, non d’en apprécier l’opportunité, mais de s’assurer, tant en la forme qu’au fond, de sa conformité à la loi (arrêts n°s 1 et 2) (1). ° Si le préfet tient de l’article L. 131-13 du Code des communes et de l’article 34.III de la loi n° 82-213 du 2 mars 1982 le pouvoir de prendre toutes mesures relatives au maintien de la salubrité, de la sûreté, de la sécurité et de la tranquillité publiques, ces textes ne l’autorisent pas à édicter une interdiction générale et absolue portant atteinte à la liberté du commerce et de l’industrie en l’absence de circonstances locales précises constituant une menace pour l’ordre public qu’il a mission de préserver.

Ainsi, avant la modification apportée à l’article L. 68 du Code des débits de boissons par l’article 10 de la loi n° 91-32 du 10 janvier 1991, l’arrêté préfectoral qui interdit, sur l’ensemble du département, la vente de boissons alcoolisées la nuit, dans les stations-service, sans mentionner l’existence de circonstances locales précises de nature à justifier l’atteinte portée à la liberté du commerce, est entaché d’illégalité et ne peut servir de fondement à des poursuites du chef de contravention à l’article R. 26.15° du Code pénal (arrêts n°s 1 et 2) (2).

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Sur la décision

Référence :
Cass. crim., 18 nov. 1991, n° 90-86.930, Bull. crim., 1991 N° 414 p. 1045
Juridiction : Cour de cassation
Numéro(s) de pourvoi : 90-86930
Importance : Publié au bulletin
Publication : Bulletin criminel 1991 N° 414 p. 1045
Décision précédente : Tribunal de police de Le Mans, 22 octobre 1990
Précédents jurisprudentiels : Confère :
(1°). (1)
(2°). (2)
A comparer :
Chambre criminelle, 10/10/1957, Bulletin criminel 1957, n° 625, p. 1121 (rejet)
Chambre criminelle, 14/03/1989, Bulletin criminel 1989, n° 127, p. 329 (action publique éteinte et rejet).
A rapprocher :
Chambre criminelle, 21/10/1987, Bulletin criminel 1987, n° 362, p. 968 (cassation:arrêt n° 1, rejet:arrêt n° 2).
Textes appliqués :
Code des communes L131-13

Code des débits de boissons L68

Code pénal R26

Constitution 1958-10-04 art. 34, art. 37

Loi 1791-03-02 art. 7

Loi 82-213 1982-03-02 art. 34

Dispositif : Rejet
Date de dernière mise à jour : 4 novembre 2021
Identifiant Légifrance : JURITEXT000007066575
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Sur les parties

Texte intégral

CASSATION sans renvoi sur le pourvoi formé par :

— X… Philippe,

contre le jugement du tribunal de police du Mans, en date du 23 octobre 1990, qui, pour vente de boissons alcoolisées en dehors des heures légales, contravention à arrêté préfectoral, l’a condamné à la peine de 200 francs d’amende.

LA COUR,

Vu le mémoire produit ;

Sur le moyen unique de cassation pris de la violation des articles 7 de la loi des 2 et 17 mars 1791, 21, 34 et 37 de la Constitution, 34.III de la loi du 2 mars 1982, L. 131-13 du Code des communes, R. 26.15° du Code pénal, 591 et 593 du Code de procédure pénale, défaut de motifs et manque de base légale :

«  en ce que le jugement attaqué a, pour déclarer X… coupable d’infraction à l’arrêté du préfet de la Sarthe du 24 octobre 1989, interdisant la vente d’alcool dans les stations-service et leurs dépendances entre 22 heures et 6 heures sur le territoire du département, rejeté l’exception d’illégalité dudit arrêté soulevée par le prévenu ;

«  aux motifs que, malgré le caractère peu circonstancié de la motivation de l’arrêté et l’absence de données statistiques, la considération générale que la possibilité qui est donnée à certains automobilistes de trouver de l’alcool là où ils vont venir s’approvisionner en carburant, est de nature à favoriser la consommation de boissons alcoolisées par ceux-ci, suffit à justifier la mesure prise, quelque insuffisante qu’elle puisse être pour résoudre le problème de la lutte contre l’alcoolisme, étant précisé qu’il n’appartient pas au Tribunal de se substituer à l’autorité administrative dans l’appréciation de l’opportunité de la mesure par rapport à la situation invoquée ;

«  et aux motifs qu’il n’y a pas de rupture d’égalité entre les concurrents car les stations-service en cause ont un caractère spécifique consistant à trouver dans un même lieu, toute la nuit, de l’essence et de l’alcool ;

«  alors, d’une part, que le préfet de la Sarthe était incompétent pour limiter par l’arrêté incriminé l’exercice du commerce par les stations-service, dans la mesure où, en premier lieu, le législateur est seul compétent pour restreindre le libre exercice du commerce et de l’industrie, si bien que le Tribunal ne pouvait admettre que le préfet ait put user de son pouvoir réglementaire de police pour y porter atteinte sans violer ensemble la loi des 2 et 17 mars 1791 et l’article 34 de la Constitution, et, où en second lieu, la prévention de l’ivresse publique nocturne sur la voie publique dans l’intérêt de la sécurité de la circulation routière, invoquée pour justification à la mesure prise, ne présente aucun caractère spécifique au département de la Sarthe mais constitue un problème national, ainsi qu’il résulte tant du fait invoqué par le prévenu dans ses conclusions délaissées que les préfets des différents départements aient pris à la même époque, sans instructions ministérielles, des arrêtés semblables, que du fait, également invoqué par le prévenu dans ses conclusions délaissées, qu’aucune circonstance propre au département concerné n’était invoquée, si bien qu’en s’abstenant de rechercher si le préfet tirait des pouvoirs de police, qui lui sont conférés dans le cadre départemental par les articles 34. III de la loi du 2 mars 1982 et L. 131-13 du Code des communes, celui de prendre une mesure de police qui, à supposer qu’elle pût être édictée par l’autorité réglementaire, eût ressorti de la compétence exclusive du premier ministre agissant par voie de décret en vertu des articles 31 et 37 de la Constitution, le Tribunal a privé sa décision de base légale au regard de ces textes ;

«  alors, d’autre part, que si les nécessités de l’ordre public sont susceptibles de permettre à l’autorité de police compétente de réglementer l’exercice d’une profession susceptible d’y porter atteinte, elles ne peuvent concilier l’usage de ce pouvoir avec la liberté du commerce et de l’industrie qu’à la double condition que la menace de trouble à l’ordre public soit suffisamment caractérisée pour justifier une mesure de police et que la mesure prise soit appropriée par sa nature et sa gravité à l’importance de cette menace ; qu’en s’abstenant de répondre, au-delà de la considération générale selon laquelle le fait de trouver toute la nuit dans un même lieu de l’alcool et de l’essence est de nature à favoriser la consommation d’alcool par les automobilistes, si l’ivresse au volant avait été effectivement favorisée dans le département la nuit par la possibilité de s’approvisionner en alcool dans les stations-service et avait été effectivement prévue dans le département du fait de la réglementation dont l’illégalité était invoquée, compte tenu de la circonstance que d’autres commerces vendent librement de l’alcool la nuit, et que ceux-ci comme les stations-service en vendent librement le jour, au motif que ce serait s’immiscer dans une appréciation d’opportunité et que cette mesure, comme toutes celles qui ont été prises pour prévenir l’alcoolisme, n’est pas suffisante pour résoudre le problème, le jugement attaqué s’est contredit, a méconnu l’étendue des pouvoirs de contrôle de la légalité d’une mesure de police appartenant au juge et n’a pas légalement justifié sa décision au regard du principe selon lequel la liberté est la règle et la restriction de police l’exception ;

« et alors enfin que l’interdiction incriminée viole le principe d’égalité entre commerçants, corollaire de la liberté du commerce et de l’industrie, dans la mesure où elle ne s’applique pas aux commerces d’épicerie, restaurants, bars et dancings ouverts la nuit, dont la situation en bordure des voies publiques et les attractions autres que celle de la vente d’essence sont, autant que celles des stations-service, de nature à favoriser la consommation d’alcool par les automobilistes » ;

Vu les articles précités ;

Attendu, d’une part, que lorsqu’un acte administratif réglementaire est assorti d’une sanction pénale qu’il est demandé à un tribunal judiciaire de prononcer, les juges ont le devoir non d’en apprécier l’opportunité mais de s’assurer, tant en la forme qu’au fond, de sa conformité à la loi ;

Attendu, d’autre part, que s’il appartient au préfet, en vertu des pouvoirs qu’il tient de l’article L. 131-13 du Code des communes et de l’article 34.III de la loi du 2 mars 1982, de prendre toutes mesures relatives au maintien de la salubrité, de la sûreté, de la sécurité et de la tranquillité publiques, ces textes ne l’autorisent pas à édicter une interdiction générale et absolue portant atteinte à la liberté du commerce et de l’industrie en l’absence de circonstances locales précises constituant une menace pour l’ordre public qu’il a mission de préserver ;

Attendu que, par arrêté du 24 octobre 1989, le préfet de la Sarthe a interdit, sur l’ensemble de ce département, la vente de boissons alcoolisées dans les stations-service et leurs dépendances, entre 22 heures et 6 heures du matin, au motif « qu’il existe un lien entre la possibilité de s’approvisionner en boissons alcoolisées et la recrudescence des ivresses nocturnes génératrices de troubles à l’ordre public et de danger pour la sécurité routière » ; que Philippe X…, directeur commercial de la société Star, exploitante d’une station-service, est poursuivi pour vente de boissons alcoolisées en contravention audit arrêté ;

Attendu que, pour écarter l’exception d’illégalité soulevée par le prévenu et déclarer celui-ci coupable de l’infraction reprochée, le tribunal de police énonce que, malgré le caractère peu circonstancié de cet arrêté, la considération que les automobilistes peuvent trouver de l’alcool à toute heure de la nuit là où ils s’approvisionnent en carburant est suffisante pour justifier la mesure prise par voie réglementaire ;

Mais attendu qu’en statuant ainsi, alors que l’arrêté préfectoral, sur lequel sont fondées les poursuites, ne mentionne l’existence d’aucune circonstance locale précise de nature à justifier l’atteinte portée à la liberté du commerce, et qu’il est, par voie de conséquence, entaché d’illégalité, le Tribunal a méconnu la portée des principes susrappelés ;

D’où il suit que la cassation est encourue ;

Par ces motifs :

CASSE ET ANNULE, en toutes ses dispositions, le jugement du tribunal de police du Mans, en date du 23 octobre 1990 ;

Et attendu qu’il ne reste rien à juger ;

DIT n’y avoir lieu à renvoi.

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