Cour de Cassation, Chambre criminelle, du 3 octobre 1994, 93-80.109, Publié au bulletin

  • Compatibilité des dispositions communautaires et nationales·
  • Question préjudicielle de l'article 177 du traité de rome·
  • Produits agricoles et denrées alimentaires·
  • Communauté économique européenne·
  • Cour de justice des communautés·
  • Recours en interprétation·
  • Questions prejudicielles·
  • Question préjudicielle·
  • Interprétation·
  • Traité de rome

Chronologie de l’affaire

Résumé de la juridiction

°

L’autorité du Traité des Communautés européennes est telle, dans la hiérarchie des sources du droit, qu’il appartient au juge répressif d’écarter l’application d’un texte d’incrimination de droit interne lorsqu’il apparaît clairement que ce dernier méconnaît une disposition du Traité ou un texte pris pour l’application de celui-ci(1).

En cas d’incertitude sur la compatibilité des dispositions communautaires et nationales, le juge doit, en application de l’article 177 du Traité, saisir la Cour de justice des Communautés européennes en interprétation des dispositions concernées.

Le règlement n° 2081/92/CEE relatif à la protection des indications géographiques et des appellations d’origine des produits agricoles et des denrées alimentaires, en ce qu’il a été pris en matière de politique agricole commune sur le fondement de l’article 43 du Traité, a pour effet d’interdire aux Etats membres d’assurer, par la voie législative ou réglementaire, une protection de leurs produits qui ne serait pas conforme aux conditions posées par la réglementation communautaire.

Il en résulte que les dispositions de la loi du 9 janvier 1985 et du décret du 26 février 1988, qui réservent le bénéfice de l’indication de provenance géographique " montagne " aux produits originaires d’une aire géographique définie de manière extensive et prévoyent une procédure d’autorisation administrative préalable, peuvent s’avérer incompatibles avec celles du règlement précité qui limitent la protection aux seuls produits dont les caractéristiques procèdent de leur localisation géographique, et justifient un renvoi en interprétation à la Cour de justice des Communautés européennes à titre préjudiciel.

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RÉPUBLIQUE FRANCAISE AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS SURSIS A STATUER et RENVOI en interprétation sur le pourvoi formé par : – X… Jacques, contre l'arrêt de la cour d'appel de Toulouse, chambre correctionnelle, en date du 10 décembre 1992, qui, dans les poursuites exercées contre lui du chef d'étiquetage de nature à induire le consommateur en erreur sur la qualité ou la provenance d'un produit, l'a condamné à 87 amendes de 30 francs. LA COUR, Vu le mémoire ampliatif produit ; Sur les faits : Attendu qu'il appert de l'arrêt attaqué que Jacques X… a été poursuivi, sur le fondement des …

 
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Sur la décision

Référence :
Cass. crim., 3 oct. 1994, n° 93-80.109, Bull. crim., 1994 N° 309 p. 751
Juridiction : Cour de cassation
Numéro(s) de pourvoi : 93-80109
Importance : Publié au bulletin
Publication : Bulletin criminel 1994 N° 309 p. 751
Décision précédente : Cour d'appel de Toulouse, 9 décembre 1992
Précédents jurisprudentiels : Confère :
(1°). (1)
Chambre criminelle, 05/12/1983, Bulletin criminel 1983, n° 325, p. 833 (rejet et cassation partielle)
Chambre criminelle, 14/01/1980, Bulletin criminel 1980, n° 20, p. 45 (cassation)
Chambre criminelle, 21/02/1994, Bulletin criminel 1994, n° 74 (1), p. 159 (cassation sans renvoi:arrêt n° 1).
Chambre criminelle, 22/10/1970, Bulletin criminel 1970, n° 276, p. 657 (rejet)
Textes appliqués :
1° : 2° :

Décret 88-194 1988-02-26 art. 1, art. 2, art. 5

Loi 85-30 1985-01-09 art. 33, art. 34, art. 35

Règlement CEE 2081-92 1992-07-14

Traité de Rome 1957-03-25 art. 177

Date de dernière mise à jour : 4 novembre 2021
Identifiant Légifrance : JURITEXT000007066646
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Sur les parties

Texte intégral

SURSIS A STATUER et RENVOI en interprétation sur le pourvoi formé par :

— X… Jacques,

contre l’arrêt de la cour d’appel de Toulouse, chambre correctionnelle, en date du 10 décembre 1992, qui, dans les poursuites exercées contre lui du chef d’étiquetage de nature à induire le consommateur en erreur sur la qualité ou la provenance d’un produit, l’a condamné à 87 amendes de 30 francs.

LA COUR,

Vu le mémoire ampliatif produit ;

Sur les faits :

Attendu qu’il appert de l’arrêt attaqué que Jacques X… a été poursuivi, sur le fondement des articles 11, 13 de la loi du 1er août 1905 et 3 du décret du 7 décembre 1984, pour avoir commercialisé, en 1991, de la charcuterie sous un étiquetage faisant mention d’une indication de provenance « montagne » ou « Monts de Lacaune », alors qu’il n’en avait pas reçu l’autorisation prévue par la loi du 9 janvier 1985 et son décret d’application du 26 février 1988 ; que le tribunal de police, estimant que la réglementation servant de base aux poursuites était contraire au principe de libre circulation des marchandises prévu par le traité CEE et ne pouvait être appliqué même aux producteurs nationaux, en raison d’un risque de discrimination à rebours, a, par jugement du 26 mai 1992, renvoyé le prévenu des fins de la poursuite ;

Attendu que, pour infirmer le jugement entrepris, sur l’appel du ministère public, et déclarer le prévenu coupable des faits visés à la prévention, la cour d’appel retient que les dispositions critiquées, qui réservent l’utilisation de l’indication de provenance « montagne » à certains produits nationaux et visent à assurer la sauvegarde des intérêts des producteurs contre la concurrence déloyale ainsi que celle des consommateurs contre des indications susceptibles de les induire en erreur, ne sont pas, malgré la différence de traitement qui en résulte entre produits nationaux et produits importés, de nature à entraver les importations ; que les juges ajoutent que l’invocation d’une discrimination à rebours est de ce fait sans objet ;

En cet état :

Sur le premier moyen de cassation, pris de la violation des articles 3, 5 et 30 du traité de Rome, de l’article 2, paragraphe 3/5, de la directive n° 70/50/CEE du 22 décembre 1969, de l’article 5 du décret n° 88-194 du 26 février 1988, pris en application de la loi n° 85-30 du 9 janvier 1985, des articles 11 et 13 de la loi du 1er août 1905 et 3 du décret n° 84-1147 du 7 décembre 1984, défaut de motifs et manque de base légale :

«  en ce que l’arrêt infirmatif attaqué a condamné Jacques X… à 87 amendes de 30 francs chacune ;

«  aux motifs que les dispositions de la loi n° 85-30 du 9 janvier 1985 et du décret n° 88-194 du 26 février 1988 ne sauraient être considérées comme des mesures d’effet équivalent aux restrictions quantitatives à l’importation prohibées par l’article 30 du traité de Rome ; que cet article a pour objet d’éliminer les entraves à l’importation des marchandises et non d’assurer un traitement égal aux marchandises nationales et importées ; que l’article 2, paragraphe 3/5, de la directive n° 70/50/CEE du 22 décembre 1969 de la Commission considère comme des mesures interdites, au sens des articles 30 et suivants du Traité, celles qui « réservent aux seuls produits nationaux des dénominations ne constituant pas des appellations d’origine ou des indications de provenance » ; que tel n’est pas le cas en l’espèce où les produits nationaux en provenance d’une zone géographique déterminée afin d’assurer non seulement la sauvegarde des intérêts des producteurs contre la concurrence déloyale mais aussi celle des consommateurs contre les indications susceptibles de les induire en erreur ; qu’une telle différence de traitement entre marchandises nationales et importées n’est pas susceptible d’entraver l’importation ou de favoriser la commercialisation des marchandises importées, nonobstant l’invocation d’une discrimination à rebours ;

«  alors, d’une part, que constitue une mesure d’effet équivalent à des restrictions quantitatives au commerce entre les Etats membres toute disposition ayant pour effet de subordonner la mise en vente d’un produit à une autorisation administrative, dès lors que cette autorisation n’est pas justifiée par des raisons de santé, de sécurité ou de morale publique ; que tel est le cas de la réglementation soumettant l’utilisation du terme « montagne » à l’obtention d’une autorisation préalable délivrée par arrêté conjoint du ministre de l’Agriculture et du ministre chargé de la Consommation, après avis de la commission régionale des produits alimentaires de qualité, et ce dans le but de protéger les produits répondant à la classification française ; qu’en retenant, dès lors, à l’encontre de Jacques X… l’absence d’autorisation pour utiliser dans l’étiquetage de ses produits des termes faisant référence à la montagne, la cour d’appel a violé les textes visés au moyen ;

«  alors, d’autre part, que l’interdiction d’importer certains produits dans un Etat membre est contraire à l’article 30 du traité de Rome lorsque le but poursuivi par une telle interdiction peut être également atteint par un étiquetage du produit en cause qui serait susceptible de fournir les renseignements nécessaires au consommateur et de lui permettre ainsi de fixer son choix en toute connaissance ; qu’en estimant que le fait de soumettre l’utilisation de la mention « montagne » à une autorisation préalable n’était pas contraire aux dispositions du traité de Rome dès lors que la réglementation française avait pour objet « d’assurer non seulement la sauvegarde des intérêts des producteurs contre la concurrence déloyale mais aussi celle des consommateurs contre les indications susceptibles de les induire en erreur » (p. 4, alinéa 1er), sans rechercher, comme elle y était pourtant invitée, si cet objectif ne pouvait pas être atteint par un contrôle judiciaire sur la sincérité de l’étiquetage, la cour d’appel a privé sa décision de toute base légale au regard des textes visés au moyen ;

«  alors, enfin, que les dispositions du traité de Rome interdisent aux Etats membres d’élaborer des réglementations discriminatoires à l’égard des produits importés ; qu’en estimant que l’article 30 du traité de Rome n’avait pas pour objet « d’assurer un traitement égal aux marchandises nationales et importées » (p. 3, in fine), en sorte que la « différence de traitement », introduite en l’espèce par la réglementation française, « entre marchandises nationales et importées » n’était pas contraire aux objectifs du Traité, « nonobstant l’invocation d’une discrimination à rebours » (p. 4, alinéa 1er), la cour d’appel, qui admet expressément que la réglementation française introduit une discrimination entre Etats membres de la CEE, sans tirer les conséquences qui s’évincent d’un tel constat, a violé les textes visés au moyen » ;

Sur le second moyen de cassation, pris de la violation des articles 2, 5, 30 et 177 du traité de Rome, 5 du décret n° 88-194 du 26 février 1988, pris en application de la loi du 9 janvier 1985, 11 et 13 de la loi du 1er août 1905 :

«  en ce que l’arrêt infirmatif attaqué a dit qu’il n’y avait pas lieu à la question préjudicielle prévue par l’article 177 du traité de Rome ;

«  alors qu’il y a lieu, en cas où naîtrait un doute sur la compatibilité entre la loi du 9 janvier 1985 et le décret du 26 février 1988, d’une part, et les dispositions du traité de Rome, notamment celles figurant à l’article 30, d’autre part, de soumettre à la Cour de justice des Communautés européennes la question suivante :

«  En subordonnant la mise sur le marché de produits de charcuterie faisant référence aux zones géographiques spécifiques à la montagne à une autorisation délivrée par arrêté conjoint du ministre de l’Agriculture et du ministre chargé de la consommation après avis de la Commission régionale des produits alimentaires de qualité, la réglementation française relative au développement et à la protection de la montagne (articles 33 et 34 de la loi du 9 janvier 1985 et article 5 du décret d’application du 26 février 1988) ne constitue-t-elle pas une mesure d’effet équivalent restreignant les importations au sens de l’article 30 du traité de Rome ?

«  L’application des textes, le contrôle et les poursuites exercées par l’Etat français sont-ils conformes aux articles 3, 5 et 30 du traité de Rome ? » ;

Les moyens étant réunis ;

Attendu que la loi du 9 janvier 1985, base des poursuites, dispose, en ses articles 33, 34 et 35, que, indépendamment des dispositions de la loi du 6 mai 1919 sur les appellations d’origine ou du droit des titulaires de marques déposées, l’indication de provenance « montagne » et les références géographiques spécifiques aux zones de montagne (massif, sommet, vallée, etc.) sont protégées ;

Que le décret d’application de ce texte, en date du 26 février 1988, précise, en ses articles 1 et 2, que l’utilisation de cette indication de provenance ou de ces références géographiques est réservée aux produits agricoles et alimentaires préparés, fabriqués, produits dans l’aire géographique concernée ; que l’utilisation de cette indication est en outre subordonnée à une autorisation délivrée par arrêté ministériel conjoint des ministres chargés de l’Agriculture et de la Consommation, après avis d’une commission régionale des produits alimentaires de qualité (article 5 du décret) ;

Attendu que ces textes prévoient que la délimitation des aires de montagne s’étend aux zones montagneuses, aux zones présentant une certaine déclivité et aux communes des DOM situées au dessus de 100 mètres, et comportent d’importantes dérogations à l’obligation de localisation du processus de production, en admettant notamment que la matière première entrant dans la composition du produit puisse ne pas provenir de l’aire géographique ou que le produit puisse ne pas être totalement fabriqué dans celle-ci ;

Attendu, par ailleurs, que le règlement n° 2081/92/CEE, relatif à la protection des indications géographiques et des appellations d’origine des produits agricoles et des denrées alimentaires, en date du 14 juillet 1992, entré en vigueur le 26 juillet 1993, limite la protection des indications de provenance aux seuls produits originaires d’une région délimitée, dont une qualité déterminée ou une autre caractéristique peut être attribuée à l’origine géographique et dont la production a lieu sur place ; que ce texte organise en outre une procédure particulière d’agrément communautaire des dénominations existantes ;

Attendu que se pose, par suite, à titre préjudiciel, la question de la compatibilité de la loi du 9 janvier 1985 et de son décret d’application avec les dispositions, apparemment plus restrictives, du règlement n° 2081/92/CEE ;

Par ces motifs :

Vu l’article 177 du traité CEE ;

SURSEOIT à statuer sur le présent pourvoi ;

RENVOIE la présente affaire devant la Cour de justice des Communautés européennes, en interprétation du Traité, pour qu’il soit prononcé sur le point de savoir si les dispositions combinées des articles 30 et 36 de ce texte et 2 du règlement n° 2081/92/CEE du 14 juillet 1992, s’opposent ou non à l’application d’une législation nationale, comme celle issue de la loi n° 85-30 du 9 janvier 1985 et de son décret d’application n° 88-194 du 26 février 1988.

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