Cour de Cassation, Chambre criminelle, du 18 octobre 1994, 93-84.994, Inédit

  • Manque d'objectivité de l'auteur·
  • Constatations suffisantes·
  • Éléments constitutifs·
  • Élément intentionnel·
  • Diffamation·
  • Bonne foi·
  • Honoraires·
  • Notaire·
  • Auteur·
  • Complicité

Chronologie de l’affaire

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Sur la décision

Référence :
Cass. crim., 18 oct. 1994, n° 93-84.994
Juridiction : Cour de cassation
Numéro(s) de pourvoi : 93-84.994
Importance : Inédit
Décision précédente : Cour d'appel de Bordeaux, 1er septembre 1992
Textes appliqués :
Code de procédure pénale 593

Loi 1881-07-29 art. 29 et 32

Date de dernière mise à jour : 4 novembre 2021
Identifiant Légifrance : JURITEXT000007577325
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Sur les parties

Texte intégral

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, en son audience publique tenue au Palais de Justice à PARIS, le dix-huit octobre mil neuf cent quatre vingt quatorze, a rendu l’arrêt suivant :

Sur le rapport de M. le conseiller GUERDER, les observations de la société civile professionnelle WAQUET, FARGE et HAZAN, avocat en la Cour, et les conclusions de M. l’avocat général DINTILHAC ;

Statuant sur les pourvois formés par :

— D. Claude,

— W. Jacques, dit D. Jacques,

— P. Jean-Marie, contre l’arrêt de la cour d’appel de BORDEAUX, 3ème chambre, en date du 2 septembre 1992, qui les a condamnés, pour diffamation publique envers un particulier et complicité, chacun à 10 000 francs d’amende, et qui a prononcé sur les intérêts civils ;

Joignant les pourvois en raison de la connexité ;

Vu le mémoire produit ;

Sur le premier moyen de cassation, pris de la violation des articles 29 et 32 de la loi du 29 juillet 1881, 593 du Code de procédure pénale ;

« en ce que l’arrêt attaqué a déclaré D. coupable de diffamation et W. dit D. et P. coupables de complicité de diffamation envers M. Journaud, pour avoir écrit :

« criblée de dettes, Joëlle P. aura vidé en six mois son compte à la Barclay’s Bank. Après avoir retiré plus de 200 000 francs en liquide dans les premiers mois de l’année 1986, elle a dû payer plus de 400 000 francs d’honoraires à Me Lombard, presqu’autant au notaire toulonnais Me Journaud et offert au total plus d’un demi-million à son gigolo Lafarge » ;

« alors, d’une part, que les propos ci-dessus rappelés, dont il résulte simplement que le notaire aurait touché presque 400 000 francs d’honoraires et qui n’accompagnent le fait d’aucun commentaire désobligeant pour cet officier public, ne portent pas atteinte à son honneur et à sa considération ; que la diffamation alléguée n’était donc pas caractérisée ;

« alors, d’autre part, que, même à supposer que les fonds eussent été versés au notaire à un titre autre que celui d’honoraires purs et simples, les propos tenus n’en étaient pas pour autant diffamatoires, l’erreur sur la qualification des fonds versés (à la supposer établie), n’étant en toute hypothèse pas susceptible de caractériser à elle seule la diffamation ;

« alors, enfin, que l’écrit supposé diffamatoire doit l’être dès l’origine ; que l’atteinte à l’honneur et à la considération en peut pas naître des seuls débats devant la juridiction saisie, comme l’a jugé à tort la cour d’appel" ;

Attendu que la société Editions Fayard a publié, notamment dans le ressort du tribunal de grande instance de Bordeaux, un livre signé par Jacques D. et Jean-Marie P., intitulé « Enquête sur les ripoux de la Côte de Marseille à Nice », dont le sixième chapitre a été consacré, sous le titre « Les tribulations d’un gentilhomme sévillan », aux tractations concernant plusieurs oeuvres d’art ayant appartenu à Suzanne de C. ; qu’à la page 304, l’ouvrage comporte le passage suivant :

« Criblée de dettes, Joëlle P. aura vidé en six mois son compte à la Barclay’s Bank. Après avoir retiré plus de 400 000 francs en liquide dans les premiers mois de 1986, elle a dû payer plus de 400 000 francs d’honoraires à Me Lombard, presque autant au notaire toulonnais Me Journaud, et offert au total près d’un demi-million à son gigolo Lafarge !" ;

Attendu qu’à raison de cette mise en cause, Christian Pierre Journaud, notaire associé à Toulon, a porté plainte avec constitution de partie civile, le 25 mars 1991, contre l’éditeur non identifié et contre les auteurs du livre, des chefs de diffamation publique envers un particulier et complicité, en visant les articles 29, 32, alinéa 1er, 42 et 43 de la loi du 29 juillet 1881, 59 et 60 du Code pénal ; que l’information, ouverte sur réquisitions du procureur de la République en date du 15 avril 1991, a été close par ordonnance du 7 novembre 1991 renvoyant devant le tribunal correctionnel Claude D., responsable de la société éditrice, en qualité d’auteur principal, Jacques W. dit D. et Jean-Marie P., écrivains, en qualité de complices du délit de diffamation ;

Attendu que pour retenir le caractère diffamatoire envers le plaignant des propos incriminés, la cour d’appel énonce que « l’importance des sommes prétendument versées à Me Journaud à titre d’honoraires ne peut que jeter le doute sur l’honorabilité et la probité de cet officier ministériel alors surtout qu’il s’agit du produit partiel d’une escroquerie et que l’information incriminée, intégrée dans un ouvrage intitulé »Enquête sur les ripoux de la Côte de Marseille à Nice« est, en outre, dans le paragraphe visé, rapprochée de celle touchant notamment un personnage qualifié de gigolo » ;

Attendu que la cour d’appel, qui a ainsi à bon droit replacé le passage incriminé dans son contexte, pour en apprécier la nature et la portée, a justifié sa décision sans encourir les griefs allégués ;

Qu’en effet, pour apprécier la qualification légale qu’il convient d’appliquer à un écrit présenté comme diffamatoire, les juges doivent prendre en considération non seulement les termes mêmes relevés par l’acte initial de la poursuite, mais encore les éléments extrinsèques de nature à donner aux propos incriminés leur véritable sens et à caractériser l’infraction poursuivie ;

D’où il suit que le moyen n’est pas fondé ;

Sur le second moyen de cassation, pris de la violation des articles 29 et 32 de la loi du 29 juillet 1881, de l’article 593 du Code de procédure pénale, défaut de motifs, manque de base légale ;

« en ce que l’arrêt attaqué a déclaré D. coupable de diffamation et W. dit D. et P. coupables de complicité de diffamation envers M. Journaud, pour avoir écrit :

« criblée de dettes, Joëlle P. aura vidé en six mois son compte à la Barclay’s Bank. Après avoir retiré plus de 200 000 francs en liquide dans les premiers mois de l’année 1986, elle a dû payer plus de 400 000 francs d’honoraires à Me Lombard, presqu’autant au notaire toulonnais Me Journaud et offert au total plus d’un demi-million à son gigolo Lafarge » ;

« alors que la prudence dans l’expression de la pensée, les auteurs du passage litigieux n’ayant en rien stigmatisé spécialement le comportement du notaire, et ayant entendu seulement démontrer à quoi avait servi l’argent détourné par Mme P., était caractéristique de leur bonne foi ; qu’en s’abstenant de se prononcer sur les précautions de langage utilisées, la cour d’appel n’a pas donné de base légale à sa décision" ;

Attendu que pour refuser aux prévenus le bénéfice de la bonne foi, l’arrêt attaqué relève la fausseté de l’assertion, que ses auteurs se sont abstenus de vérifier, selon laquelle les 400 000 francs versés à Me Journaud l’avaient été à titre d’honoraires alors qu’ils étaient seulement destinés à rembourser les dettes de Joëlle P. ;

Attendu qu’en déclarant ainsi les prévenus coupables de diffamation, les juges, qui ont à bon droit apprécié l’intention de nuire en la personne des auteurs de l’écrit diffamatoire, ont donné une base légale à leur décision ;

Qu’en effet, les imputations diffamatoires impliquent l’intention coupable de leur auteur ; que si le prévenu peut démontrer sa bonne foi, par l’existence de circonstances particulières, c’est à lui seul qu’incombe cette preuve ; qu’il se déduit des énonciations de l’arrêt, que celle-ci n’a pas été rapportée en l’espèce, l’inexactitude de l’information révélant au contraire l’insuffisance des vérifications préalables et le manque d’objectivité de leur auteur ;

D’où il suit que le moyen ne peut être accueilli ;

Et attendu que l’arrêt est régulier en la forme ;

REJETTE les pourvois ;

Ainsi jugé et prononcé par la Cour de Cassation, chambre criminelle, en son audience publique, les jour, mois et an que dessus ;

Où étaient présents : M. Milleville conseiller le plus ancien, faisant fonctions de président en remplacement du président empêché, M. Guerder conseiller rapporteur, MM. Pinsseau, Joly, Martin conseillers de la chambre, Mmes Batut, Fossaert-Sabatier, M. de Larosière de Champfeu conseillers référendaires, M. Dintilhac avocat général, Mme Nicolas greffier de chambre ;

En foi de quoi le présent arrêt a été signé par le président, le rapporteur et le greffier de chambre ;

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