Cour de cassation, Chambre criminelle, 6 novembre 2007, 02-84.458 06-84.708, Inédit

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Chronologie de l’affaire

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Sur la décision

Référence :
Cass. crim., 6 nov. 2007, n° 02-84.458
Juridiction : Cour de cassation
Numéro(s) de pourvoi : 02-84458 06-84708
Importance : Inédit
Décision précédente : Cour d'appel d'Orléans, 22 mai 2006
Dispositif : Rejet
Identifiant Légifrance : JURITEXT000017737480

Sur les parties

Texte intégral

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, a rendu l’arrêt suivant :
Statuant sur les pourvois formés par :

— 

X… Jean-Marc,

1) contre l’arrêt de la chambre de l’instruction de la cour d’appel d’ORLÉANS, en date du 6 juin 2002, qui, dans l’information suivie contre lui du chef d’homicide involontaire, a prononcé sur sa demande d’annulation de pièces de la procédure ;

2) contre l’arrêt de ladite cour d’appel, chambre correctionnelle, en date du 23 mai 2006, qui, pour homicide involontaire, l’a condamné à six mois d’emprisonnement avec sursis et a prononcé sur les intérêts civils ;

Joignant les pourvois en raison de la connexité ;

Vu les mémoires produits, en demande et en défense ;

I – Sur le pourvoi formé contre l‘arrêt du 6 juin 2002 ;

Sur le moyen unique de cassation, pris de la violation des articles 156, 162, 591 et 593 du code de procédure pénale, défaut et contradiction de motifs, manque de base légale ;

"en ce que l’arrêt attaqué (chambre de l’instruction de la cour d’appel d’Orléans, 6 juin 2002) a dit n’y avoir lieu à annulation d’un acte de la procédure ;

"aux motifs qu’il est soutenu que l’expert M. Y… s’est adjoint un tiers pour procéder aux opérations d’expertise sans avoir obtenu l’autorisation du juge d’instruction, contrairement aux dispositions de l’article 162 du code de procédure pénale, que la participation de ce tiers qui a été passée sous silence par l’expert et qui n’a pas établi de rapport spécifique, résulte de sa présence sur les lieux le 6 mars 2001 et d’une lettre du 24 février 2001 adressée au juge d’instruction par l’expert M. Y… dans laquelle il précise avoir recherché une personne compétente et neutre pour l’assister dans ce dossier ; qu’il est soutenu également que l’absence de prestation de serment vicie gravement ces opérations ; qu’il résulte de l’examen du rapport d’expertise que M. Y…, expert, commis par ordonnance du juge d’instruction du 16 novembre 2000, a accompli personnellement la mission qui lui était confiée ; que le courrier du 24 février 2001 adressé au juge d’instruction dans lequel l’expert demande une prorogation de délai et précise « qu’il n’avait pas encore trouvé la personne compétente et neutre pour l’assister dans ce dossier », ne saurait établir qu’il s’est adjoint un autre expert au sens de l’article 162 du code de procédure pénale dans la mesure où il n’apparaît à aucun endroit du rapport qu’il a eu recours à un co-expert ; qu’en effet les mentions claires et précises du rapport établissent que M. Y… a accompli personnellement sa mission ainsi que page 3 : « j’ai pu m’entretenir avec messieurs X……, j’ai pu pénétrer dans le garage…, page 5 : description des trains de pneu, page 6 : description précise des pneumatiques, des demi-jantes : « l’observation permet de dire… », page 7 : je n’ai retrouvé que cinq écrous…, page 10 : « je constate qu’il n’y a pas de marquage spécifique… ; qu’en ce qui concerne l’absence de prestation de serment, il y a lieu de souligner que M. Y…, inscrit sur la liste des experts de la cour d’appel d’Orléans depuis 1997, n’avait pas, en application de l’article 160 du code de procédure pénale à renouveler son serment lors de sa désignation le 16 novembre 2000 ;

"1) alors qu’il résulte de l’article 162 du code de procédure pénale mentionne qu’il appartient au juge d’instruction de désigner les experts adjoints aux experts déjà commis lorsque ceux-ci demandent à être éclairés sur une question échappant à leur spécialité ; que la chambre de l’instruction qui a constaté que l’expert a demandé au juge d’instruction une prorogation de délai parce qu’il n’avait pas encore trouvé la personne compétente pour l’assister, ne pouvait, sans se contredire, considérer que l’expert avait accompli personnellement sa mission et ne s’était pas adjoint un autre expert au sens de l’article 162 du code de procédure pénale ;

"2) alors qu’il était soutenu, dans la requête régulièrement déposée, que la participation de l’expert adjoint a été passée sous silence dans le rapport d’expertise et qu’en conséquence ce rapport d’expertise était inexact puisqu’il ne retranscrivait pas fidèlement les opérations d’expertise ; que la chambre de l’instruction ne pouvait se borner à énoncer qu’il résulte du rapport d’expertise que l’expert a accompli personnellement sa mission sans rechercher si ledit rapport avait été régulièrement établi" ;

Attendu qu’il résulte de l’arrêt attaqué et des pièces de la procédure que, dans l’information suivie contre Jean-Marc X… du chef d’homicide involontaire, le juge d’instruction a, le 16 novembre 2000, ordonné une expertise et commis l’expert Y… pour y procéder ; que cet expert a déposé son rapport le 30 avril 2001 ; que, par requête du 28 mars 2002, l’avocat du mis en examen a sollicité l’annulation de l’expertise, soutenant que l’expert s’était adjoint un tiers pour l’assister dans ses opérations, sans avoir obtenu l’autorisation du juge d’instruction, en violation des dispositions de l’article 162 du code de procédure pénale ;

Attendu que, pour rejeter cette requête, la chambre de l’instruction relève qu’il résulte des mentions du rapport d’expertise que l’expert a accompli personnellement la mission qui lui a été confiée, sans s’adjoindre un co-expert ;

D’où il suit que le moyen manque en fait ;

II – Sur le pourvoi formé contre l’arrêt du 23 mai 2006 ;
Sur le premier moyen de cassation, pris de la violation des articles 221-6 du code pénal, 591 et 593 du code de procédure pénale, défaut et contradiction de motifs, manque de base légale ;

"en ce que l’arrêt attaqué (Orléans, 23 mai 2006) a déclaré Jean-Marc X… coupable d’homicide involontaire, et l’a condamné à la peine de 6 mois d’emprisonnement avec sursis et a prononcé sur les intérêts civils ;

"aux motifs que Jean-Marc X… ne conteste pas avoir reçu, en sa qualité de directeur de l’établissement de Corbeilles-en-Gâtinais, une délégation de pouvoirs de M. Z…, directeur général de Cristal Union, délégation en date du 14 avril 2000, annexée en copie au procès-verbal de l’inspection du travail ; que cette délégation prévoyait la possibilité pour lui de subdéléguer ses pouvoirs en matière d’hygiène et de sécurité ; que la subdélégation invoquée par le prévenu dispose que Jean-Marc X… subdélègue à son directeur technique « tous pouvoirs pour, à tout moment, le remplacer en cas d’absence de l’établissement pour quelque cause que ce soit, et assurer, à ses lieu et place, le respect des prescriptions en vigueur au sein de l’établissement en matière d’hygiène et de sécurité» ; qu’il convient de constater que la préposition « et » relie ici des éléments qui s’articulent parfaitement entre eux, à savoir, les circonstances du remplacement (absence, indisponibilité) et le domaine de la délégation (la sécurité) d’où il se déduit que, comme l’a justement analysé le tribunal, la délégation n’avait d’effet que dans ces circonstances particulières d’absence ou d’indisponibilité du chef d’établissement ; que, pour ne pas conduire à une telle lecture, la rédaction aurait dû être la suivante d’ailleurs utilisée par la défense dans ses conclusions pour suggérer une interprétation contraire à celle du tribunal « tous pouvoirs pour, d’une part, à tout moment, le remplacer en cas d’absence de l’établissement…, d’autre part assurer le respect des prescriptions en vigueur au sein de l’établissement en matière… » ; qu’en tout état de cause une délégation de pouvoirs ne peut avoir d’effet qu’autant que celle-ci est certaine et exempte d’ambiguïté ; qu’il n’y a pas lieu de procéder à l’examen de la compétence, de l’autorité ni des moyens du bénéficiaire de la délégation, cet examen n’ayant de sens que si, précisément, la preuve de l’existence d’une délégation est rapportée ; qu’au surplus, l’existence de la délégation ne saurait être démontrée par les initiatives prises par Hubert A… en matière de sécurité dès lors que, par ses fonctions salariées de directeur technique, il avait précisément pour tâche de superviser l’ensemble de ce secteur ;

"alors qu’aux termes de la subdélégation, le prévenu déléguait à son salarié l’organisation, la surveillance, le suivi et la bonne application des mesures d’hygiène et de sécurité, ce dont il se déduit que ce salarié n’avait, en dehors de cette délégation, aucun rôle en matière de sécurité ; qu’en énonçant que les initiatives prises par le salarié en matière de sécurité ne démontrent pas la subdélégation, la cour d’appel n’a pas tiré les conséquences légales de ses propres constatations et a dénaturé les termes de la subdélégation" ;

Attendu que le moyen se borne à remettre en discussion l’appréciation souveraine, par les juges du fond, des faits et circonstances de la cause et des éléments de preuve contradictoirement débattus, dont ils ont déduit sans insuffisance ni contradiction et en répondant aux conclusions dont ils étaient saisis que le prévenu n’avait pas subdélégué ses pouvoirs ;

D’où il suit que le moyen doit être écarté ;

Sur le second moyen de cassation, pris de la violation des articles 111-3, 111-4, 121-3, 221-6 du code pénal, 591 et 593 du code de procédure pénale, défaut et contradiction de motifs, manque de base légale ;

"en ce que l’arrêt attaqué (Orléans, 23 mai 2006) a déclaré Jean-Marc X… coupable d’homicide involontaire, et l’a condamné à la peine de 6 mois d’emprisonnement avec sursis et a prononcé sur les intérêts civils ;

"aux motifs qu’au début des opérations de manutention, Claude B… a désolidarisé deux roues jumelées sur un même essieu, laissant l’une des roues à l’extérieur de l’atelier – celle contenant de la mousse – tandis que l’autre – celle gonflée par le mélange air-azote – était transportée à l’aide d’un chariot élévateur à l’intérieur de l’atelier ; qu’il est acquis qu’une confusion s’est instaurée à un certain moment dans l’esprit de la victime sur la roue transportée à l’intérieur de l’atelier ; que les témoignages recueillis sont unanimes quant à l’expérience et la compétence de Claude B… ; qu’il est donc inenvisageable que celui-ci ait entrepris de démonter un pneu gonflé au gaz, alors que tous les salariés entendus, même ceux non affectés au garage, connaissaient les risques d’une telle manoeuvre ; que Jean-Philippe C… a affirmé avoir interrogé avant l’accident son collègue de travail sur le point de savoir sur quelle roue ils travaillaient ; que Claude B… lui a répondu qu’ils travaillaient sur la roue gonflée à la mousse et qu’il n’y avait aucun danger ; que la découverte, le 1er septembre 2000, dans le vestiaire de la victime d’un capuchon de valve fournit sans doute l’explication de la confusion commise par Claude B… ; que ce capuchon ne peut être que celui de la roue à l’origine de l’accident, en effet, malgré les recherches des enquêteurs, aucun autre capuchon n’a été retrouvé dans l’atelier, notamment dans l’axe de projection des pièces au moment de l’explosion ; que la valve du pneu gonflé au mélange air-azote était bien, avant l’intervention des deux ouvriers, munie de son capuchon puisque le filetage était propre, contrairement à celui du pneu rempli de mousse ; que c’est donc en se rendant à son vestiaire, probablement avant le transport de la roue à l’intérieur de l’atelier, que Claude B… a pu, sans s’en rendre compte, égarer le capuchon ; que, dès lors, qu’il était en présence d’une roue comportant une valve sans capuchon, Claude B…, qui s’est fié à son seul coup d’oeil au lieu d’un regard attentif sur le filetage ou l’intérieur de la valve pour vérifier la présence ou l’absence de mousse, a cru transporter à l’intérieur de l’atelier une roue remplie de mousse ; qu’il convient d’observer que le transport de la roue à l’aide d’un engin mécanique ne pouvait permettre à la victime de prendre conscience de la différence de poids (environ 200 kg) existant entre les roues selon leur type de gonflage ; que Michel D… affirme avoir seulement demandé à son subordonné avant de partir en vacances, de démonter les roues en vue de leur transport chez le sous-traitant ; qu’il reste de l’aveu de ses supérieurs hiérarchiques, que Claude B… disposait d’une grande autonomie dans son travail et que, dans la mise en oeuvre de telles instructions, rien ne l’empêchait, à l’égard des pneus gonflés à la mousse, de procéder ainsi qu’il l’avait toujours fait, c’est-à-dire faciliter le travail du sous-traitant en retirant le pneumatique ; que cette pratique, avant 1998, a été parfaitement établie lors de la réunion du CHSCT du 7 septembre 2000 et cet élément n’est pas contesté par le prévenu ; qu’il doit être relevé en outre que Jean-Philippe E… n’a nullement été surpris du travail auquel lui demandait de collaborer Claude B… ; qu’en agissant ainsi Claude B… n’enfreignait aucune instruction écrite ; qu’il ressort des constatations de l’inspection du travail, des différentes dépositions recueillies et des propres déclarations du prévenu qu’aucune consigne écrite ne figurait dans l’atelier au sujet du travail de remplacement des pneumatiques ; qu’aucune note de service n’avait d’ailleurs été établie en ce domaine, la première note sur les pneumatiques étant intervenue le 9 octobre 2000 ; que, s’agissant de consignes de sécurité verbales, Michel D… a déclaré au magistrat instructeur : « on avait dit qu’on ne touchait plus aux roues à cause du danger que pouvaient causer les roues gonflées à l’air et à l’azote. Le jour où je lui ai donné les ordres, je le lui ai encore redit » ; que le témoin situait ses premiers propos un an avant l’accident et non en 1998 ; qu’il en résulte que la victime avait été mise en garde contre les dangers du démontage des roues gonflées au gaz mais que Claude B… pouvait considérer que le démontage de roues remplis de mousse n’était pas concerné par cette nouvelle pratique ; que Jean-Luc F…, formé à accomplir les mêmes tâches que la victime, n’a aucunement évoqué de nouvelles instructions de Michel D…, exposant que, quand ils étaient appelés à s’occuper de la maintenance des pneus, ils procédaient « au démontage des deux demi-flasques qui se décollaient sans problème» et qu'« après échange du pneumatique, de la chambre à air », ils remontaient la roue ; que la poursuite du démontage des pneus se trouve confirmée par les déclarations du directeur de France-Fill, rapportée par l’expert judiciaire, selon lesquelles « les pneus livrés étaient parfois usagés et parfois déjà préparés et neufs. Dans ce deuxième cas, il ne restait que le gonflage à la mousse à effectuer » ; qu’il peut donc être considéré, en premier lieu, que la décision de Claude B… de démonter un pneu qu’il croyait être gonflé à la mousse s’inscrivait dans les pratiques habituelles de l’entreprise et ne venait pas enfreindre des instructions ou consignes claires de ses supérieurs hiérarchiques ; qu’en second lieu, il apparaît que le risque directement à l’origine de l’accident, c’est-à-dire la confusion possible entre les deux types de pneumatiques, n’avait jamais été clairement identifié par l’entreprise ; que ce risque est né du choix de la sucrerie de Corbeilles de transformer le gerbeur pelleteur en montant, sur chaque essieu, une roue gonflée au mélange air-azote jumelée avec une roue remplie de mousse, ceci afin de profiter des avantages de l’un et l’autre système de gonflage ; qu’alors que les précautions à prendre dans l’un et l’autre cas étaient très différentes, aussi bien dans la manutention que le transport, les roues ne disposaient d’autres signes distinctifs que l’observation empirique de la valve ou la différence de poids, elle-même peu opérationnelle dans le cadre d’une manutention effectuée avec des engins mécaniques ; que le respect des règles de sécurité a ainsi été entièrement laissé à l’initiative des mécaniciens de l’entreprise, le prévenu n’hésitant pas à déclarer au juge d’instruction que ceux-ci connaissaient bien les dangers de leur activité, alors que le code du travail fixe en ce domaine des obligations précises pour le chef d’entreprise ou son délégataire : l’article R. 233-2 du code du travail prévoit que « le chef d’établissement doit informer de manière appropriée les travailleurs chargés de la mise en oeuvre ou de la maintenance des équipements de travail… des instructions ou consignes les concernant », l’article R. 233-4 du même code dispose que « le montage et le démontage des équipements de travail doivent être réalisés de façon sûre, notamment en respectant les instructions du fabricant » ; que la mise en place d’une méthode sûre et éprouvée supposait notamment, soit qu’une marque très visible et indélébile soit inscrite sur les pneus, soit, ce qui a été décidé par l’entreprise après l’accident, que le démontage des pneus, quel qu’en soit le système de gonflage, soit clairement interdit ; qu’une révision du mode opératoire était d’autant plus nécessaire que non seulement la vérification par la valve était une méthode très aléatoire mais, comme l’a relevé le contrôleur du travail, « l’accès à la valve était rendu difficile en raison de la conception de la jante bi-flasque » ; que, par ailleurs, l’article R. 233-3 du code du travail énonce que « la formation à la sécurité dont bénéficient les travailleurs chargés de la mise en oeuvre ou de la maintenance des équipements de travail doit être renouvelée et complétée aussi souvent qu’il est nécessaire pour prendre en compte les évolutions des équipements de travail dont ces travailleurs ont la charge » ; que Claude B… avait bénéficié d’une formation sur le pelleteur gerbeur 19 ans avant l’accident ; qu’en outre, aucune formation ne lui avait été dispensée dans le domaine du démontage et du montage des pneumatiques ; qu’une formation réactualisée aurait pu intégrer les risques liés à la modification apportée à cet engin agricole et donner à la victime une méthode de travail appropriée ; que la violation des trois dispositions impératives du code du travail susénoncées signifie que l’ensemble de la maintenance des pneumatiques avait été laissée en dehors du champ de la sécurité dans le travail ; qu’en ne prenant pas les mesures prévues par ces dispositions réglementaires, mesures qui auraient permis d’éviter le décès de Claude B…, le prévenu s’est rendu responsable du délit d’homicide involontaire, étant précisé que les manquements à la réglementation sur la sécurité du travail reprochés au prévenu constituent une faute caractérisée au sens de l’article 121-3 du code pénal ;

"1°) alors que la responsabilité pénale d’un prévenu d’homicide involontaire qui n’a pas causé directement le dommage, doit résulter d’une faute délibérée ou caractérisée consistant à avoir exposé autrui à un risque d’une particulière gravité qu’il ne pouvait ignorer ; qu’une telle faute suppose donc une connaissance effective du risque créé et la volonté de passer outre ; qu’en constatant que le risque directement à l’origine de l’accident n’avait jamais été clairement identifié par l’entreprise, la cour d’appel qui a ainsi relevé l’absence de connaissance du risque par l’entreprise, n’a pas caractérisé un des éléments constitutifs du délit ;

"2°) alors que, pour entrer en voie de condamnation du chef d’homicide involontaire, les juges du fond doivent caractériser que le prévenu a violé de façon manifestement délibérée une disposition légale ou réglementaire de sécurité ou a commis une faute caractérisée exposant autrui à un risque d’une particulière gravité qu’il ne pouvait ignorer ; que l’article R. 233-2 du code du travail prévoit que le chef d’établissement doit informer de manière appropriée les travailleurs chargés de la mise en oeuvre ou de la maintenance des équipements de travail des instructions ou consignes les concernant ; que cet article ne subordonne pas l’information que doit donner le chef d’entreprise à la nécessité qu’elle soit écrite ; que le chef d’entreprise est libre de déterminer la manière par laquelle il entend exécuter cette obligation ; que la cour d’appel ne pouvait pas, sans se contredire et sans ajouter au texte, relever que la décision de démonter un pneu n’enfreignait aucune instruction, tout en constatant qu’il a été donné pour instructions verbales de ne pas démonter les pneus au vu du danger lié aux roues gonflées au gaz ;

"3°) alors que la faute de la victime, cause du dommage, exonère de toute responsabilité le prévenu ; que la cour d’appel qui a constaté que la valve permettant de différencier les pneus avait été retirée préalablement et se trouvait dans le vestiaire de la victime, que c’est cette dernière qui, se rendant à son vestiaire, a égaré le capuchon, et que la victime n’avait pas reçu l’instruction de démonter les pneumatiques, a ainsi établi l’initiative fautive de la victime ; qu’en énonçant cependant que le prévenu avait commis une faute, la cour d’appel n’a pas tiré les conséquences légales de ses propres constatations et a privé sa décision de base légale ;

"4°) alors que la cour d’appel ne pouvait pas, sans se contredire, énoncer à la fois que la victime n’a reçu « aucune formation… dans le domaine du démontage et du montage des pneumatiques » et considéré qu’elle a reçu une « formation couvrant le démontage des pneumatiques » ;

Attendu qu’il résulte de l’arrêt attaqué que, le 29 août 2000, Claude B…, salarié d’une sucrerie dont Jean-Marc X… est le directeur, a été mortellement blessé, alors qu’il procédait au démontage des roues jumelées d’un engin agricole, par la projection brutale, dans sa direction, des demi-jantes, à la suite de l’éclatement d’un pneumatique, gonflé avec un mélange d’air et d’azote ;

Attendu que, pour déclarer Jean-Marc X… coupable d’homicide involontaire, l’arrêt énonce que celui-ci ne pouvait qu’être conscient du risque, directement à l’origine de l’accident, que son salarié encourait à manipuler un pneu gonflé avec un mélange d’air et d’azote ; que les juges ajoutent qu’aucune consigne écrite n’était affichée dans l’atelier où s’est produit l’accident en vue d’encadrer la réalisation de manipulations réputées dangereuses et que la victime n’avait reçu aucune formation spécifique dans le domaine du démontage et du montage des pneumatiques, ce qui aurait eu pour effet de le sensibiliser sur les risques encourus et de lui donner une méthode de travail appropriée ;

Attendu qu’en l’état de ces énonciations, d’où il résulte que le prévenu, qui a contribué à créer la situation ayant permis la réalisation du dommage et n’a pas pris les mesures permettant de l’éviter, a commis une faute caractérisée et qui exposait autrui à un risque d’une particulière gravité qu’il ne pouvait ignorer, au sens de l’article 121-3 du code pénal, la cour d’appel a justifié sa décision ;

D’où il suit que le moyen doit être écarté ;

Et attendu que les arrêts sont réguliers en la forme ;

REJETTE les pourvois ;

FIXE à 2 000 euros la somme que Jean-Marc X… devra payer aux consorts B…, parties civiles, au titre de l’article 618-1 du code de procédure pénale ;

Ainsi jugé et prononcé par la Cour de cassation, chambre criminelle, en son audience publique, les jour, mois et an que dessus ;

Etaient présents aux débats et au délibéré, dans la formation prévue à l’article 567-1-1 du code de procédure pénale : M. Cotte président, M. Beauvais conseiller rapporteur, M. Joly conseiller de la chambre ;

Greffier de chambre : Mme Daudé ;

En foi de quoi le présent arrêt a été signé par le président, le rapporteur et le greffier de chambre ;

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