Cour de cassation, Chambre sociale, 13 mars 2012, 11-10.355, Inédit

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Chronologie de l’affaire

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Sur la décision

Référence :
Cass. soc., 13 mars 2012, n° 11-10.355
Juridiction : Cour de cassation
Numéro(s) de pourvoi : 11-10.355
Importance : Inédit
Décision précédente : Cour d'appel de Reims, 9 novembre 2010
Dispositif : Rejet
Date de dernière mise à jour : 4 novembre 2021
Identifiant Légifrance : JURITEXT000025533301
Identifiant européen : ECLI:FR:CCASS:2012:SO00747
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Sur les parties

Texte intégral

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l’arrêt suivant :

Sur le moyen unique :

Attendu, selon l’arrêt attaqué (Reims, 10 novembre 2010), que M. X… a été embauché par le groupe Hersant Média à compter du 1er octobre 2001 en premier lieu en qualité de directeur administratif et financier du pôle Nouvelle-Calédonie ; que son contrat de travail a été transféré, à compter du 1er octobre 2006, à la société l’Union auprès de laquelle il a alors exercé les fonctions de directeur général adjoint du pôle aubois de la société l’Est Eclair ; que le 28 octobre 2008, il a été licencié pour faute grave ; qu’il a saisi le conseil de prud’hommes aux fins notamment de voir juger que son licenciement était dépourvu de cause réelle et sérieuse ;

Attendu que l’employeur fait grief à l’arrêt de le condamner au paiement d’une indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse alors, selon le moyen :

1°/ que le cadre supérieur agissant sur délégation de pouvoir de l’employeur doit prendre toutes dispositions nécessaires en vue de prévenir les agissements de harcèlement moral ; qu’en l’espèce, en s’étant fondée sur les seules circonstances tirées de ce que, suite à la plainte pour discrimination et pour harcèlement déposée par Mme Y…, M. X…, cadre supérieur, avait saisi le CHSCT, consulté un Avocat et confié une enquête à un cabinet d’experts pour en conclure qu’il n’avait pas commis de faute disciplinaire de nature à justifier son licenciement sans rechercher, comme elle y était invitée, s’il avait, en pratique, absolument tout mis en oeuvre pour enquêter sur les faits allégués par Mme Y… et pour mettre celle-ci à l’abri des agissements de harcèlement moral qu’elle dénonçait et ainsi, faire s’acquitter l’entreprise de son obligation de sécurité de résultat à l’égard de cette salariée, la cour d’appel a privé sa décision de base légale au regard des articles L. 1232-1 et L. 1234-1 du code du travail, ensemble les articles L. 1152-4 et L. 1152-5 du même code ;

2°/ que la preuve de la cause réelle et sérieuse du licenciement n’incombe pas particulièrement à l’une ou l’autre partie ; que, dès lors, en l’espèce, en ayant fait exagérément peser la charge de la preuve du caractère réel et sérieux du licenciement de M. X… sur son seul employeur, la cour d’appel a violé l’article L. 1235-1 du code du travail, ensemble l’article 1315 du code civil ;

Mais attendu qu’ayant constaté que la direction de l’entreprise avait été aussitôt informée de la plainte de la salariée et que les diligences qui avaient suivi avaient été effectuées en concertation avec la direction, la cour d’appel, qui n’a pas méconnu les règles d’administration de la preuve, a légalement justifié sa décision ;

PAR CES MOTIFS :

REJETTE le pourvoi ;

Condamne la société l’Union aux dépens ;

Vu l’article 700 du code de procédure civile, condamne la société l’Union à payer à M. X… la somme de 2 500 euros ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du treize mars deux mille douze.

MOYEN ANNEXE au présent arrêt

Moyen produit par Me Spinosi, avocat aux Conseils pour la société l’Union

Il est reproché à l’arrêt attaqué d’avoir dit que le licenciement de M. Laurent X… ne reposait ni sur une faute grave ni même sur une cause réelle et sérieuse et, en conséquence, d’avoir condamné son employeur, la société L’UNION, au paiement de 204. 000, 00 € de dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, de 34. 558, 32 € d’indemnité de préavis, outre 3. 455, 83 € de congés payés afférents, de 95. 250, 68 € d’indemnité conventionnelle de licenciement, de 20. 000, 00 € au titre de la rémunération variable pour l’année 2008, outre 2. 000, 00 € de congés payés afférents, des dépens, de 500, 00 € au titre des frais irrépétibles exposés en première instance et de 1. 000, 00 € au titre de ceux exposés en cause d’appel ;

Aux motifs que « il y a lieu d’abord de relever que depuis son embauche M. Laurent X… n’avait fait l’objet d’aucune remarque ou avertissement quant au respect de ses obligations contractuelles.

M. A… dirigeant de la SA L’Union jusqu’en mars 2008, témoigne du professionnalisme de M. Laurent X… notamment dans les négociations qu’il avait menées du fait de la restructuration du groupe ayant entraîné un minimum de mouvements sociaux.

Il est encore rappelé que M. B… était le dirigeant de L’Union depuis moins de six mois lorsque la procédure de licenciement a été engagée.

Il n’est pas indifférent de remarquer que dans son attestation, M. Bruno A… témoigne que : Dès le départ du projet visant à réunir sous une même direction les principaux services des journaux …, nous avions envisagé comme ultime étape de ne plus avoir localement qu’un interlocuteur assurant un rôle de coordination.

J’avais imaginé de confier ce rôle à Patrick C…, rédacteur en chef de l’Est Eclair. Il me semblait évident qu’au terme du processus d’intégration, le profil de M. Laurent X… serait devenu surdimensionné. J’avais dans cette logique imaginé qu’il me succéderait assez naturellement.

Or, après le licenciement, le poste de M. Laurent X… n’a pas été renouvelé et c’est M. C…, rédacteur en chef, qui assume désormais les fonctions de directeur général sur les journaux l’Est Eclair et Libération Champagne.

Aux termes de son contrat de travail M. Laurent X… exerçait donc depuis le 1er octobre 2006 les fonctions de directeur général adjoint du pôle aubois de la société l’Est Eclair sur le périmètre comprenant l’Est Eclair, Libération Champagne et l’imprimerie Paton.

En qualité de cadre dirigeant, ses responsabilités étaient les suivantes, sous le contrôle du directeur général du pôle et de la direction générale du groupe :

Fixe et met en oeuvre la politique générale de l’entreprise, propose les budgets annuels d’exploitation et d’investissement et s’assure de leur bonne exécution.

Plus généralement, il a en charge le développement des activités et de leur rentabilité.

Il est par ailleurs responsable du développement éditorial, commercial, de l’animation des équipes.

Il veille au renforcement des relations extérieures dans un contexte de proximité avec les acteurs économiques et politiques du département de l’Aube.

Il s’assure que le climat social au sein des entreprises soit constamment compatible avec les objectifs définis ci-dessus et avec la politique sociale définie par le groupe.

Il contribuera à la mise en commun des moyens humains, techniques et administratifs au sein du pôle Champagne-Ardenne Picardie.

Sa rémunération était de 110. 000, 00 euros sur 13 mois avec une partie variable annuelle, assise sur des objectifs à définir d’un montant de 15. 000, 00 euros à objectifs atteints.

Par ailleurs, M. Laurent X… s’était vu confier des mandats sociaux à savoir, président de la SAS imprimerie Paton, PDG de la SA Société d’édition et de publicité libération, et directeur général de la SA l’Est Eclair.

Pour justifier du licenciement, l’employeur articule en fait 7 griefs dont certains se recoupent :

Sur le premier et septième grief : défaut de prise de la mesure de l’autonomie de gestion institutionnelle et fonctionnelle, insuffisance justifiée par le fait qu’il a obéi aux ordres alors qu’il articule des revendications inscrites dans une démarche de rapport de force et de conflit à l’égard de M. B…, mode de communication incohérente et anormale avec M. B….

Pour justifier de ses griefs, par ailleurs peu précis, l’employeur verse au débat un fax adressé par M. Laurent X… à M. B… et un courrier adressé le 4 octobre 2008 à M. B… par M. Laurent X… en sa qualité de PDG de l’Est Eclair.

Ces échanges sont relatifs à l’affaire « Y… » salariée s’étant plaint de harcèlement. Si M. Laurent X… fait part de son avis quant à l’issue de ce dossier et à son désaccord quant à la solution envisagée par M. B… en termes parfois vifs, il n’en demeure pas moins que dans le fax du 1er août 2008, même s’il se déclare peu favorable avec le scénario proposé, il déclare être disposé à le suivre si M. B… le lui demande.

Par ailleurs, dans ces missives, M. Laurent X… déplore une absence d’échanges réciproques basés sur la confiance étant rappelé que s’il était salarié de la SA L’Union il était aussi président directeur général de l’Est Eclair et que c’est en cette qualité qu’il a adressé le courrier du 4 octobre 2008.

Sur le deuxième grief : absence de mise en place d’une relation hiérarchique saine avec ses collaborateurs.

Pour illustrer ce grief, l’employeur explique que le salarié n’a pas su mettre un terme aux dysfonctionnements récurrents, en raison d’une absence de synergie entre Cap Régie et la direction technique du pôle.

Il verse aux débats une attestation de Mme Nadia D… directrice commerciale et un échange de courriels entre M. Laurent X… et ce témoin.

Ces pièces démontrent effectivement des positions professionnelles différentes entre eux avec, s’agissant d’un courriel adressé à Mme D… par M. Laurent X… en avril 2008 un rappel en termes certes vifs sur ce qu’elle devait faire mais sans que cela constitue des manquements à l’égard de ses collaborateurs étant d’ailleurs précisé que ce document, nécessairement connu de l’employeur, se situe six mois avant l’envoi de la lettre de licenciement et n’avait fait l’objet d’aucune observation préalablement.

Pour le surplus, erreurs, difficultés, etc. dénoncées par le témoin dans son attestation, il ne s’agit que d’affirmations sans pièces objectives pour les corroborer. S’agissant des comptes rendus du comité de direction, parfois relativement anciens, s’ils rendent compte de la vie de l’Est Eclair et de ses incidents, parfois de divergences entre les divers intervenants, il n’en demeure pas moins qu’il appartenait à M. Laurent X…, aux termes de son contrat de travail et de son mandat social de veiller à la bonne marche du journal.

Il n’est nullement démontré que les orientations ainsi prises lui aient été préjudiciables.

S’agissant de la dénonciation par la secrétaire du CHSCT des difficultés relationnelles rencontrées avec M. Laurent X…, ce courrier en date du 31 mars 2008 ne contient que des affirmations et l’employeur ne verse aux débats aucun des documents visés dans cette lettre et ne justifie pas plus avoir alerté M. Laurent X… sur des dysfonctionnements préalablement au licenciement.

Sur le troisième grief : Non-respect de l’obligation d’être le représentant du groupe dans le département de l’Aube :

Il y a d’abord lieu de noter que le contrat de travail de M. Laurent X… ne lui imposait aucune obligation quant à la fixation de son lieu de résidence et il importe dès lors peu que celui-ci ait été ou non fixé à Paris étant indiqué qu’il n’est pas contesté que le salarié avait un pied-à-terre à Troyes. Par ailleurs, c’est 14 mois avant son licenciement que M. Laurent X… a informé l’employeur de son adresse à Paris sans que ce dernier ne formule d’observation.

Pour justifier de ce grief, l’employeur verse au débat la même attestation de Mme D… qui est donc directrice commerciale et relations publiques.

Ce seul témoignage qui indique que M. Laurent X… se refusait à rencontrer les acteurs politiques et économiques locaux est manifestement insuffisant. Les notes de frais de M. Laurent X… versées aux débats par l’employeur ne sont pas révélatrices et alors que le salarié produit un certain nombre d’articles de presse témoignant de sa présence dans un certain nombre de manifestations représentant le groupe.

Dès lors, contrairement à ce qu’ont retenu les premiers juges, la preuve de ce grief n’est pas rapportée.

Sur le quatrième et cinquième grief : Défaillance dans la gestion de la plainte de Catherine Y… pour harcèlement et discrimination salariale.

Il n’est pas contesté que le 7 septembre 2007, cette salariée a manifesté son intention d’engager un processus de plainte pour harcèlement moral et discrimination salariale.

S’agissant de la discrimination, l’employeur ne peut pas prétendre qu’il ignorait cette dénonciation qui figurait expressément dans le courrier de la salariée en date du 7 septembre 2007.

Par ailleurs, il n’est pas contestable que l’avertissement délivré antérieurement le 30 juin 2006 par M. Laurent X… directeur général d’Est Eclair ne pouvait être en rapport avec cette dénonciation.

Pour justifier de ce grief, l’employeur produit deux courriels du salarié du 10 avril 2008 et du 1er août.

Toutefois, le salarié justifie que dès le 14 septembre 2007, le problème était posé devant le comité de direction et que le 8 octobre 2007, le CHSCT votait la nomination d’un expert, le cabinet Technologia pour mener une enquête.

Le courriel adressé par le salarié à sa hiérarchie démontre également que les conseils d’un avocat avaient été sollicités et qu’une enquête de l’inspection du travail allait se dérouler.

Il est également justifié que l’enquête s’est poursuivie via Technologia ainsi qu’avec une enquête interne et des négociations devant être finalisées en principe en avril 2008.

A son arrivée comme PDG de la SA L’Union, M. B… est intervenu faisant rebondir l’enquête et préconisant une position qui manifestement ne rejoignait pas forcément l’avis de M. Laurent X… comme en témoignent les courriels d’ores et déjà analysés à propos des griefs 1 et 7.

Dès lors, comme l’ont justement retenu les premiers juges, la preuve de ce grief n’est pas rapportée.

Sur le sixième grief : déclarations devant le comité d’entreprise le 21 octobre 2008.

Ce grief n’a nécessairement pas été abordé lors de l’entretien préalable puisque se situant postérieurement à celui-ci. Il y a lieu toutefois de l’examiner.

L’employeur reproche donc à M. Laurent X… d’avoir répondu à un salarié que le projet d’évolution du format du journal n’était pas son projet mais le projet du groupe.

Cette indication, rapportée par le titulaire au comité du syndicat national des journalistes, opposé au projet, n’est pas nécessairement, comme le soutient l’employeur, d’une désolidarisation de M. Laurent X… du groupe, mais peut être le renvoi à une politique globale étant d’ailleurs précisé que le représentant syndical mentionne lui10 même que M. Laurent X… avait accompagné précédemment ce projet.

Il n’est dès lors pas justifié que M. Laurent X… a eu, à l’occasion de ce comité, un comportement fautif.

Aucun des griefs articulés par l’employeur dans sa lettre de licenciement ne constitue dès lors des manquements de M. Laurent X… à ses obligations contractuelles.

Le jugement entrepris sera donc infirmé et le licenciement de M. Laurent X… déclaré sans cause réelle et sérieuse » ;

1. Alors que, d’une part, le cadre supérieur agissant sur délégation de pouvoir de l’employeur doit prendre toutes dispositions nécessaires en vue de prévenir les agissements de harcèlement moral ; qu’en l’espèce, en s’étant fondée sur les seules circonstances tirées de ce que, suite à la plainte pour discrimination et pour harcèlement déposée par Mme Y…, M. X…, cadre supérieur, avait saisi le CHSCT, consulté un Avocat et confié une enquête à un Cabinet d’experts pour en conclure qu’il n’avait pas commis de faute disciplinaire de nature à justifier son licenciement sans rechercher, comme elle y était invitée, s’il avait, en pratique, absolument tout mis en oeuvre pour enquêter sur les faits allégués par Mme Y… et pour mettre celle-ci à l’abri des agissements de harcèlement moral qu’elle dénonçait et ainsi, faire s’acquitter l’entreprise de son obligation de sécurité de résultat à l’égard de cette salariée, la Cour d’appel a privé sa décision de base légale au regard des articles L. 1232-1 et L. 1234-1 du code du Travail, ensemble les articles L. 1152-4 et L. 1152-5 du même Code ;

2. Alors que, d’autre part, la preuve de la cause réelle et sérieuse du licenciement n’incombe pas particulièrement à l’une ou l’autre partie ; que, dès lors, en l’espèce, en ayant fait exagérément peser la charge de la preuve du caractère réel et sérieux du licenciement de M. X… sur son seul employeur, la Cour d’appel a violé l’article L. 1235-1 du Code du Travail, ensemble l’article 1315 du Code civil.

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