Cour de cassation, Chambre criminelle, 24 juin 2014, 13-85.134, Inédit

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Chronologie de l’affaire

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Stéphane Detraz · Gazette du Palais · 21 octobre 2014
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Sur la décision

Référence :
Cass. crim., 24 juin 2014, n° 13-85.134
Juridiction : Cour de cassation
Numéro(s) de pourvoi : 13-85134
Importance : Inédit
Décision précédente : Cour d'appel de Caen, 16 juin 2013
Dispositif : Cassation partielle
Identifiant Légifrance : JURITEXT000029152672
Identifiant européen : ECLI:FR:CCASS:2014:CR02916

Sur les parties

Texte intégral

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, a rendu l’arrêt suivant :

Statuant sur les pourvois formés par :

— Michel X…,- Mme Jacqueline Y…, épouse X…, agissant en qualité d’ayants droit de leur fils Bruno X…, parties civiles,

contre l’arrêt de la cour d’appel de CAEN, chambre correctionnelle, en date du 17 juin 2013, qui les a déboutés de leurs demandes après relaxe de M. Philippe Z… du chef de violences aggravées ;

La COUR, statuant après débats en l’audience publique du 13 mai 2014 où étaient présents dans la formation prévue à l’article 567-1-1 du code de procédure pénale : M. Louvel, président, Mme Duval-Arnould, conseiller rapporteur, M. Pers, conseiller de la chambre ;

Greffier de chambre : M. Bétron ;
Sur le rapport de Mme le conseiller DUVAL-ARNOULD, les observations de la société civile professionnelle WAQUET, FARGE et HAZAN, la société civile professionnelle BORÉ ET SALVE DE BRUNETON, avocats en la Cour, et les conclusions de M. l’avocat général RAYSSÉGUIER ;
Joignant les pourvois en raison de la cassation ;

Vu le mémoire commun aux demandeurs, le mémoire en défense et les observations complémentaires produits ;
Sur le moyen unique de cassation, pris de la violation des articles 2 et 3 du code de procédure pénale, 3 de la Convention européenne des droits de l’homme, 121-3, 222-13, 2°, et 222-14 du code pénal, 593 du code de procédure pénale ;
" en ce que l’arrêt confirmatif attaqué a relaxé M. Z… des fins de la poursuite pour violences volontaires et déclaré irrecevables les constitutions de partie civile de M. et Mme X… agissant en leur qualité d’ayant droit de leur fils Bruno X…, décédé ;
" aux motifs que l’enquête préliminaire, diligentée par les services du commissariat de police de Cherbourg, sur instructions du procureur de la République, permettait de recueillir les auditions de nombreux salariés, souvent en pleurs, qui confiaient aux enquêteurs que M. Z…, qui était soutenu par la précédente direction de la structure, vraisemblablement en raison de sa qualité de délégué syndical qui le protégeait, se livrait habituellement à des actes de maltraitance à l’égard de plusieurs pensionnaires de l’établissement ; que les poursuites étaient cependant circonscrites aux actes subis par Bruno X…, lourdement handicapé et incapable de pourvoir seul aux actes de la vie courante ; qu’il résulte, non pas de la citation, muette sur ce point, mais des éléments du dossier qu’il est en fait reproché au prévenu les faits suivants :- ne pas avoir donné à manger à Bruno X… pendant 24 heures et même 48 heures, au motif qu’il vomissait ; qu’à ce sujet, il sera indiqué que M. Z…, qui l’admet, parlait de ce garçon à ses collègues en l’appelant « gerbivore » ; qu’il précisait que ce n’était pas lui qui l’avait pour la première fois appelé ainsi mais Mme A…; que M. Z… est mis en cause pour ces faits par Mmes B…, C…, E… (qui déclare que quelquefois, le week-end, Bruno X… ne mangeait pas du tout) ou encore Mme D…(qui indique que cela s’est produit de 2008 à 2010) ;- avoir donné à manger dehors à Bruno X… car c’était plus facile à nettoyer quand il vomissait ; que Mme E… dit en avoir été le témoin en septembre 2010 tandis que Mme F…, épouse G… indique l’avoir vu procéder ainsi à l’hiver 2010 ;- avoir laissé Bruno X…, à l’été 2010, assis sur la terrasse mouillée que M. Z… avait lavée suite aux vomissements de ce garçon ; que Mme B…, traumatisée par cette scène, dit être intervenue pour emmener Bruno X… à l’intérieur afin de le changer ;- ne pas avoir lavé Bruno X…; que Mme E… fait des déclarations en ce sens ; que M. Z…, entendu à trois reprises et à six mois d’intervalle, a déclaré aux policiers que, s’agissant de la nourriture, il n’avait fait que suivre le protocole arrêté pour Bruno X… à qui il lui était arrivé de donner à manger sur la terrasse, à sa demande ; que M. Z… contestait ne pas avoir fait quotidiennement la toilette de ce garçon ; qu’à l’audience devant la cour, M. Z… a confirmé ses déclarations ; qu’il a indiqué qu’il travaillait, comme tous les salariés de l’établissement, en binôme et que, pour les repas de Bruno X…, il avait suivi le protocole qui, après lui avoir été enseigné par son binôme, avait été consigné par écrit. ; qu’il déclarait qu’il avait donné des repas à Bruno X… dehors, quand il le réclamait, pour lui faire plaisir, en ajoutant que, lorsque ce garçon était contrarié, il vomissait et était capable de tout casser ; que M. Z… déclarait qu’il avait toujours normalement fait la toilette de Bruno X…, qu’il avait laissé une fois assis sur la terrasse mouillée, toujours dans le souci de ne pas le contrarier ; que M. Z…, qui a été licencié pour faute grave le 21 février 2011, plaide sa relaxe en faisant valoir que, si la matérialité des faits rapportés est acquise, son attitude inadaptée, si elle est constitutive d’insuffisance professionnelle, ne saurait s’analyser en des actes de violences volontaires sur personne particulièrement vulnérable ; que la question se pose de savoir si les actes ci-dessus exposés, pour lesquels des témoignages ont été recueillis et dont le prévenu reconnaît la matérialité, constituent des violences volontaires n’ayant pas entraîné d’incapacité totale de travail pour Bruno X…, personne particulièrement vulnérable ; (¿) que la pathologie dont Bruno X… souffrait (¿) a (¿) été décrite par plusieurs témoins qui indiquent qu’il était atteint de trisomie 21 et d’autisme ; que le prévenu ne conteste pas qu’il s’agissait d’une personne particulièrement vulnérable ; (¿) que M. Z…, quand il a été embauché par l’A. C. A. I. S. le 1er septembre 1980, a signé une fiche de fonction où il était notamment mentionné qu’il s’engageait à veiller au bien-être, au respect de l’intégrité et de l’intimité des résidents ainsi qu’à leur sécurité ; que l’attitude que M. Z… reconnaît avoir eue envers Bruno X… est, pour le moins, éloignée de son engagement et des valeurs que l’on est en droit d’attendre de la part d’un aide médico-psychologique envers un malade dont il a la charge ; que ceci étant, le droit n’est pas la morale ; que compte tenu des insuffisances de l’enquête, plus moralisatrice que juridique, les agissements de M. Z… envers Bruno X…, s’ils sont caractéristiques de négligence professionnelle et auraient pu être susceptibles de constituer des violences habituelles, ne peuvent s’analyser en des faits de violences volontaires tels que visés à la prévention ; qu’une requalification des faits est impossible car les éléments constitutifs de l’infraction de violences habituelles et de celle de violences volontaires avec incapacité totale de travail sur personne particulièrement vulnérable, sont différents ; que pour l’essentiel, il ne s’agit pas d’actes positifs mais, au contraire, de gestes d’omission que M. Z… justifie par l’état de santé de Bruno X…, qu’aucune pièce médicale ne vient décrire ; que l’élément moral, voire même l’élément matériel de l’infraction poursuivie contre lui, font défaut ; qu’il s’agit, non pas de violences volontaires, mais de faits éventuellement susceptibles de constituer des brimades répétées ; qu’il résulte de l’ensemble de ce qui précède que l’infraction reprochée à M. Z… n’est pas caractérisée et qu’il doit être renvoyé des fins de la poursuite ; qu’en conséquence, sauf à procéder par substitution de motifs, le jugement frappé d’appel sera confirmé en ce qu’il a renvoyé le prévenu des fins de la poursuite ;
" 1°) alors que nul ne peut être soumis à des traitements inhumains ou dégradants ; que ne peut être justifié par l’état de santé d’une personne atteinte de trisomie et d’autisme, incapable de pourvoir seul aux actes de la vie courante, même sujette aux vomissements après les repas, le fait de ne pas lui donner à manger du tout pendant 24 heures et même 48 heures, de lui donner à manger dehors y compris en hiver, de la laisser assise dehors sur la terrasse mouillée après l’avoir lavée suite à des vomissements au point qu’un autre membre du personnel, traumatisé par cette scène, soit intervenu pour l’emmenée à l’intérieur et la changer, et de lui faire subir des brimades ; que la cour a violé le principe susénoncé ;
" 2°) alors que les violences « habituelles » prévues et réprimées par l’article 222-14 du code pénal ne sont qu’une déclinaison des violences prévues et réprimées par l’article 222-13 2° du même code ; qu’en déclarant que les faits poursuivis étaient susceptibles de constituer des violences habituelles et en refusant de les punir comme violences dans le cadre de sa saisine, la cour a méconnu son office et violé les textes visés ci-dessus ;

«  3°) alors que les faits caractérisés par la cour d’appel dans les motifs ci-dessus cités et notamment le fait, pour le professionnel en charge des soins quotidiens, de priver de repas une personne lourdement handicapée, incapable de pourvoir seule aux actes de la vie courante, au motif qu’elle vomissait, constituent des actes de violence au sens de l’article 222-13 du code pénal ; que la cour n’a pas tiré les conséquences légales de ses propres constatations ;
" 4°) alors que les brimades peuvent constituer des violences volontaires sur personne vulnérable ; que les faits reprochés au prévenu, tels que synthétisés par l’arrêt, ne caractérisaient pas exclusivement des omissions (notamment, fait de donner à manger dehors y compris en hiver à une personne lourdement handicapée, incapable de pourvoir seule aux actes de la vie courante) ; qu’en se déterminant au motif impropre à exclure tout acte positif de violence, que « pour l’essentiel », il s’agissait d’omissions, la cour a privé sa décision de base légale ;
" 5°) alors que le juge pénal est saisi in rem ; que le caractère habituel ou répété des violences commises par M. Z… était dans le débat ; qu’en écartant toute possibilité de requalification au motif que « les éléments constitutifs de l’infraction de violences habituelles et de celle de violences volontaires avec incapacité totale de travail sur personne particulièrement vulnérable, sont différents », la cour a méconnu sa saisine ;
" 6°) alors que les juges du fond, qui ne sont pas liés par la qualification donnée à la prévention, ont le devoir de restituer aux faits dont ils sont saisis leur véritable qualification ; que la seule différence des éléments constitutifs entre la qualification nouvellement envisagée et celle visée à la prévention n’interdit nullement la requalification des faits, toujours possible, pour peu que les juges invitent le prévenu à s’expliquer sur la nouvelle qualification ; que la cour a méconnu son office » ;
Vu l’article 593 du code de procédure pénale ;

Attendu que tout jugement ou arrêt doit comporter les motifs propres à justifier la décision ; que l’insuffisance ou la contradiction des motifs équivaut à leur absence ;
Attendu qu’il résulte de l’arrêt attaqué et des pièces de procédure que M. Z…, aide médico-psychologique dans un établissement accueillant des personnes handicapées, a été poursuivi sur le fondement de l’article 225-13 du code pénal, pour avoir commis des violences n’ayant pas entraîné d’incapacité de travail sur la personne de Bruno X…, confié à cet établissement et présentant une particulière vulnérabilité en raison d’un lourd handicap mental ;
Attendu que, pour débouter les parties civiles de leurs demandes à l’issue de la relaxe du prévenu, après avoir énoncé que les faits reprochés, dont la matérialité était acquise, consistaient notamment, compte-tenu de vomissements de Bruno X…, à ne pas le nourrir, ou à le faire manger dehors y compris en hiver, à l’y laisser ensuite et à ne pas avoir lavé quotidiennement ce pensionnaire, l’arrêt relève que les agissements de M. Z… sont caractéristiques de négligence professionnelle et auraient pu être susceptibles de constituer des violences habituelles, mais ne peuvent s’analyser en des faits de violences volontaires visés à la prévention ; que les juges ajoutent qu’il s’agit essentiellement de gestes d’omission que le prévenu justifie par l’état de santé de Bruno X… qu’aucune pièce médicale ne vient décrire et non d’actes positifs, que l’élément moral, voire même l’élément matériel de l’infraction poursuivie contre lui, font défaut et que ces faits éventuellement susceptibles de constituer des brimades répétées ne constituent pas des violences volontaires ;
Mais attendu qu’en statuant ainsi, par des motifs contradictoires, excluant que des brimades puissent constituer des violences au sens de l’article 222-13 du code pénal, la cour d’appel n’a pas justifié sa décision ;
D’où il suit que la cassation est encourue ;

Par ces motifs :
CASSE et ANNULE, l’arrêt susvisé de la cour d’appel de Caen, en date du 17 juin 2013, en ses seules dispositions civiles, toutes autres dispositions étant expressément maintenues ;
Et pour qu’il soit à nouveau statué, conformément à la loi, dans les limites de la cassation ainsi prononcée ;

RENVOIE la cause et les parties devant la cour d’appel de Rouen, à ce désignée par délibération spéciale prise en chambre du conseil ;
DIT n’y avoir lieu à application de l’article 618-1 du code de procédure pénale ;
ORDONNE l’impression du présent arrêt, sa transcription sur les registres du greffe de la cour d’appel de Caen et sa mention en marge ou à la suite de l’arrêt partiellement annulé ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre criminelle, et prononcé par le président le vingt-quatre juin deux mille quatorze ;
En foi de quoi le présent arrêt a été signé par le président, le rapporteur et le greffier de chambre ;

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