Cour de cassation, Chambre civile 1, 15 juin 2016, 15-14.068, Publié au bulletin

  • Exercice sur le poste "dépenses de santé actuelles"·
  • Sécurité sociale, assurances sociales·
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  • Tiers responsable·
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  • Tierce personne·
  • Handicap

Chronologie de l’affaire

Résumé de la juridiction

Le recours subrogatoire d’une caisse au titre des frais exposés avant la consolidation, pour la prise en charge du séjour d’un enfant dans un centre de rééducation fonctionnelle, qui incluent notamment des soins médicaux et paramédicaux, s’exerce sur le poste « dépenses de santé actuelles »

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Dahbia Zegout · Gazette du Palais · 20 septembre 2016
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Sur la décision

Référence :
Cass. 1re civ., 15 juin 2016, n° 15-14.068, Publié au bulletin
Juridiction : Cour de cassation
Numéro(s) de pourvoi : 15-14068
Importance : Publié au bulletin
Décision précédente : Cour d'appel d'Aix-en-Provence, 12 novembre 2014, N° 13/03441
Textes appliqués :
article L. 376-1 du code de la sécurité sociale ; article 31 de la loi n° 85-677 du 5 juillet 1985
Dispositif : Cassation partielle
Date de dernière mise à jour : 20 avril 2022
Identifiant Légifrance : JURITEXT000032732373
Identifiant européen : ECLI:FR:CCASS:2016:C100682
Lire la décision sur le site de la juridiction

Sur les parties

Texte intégral

CIV. 1

CH.B

COUR DE CASSATION

______________________

Audience publique du 15 juin 2016

Cassation partielle

Mme BATUT, président

Arrêt n° 682 F-P+B

Pourvoi n° B 15-14.068

R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

_________________________

LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, a rendu l’arrêt suivant :

Statuant sur le pourvoi formé par la caisse primaire d’assurance maladie du Var, dont le siège est [Adresse 6],

contre l’arrêt rendu le 13 novembre 2014 par la cour d’appel d’Aix-en-Provence (10e chambre civile), dans le litige l’opposant :

1°/ à M. [C] [E], domicilié [Adresse 4],

2°/ à la société Le Sou médical, dont le siège est [Adresse 1],

3°/ à la société Clinique du Cap d’or, dont le siège est [Adresse 5],

4°/ à M. [D] [B], domicilié [Adresse 3], agissant tant en son nom personnel qu’en qualité d’administrateur légal de [M] [B],

5°/ à Mission nationale de contrôle et d’audit des organismes de sécurité sociale (MNC), dont le siège est [Adresse 2],

défendeurs à la cassation ;

M. [B] a formé un pourvoi incident contre le même arrêt ;

La demanderesse au pourvoi principal invoque, à l’appui de son recours, le moyen unique de cassation annexé au présent arrêt ;

Le demandeur au pourvoi incident invoque, à l’appui de son recours, le moyen unique de cassation annexé au présent arrêt ;

Vu la communication faite au procureur général ;

LA COUR, en l’audience publique du 18 mai 2016, où étaient présentes : Mme Batut, président, Mme Duval-Arnould, conseiller rapporteur, Mme Kamara, conseiller doyen, Mme Pecquenard, greffier de chambre ;

Sur le rapport de Mme Duval-Arnould, conseiller, les observations de la SCP Foussard et Froger, avocat de la caisse primaire d’assurance maladie du Var, de la SCP Boré et Salve de Bruneton, avocat de M. [B], de la SCP Célice, Blancpain, Soltner et Texidor, avocat de M. [E], de la SCP Gatineau et Fattaccini, avocat de la société Clinique du Cap d’or, de la SCP Richard, avocat de la société Le Sou médical, et après en avoir délibéré conformément à la loi ;

Donne acte à la caisse primaire d’assurance maladie du Var (la caisse) du désistement de son pourvoi à l’égard de la Mission nationale de contrôle et d’audit des organismes de sécurité sociale ;

Sur le moyen unique du pourvoi incident, ci-après annexé :

Attendu que ce moyen n’est manifestement pas de nature à entraîner la cassation ;

Mais sur le moyen unique du pourvoi principal, pris en sa première branche :

Vu les articles L. 376-1 du code de la sécurité sociale et 31 de la loi n° 85-677 du 5 juillet 1985 ;

Attendu, selon l’arrêt attaqué, que [T] [B] est décédée, à la suite d’une crise d’éclampsie, après avoir, le [Date naissance 1] 2000, donné naissance par césarienne, à la clinique du [Établissement 1], à l’enfant [M] [B], demeurée gravement handicapée ; qu’à l’issue d’actions en responsabilité engagées par M. [B], son mari, agissant tant en son nom personnel qu’en qualité d’administrateur légal de leur fille mineure, a été retenue l’existence de fautes dans la prise en charge de [T] [B], imputables à Mme [F], sage-femme salariée, et à M. [E], médecin gynécologue de garde, exerçant à titre libéral au sein de la clinique ; que celle-ci, en sa qualité de commettant de Mme [F], la société Le Sou médical, assureur de cette dernière, et M. [E] ont été condamnés in solidum à réparer, sur le fondement de la perte de chance, à hauteur de 66 %, le dommage lié au décès de [T] [B] et celui subi par [M] [B] ; qu’en l’absence de consolidation de son état, différentes indemnités provisionnelles ont été allouées à l’intéressée, représentée par son père, ainsi qu’à la caisse ;

Attendu que, pour écarter le recours de cette dernière sur le poste « dépenses de santé actuelles », au titre de la prise en charge des frais de séjour de [M] [B] dans un centre de rééducation fonctionnelle, l’arrêt retient que les dépenses de la caisse sont afférentes à l’assistance d’une tierce personne dont l’enfant a besoin, que des sommes au titre de cette assistance sont aussi dues lorsque celle-ci est chez son père et qu’aucune provision ne peut être allouée à cet organisme social en raison de la limitation du droit à indemnisation et de la règle de la priorité à la victime qui rend impossible le calcul même prévisionnel de ses droits ;

Qu’en statuant ainsi, alors que le recours de la caisse au titre de ces frais exposés avant la consolidation, qui incluent notamment des soins médicaux et paramédicaux, doit s’exercer sur le poste « dépenses de santé actuelles », la cour d’appel a violé les textes susvisés ;

PAR CES MOTIFS et sans qu’il y ait lieu de statuer sur la seconde branche du moyen du pourvoi principal :

Rejette le pourvoi incident ;

CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu’il rejette la demande de provision de la caisse primaire d’assurance maladie du Var au titre de la prise en charge des frais de séjour de [M] [B] au centre de rééducation fonctionnelle de [Établissement 2], l’arrêt rendu le 13 novembre 2014, entre les parties, par la cour d’appel d’Aix-en-Provence ; remet, en conséquence, sur ce point, la cause et les parties dans l’état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d’appel de Montpellier ;

Condamne in solidum M. [E], la société Clinique du Cap d’or et la société Le Sou médical aux dépens ;

Vu l’article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;

Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l’arrêt partiellement cassé ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, première chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du quinze juin deux mille seize.

MOYENS ANNEXES au présent arrêt.

Moyen produit AU POURVOI PRINCIPAL par la SCP Foussard et Froger, avocat aux Conseils, pour la caisse primaire d’assurance maladie du Var.

L’arrêt attaqué encourt la censure ;

EN CE QU’ il a, infirmant le jugement, dit n’y avoir lieu à octroi de provision au profit de la CPAM DU VAR au titre de la prise en charge du coût de séjour au centre de rééducation fonctionnelle de [Établissement 2] ;

AUX MOTIFS QUE « * Dépenses de santé actuelles. La Cpam présente une créance provisoire de 56.172,06¿ au titre des frais d’hospitalisation, des frais médicaux et pharmaceutiques, des actes infirmiers de soins, des frais de transport, d’appareillage, de massages, de soins d’orthophoniste, exposés du 18/11/2000 au 27 janvier 2012. La victime n’invoque elle-même aucun frais de cette nature restés à sa charge pour cette période. Eu égard au taux de perte de chance indemnisable, une provision de 37.000, e peut être accordée à ce titre à cet organisme social qui conformément à l’article 1153 du code civile porte intérêts au taux légal et compter du 29/03/2012, date des premières conclusions en réclamant paiement. * Assistance de tierce personne. [M] [B] ne sollicite l’évaluation judiciaire provisionnelle de l’assistance de tierce personne que pour les périodes où elle est au domicile de son père ; pour les périodes où elle est en institut de réadaptation, cet hébergement qui couvre les besoins en tierce personne est intégralement pris en charge par l’organisme social lors de sa présence au domicile. La nécessité de la présence auprès de [M] [B] d’une tierce personne n’est pas contestée ni dans son principe mais est discutée dans son étendue dans son coût. Quelles que soient les modalités choisies par la victime, le tiers responsable est tenu de l’indemniser pour le recours à cette aide humaine indispensable qui doit tendre à l’aider dans les actes de la vie quotidienne, préserver sa sécurité, suppléer sa perte d’autonomie pour lui permettre d’avoir une qualité de vie en rapport avec ses capacités. Dans son rapport de décembre 2011, le docteur [L] indique que [M] présente une totale dépendance pour tous les actes de la vie courante, qu’elle est en semi-internat dans un institut spécialisé mais tout le reste du temps elle est prise totalement en charge par son père qui a dû renoncer à toute activité professionnelle, déménager dans un rez-de-chaussée et doit faire encore des aménagements à son domicile ; de surcroît, [M] nécessite en permanence la présence de quelqu’un pour l’aider dans ses déplacements et les gestes de la vie quotidienne ; la difficulté de cette prise en charge ne fait que se majorer du fait de la croissance et du poids de [M] qui atteint presque 30 kilos, problème qui ne pourra que s’aggraver au fil des années. Dans son précédent rapport du 29 juin 2009 il précisait que [M] avait été admise en crèche puis à 3 ans dans une école spécialisée à [Localité 2] et à compter de septembre 2008 avait été admise à l’institut de rééducation fonctionnelle [Établissement 2] à [Localité 1]. En application du principe de la réparation intégrale, le montant de l’indemnité allouée au titre de l’assistance d’une tierce personne ne saurait être réduit en cas d’aide familiale ni subordonné à la production des justificatifs des dépenses effectuées. Elle est due depuis le retour à domicile le 4 janvier 2001, 24 heures sur 24 heures, l’expert soulignant sa permanence, sans tire de distinction entre aide active et passive ; au demeurant, la description du degré d’autonomie de [M] atteste qu’elle est entièrement dépendante d’une tierce personne tant pour ses déplacements que pour la toilette et l’habillage, qu’elle doit également être aidée pour les repas sans aucun espoir d’amélioration puisque l’acquisition d’une autonomie n’est pas envisageable selon le technicien judiciaire ; l’ampleur de l’aide requis n’est donc pas sérieusement discutable, [M] ne peut et ne pourra, notamment, jamais faire face seule à une situation de danger. Au stade provisionnel, le premier juge a à bon droit, déduit de cet horaire le temps passé en crèche, puis à l’école, puis à, l’institut de rééducation fonctionnelle, soit un besoin d’aide pendant son séjour au domicile durant 157 jours de week-end et congés à raison de 24 heures par jour et durant 208 jours par an à raison de 16 heures par jour, jusqu’au 31 octobre 2014, sauf à déduire les 4 mois passés à l’hôpital ; la période antérieure aux trois ans de l’enfant ne saurait être exclue ; en effet le lourd handicap du bébé exige un supplément d’assistance et de surveillance qui excède la fonction parentale et qui doit être supportée par celui qui a modifié le contenu de cette prise en charge. Au vu des tarifs d’aide à domicile en vigueur dans la région, de la nature de l’aide requise, eu égard au handicap qu’elle est destinée à compenser, le coût de cette tierce personne ne peut être évalué sur une base inférieure 16¿ de l’heure, ce qui donne une indemnité annuelle de 113.536 € [(16 h x 16 €x 208 jours) + (24 h x 16 € x 157 jours) soit pour 13 ans et 10 mois du 4 janvier 2001 au 31 octobre 2014 une somme de 1.570.581,33 € soit déduction faite des 4 mois d’hospitalisation (24 h x 16 € x 120 jours = 46.080 €) la somme de 1.1.524.501,33 €, indemnisable à hauteur de 1.006.170,87 € eu égard au taux de perte de chance retenu. Pour l’avenir et jusqu’à l’âge de sa majorité soit le 18/11/2018, le montant annuel de 113.536 € sera payée à compter du 1er novembre 2014 sous forme de rente trimestrielle d’un montant de 28.384¿ ramené et 18.733,44¿ pour tenir compte du taux de perte de chance retenu et indexée conformément aux dispositions de l’article L 434-17 du code de la sécurité sociale lors de sa présence en établissement. La Cpam mentionne dans son décompte provisoire du 29 juillet 2013 une dépense de 170.997,72 € au titre du séjour de [M] au centre de rééducation fonctionnelle [Établissement 2] à [Localité 1] 8 heures par jour 5 jours par semaine, hors semaines de congés. Aucune provision ne peut, cependant être allouée à cet organisme social en raison de la limitation du droit à indemnisation et de la règle de la priorité à la victime qui rend impossible le calcul même prévisionnel de ses droits » ;

ALORS QUE, premièrement, les recours subrogatoires des tiers payeurs, qu’ils soient formés à titre provisionnel ou définitif, s’exercent poste par poste sur les seules indemnités qui réparent des préjudices qu’ils ont pris en charge ; que les frais engagés par la CPAM à raison de la prise en charge d’un séjour en centre de rééducation fonctionnelle dès avant la consolidation s’imputent sur le poste des dépenses de santé actuelles ; qu’en retenant toutefois, pour écarter la demande de provision formulée par la CPAM, que les frais engagés au titre de la prise en charge du séjour de la victime au centre de rééducation fonctionnelle de [Établissement 2] s’imputaient sur le poste des frais divers, au titre de l’assistance à tierce personne, les juges du fond ont violé l’article 31 de la loi n° 85-677 du 5 juillet 1985 ;

ALORS QUE, deuxièmement, dès lors que la CPAM faisait précisément valoir que les frais engagés au titre de la prise en charge du séjour de la victime au centre de rééducation fonctionnelle de [Établissement 2] s’imputaient sur le poste des dépenses de santé actuelles, il était exclu que les juges du fond retiennent que ces frais s’imputent sur le poste des frais divers, au titre de l’assistance à tierce personne, sans s’expliquer plus avant ; que ce faisant, les juges du fond ont à tout le moins privé leur décision de base légale au regard de l’article 31 de la loi n° 85-677 du 5 juillet 1985.Moyen produit AU POURVOI INCIDENT par la SCP Boré et Salve de Bruneton, avocat aux Conseils, pour M. [B].

Il est fait grief à l’arrêt attaqué d’AVOIR dit que la perte de chance au titre du handicap s’établit à hauteur de 66% et d’AVOIR, en conséquence, condamné in solidum M. [E], la SAS Clinique du Cap d’Or et la société Le Sou Médical à payer à M. [B], en son nom personnel la somme de 19.800 euros au titre de son préjudice moral du fait du handicap de sa fille [M] et à Mlle [M] [B], représentée par son père, la somme provisionnelle totale de 1.395.570,80 euros au titre de son déficit fonctionnel temporaire, de son déficit fonctionnel permanent et de l’indemnité de tierce personne de la naissance à ce jour et une rente provisionnelle trimestrielle de 18.733,44 euros à compter du 1er novembre 2014 jusqu’au 19 novembre 2018 au titre de l’indemnité tierce personne indexée conformément aux dispositions de l’article L. 434-17 du Code de la sécurité sociale dont le versement sera suspendu en cas d’hospitalisation d’une durée supérieure à 45 jours prise en charge par un organisme de sécurité sociale ;

AUX MOTIFS QUE Sur l’action en recherche de responsabilité de M. [B], en sa double qualité.

Devant la cour M. [B] agissant tant à titre personnel qu’en sa qualité de représentant légal de sa fille mineure [M] sollicite la condamnation in solidum d’une part de la Sa Clinique du Cap d’Or non pas à titre propre pour défaut d’organisation du service mais du chef des agissements d’une sage-femme salariée, Mme [F], à l’exclusion de Mme [V] et, d’autre part, de M. [E], obstétricien de garde exerçant à titre libéral au sein de cet établissement, tant au titre du décès de la mère que du handicap de l’enfant.

La responsabilité de la clinique en sa qualité de commettant a déjà été consacrée par le précédent arrêt de la cour d’appel d’Aix-en-Provence du 15 octobre 2008 qui a retenu l’existence d’une faute caractérisée, en relation de causalité avec un préjudice subi défini comme « la perte d’une chance d’éviter la crise d’éclampsie ensuite survenue pendant laquelle l’enfant qu’elle portait a présenté des signes de souffrances qui n’ont pu être prises en compte et, en définitive, une chance de survie » et qui l’a condamnée à « réparer les conséquences dommageables en découlant directement, parmi lesquelles la souffrance de l’enfant et le préjudice corporel en résultant pour la jeune [M] », arrêt qui est devenu irrévocable sur ces points.

La Sa Le Sou Médical, partie à cette décision, ne peut remettre en cause le principe même de la responsabilité de Mme [F].

Seule la détermination de l’étendue de ce préjudice a été réservée dans l’attente d’une nouvelle mesure d’instruction ordonnée.

La responsabilité de l’obstétricien a été admise par le jugement entrepris mais elle fait l’objet de critiques de la part de l’intéressé et est donc soumise à l’appréciation de la cour.

sur les données de l’expertise

L’expert [S] indique que « le 17 novembre 2000 à 18 h 30, Mme [B] au terme de 40 semaines se rend à la clinique parce qu’elle souffre de maux de tête et de douleurs abdominales et vomit ; elle est examinée par Mme [F] qui note sur le dossier médical qu’elle vient pour des contractions utérines avec retour au domicile avec consignes d’usage.

Ni la mesure de pression artérielle ni la recherche d’albumine dans les urines ne sont réalisées.

Elle revient à la clinique dans la nuit le 18/11/2000; elle est alors reçue par la sage-femme de garde, Mme [V] qui écrit dans le dossier à 2 h 20 « patiente qui arrive se plaignant de douleurs depuis le matin et tout particulièrement sous forme de barre épigastrique et de maux de tête violents. Pression artérielle 160/105 mmHg, monitorage CU peu marquées, TV en travail col 4cm, présentation céphalique, poche des eaux intacte.

Appel au docteur [E] (à 2 h 25) perfusion Catapressan à la pompe, 10 gouttes et augmenter jusqu’à ça que la TA diminue (prescription faite par téléphone); Appel labo en urgence.

3 H : TA 228/128 mm Hg, TV col à 8 cm, appel au docteur [E].

3 h 30 arrivée du docteur [E], arrivée du docteur [X]. 3 h 45 préparation à la pose de la péridurale. 4 H convulsion. Dr [X] anesthésie générale. Décision de césarienne ».

La feuille de surveillance continue de la pression artérielle indique à partir de 2 h 45 des chiffres extrêmement inquiétants : 228/128 mmHg pour une normale qui ne doit pas dépasser 140/90 mmHg puis 218/128, 218/143 jusqu’à 208/139 à 3 h 33 dont des valeurs très anormales malgré le traitement hypertenseur intraveineux commencé à 2 h 30. Dans les urines l’albumine sera dosée à 80 gr, un chiffre considérablement élevé, la normale ne dépassant pas 0,3 gr/1.

Le monitorage qui commence à 2 h 18 va rester normal jusqu’à 4 h 30. Il se produit alors une brusque chute du rythme cardiaque foetal (bradycardie) contemporaine d’une crise convulsive d’éclampsie dont a été victime Mme [B]. L’intervention césarienne aussitôt décidée à 4 h 30. Mme [B] est transférée en salle d’opération. La césarienne est commencée à 4 h 50 (incision sur la feuille d’anesthésie). [M] naît à 5 h, trente minutes après la décision de césarienne.

Après la césarienne Mme [B] reçoit en perfusion le médicament Nalador en prévention des hémorragies de la délivrance. Les saignements utérins restent malgré tout abondants. Sa pression artérielle est de 90/40 mm Hg en fin d’intervention. Sur le compte rendu opératoire il est noté « suffusion hémorragique de la plaie utérine placentaire et de la paroi », signes qui indiquent que Mme [B] souffre de troubles de la coagulation du sang secondaire à la crise d’éclampsie.

Elle est transfusée et transférée à l’hôpital en état de choc hémodynamique à 9 heures et son décès sera prononcé le 19 novembre 2000 à 6 h 15 » malgré les soins reçus (embolisation des artères utérines, hystérectomie d’hémostase, et une troisième laparotomie).

Il explique que « l’éclampsie est une complication paroxystique de l’hypertension de la femme enceinte qui se produit une fois sur deux au cours de la première grossesse et succède à la pré-éclampsie qui se définit comme l’association d’une hypertension et d’une protéinurie, l’albumine dans les urines chez une femme enceinte, un seul des deux symptômes suffisant à l’identifier d’autant que toujours l’autre symptôme vient s’ajouter à brève échéance. Les deux principaux symptômes qui annoncent l’imminence de la crise d’éclampsie, son déclenchement tout proche : la douleur épigastrique en barre et les maux de tête, accessoirement une importante prise de poids avec oedème du visage.

Le seul traitement de sécurité pour la pré éclampsie sévère/ l’éclampsie est l’interruption de la grossesse à cause des risques que comporterait pour la mère et pour le foetus la survenue des crises convulsives. L’imminence d’une crise d’éclampsie, l’éclampsie elle-même obligent à interrompre la grossesse par césarienne ou par accouchement provoqué. Cette décision s’impose quel que soit le terme de la grossesse.

Les troubles de la coagulation sanguine sont constamment présents à des degrés de gravité divers quand se produit une crise d’éclampsie. La seule chance de survie est une terminaison immédiate de la grossesse, par intervention césarienne en pratique, dès les premiers signes biologiques de trouble de coagulation ».

Il poursuit que « dès l’appel de Mme [V] au docteur [E] le 8/11/2000 à 2 h 25, Mme [B] présentait tous les symptômes caricaturaux d’une pré-éclampsie sévère, les violents maux de tête, la douleur épigastrique en barre et de très importants oedèmes des membres inférieurs. A l’admission la pression artérielle était de 160/105, déjà élevée et à 2 h 45 à 228/128. Il n’était alors pas possible d’ignorer que Mme [B] était atteinte d’une prééclampsie classifiée comme sévère et risquait à tout moment une crise d’éclampsie et des troubles majeurs de l’hémostase sanguine. La seule chance pour Mme [B] d’éviter éventuellement ces complications et pour sa fille un handicap était une décision d’intervention césarienne sans délai, au plus tard à 3 h. [M] devait naître au plus tard une demi-heure après à 3 h 30. Si à 3 heures les tests de coagulation du sang étaient normaux, la protéinurie était incroyablement élevée à 80 gr/l, signant le caractère extrêmement sévère de la pré-éclampsie et le risque imminent, à tout moment d’une crise d’éclampsie. Il est dès lors difficile de comprendre pourquoi le docteur [E] ne s’est pas aussitôt rendu à la clinique, il aurait lui-même constaté la rapide dégradation des chiffres de pression artérielle en dépit du Catapressan administré. Bien que l’habitude en ait été largement conservée à l’époque des faits, il n’était déjà pas conforme aux pratiques pour un médecin de faire ses prescriptions par téléphone, surtout pour un médicament aussi lourd. Le seul vrai traitement en réalité aurait été pour Mme [B] dont la pré-éclampsie était particulièrement menaçante une intervention césarienne sans délai.

Pour une primipare dont le col utérin est dilaté à 8 cm les délais jusqu’à la naissance sont trop incertains pour prendre le risque de tabler sur un accouchement dans les trente minutes suivantes.

Toute décision de césarienne qui aurait fait naître [M] à n’importe quel moment avant la crise d’éclampsie de 4h, ce qui était largement justifié, lui aurait épargné l’asphyxie foetale qui est à l’origine de son déficit neurologique ».

Il estime qu’il « n’est pas établi qu’une césarienne plus précoce aurait certainement mis Mme [B] à l’abri de la crise convulsive et des troubles de la coagulation sanguine qui l’ont accompagnée et qui seront la cause tragique de son décès…, les crises d’éclampsie pouvant commencer ou se reproduire après la naissance. Mais plus la césarienne aurait été précoce, moins les complications auraient été probables ou sévères, c’est-à-dire menaçant le pronostic vital. Une césarienne en dû temps aurait d’autant plus évité le décès de Mme [B] qu’à 3 heures ses tests de coagulation sanguine étaient normaux et que, s’ils s’étaient détériorés, après la césarienne, ils auraient été maîtrisables par les transfusions sanguines et le plasma frais congelé.

La prise en charge par le docteur [X] n’est pas critiquable ni les soins prodigués par l’hôpital ».

Sur les fautes du médecin

Les actes médicaux litigieux ayant été réalisés avant le 5 septembre 2001, soit antérieurement à l’entrée en vigueur de la loi du 4 mars 2002, la responsabilité de M. [E] est régie par l’article 1147 du code civil.

Il se forme, en effet, entre le médecin et son patient un véritable contrat comportant pour le praticien l’engagement de donner des soins attentifs, consciencieux, et, sous réserve de circonstances exceptionnelles, conformes aux données acquises de la science ; la violation même involontaire de cette obligation, qui revêt la nature juridique d’une obligation de moyens, engage sa responsabilité contractuelle.

Au vu du rapport d’expertise judiciaire de M. [S] dressé au contradictoire de toutes les parties et de l’ensemble des éléments versés aux débats, des négligences de l’obstétricien en relation de causalité avec le préjudice subi, dont la charge de la preuve pèse sur celui qui l’invoque, sont caractérisées, eu égard au comportement approprié qu’aurait dû avoir, à la date des soins, un médecin normalement avisé, diligent et compétent, placé dans la même situation.

M. [E] a été défaillant dans la prise en charge de Mme [B] pendant sa nuit de garde du 18 novembre 2000.

Ce médecin n’a pas diagnostiqué sa pré-éclampsie alors qu’elle présentait tous les signes d’une pré-éclampsie sévère et n’a pas pris la décision qui s’imposait de se rendre immédiatement au chevet de cette patiente et de procéder à une césarienne sans délai.

Il s’est contenté de prescrire du Catapressan et des examens biologiques par téléphone à la sage-femme qui l’avait informée de la situation anormale à 2 h 25 et d’arriver à la clinique une heure plus tard à 3 h 25, alors que son domicile est distant de la clinique de 15 minutes seulement, après un deuxième appel à 3 heures signalant que la tension artérielle continuait d’augmenter.

Or l’expert [S] est formel sur la présence manifeste, dès le premier appel, de tous les signes (violents maux de tête, douleur épigastrique en barre, oedèmes des membres inférieurs) d’une pré-éclampsie, allant jusqu’à qualifier les symptômes présentés de « caricaturaux ».

Il est tout aussi catégorique sur la situation d’urgence qu’elle constituait.

M. [E] affirme, certes, qu’il n’a pas été avisé par la sage-femme de l’existence des maux de tête et de la douleur épigastrique ; mais outre que cette prétention apparaît peu plausible, car Mme [V] qui avait pris soin de noter sur le dossier de Mme [B] à 2 h 20 « patiente qui arrive se plaignant de douleurs depuis le matin et tout particulièrement sous forme de barre épigastrique et de maux de tête violents » (page 10 du rapport [N] du 28 février 2003 et page 5 du rapport [S] du 15/12/2011) n’a pu le déranger en pleine nuit (alors qu’il n’y avait pas d’autre femme en travail à la clinique) que pour une situation sérieuse qui dépassait ses compétences, de sorte qu’il se devait nécessairement, face à une tension artérielle très élevée, de l’interroger spécifiquement pour parfaire son diagnostic, au besoin.

L’expert [S] explique que la douleur épigastrique en barre signifiait qu’il s’était déjà produit des saignements dans la capsule du foie, source de la douleur ; la seule chance alors d’éviter les troubles irréversibles de l’hémostase était d’interrompre la grossesse sans délai.

M. [E] a, d’ailleurs, lui-même déclaré au premier collège d’expert (page 12 du rapport du 30/10/2002) qu’à son arrivée Mme [B] présentait une tension artérielle élevée (22/12) et des oedèmes importants aux jambes qu’il a qualifiés d’alarmants.

Or l’expert [S] est formel : la sévérité du tableau clinique faisait craindre l’imminence d’une crise d’éclampsie « et la seule chance pour Mme [B] d’éviter éventuellement ces complications et pour sa fille un handicap était une décision d’intervention césarienne sans délai » ; il ajoute que s’agissant d’une primipare les délais jusqu’à la naissance sont trop incertains et que « le docteur [E] ne pouvait pas espérer une naissance dans un délai inférieur à trente minutes ; la dilatation, du col utérin n’a pas progressé entre 3 h 20 et 4 heures. La bonne décision eut été de faire immédiatement transférer Mme [B] au bloc opératoire et de réévaluer la situation obstétricale au bloc » (page 15 du-dernier rapport) et rappelle que « plus est précoce la césarienne, plus les risques de convulsion et de troubles de l’hémostase sont réduits ».

M. [E] a demandé une protéinurie, dont il n’a eu le résultat du laboratoire que plus tard, mais il n’a pas demandé simultanément (alors que de l’urine avait été recueillie pour ce dosage pondéral) une évaluation immédiate en salle de travail de la protéinurie sur simple bandelette dont le résultat aurait confirmé la pré-éclampsie sévère ; alors que des délais sont nécessaires pour mobiliser le personnel, il n’a pas non plus demandé d’ouvrir le bloc opératoire, ni par téléphone ni à son arrivée ; il a décidé de procéder à l’accouchement par voie basse et non par césarienne ; or, tous les experts sont unanimes pour dire qu’une crise d’éclampsie survenant au voisinage du terme nécessite une réanimation adaptée et une extraction de l’enfant s’il est encore vivant (page 19 du rapport [N], page 13 du rapport [S]) ; cette crise est survenue à 4 heures et la césarienne a été décidée à ce moment-là mais commencée à 4 h 50 après transfert au bloc opératoire à 4 h 30 après traitement de Mme [B] par le docteur [X].

La défaillance fautive de ce chirurgien est, ainsi, caractérisée pour avoir mal apprécié l’état obstétrical réel de Mme [B] et sous-estimé l’urgence de la situation et n’avoir pas, par la même, apporté les soins les plus appropriés.

L’expert [S] explique « le docteur [E] aurait témoigné de sa compréhension de l’urgence si, dès son arrivée à la clinique, il avait fait transférer Mme [B] en salle d’opération, s’il l’avait placée en position d’accouchement et initié immédiatement les efforts expulsifs, quitte à compléter au doigt la dilatation du col utérin.

Compte tenu des signes d’alerte d’éclampsie, cette situation était prévisible et le docteur [E] pouvait l’anticiper, en faisant ouvrir dès 3 h le bloc opératoire, en y transférant Mme [B] à 3h 30, en activant l’accouchement ou surtout en décidant sans délai d’une césarienne d’urgence, avant la crise d’éclampsie » (pages 23 et 24 du rapport).

M. [E] ne peut pour éluder sa responsabilité invoquer les négligences commises par la première sage-femme, Mme [F], ou par la deuxième sage-femme, Mme [V].

La faute commise par un autre professionnel de santé dans la prise en charge d’un patient n’exonère pas l’obstétricien de sa propre faute dont il doit assumer personnellement toutes les conséquences vis à vis de la victime ; elle lui ouvre seulement une éventuelle action récursoire à son égard.

M. [E] se prévaut également des conclusions expertales du premier collège d’experts qui lui sont favorables pour n’avoir retenu aucun grief à son encontre ; mais leur rapport est plus général, vise l’ensemble des intervenants et procède à une analyse peu détaillée et peu motivée en ce qui concerne l’attitude de l’obstétricien ; celui de l’expert [S] se livre à une étude plus précise et apporte des réponses argumentées et techniques aux dires des parties, qui ne sont pas véritablement contredites ; le grief d’une analyse rétrospective de la situation ne peut notamment être retenu dès lors que le technicien judiciaire se base sur des critères objectifs de gravité de l’état de Mme [B] présents dès son admission.

Cette absence de réponse médicale satisfaisante pour procurer des conditions d’accouchement et de prise en charge optimales au regard des normes, recommandations et pratiques de la profession communément admises, revêt un caractère fautif.

Les manquements de ce médecin à l’obligation de donner des soins consciencieux, attentifs et conformes aux données acquises de la science à la date de ceux-ci sont parfaitement établis.

Sur leurs incidences

Ces fautes ont privé Mme [B] de la possibilité de bénéficier, en temps utile, d’une prise en charge adaptée qui aurait pu avoir une influence favorable sur l’évolution de la situation obstétricale qui a conduit à son décès quelques heures plus tard, à une souffrance et au handicap de l’enfant.

Elle engage la responsabilité civile de M. [E].

Certes, le lien de causalité direct entre cette faute et le décès de la mère et le handicap de l’enfant n’est pas démontré puisqu’il ne peut être affirmé avec certitude que si les fautes n’avaient pas été commises Mme [B] aurait survécu et l’enfant serait née indemne de toute lésion, ce qui ne permet pas la réparation intégrale du dommage qui en résulte pour les ayants-droits.

Mais il est certain que, sans la faute, cette patiente avait une chance d’éviter l’issue fatale pour elle et les séquelles invalidantes pour l’enfant, ce qui permet l’indemnisation du dommage au titre de la perte de chance.

Le préjudice de la victime présente, en effet, un caractère certain et direct chaque fois qu’est constatée la disparition d’une éventualité favorable.

M. [E] est donc tenu de réparer les conséquences dommageables subies par les ayants droits de Mme [B], victimes par ricochet de son décès et par l’enfant au titre de son préjudice corporel, source également de préjudice par ricochet pour son père.

Il doit être déclaré tenu à cette indemnisation in solidum avec la Sa Clinique du Cap d’Or du chef de sa préposée Mme [F], comme sollicité par M. [B] en sa double qualité, leurs fautes respectives ayant concouru à la production de l’entier dommage sans qu’il soit possible d’en délimiter spécifiquement les effets.

Sur l’étendue de l’indemnisation

Dans le cas où la faute médicale a fait perdre au patient une chance d’éviter une atteinte à l’intégrité physique, l’indemnisation doit être mesurée à la chance perdue et ne peut être égale à l’avantage qu’aurait procuré cette chance si elle était réalisée ; elle correspond à une fraction seulement des différents chefs de préjudices subis et son étendue doit s’apprécier en prenant en considération l’état de santé du patient et les conséquences qui en découlent.

Une prise de conscience de la pré-éclampsie le 18 novembre 2000 lors de la première venue de Mme [B] à la clinique en fin d’après-midi par des mesures élémentaires (pression artérielle, albuminurie) qu’aurait dû réaliser la sage-femme était susceptible de mener à une décision d’admission dans le service pour une surveillance et un meilleur suivi, hors de tout contexte d’urgence, pour une décision de naissance dans des délais brefs.

Lors de sa deuxième arrivée à la clinique, de nuit, la pré-éclampsie de la mère était particulièrement menaçante, et l’exposait à tout moment à un risque de crise d’éclampsie et de troubles majeurs de l’hémostase sanguine qui se sont effectivement réalisés.

Un tiers, cependant, des crises commencent ou se reproduisent après la naissance et des troubles sévères de la coagulation sanguine peuvent s’installer ou s’aggraver rapidement seulement après la naissance ; mais plus la césarienne est précoce, moins ces complications sont probables et/ou sévères c’est-à-dire menaçant le pronostic vital.

Par ailleurs, bien que prévisible la survenue de la crise d’éclampsie de Mme [B] a été particulièrement brutale et sévère et difficile à maitriser (page 17 du rapport [S] de 2009).

Au vu de l’ensemble de ces données, la perte de chance réelle et sérieuse pour la mère de survivre et pour l’enfant de naître indemne de toute lésion doit être évaluée à 66 % du dommage et la condamnation de la Sa Clinique du Cap d’Or et de M. [E] limitée à cette proportion qui représente la partie du préjudice total à la réalisation duquel ils ont contribué par leurs fautes respectives ;

1°) ALORS QUE la faute du médecin consistant à tarder à procéder à une césarienne à une parturiente présentant tous les symptômes d’une pré-éclampsie et à ne l’ordonner qu’après la survenue de l’éclampsie ne fait pas perdre à l’enfant une chance de naître sans séquelle mais crée le risque qui se réalise ; qu’il résulte des propres constatations de l’arrêt que le Dr. [E] aurait dû dès 2h25 du matin comprendre que Mme [B] présentait tous les symptômes d’une pré-éclampsie et ordonner une césarienne mais qu’il a tardé à faire le diagnostic et à prendre la décision qui n’a été en définitive prise qu’après la survenue de la crise d’éclampsie responsable des séquelles présentées par l’enfant et que l’expert dont elle adoptait les conclusions, avait précisé que « toute décision de césarienne qui aurait fait naître [M] à n’importe quel moment avant la crise d’éclampsie de 4h, ce qui était largement justifié, lui aurait épargné l’asphyxie foetale qui est à l’origine de son déficit neurologique » (arrêt p. 15) ; qu’en jugeant, dès lors qu'« il ne peut être affirmé avec certitude que si les fautes n’avaient pas été commises, [¿.] l’enfant serait née indemne de toute lésion » (arrêt p. 17, al. 8) et en limitant le droit à indemnisation des victimes à 66% du préjudice subi par Mlle [B], la Cour d’appel n’a pas tiré les conséquences légales de ses propres constatations et a violé l’article 1147 du Code civil ;

2°) ALORS QU’en toute hypothèse, tout jugement doit comporter les motifs propres à justifier sa décision ; qu’au regard de ses constatations, la Cour d’appel ne pouvait considérer que « le lien de causalité entre [les fautes du médecin et de la sage-femme] et [¿] le handicap de l’enfant n’est pas démontré puisqu’il ne peut être affirmé avec certitude que si les fautes n’avaient pas été commises [¿] l’enfant serait né indemne de toute lésion » (arrêt p. 17, al. 8), sans s’en expliquer davantage et notamment sans expliquer pour quelle raison elle s’écartait des conclusions adoptées de l’expert aux termes desquelles « toute décision de césarienne qui aurait fait naître [M] à n’importe quel moment avant la crise d’éclampsie de 4h, ce qui était largement justifié, lui aurait épargné l’asphyxie foetale qui est à l’origine de son déficit neurologique » (arrêt p. 15) ; qu’en statuant de la sorte, la Cour d’appel a violé l’article 455 du Code de procédure civile ;

3°) ALORS QUE la faute retenue à la charge de Mme [F] consistait dans le fait de ne pas avoir pris la tension artérielle de Mme [B] lorsqu’elle s’est présentée à la clinique vers 18h30 et de ne pas avoir fait procéder à une analyse d’urine (jugement du 23 mars 2006, p. 4, al. 5) ; que cette faute, comme celle du Dr [E], avait contribué à la réalisation de l’entier préjudice de Mlle [M] puisque la réalisation de ses analyses quelques heures plus tôt aurait dû conduire à la réalisation d’une césarienne avant la survenue de l’éclampsie ; qu’en jugeant que la faute commise par Mme [F] avait seulement fait perdre une chance à Mlle [M] [B] de naître sans séquelle neurologique, la Cour d’appel a violé l’article 1147 du Code civil ;

4°) ALORS QUE M. [B] faisait valoir que la faute de Mme [F] avait pas causé l’entier préjudice de sa fille (conclusions signifiées le 15 juillet 2013 p. 28, al. 8 et p. 35, al. 4) ; qu’en s’abstenant de répondre aux conclusions de l’exposant sur ce point et sans rechercher spécifiquement quel était le lien causal entre la faute de cette sage-femme et le préjudice de Mlle [B], la cour d’appel a privé sa décision de motifs et a violé l’article 455 du code de procédure civile.

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Cour de cassation, Chambre civile 1, 15 juin 2016, 15-14.068, Publié au bulletin