Cour de cassation, Chambre criminelle, 21 février 2017, 16-85.224, Inédit

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Sur la décision

Référence :
Cass. crim., 21 févr. 2017, n° 16-85.224
Juridiction : Cour de cassation
Numéro(s) de pourvoi : 16-85.224
Importance : Inédit
Décision précédente : Cour d'appel d'Angers, 31 mai 2016
Textes appliqués :
Article ordonnance du président de la chambre criminelle en date du 5 décembre 2016 prescrivant l’examen immédiat du pourvoi.

Article 63-1 du code de procédure pénale.

Dispositif : Cassation
Date de dernière mise à jour : 20 avril 2022
Identifiant Légifrance : JURITEXT000034086560
Identifiant européen : ECLI:FR:CCASS:2017:CR00387
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Sur les parties

Texte intégral

N° R 16-85.224 F-D

N° 387

JS3

21 FÉVRIER 2017

CASSATION

M. GUÉRIN président,

R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

________________________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

_________________________

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, en son audience publique tenue au Palais de Justice à PARIS, a rendu l’arrêt suivant :

Statuant sur le pourvoi formé par :

— 

M. [K] [P],

contre l’arrêt de la chambre de l’instruction de la cour d’appel d’ANGERS, en date du 1er juin 2016 qui, dans l’information suivie contre lui des chef de viols et agressions sexuelles aggravés, a prononcé sur sa demande d’annulation d’actes de la procédure ;

La COUR, statuant après débats en l’audience publique du 31 janvier 2017 où étaient présents dans la formation prévue à l’article 567-1-1 du code de procédure pénale : M. Guérin, président, M. Bellenger, conseiller rapporteur, M. Pers, conseiller de la chambre ;

Greffier de chambre : Mme Bray ;

Sur le rapport de M. le conseiller BELLENGER, les observations de la société civile professionnelle THOUIN-PALAT et BOUCARD, de la société civile professionnelle PIWNICA et MOLINIÉ, avocats en la Cour, et les conclusions de M. l’avocat général VALAT ;

Vu l’ordonnance du président de la chambre criminelle en date du 5 décembre 2016 prescrivant l’examen immédiat du pourvoi ;

Vu les mémoires produits en demande et en défense ;

Attendu qu’il résulte de l’arrêt attaqué et des pièces de la procédure que M. [P] a été placé en garde à vue du chef de viol sur mineure de quinze ans pour des faits qui auraient été commis sur la fille de sa compagne ; que, mis en examen des chefs de viols et agressions sexuelles aggravés, M. [P] a présenté une demande aux fins d’annulation d’actes de la procédure ;

En cet état ;

Sur le premier moyen de cassation, pris de la violation des articles 6, § 3, de la Convention européenne des droits de l’homme, 63-1, 591, 593 et 803-6 du code de procédure pénale, ensemble violation du principe de loyauté des preuves ;

« en ce que l’arrêt attaqué a rejeté la requête en nullité déposée le 16 novembre 2015 par l’avocat de M. [P] ;

« aux motifs que, sur la première irrégularité relevée par l’avocat de M. [P], tirée de l’absence de notification régulière de ses droits à l’intéressé, « il ressort des éléments de la procédure que M. [P] était placé en garde à vue le 16 mai 2015 à 10 heures 30 par l’adjudant M. [V], officier de police judiciaire ; que, dès le début de cet acte de procédure, cet enquêteur s’assurait que le gardé à vue était en capacité de comprendre et de s’exprimer, mais il notait qu’il ne savait ni lire ni écrire, ce qui était consigné en entête du procès verbal ; que le gardé à vue avait signé les différentes mentions dans le procès verbal relatant les notifications et les différentes phases de cet acte de procédure, sans que soit indiqué que lecture lui en avait été donnée ; que l’avocat considère que compte tenu du fait que son client ne savait ni lire ni écrire, il aurait fallu que la lecture lui soit faite de toutes les notifications et mentions sur le déroulement de la garde à vue ; qu’il note même qu’en page deux de ce procès verbal (D16-2), il est fait mention de ce que M. [P] aurait relu ce qui précède, ce qui est manifestement inexact eu égard à l’incapacité de lecture de M. [P] ; que, si cette dernière mention apparaît inappropriée comme le note le requérant, il paraît inexact de dire que les notifications n’ont pas été faites alors que manifestement elles l’ont été verbalement ; que cela est attesté par la signature apposée par le gardé à vue qui, bien qu’analphabète, était tout à fait en mesure de comprendre ce que l’officier de police judiciaire lui disait ; que cela est établi par deux diligences particulières ; que M. [P] avait demandé à ce que sa compagne actuelle soit informée, ce qui avait été fait ; qu’il avait également souhaité la présence de Me Charvoz et qu’il apparaît que l’enquêteur avait en vain cherché à joindre ce conseil (D16-4) ; que cette manière de procéder correspond à ce qui est prescrit par l’article 63-1 avant dernier alinéa du code de procédure pénale : « Mention de l’information donnée en application du présent article est portée au procès verbal de déroulement de la garde à vue et émargée par la personne gardée à vue » ; que l’officier de police judiciaire a justement estimé qu’il n’était pas nécessaire de mentionner une relecture de ce qu’il venait justement de notifier verbalement et que lui-même attestait ; qu’il en résulte que ce premier moyen de nullité, en l’absence de grief sérieux, n’est pas fondé ;

« 1°) alors que la notification des droits prévus à l’article 63-1 du code de procédure pénale est prévue à peine de nullité ; qu’il ne résulte d’aucune des pièces de la procédure qu’il ait été donné lecture à M. [P], analphabète ne sachant ni lire ni écrire, des droits prévus à l’article 63-1 du code de procédure pénale ; qu’en statuant comme elle l’a fait, la chambre de l’instruction a violé l’article 63-1 du code de procédure pénale ;

« 2°) alors qu’il se déduit de l’article 6, § 3, de la Convention européenne des droits de l’homme que toute personne gardée à vue doit pouvoir bénéficier, en l’absence de renonciation non équivoque, de l’assistance d’un avocat ; qu’à défaut de renonciation expresse de M. [P] à l’assistance de son conseil Me Charvoz ou d’un avocat commis d’office, son audition ne pouvait être poursuivie ; qu’en statuant comme elle l’a fait, la chambre de l’instruction a violé les articles susvisés ;

« 3°) alors que la demande des policiers faite à un analphabète de signer un procès-verbal, sans qu’il bénéficie de l’assistance d’un avocat ou d’un interprète, constitue un détournement de procédure par instrumentalisation de personne rendant ce moyen de preuve irrecevable ; qu’en refusant d’annuler le procès verbal signé par M. [P], dont l’arrêt constate qu’il est analphabète, la chambre de l’instruction a porté atteinte aux droits de la défense et violé le principe de loyauté des preuves" ;

Attendu que, pour rejeter le moyen tiré de la nullité, faute de relecture, de la notification des droits de la personne gardée à vue à M. [P] qui ne savait pas lire, de telle sorte que les droits ne lui ont pas été notifiés, l’arrêt retient que, sous réserve d’une mention inappropriée de relecture personnelle, il paraît inexact de dire que les notifications n’ont pas été faites, alors que le contraire est attesté par les signatures de la personne concernée, que les droits demandés ont été mis en oeuvre et que la mention de l’information de la personne gardée à vue, donnée en application de l’article 63-1 du code de procédure pénale, a été portée sur le procès-verbal de déroulement de la garde à vue et émargée par la personne gardée à vue ;

Attendu qu’en statuant ainsi, et dès lors que les mentions portées au procès-verbal de notification des droits émargées par l’officier de police judiciaire et la personne gardée à vue attestent de l’accomplissement, dans une langue comprise par celle-ci, de l’information prévue par les articles 63-1 et 803-6 du code de procédure pénale, la chambre de l’instruction a justifié sa décision ;

D’où il suit que le moyen, qui manque en fait en sa deuxième branche, ne saurait être accueilli ;

Mais sur le deuxième moyen de cassation, pris de la violation des articles 6, § 3, du code de procédure pénale, 63-1, 591 et 593 du code de procédure pénale, défaut de base légale ;

« en ce que l’arrêt attaqué a rejeté la requête en nullité déposée le 16 novembre 2015 par l’avocat de M. [P] ;

« aux motifs que, s’agissant de l’aspect incomplet de la qualification, qu’il y a lieu de relever que celle de viol, la plus grave, a été retenue et qu’il ne peut y avoir aucun grief tiré de l’absence d’une référence aux agressions sexuelles, moins graves ;

« alors que les droits dont la personne placée en garde à vue dispose en vertu de l’article 63-1 du code de procédure pénale doivent lui être notifiés ensemble avec la qualification des faits qui lui sont reprochés ; que c’est en considération de cette qualification que l’intéressé est en mesure de décider de revendiquer le bénéfice de certains de ses droits ; qu’en conséquence, la notification qui omet un chef de qualification, lors du placement en garde à vue, porte atteinte à la substance de ses droits, notamment celui de se taire ou de bénéficier de l’assistance d’un avocat ; qu’en l’espèce, M. [P] n’a reçu aucune notification quant à la qualification d’agression sexuelle pourtant connue des policiers au moment de la notification ; qu’en statuant comme elle l’a fait, la chambre de l’instruction a donc violé l’article susvisé, ensemble l’article 6, § 3, de la Convention européenne des droits de l’homme" ;

Vu l’article 63-1 du code de procédure pénale ;

Attendu que, selon ce texte, la personne placée en garde à vue est immédiatement informée de la qualification, de la date et du lieu présumés des infractions qu’elle est soupçonnée d’avoir commises ou tenté de commettre, ainsi que des motifs justifiaient son placement en garde à vue ;

Attendu qu’il résulte de l’arrêt attaqué et des pièces de la procédure que, suite à l’audition d'[L] [X], M. [P] a été placé en garde à vue du chef de viol sur mineure de quinze ans pour la période du 1er janvier 2010 au 1er janvier 2011 à [Adresse 1] ;

Attendu que, pour rejeter la nullité prise de la notification incomplète des infractions reprochées à la personne gardée à vue, l’arrêt énonce que la qualification de viol la plus grave a été retenue et qu’il ne peut y avoir de grief de l’absence de référence aux agressions sexuelles moins graves, que la victime n’a pas été en mesure de situer les atteintes sexuelles précisément dans le temps, que M. [P], libre de se taire, a lui-même élargi la période de référence en partant des faits les plus anciens pour arriver aux plus récents sans qu’ il y ait une quelconque manoeuvre de l’enquêteur et que la notification incomplète de la période des faits n’a occasionné aucun grief à M. [P] ;

Mais attendu qu’en statuant ainsi, alors qu’il existait, dès le début de la garde à vue, une ou plusieurs raisons plausibles de soupçonner que la personne faisant l’objet de cette mesure avait également commis des agressions sexuelles ou tenté de les commettre, et que le défaut d’information de ces infractions et de leur date a porté atteinte aux intérêts de la personne concernée, la chambre de l’instruction a méconnu le texte susvisé et le principe ci-dessus rappelé ;

D’où il suit que la cassation est encourue ;

Par ces motifs, et sans qu’il soit besoin d’examiner le troisième moyen proposé :

CASSE et ANNULE en toutes ses dispositions, l’arrêt susvisé de la chambre de l’instruction de la cour d’appel d’Angers, en date du 1er juin 2016, et pour qu’il soit à nouveau jugé, conformément à la loi ;

RENVOIE la cause et les parties devant la chambre de l’instruction de la cour d’appel de Rennes, à ce désignée par délibération spéciale prise en chambre du conseil ;

ORDONNE l’impression du présent arrêt, sa transcription sur les registres du greffe de la chambre de l’instruction de la cour d’appel d’Angers et sa mention en marge ou à la suite de l’arrêt annulé ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre criminelle, et prononcé par le président le vingt et un février deux mille dix-sept ;

En foi de quoi le présent arrêt a été signé par le président, le rapporteur et le greffier de chambre.

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