Cour de cassation, Chambre criminelle, 11 juillet 2017, 16-85.214, Inédit

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Sur la décision

Référence :
Cass. crim., 11 juill. 2017, n° 16-85.214
Juridiction : Cour de cassation
Numéro(s) de pourvoi : 16-85.214
Importance : Inédit
Décision précédente : Cour d'appel de Pau, 25 mai 2016
Dispositif : Rejet
Date de dernière mise à jour : 4 novembre 2021
Identifiant Légifrance : JURITEXT000035193192
Identifiant européen : ECLI:FR:CCASS:2017:CR01718
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Sur les parties

Texte intégral

N° E 16-85.214 F-D

N° 1718

FAR

11 JUILLET 2017

REJET

M. GUÉRIN président,

R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

________________________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

_________________________

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, en son audience publique tenue au Palais de Justice à PARIS, a rendu l’arrêt suivant :

Statuant sur le pourvoi formé par :

— 

M. Philippe X…,

contre l’arrêt de la cour d’appel de PAU, chambre correctionnelle, en date du 26 mai 2016, qui, pour harcèlement moral, l’a condamné à un an d’emprisonnement avec sursis, et a prononcé sur les intérêts civils ;

La COUR, statuant après débats en l’audience publique du 7 juin 2017 où étaient présents dans la formation prévue à l’article 567-1-1 du code de procédure pénale : M. Guérin, président, M. Y…, conseiller rapporteur, M. Straehli, conseiller de la chambre ;

Greffier de chambre : Mme Zita ;

Sur le rapport de M. le conseiller Y…, les observations de la société civile professionnelle MASSE-DESSEN, THOUVENIN et COUDRAY, de la société civile professionnelle GARREAU, BAUER-VIOLAS et FESCHOTTE-DESBOIS, avocats en la Cour, et les conclusions de M. l’avocat général Z… ;

Vu les mémoires produits, en demande et en défense ;

Sur le premier moyen de cassation, pris de la violation des articles 6 de la Convention européenne des droits de l’homme et 4 du Protocole n° 7 additionnel à cette Convention, des articles 8 de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen, 222-33, 222-33-2, 111-2 et 111-3 du code pénal, préliminaire, 591 et 593 du code de procédure pénale, défaut de motifs et manque de base légale ;

« en ce que l’arrêt attaqué a rejeté les exceptions de nullité des poursuites ;

« aux motifs propres qu’il appartenait aux juridictions répressives de statuer sur le fait de savoir si les agissements incriminés, précisément détaillés dans l’acte de poursuite de sorte que le prévenu avait été mis en capacité de préparer sa défense dans des conditions assurant l’exercice de son droit à un procès équitable, étaient constitutifs de l’infraction de harcèlement moral, applicable au moment des faits et qui n’excluait pas les comportements ayant la spécificité d’avoir une connotation sexuelle ; que les premiers juges avaient relevé à juste titre que les agissements de harcèlement retenus à l’encontre de M. X… dans la prévention n’étaient pas susceptibles de constituer l’infraction de harcèlement sexuel telle que définie par l’article 222-33 du code pénal dans sa rédaction en vigueur au moment des faits, celle-ci supposant alors d’agir dans le but d’obtenir des faveurs sexuelles, ce qui n’était pas le cas en l’espèce, en réponse à l’argument de la défense selon lequel les poursuites sous la qualification de harcèlement moral constitueraient un détournement de procédure lié au « vide juridique » créé par la décision du Conseil constitutionnel du 4 mai 2012, dès lors que cette qualification de harcèlement moral aurait également dû être retenue si l’article 222-33 du code pénal dans sa rédaction antérieure à la loi du 6 août 2012 n’avait pas été déclaré contraire à la Constitution ;

« et aux motifs adoptés que le tribunal relevait que l’article 222-33 du code pénal, dans sa rédaction applicable à l’époque des faits, définissait le harcèlement sexuel comme le fait de harceler autrui dans le but d’obtenir des faveurs de nature sexuelle ; que c’était cette rédaction pour le moins imprécise qui avait conduit le Conseil constitutionnel à considérer le texte comme contraire au principe constitutionnel de légalité des délits et des peines, dans la mesure où il permettait que le délit de harcèlement sexuel fût punissable sans définir suffisamment les éléments constitutifs de l’infraction ; que cependant, ce texte donnait une indication sur l’élément intentionnel du délit, la recherche de faveurs de nature sexuelle, excluant par la même les simples propos ou comportements à connotation sexuelle, fussent-ils répétés, non sous-tendus par ce dessein ; que, à l’inverse, la directive européenne 2002/73/CE, transposable en droit interne au plus tard en 2005, donnait une définition beaucoup plus large du harcèlement sexuel, en prohibant toute situation où un comportement non désiré à connotation sexuelle, s’exprimant physiquement, verbalement ou non verbalement, se manifestait, ayant pour objet ou pour effet de porter atteinte à la dignité d’une personne et de créer un environnement intimidant, hostile, dégradant, humiliant ou offensant ; que, dans le même temps, cette directive donnait une définition très voisine de la notion de harcèlement, caractérisé par une situation où un comportement non désiré lié au sexe d’une personne se manifestait, ayant pour objet ou pour effet de porter atteinte à la dignité d’une personne et de créer un environnement intimidant, hostile, dégradant, humiliant ou offensant ; que le harcèlement et le harcèlement sexuel, au sens de cette directive, étaient considérés comme une discrimination fondée sur le sexe ; qu’en droit interne, l’article 222-33-2 du code pénal, introduit par la loi du 17 janvier 2002 dite de modernisation sociale, sanctionnait, avant même la parution du texte européen, des faits qui étaient jusque-là poursuivis sous la prévention de violences, mais qui pouvaient aussi répondre aux définitions de harcèlement et harcèlement sexuel données ultérieurement par cette directive ; qu’en effet, aux termes de l’article 222-33-2 du code pénal, était punissable le fait de harceler autrui par des agissements répétés ayant pour objet ou pour effet une dégradation des conditions de travail susceptible de porter atteinte à ses droits et à sa dignité, d’altérer sa santé physique ou mentale ou de compromettre son avenir professionnel ; que la notion d’agissements englobait manifestement la notion de « situation ou comportement non désiré » du droit européen ; que le but recherché ou atteint était similaire, un environnement intimidant, hostile, dégradant, humiliant ou offensant, d’un côté, et une dégradation des conditions de travail susceptible de porter atteinte aux droits et à la dignité, de la personne harcelée, d’altérer sa santé physique ou mentale ou de compromettre son avenir professionnel, de l’autre, ces deux formulations pouvant se recouper ; que si la définition du harcèlement moral était en droit interne tout à la fois plus large et plus précise que la définition donnée par le droit européen, puisqu’elle ne limitait pas le harcèlement aux seuls agissements liés au sexe d’une personne et envisageait expressément une dégradation des conditions de travail avec trois types de conséquences possibles, il n’en demeurait pas moins qu’en retenant la notion générique d’agissements, le législateur n’avait pas entendu limiter l’élément matériel du délit à un type précis de comportement ou de situation, ni a fortiori exclure du champ du harcèlement moral les agissements qui auraient une connotation sexuelle sans pour autant poursuivre la recherche de faveurs sexuelles ; qu’au cas d’espèce, M. X… avait d’ailleurs tout au long de ses auditions réfuté la recherche de faveurs sexuelles auprès des plaignantes ; que, dans ces conditions, il était tout à fait loisible au ministère public de donner aux faits poursuivis la qualification de harcèlement moral, à partir du moment où les éléments matériel et intentionnel du délit ainsi retenu ressortaient de l’enquête, ce qu’il appartenait au tribunal de déterminer en examinant le fond de l’affaire ; qu’au demeurant, il convenait de relever que le soit-transmis adressé le 26 juillet 2013 par le procureur de la République de Pau au commandant de la section des recherches d’Agen visait tout à la fois la qualification de harcèlement moral, celle de harcèlement sexuel et celle d’agression sexuelle ; que la citation délivrée à M. X… comportait pour chacune des victimes les faits poursuivis avec l’énoncé des éléments matériels retenus et la qualification juridique de l’infraction, avec le visa des textes qui la réprimait ; que M. X… avait donc été mis en mesure de connaître précisément les faits qui lui étaient reprochés et de préparer sa défense ; qu’il ne pouvait invoquer la violation de son droit à un procès équitable ;

« alors que le délit de harcèlement sexuel se distingue de l’infraction de harcèlement moral en ce qu’il se matérialise par l’existence de « propos ou comportements à connotation sexuelle » ; qu’il était reproché au prévenu, selon les termes de la citation à comparaître, des « gestes déplacés et inconvenants » à l’encontre de l’une des parties civiles « consistant à toucher la nuque, les fesses et allant jusqu’à passer sa main sous ses vêtements » et à l’encontre de la seconde partie civile, « des « propos à nature sexuelle et dégradante notamment sur son physique, sa poitrine et ses fesses » ; que les juges du fond, saisis in rem, ne pouvaient considérer que les poursuites sous la qualification de harcèlement moral ne constituaient pas un détournement de procédure, destiné à contourner l’abrogation par le Conseil constitutionnel dans sa décision n° 2012-240 du 4 mai 2012 de l’ancien article 222-33 du code pénal, et refuser par conséquent de restituer aux faits poursuivis leur véritable qualification pénale" ;

Sur le second moyen de cassation, pris de la violation des articles 222-33, 222-33-2, 111-2, 111-3 et 121-3 du code pénal, 591 et 593 du code de procédure pénale, défaut de motifs et manque de base légale ;

« en ce que l’arrêt attaqué a déclaré le prévenu (M. X…, le demandeur) coupable de faits de harcèlement moral et l’a condamné à une peine d’emprisonnement d’un an avec sursis et à payer aux parties civiles (Mmes A… et B… et l’association de défense des militaires) des dommages-intérêts à hauteur de 8 000 euros chacune pour les deux premières et de 1 euro pour la troisième en réparation de leurs préjudices ;

« aux motifs propres que M. X… ne pouvait se retrancher derrière un simple « humour potache » dont il n’avait pas mesuré l’impact, dès lors qu’il avait été alerté à plusieurs reprises par ses collègues, en l’espèce l’adjudant-chef C…, le capitaine D… et le gendarme Carrère Bordehore, des problèmes posés par son attitude vis-à-vis des gendarmes féminines, sans pour autant qu’il eût jugé utile de se remettre en cause ;

« et aux motifs adopés que M. X… évoquait un « humour potache » ne visant pas exclusivement les deux victimes mais l’ensemble des personnels placés sous son autorité, sans distinction de sexe ; que, cependant, force était de constater que ses pseudo-plaisanteries étaient centrées sur les attributs féminins des deux plaignantes et ne pouvaient que créer une discrimination entre elles et leurs collègues masculins, les plaçant dans une position à la longue intolérable, les renvoyant de facto à une forme d’infériorité constitutionnelle, parce que femmes ; que M. X… ne pouvait en outre se retrancher derrière une absence d’élément intentionnel, car il ressortait de l’enquête que seuls les personnels féminins étaient l’objet, de sa part, de propos ou d’attitudes de ce type ; qu’en effet aucun des gendarmes masculins entendus n’avait rapporté avoir été l’objet de plaisanteries de même nature le visant, de moqueries sur son physique ou de saillies sur sa vie amoureuse ou sexuelle, en tout cas, jamais de façon aussi systématique ; que, par ailleurs, M. X… avait cessé ses agissements après avoir été sanctionné, tandis qu’il avait auparavant reçu les protestations de Mme Marion A…, notamment lorsqu’il s’était permis d’utiliser son téléphone personnel en se faisant passer pour elle ; que, ainsi, l’élément intentionnel du délit de harcèlement moral était lui aussi établi ; qu’en sa qualité de commandant de la communauté de brigades, M. X… avait les moyens de percevoir les conséquences néfastes pour Mmes A… et B… du type de relations qu’il avait instaurées avec elles, relations qui s’affranchissaient de manière inadaptée de la réserve que tout supérieur doit conserver envers ses subordonnés, dans un cadre professionnel, a fortiori dans un corps militaire ; que tous les éléments du délit de harcèlement moral au travail étaient ainsi établis à l’encontre du prévenu qui sera retenu dans les liens de la prévention ; que le système de défense de M. X…, consistant à nier toute responsabilité dans la dégradation des conditions de travail des deux victimes, montrait qu’il n’avait pas pris conscience du caractère répréhensible de son comportement ;

«  alors que le délit de harcèlement moral est une infraction intentionnelle qui implique chez le prévenu la conscience d’enfreindre la loi, la preuve devait en être rapportée par des éléments objectifs et ne pouvant être présumée ; que la cour d’appel ne pouvait retenir l’élément intentionnel du délit à l’encontre du prévenu quand elle constatait, par motifs propres et adoptés, d’un côté, qu’il reconnaissait avoir fait des remarques en forme de « blagues potaches » dont il n’avait pas mesuré l’impact, et, de l’autre, qu’il n’avait pas conscience du caractère répréhensible de son comportement" ;

Les moyens étant réunis ;

Attendu qu’il résulte de l’arrêt attaqué, du jugement qu’il confirme et des pièces de procédure que Mmes Marion A… et Céline B…, gendarmes adjoints volontaires affectées à la communauté de brigades de BEDOUS (Pyrénées Atlantiques), ont dénoncé à leur hiérarchie le comportement à leur égard de leur supérieur, M. Philippe X…, adjudant-chef, ayant assuré le commandement de cette unité à compter du 1er août 2011 ; qu’à l’issue de l’enquête préliminaire ordonnée à la suite de ces révélations, M. X… a été renvoyé devant le tribunal correctionnel du chef de harcèlement moral commis entre le 1er août 2011 et le 1er août 2012 à l’encontre de ces deux plaignantes ; que le tribunal correctionnel, après avoir rejeté les exceptions de nullité soulevées par le prévenu, l’a déclaré coupable des faits qui lui étaient reprochés ; que M. X… ainsi que le procureur de la République ont relevé appel de cette décision ;

Attendu que, pour confirmer le jugement entrepris, rejetant les conclusions de nullité soulevées par le prévenu au motif que les faits qui lui ont été imputés relevaient de la seule qualification de harcèlement sexuel, prévue et réprimée par l’article 222-33 du code pénal, en sa rédaction antérieure à la loi n°2012-954 du 6 août 2012, censurée par la décision n°2012-240 du Conseil constitutionnel, l’arrêt relève que la qualification de harcèlement sexuel, dans sa rédaction en vigueur à la date des faits, n’aurait pas été susceptible d’être retenue dès lors qu’elle exigeait la démonstration d’agissements commis dans le but d’obtenir des faveurs sexuelles, élément étranger au cas de l’espèce ; que les juges retiennent, par motifs propres et adoptés, après avoir analysé les faits et les circonstances de leur révélation, que les témoignages recueillis, les expertises psychologiques établies et les pièces versées aux débats ont corroboré les déclarations précises et concordantes des deux parties civiles, non contestées pour partie par le prévenu ; qu’ils ajoutent que les agissements répétés imputés à M. X… ont eu pour effet de dégrader les conditions de travail de ces victimes, de nature à porter atteinte à leur dignité et à altérer leur santé mentale, tout en ayant aussi compromis leur avenir au sein de la Gendarmerie ; qu’ils ajoutent que la qualité de commandant d’unité de l’intéressé lui avait permis de mesurer les conséquences de ses agissements, d’autant que plusieurs de ses collègues l’avaient mis en garde à ce sujet, excluant par là-même la thèse de l’expression d’un simple « humour-potache »mise en avant par le prévenu ;

Attendu qu’en l’état de ces motifs, fondés sur son appréciation souveraine des faits et éléments de preuve contradictoirement débattus, la cour d’appel a, sans insuffisance, caractérisé le délit retenu en tous ses éléments constitutifs, tant matériels qu’intentionnel, dès lors qu’elle a mis en évidence, à la charge du demandeur, des propos et agissements répétés dans un contexte professionnel, consistant notamment en des agissements et propos, ayant une connotation sexuelle dégradante ou méprisante à l’égard de deux jeunes femmes, gendarmes adjoints volontaires, étrangers par leur nature au pouvoir de direction de l’intéressé et qui ont porté atteinte à la dignité, à la santé et à l’avenir professionnelle de ces deux parties civiles ;

D’où il suit que les moyens doivent être écartés ;

Et attendu que l’arrêt est régulier en la forme ;

REJETTE le pourvoi ;

FIXE à 2 000 euros la somme que M. X… devra payer à chacune des deux parties civiles, Mmes Marion A… et Céline B…,au titre de l’article 618-1 du code de procédure pénale ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre criminelle, et prononcé par le président le onze juillet deux mille dix-sept ;

En foi de quoi le présent arrêt a été signé par le président, le rapporteur et le greffier de chambre.

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