Cour de cassation, Chambre civile 2, 8 février 2018, 17-10.516, Publié au bulletin

  • Responsabilité délictuelle ou quasidélictuelle·
  • Caractère imprévisible et irrésistible·
  • Article 1384, alinéa 1, du code civil·
  • Responsabilité quasidélictuelle·
  • Choses dont on à la garde·
  • Transports ferroviaires·
  • Applications diverses·
  • Responsabilité civile·
  • Cas de force majeure·
  • Exonération totale

Chronologie de l’affaire

Résumé de la juridiction

A pu décider qu’une agression commise par un tiers sur une personne qui se trouvait sur le quai d’une gare avait présenté pour la SNCF un caractère imprévisible et irrésistible une cour d’appel qui, après avoir relevé que ce tiers, qui souffrait de troubles psychiatriques, s’était soudainement approché de la victime qu’il ne connaissait pas avant de la ceinturer et de l’entraîner sur les voies pour se suicider et la tuer, estime qu’aucune mesure n’aurait permis de prévenir ou d’empêcher un tel geste, sauf à installer des façades de quai dans toutes les stations ce qui, compte tenu de l’ampleur des travaux et du fait que la SNCF n’était pas propriétaire des quais, ne pouvait être exigé de celle-ci à ce jour.

Dès lors, c’est à bon droit que la cour d’appel en a déduit l’existence d’un cas de force majeure de nature à exonérer en totalité la SNCF de sa responsabilité encourue sur le fondement de l’article 1384, alinéa 1, du code civil en sa version applicable en la cause

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Me Caroline Bourghoud · consultation.avocat.fr · 24 novembre 2023

La force majeure est une notion invoquée par celui qui était tenu d'une obligation et qui a été empêché de l'exécuter pour un motif qui lui est étranger. Lorsqu'elle est caractérisée, la force majeure est une cause d'irresponsabilité ou d'exonération pour celui qui devait remplir une obligation. La force majeure s'applique aussi bien en matière contractuelle que délictuelle. Il convient d'évoquer la force majeure sur chacune de ces matières. En matière contractuelle, la force majeure est définie par l'article 1218 du Code Civil qui stipule : « Il y a force majeure en matière …

 

Merryl Hervieu · Dalloz Etudiants · 3 décembre 2020

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Sur la décision

Référence :
Cass. 2e civ., 8 févr. 2018, n° 17-10.516, Bull. 2018, II, n° 27
Juridiction : Cour de cassation
Numéro(s) de pourvoi : 17-10516
Importance : Publié au bulletin
Publication : Bull. 2018, II, n° 27
Décision précédente : Cour d'appel de Paris, 17 décembre 2015, N° 14/16193
Précédents jurisprudentiels : A rapprocher :
2e Civ., 13 juillet 2006, pourvoi n° 05-10.250, Bull. 2006, II, n° 216 (cassation)
2e Civ., 15 décembre 2005, pourvoi n° 03-16.772, Bull. 2005, II, n° 336 (cassation)
2e Civ., 23 janvier 2003, pourvoi n° 00-14.980, Bull. 2003, II, n° 18 (rejet)
2e Civ., 23 janvier 2003, pourvoi n° 00-15.597, Bull. 2003, II, n° 17 (cassation partielle)
2e Civ., 3 mars 2016, pourvoi n° 15-12.217, Bull. 2016, II, n° 64 (cassation partielle)
2e Civ., 23 janvier 2003, pourvoi n° 00-15.597, Bull. 2003, II, n° 17 (cassation partielle)
2e Civ., 23 janvier 2003, pourvoi n° 00-14.980, Bull. 2003, II, n° 18 (rejet)
2e Civ., 15 décembre 2005, pourvoi n° 03-16.772, Bull. 2005, II, n° 336 (cassation)
2e Civ., 13 juillet 2006, pourvoi n° 05-10.250, Bull. 2006, II, n° 216 (cassation)
2e Civ., 3 mars 2016, pourvoi n° 15-12.217, Bull. 2016, II, n° 64 (cassation partielle)
Textes appliqués :
article 1384, alinéa 1, du code civil en sa version applicable en la cause
Dispositif : Rejet
Date de dernière mise à jour : 4 novembre 2021
Identifiant Légifrance : JURITEXT000036635563
Identifiant européen : ECLI:FR:CCASS:2018:C200146
Lire la décision sur le site de la juridiction

Sur les parties

Texte intégral

CIV. 2

CGA

COUR DE CASSATION

______________________

Audience publique du 8 février 2018

Rejet

Mme X…, président

Arrêt n° 146 FS-P+B+I

Pourvoi n° H 17-10.516

R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

_________________________

LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l’arrêt suivant :

Statuant sur le pourvoi formé par le Fonds de garantie des victimes des actes de terrorisme et d’autres infractions, dont le siège est […] ,

contre l’arrêt rendu le 18 décembre 2015 par la cour d’appel de Paris (pôle 2, chambre 2), dans le litige l’opposant à la SNCF mobilités, anciennement Societé nationale des chemins de fer français, dont le siège est […] ,

défenderesse à la cassation ;

La demanderesse invoque, à l’appui de son pourvoi, le moyen unique de cassation annexé au présent arrêt ;

Vu la communication faite au procureur général ;

LA COUR, composée conformément à l’article R. 431-5 du code de l’organisation judiciaire, en l’audience publique du 10 janvier 2018, où étaient présents : Mme X…, président, M. Y…, conseiller référendaire rapporteur, M. Savatier, conseiller doyen, M. Z…, Mme E… Dauphin, M. Boiffin, conseillers, Mmes Touati, Isola, Bohnert, conseillers référendaires, M. Grignon A…, avocat général, Mme Mainardi, greffier de chambre ;

Sur le rapport de M. Y…, conseiller référendaire, les observations de la SCP Boré, Salve de Bruneton et Mégret, avocat du Fonds de garantie des victimes des actes de terrorisme et d’autres infractions, de la SCP Coutard et Munier-Apaire, avocat de la SNCF mobilités, l’avis de M. Grignon A…, avocat général, et après en avoir délibéré conformément à la loi ;

Sur le moyen unique :

Attendu, selon l’arrêt attaqué (Paris, 18 décembre 2015), qu’alors qu’il se trouvait, le 29 janvier 2010, sur un quai de RER, Valéry B… a été, au moment où un train entrait en gare, soudainement ceinturé et entraîné sur les voies par un tiers ; que, chutant sur les rails, les deux hommes ont été immédiatement percutés par le train et sont décédés ; qu’ayant indemnisé les ayants droit de Valéry B…, le Fonds de garantie des victimes des actes de terrorisme et d’autres infractions (le FGTI) a agi en remboursement des sommes versées contre la Société nationale des chemins de fer français, devenue SNCF mobilités (la SNCF) ;

Attendu que le FGTI fait grief à l’arrêt de déclarer son action non fondée, alors, selon le moyen :

1°/ que la SNCF, gardienne du train entré en contact avec la victime, ne peut s’exonérer de sa responsabilité qu’en rapportant la preuve du caractère imprévisible et irrésistible de ce heurt ; qu’il résulte des propres constatations de l’arrêt que l’installation de façades sur les quais aurait permis d’éviter le drame ; qu’en jugeant néanmoins que la SNCF s’exonérait de toute responsabilité, la cour d’appel n’a pas tiré les conséquences légales de ses propres constatations et a violé l’article 1384, alinéa 1, du code civil, dans sa version applicable en la cause, ensemble l’article 706-11 du code de procédure pénale ;

2°/ qu’en toute hypothèse, il incombait à la SNCF qui invoquait l’impossibilité technique de l’installation de façades sur les quais, pour soutenir que l’acte d’Abdelmalok C… était irrésistible et échapper à son obligation de prendre en charge les conséquences dommageables de l’accident survenu le 29 janvier 2010, d’en rapporter la preuve ; qu’en faisant peser sur le FGTI la charge de la preuve de la faisabilité technique de l’installation de façades, la cour d’appel a inversé la charge de la preuve et a violé l’article 1315 du code civil, dans sa version applicable en la cause ;

Mais attendu qu’ayant relevé, par motifs propres et adoptés, que l’agresseur de Valéry B… souffrait de schizophrénie et entendait des voix, qu’aucune altercation n’avait opposé les deux hommes qui ne se connaissaient pas, qu’un laps de temps très court s’était écoulé entre le début de l’agression et la collision avec le train, que l’enquête pénale avait conclu à un homicide volontaire et à un suicide et qu’aucune mesure de surveillance ni aucune installation n’aurait permis de prévenir ou d’empêcher une telle agression, sauf à installer des façades de quai dans toutes les stations ce qui, compte tenu de l’ampleur des travaux et du fait que la SNCF n’était pas propriétaire des quais, ne pouvait être exigé de celle-ci à ce jour, la cour d’appel, sans inverser la charge de la preuve, a pu décider que le fait du tiers avait présenté pour cette dernière un caractère irrésistible et imprévisible pour en déduire, à bon droit, l’existence d’un cas de force majeure ;

D’où il suit que le moyen n’est pas fondé ;

PAR CES MOTIFS :

REJETTE le pourvoi ;

Condamne le Fonds de garantie des victimes des actes de terrorisme et d’autres infractions aux dépens ;

Vu l’article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, deuxième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du huit février deux mille dix-huit.

MOYEN ANNEXE au présent arrêt

Moyen produit par la SCP Boré, Salve de Bruneton et Mégret, avocat aux Conseils, pour le Fonds de garantie des victimes des actes de terrorisme et d’autres infractions

Il est fait grief à l’arrêt attaqué d’AVOIR débouté le Fonds de garantie des victimes des actes de terrorisme et autres infractions de son action intentée à l’encontre de la SNCF ;

AUX MOTIFS PROPRES QUE l’article 706-11 du code de procédure pénale offre [

] au FGTI la possibilité d’agir à l’encontre des personnes qui ne sont pas pénalement responsables de l’infraction mais qui peuvent être tenues d’assurer la réparation totale ou partielle du dommage causé par l’infraction sans que nécessairement cette obligation à réparation fasse l’objet d’un titre quelconque préexistant, ces personnes disposant du droit de contester leur implication dans le dommage dans le cadre de l’instance ouverte sur le recours subrogatoire du FGTI et ce texte ne limitant pas la nature de l’obligation à réparation ni le choix des personnes à actionner ;

En conséquence, le jugement déféré qui a déclaré l’action recevable doit être confirmé ;

Sur la responsabilité de la SNCF

Il est constant que le train a été au moins pour partie l’instrument du dommage. Le FGTI recherche alors la responsabilité de la SNCF en sa qualité de gardienne du train sur le fondement de l’article 1384 al. 1er du code civil.

La SNCF ne peut s’exonérer de cette responsabilité qu’en établissant que l’événement a présenté pour elle les caractères de la force majeure que sont l’extériorité, l’imprévisibilité et l’irrésistibilité.

Les premiers juges ont fait une exacte appréciation des faits et une juste application de la loi en décidant que le comportement de M. C…, à l’origine du dommage, avait eu pour la SCNF un caractère imprévisible et irrésistible, sauf à préciser que l’extériorité de ce comportement par rapport au gardien de la chose n’a pas été caractérisée tant elle est évidente, que le geste brutal et inattendu de M. C… qui a entrainé sa propre perte a été totalement irrationnel et d’une telle rapidité qu’aucune mesure de surveillance n’aurait pu prévenir ou l’empêcher sauf à installer des façades de quai dans toutes les stations sans exception, un tel comportement ne dépendant pas de la configuration de la station ni de l’affluence des utilisateurs, installation que l’on ne peut à ce jour exiger de la SNCF compte tenu de l’ampleur des travaux qu’elle nécessiterait et dont la faisabilité technique n’est pas démontrée.

Les premiers juges ont alors pu, à bon droit, dire que la SNCF doit être exonérée de la présomption de responsabilité qui pèse sur elle en sa qualité de gardienne du train, instrument du dommage. Aussi, le jugement déféré doit être confirmé ;

AUX MOTIFS ADOPTES QUE « il résulte de l’enquête de police que le 29 janvier 2010, à 20 heures 30, en gare de RER à la station Bibliothèque François Mitterrand, M. C… a emprunté les escalators pour descendre sur le quai. Il a, alors, ceinturé M. B…, qui se trouvait sur le quai de gare et l’a projeté sur les voies à quelques mètres de l’avant du train qui arrivait en gare.

Tous deux sont décédés sur le coup.

L’enquête a conclu à un homicide volontaire et un suicide et le dossier a été classé sans suite en raison de l’extinction de l’action publique du fait du décès de l’auteur de l’infraction.

Les témoins de l’accident ont déclaré lors de l’enquête qu’un homme était arrivé en courant assez vite derrière un jeune homme qui était sur le quai car le train était à l’approche. L’homme a attrapé le jeune par derrière. Il « l’a presque soulevé et a sauté avec lui. Le jeune n’a pas eu le temps de réagir car le train est arrivé ».

Le chauffeur du train très choqué a déclaré qu’un individu s’est projeté sur un homme se trouvant devant lui sur le quai, l’a ceinturé et l’a entraîné dans sa chute sur les rails à l’avant du train. Il a précisé que les deux hommes ne se battaient pas et qu’il y avait aucun mouvement de foule à cet instant « tout était normal », « tout s’est passé très vite ». Il a déclaré « je suis formel, c’est bien ce que j’ai vu : un individu ceinturant volontairement un second individu avant de l’entraîner dans sa chute ».

Cette déclaration a été corroborée par Mme D… qui a confirmé que la victime avait été volontairement projetée par « le pousseur ».

Il a été établi lors de l’enquête que l’agresseur souffrait de schizophrénie et qu’il entendait des voix.

Il résulte de l’ensemble de ces éléments qu’aucune altercation ne les a opposés et il n’y avait aucun mouvement de foule.

L’agression dont M. B… a été victime s’est déroulée dans un temps très court. L’effet de surprise a été total pour la victime. Le chauffeur a, en effet, précisé que le visage de la victime avait « une expression de surprise et d’effroi ».

Au regard de la soudaineté de l’agression et de son caractère irrationnel, aucune mesure émanant de la SNCF n’était susceptible de l’éviter.

La SNCF ne dispose, au surcroit, d’aucun pouvoir de police et les quais ne lui appartiennent pas.

Le comportement de l’agresseur qui a entraîné volontairement la victime dans sa chute, et l’a projetée sur les rails alors qu’un train arrivait, présente pour la SNCF un caractère imprévisible et irrésistible caractérisant l’existence de la force majeure de nature à l’exonérer de la présomption de responsabilité qui pèse sur elle en tant que gardien.

Le FGTI sera, en conséquence débouté de ses demandes » ;

1°) ALORS QUE la SNCF, gardienne du train entré en contact avec la victime ne peut s’exonérer de sa responsabilité qu’en rapportant la preuve du caractère imprévisible et irrésistible de ce heurt ; qu’il résulte des propres constatations de l’arrêt que l’installation de façades sur les quais aurait permis d’éviter le drame ; qu’en jugeant néanmoins que la SNCF s’exonérait de toute responsabilité, la cour d’appel n’a pas tiré les conséquences légales de ses propres constatations et a violé l’article 1384, al. 1er du code civil, dans sa version applicable en la cause, ensemble l’article 706-11 du code de procédure pénale ;

2°) ALORS QU’en toute hypothèse, il incombait à la SNCF qui invoquait l’impossibilité technique de l’installation de façades sur les quais, pour soutenir que l’acte de M. C… était irrésistible et échapper à son obligation de prendre en charge les conséquences dommageables de l’accident survenu le 29 janvier 2010, d’en rapporter la preuve ; qu’en faisant peser sur le Fonds de garantie la charge de la preuve de la faisabilité technique de l’installation de façades, la cour d’appel a inversé la charge de la preuve et a violé l’article 1315 du code civil, dans sa version applicable en la cause.

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