Cour de cassation, Chambre civile 2, 21 février 2019, 18-10.205, Inédit

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Chronologie de l’affaire

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Sur la décision

Référence :
Cass. 2e civ., 21 févr. 2019, n° 18-10.205
Juridiction : Cour de cassation
Numéro(s) de pourvoi : 18-10.205
Importance : Inédit
Décision précédente : Cour d'appel de Paris, 7 novembre 2017, N° 15/15386
Dispositif : Rejet
Date de dernière mise à jour : 4 novembre 2021
Identifiant Légifrance : JURITEXT000038194529
Identifiant européen : ECLI:FR:CCASS:2019:C200258
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Sur les parties

Texte intégral

CIV. 2

JL

COUR DE CASSATION

______________________

Audience publique du 21 février 2019

Rejet

Mme FLISE, président

Arrêt n° 258 F-D

Pourvoi n° Q 18-10.205

R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

_________________________

LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l’arrêt suivant :

Statuant sur le pourvoi formé par la société B… I… et W… Y…, huissiers de justice associés, société civile professionnelle, dont le siège est […] ,

contre l’arrêt rendu le 8 novembre 2017 par la cour d’appel de Paris (pôle 2, chambre 1), dans le litige l’opposant à la société Point P, société par actions simplifiée, dont le siège est […] ,

défenderesse à la cassation ;

La demanderesse invoque, à l’appui de son pourvoi, les deux moyens de cassation annexés au présent arrêt ;

Vu la communication faite au procureur général ;

LA COUR, en l’audience publique du 23 janvier 2019, où étaient présentes : Mme Flise, président, Mme Martinel, conseiller rapporteur, Mme Brouard-Gallet, conseiller doyen, Mme Mainardi, greffier de chambre ;

Sur le rapport de Mme Martinel, conseiller, les observations de Me Le Prado, avocat de la SCP B… I… et W… Y…, de la SCP Lyon-Caen et Thiriez, avocat de la société Point P, l’avis de M. Girard, avocat général, et après en avoir délibéré conformément à la loi ;

Attendu, selon l’arrêt attaqué (Paris, 8 novembre 2017), que la société Point P a confié à la SCP I… Y… (la SCP), huissiers de justice, l’exécution d’une ordonnance de référé condamnant la société Acheres batirenoc service (la société) à lui verser une certaine somme ; que la SCP a procédé le 9 novembre 2012 à une saisie-attribution sur les comptes bancaires de la commune de […], débitrice de la société ; qu’à défaut de paiement par le tiers saisi, la société Point P a attrait la SCP devant un tribunal de grande instance à fin d’obtenir sa condamnation à l’indemniser du préjudice que lui aurait causé la faute commise par la SCP dans l’exécution du mandat qui lui avait été donné ;

Sur le premier moyen :

Attendu que la SCP fait grief à l’arrêt de confirmer le jugement en ce qu’il a dit qu’elle avait commis une faute et l’a condamnée à payer à la société Point P une indemnité de 70 000 euros, alors selon le moyen :

1°/ que le juge de l’exécution dispose d’une compétence exclusive pour connaître « des difficultés relatives aux titres exécutoires et des contestations qui s’élèvent à l’occasion de l’exécution forcée » et des mesures conservatoires ; qu’en l’espèce, la société prétendait que la saisie-attribution effectuée par la SCP était nulle, faute de signification de l’acte au comptable assignataire de la dépense publique ; qu’en considérant que le tribunal de grande instance pouvait connaître de la demande en tranchant la question de la validité de la saisie-attribution du 9 novembre 2012, la cour d’appel a violé l’article L. 213-6 du code de l’organisation judiciaire ;

2°/ que le juge de l’exécution connaît de manière exclusive « des demandes en réparation fondées sur l’exécution ou l’inexécution dommageables des mesures d’exécution forcée ou des mesures conservatoires » ; qu’en l’espèce, la société prétendait que la saisie-attribution effectuée par la SCP était nulle, faute de signification de l’acte au comptable assignataire de la dépense publique, et en demandait réparation ; qu’en jugeant que cette demande échappait à la compétence du juge de l’exécution et pouvait être soumise au tribunal de grande instance, motif pris de ce qu’elle portait sur l’exécution fautive de son mandat par la SCP, bien qu’elle soit relative à l’appréciation de la régularité de l’acte de saisie, la cour d’appel a derechef violé l’article L. 213-6 du code de l’organisation judiciaire ;

Mais attendu que si le juge de l’exécution connaît de manière exclusive des demandes en réparation fondées sur l’exécution ou l’inexécution dommageables des mesures d’exécution forcée ou des mesures conservatoires, il n’est pas compétent pour statuer sur une action en responsabilité formée par le créancier à l’encontre de l’huissier de justice qu’il a mandaté pour l’exécution d’une décision de justice ;

Que c’est dès lors sans encourir les griefs du moyen que la cour d’appel a confirmé le jugement ayant rejeté l’exception tirée de la compétence exclusive du juge de l’exécution soulevée par la SCP ;

D’où il suit que le moyen n’est pas fondé ;

Sur le second moyen, pris en ses deux premières branches :

Attendu que la SCP fait encore grief à l’arrêt de confirmer le jugement en ce qu’il a dit qu’elle avait commis une faute et l’a condamnée à payer à la société Point P une indemnité de 70 000 euros, alors selon le moyen :

1°/ qu’un acte est valide et produit ses effets tant qu’il n’a pas été annulé par le juge compétent ; qu’en l’espèce, les juges du fond ont considéré que la SCP avait commis une faute engageant sa responsabilité envers la société Point P, en ce que la saisie-attribution effectuée par elle le 9 novembre 2012 n’aurait pas produit ses effets, faute de signification au comptable assignataire de la dépense ; qu’en statuant ainsi, bien que la saisie-attribution n’ait pas été annulée, que les fonds soient donc bloqués et que la SCP fasse justement valoir que la société Point P n’avait pas saisi le juge de l’exécution pour obtenir un titre exécutoire contre le tiers saisi comme elle le pouvait, de sorte que le préjudice allégué par la société Point P n’était que purement hypothétique, la cour d’appel a violé l’article 1147 du code civil dans sa rédaction applicable antérieure à celle issue de l’ordonnance du 10 février 2016 ;

2°/ qu’un préjudice hypothétique ou éventuel n’est pas réparable ; qu’en l’espèce, pour condamner la SCP au paiement d’indemnités au bénéfice de la société Point P, la cour d’appel a retenu qu’un paiement volontaire par la commune de […] « apparaissait peu probable », bien qu’elle ait pourtant reconnu devoir la somme de 172 310,58 euros à la société ; qu’en statuant ainsi, la cour d’appel a réparé un préjudice éventuel et a violé l’article 1147 du code civil dans sa rédaction applicable antérieure à celle issue de l’ordonnance du 10 février 2016 ;

Mais attendu qu’après avoir retenu que la SCP avait commis une faute en notifiant la saisie-attribution à la commune de […] et non au comptable public, assignataire de la dépense, la cour d’appel, qui a recherché, comme il le lui incombait, si un préjudice en lien de causalité avec cette faute était établi, a énoncé que le préjudice était constitué par la perte d’une chance très sérieuse pour la société Point P d’obtenir le paiement de sa créance, faute de pouvoir se prévaloir de cet acte inefficace ; qu’elle a ainsi fait ressortir l’existence d’un préjudice réparable ;

D’où il suit que le moyen n’est pas fondé ;

Et attendu qu’il n’y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur le second moyen annexé, pris en sa troisième branche, qui n’est manifestement pas de nature à entraîner la cassation ;

PAR CES MOTIFS :

REJETTE le pourvoi ;

Condamne la SCP B… I… et W… Y… aux dépens ;

Vu l’article 700 du code de procédure civile, rejette la demande de la SCP B… I… et W… Y… et la condamne à payer à la société Point P la somme de 3 000 euros ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, deuxième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du vingt et un février deux mille dix-neuf. MOYENS ANNEXES au présent arrêt

Moyens produits par Me Le Prado, avocat aux Conseils, pour la SCP B… I… et W… Y…

PREMIER MOYEN DE CASSATION

IL EST FAIT GRIEF à l’arrêt attaqué,

D’AVOIR confirmé le jugement entrepris en ce qu’il a dit que la SCP I… & Y… avait commis une faute et l’a condamnée à payer à la société Point P une indemnité de 70.000 € ;

AUX MOTIFS QU'« il appartenait à la SCP I… & Y… de s’assurer de l’efficacité de la saisie-attribution qu’elle pratiquait pour le compte de la société Point P tant au niveau de la rédaction de l’acte que dans le cas de sa signification au comptable public et le tribunal saisi d’une action en responsabilité professionnel de l’huissier est compétent pour apprécier l’existence des manquements aux obligations contractuelles de ce dernier alléguées par son mandant. Dès lors si le juge de l’exécution est compétent pour apprécier la validité des actes d’exécution contestés devant lui à l’occasion de l’exécution forcée, seul le juge de la responsabilité peut statuer sur les manquements éventuels de l’huissier dans la rédaction et la délivrance de tels acte de nature à engager la responsabilité contractuelle de leur auteur sur le fondement du mandat qui a été confié à ce professionnel » ;

ET AUX MOTIFS ADOPTÉS QUE « l’article L. 213-6 du Code de l’organisation judiciaire dispose que le juge de l’exécution connaît de manière exclusive des difficultés relatives aux titres exécutoires et des contestations qui s’élèvent à l’occasion de l’exécution forcée, même si elles portent sur le fond du droit, à moins qu’elles n’échappent à la compétence des juridictions de l’ordre judiciaire, et qu’il connaît sous la même réserve des demandes en réparation fondées sur l’exécution ou l’inexécution dommageable des mesures d’exécution forcées ou des mesures conservatoires. Il s’agit de l’exécution fautive imputable au créancier de la résistance abusive du débiteur, mais aussi de la responsabilité des tiers tenus d’apporter leur concours aux mesures d’exécution, et sous certaines réserves, de la responsabilité civile des agents d’exécution. L’huissier de justice peut ainsi voir sa responsabilité engagée par le débiteur devant le juge de l’exécution sur le fondement du droit commun de la responsabilité civile. En revanche, la Cour de cassation a jugé que le juge de l’exécution ne pouvait statuer sur la demande formée par un créancier contre un huissier de justice à raison de l’exécution fautive du mandat confié à ce professionnel (Civ.,. 2 21 février 2008, n° 07-10.417). Ainsi au regard du montant des demandes, seul le tribunal de grande instance s’avère compétent pour statuer sur la responsabilité civile professionnelle de l’huissier de justice engagée par le créancier du mandant. La société Point P ne pouvait donc engager la présente action devant le juge de l’exécution, qui n’aurait pu statuer que sur une seule action en nullité de l’acte de saisie. A défaut de saisine préalable du juge de l’exécution par la société Point P aux fins de voir annuler l’acte de saisie, le tribunal est néanmoins en mesure d’apprécier la validité de cet acte au regard des textes précités, acte qui en l’espèce s’avère ne pouvoir produire d’effet puisqu’il est affecté d’une irrégularité de fond tenant au défaut de signification au comptable public assignataire de la dépense. Ainsi en s’abstenant de cette signification imposée par l’article R. 143-3 du Code des procédures civiles d’exécution l’huissier de justice a manqué à son obligation de diligence et a commis une faute de nature à engager sa responsabilité civile professionnelle » ;

1°) ALORS QUE le juge de l’exécution dispose d’une compétence exclusive pour connaître « des difficultés relatives aux titres exécutoires et des contestations qui s’élèvent à l’occasion de l’exécution forcée » et des mesures conservatoires ; qu’en l’espèce, la société Point P prétendait que la saisie attribution effectuée par la SCP I… & Y… était nulle, faute de signification de l’acte au comptable assignataire de la dépense publique ; qu’en considérant que le tribunal de grande instance pouvait connaître de la demande en tranchant la question de la validité de la saisie attribution du 9 novembre 2012, la cour d’appel a violé l’article L. 213-6 du Code de l’organisation judiciaire ;

2°) ALORS QUE le juge de l’exécution connaît de manière exclusive « des demandes en réparation fondées sur l’exécution ou l’inexécution dommageables des mesures d’exécution forcée ou des mesures conservatoires » ; qu’en l’espèce, la société Point P prétendait que la saisie attribution effectuée par la SCP I… & Y… était nulle, faute de signification de l’acte au comptable assignataire de la dépense publique, et en demandait réparation ; qu’en jugeant que cette demande échappait à la compétence du juge de l’exécution et pouvait être soumise au tribunal de grande instance, motif pris de ce qu’elle portait sur l’exécution fautive de son mandat par l’exposante, bien qu’elle soit relative à l’appréciation de la régularité de l’acte de saisie, la cour d’appel a derechef violé l’article L. 213-6 du Code de l’organisation judiciaire.

SECOND MOYEN DE CASSATION

IL EST FAIT GRIEF à l’arrêt attaqué,

D’AVOIR confirmé le jugement entrepris en ce qu’il avait dit que la SCP I… & Y… avait commis une faute et l’avait condamnée à payer à la société Point P une indemnité de 70.000 € ;

AUX MOTIFS QU'« en application des dispositions de l’article R. 143-3 du Code des procédures civiles d’exécution, tout acte de saisie notifié à un comptable public doit à peine de nullité être signifié ou notifié au comptable assignataire de la dépense. Il n’est pas contesté en l’espèce que la SCP n’a pas notifié la saisie-attribution qu’elle a diligentée le 9 novembre 2012 entre les mains du comptable assignataire de la dépense qui était le trésorier payeur de Plaisir mais directement à la commue de […] tenue envers la société ABRS de la somme de 172.310,58 €. Ainsi en ne respectant pas les dispositions ci-dessus imposées à peine de nullité, l’huissier a manqué à ses obligations professionnelles puisqu’il n’a pas assuré l’efficacité de l’acte qu’il diligentait en ne le notifiant pas à la bonne personne. La SCP a également commis une faute en délivrant l’acte avec la mention d’une adresse erronée du créancier même si l’absence de conséquence d’une telle erreur sur l’efficacité de l’acte ne permet pas de retenir l’existence d’un préjudice en découlant.

Sur le préjudice :

La SCP soutient que le tiers saisi ayant seulement la faculté de soulever la nullité de la saisie devant le juge de l’exécution, le préjudice allégué n’est qu’éventuel, la saisie attribution signifiée avant le placement de la société ABRS en liquidation judiciaire produisant tous ses effets et la commune de […] ne pouvant se défaire des fonds en sa possession tant qu’il n’a pas été statué sur la validité de la saisie par le juge de l’exécution. La société Point P fait valoir que son préjudice qui est entier ne résulte pas d’une perte de chance et qu’elle ne dispose plus d’aucune action pour agir contre la commune qui détenait pourtant une somme supérieure à sa créance, régulièrement déclarée à la liquidation de la société ABRS dont le mandataire liquidateur lui a notifié le 10 juillet 2014 qu’elle était irrecouvrable. C’est à juste titre que le tribunal a retenu que par la faute de l’huissier la société Point P avait perdu une chance très sérieuse d’obtenir le paiement de sa créance faute de pouvoir se prévaloir de cet acte inefficace. En effet contrairement à ce que soutient l’huissier, le tiers saisi qui a en l’espèce respecté le délai prévu à l’article R. 211-4 du Code des procédures civiles d’exécution et qui n’est pas soumis au délai d’un mois prévu à l’article R. 211-11 du même Code peut toujours en vertu de l’article R. 211-9 invoquer la nullité de la saisie-attribution devant le juge de l’exécution et la lettre adressée par le conseil de la ville de […] en date du 17 janvier 2013 démontre que le tiers saisi aurait très certainement usé de cette faculté. En outre, la somme détenue par la Ville de […] au titre de la créance de la société ABRS à son encontre était supérieure à la créance de la société Point P. X…, il sera rappelé qu’en vertu de l’article R. 211-8 du Code des procédures civiles d’exécution le créancier saisissant qui n’a pas été payé par le tiers conserve ses droits contre le débiteur sauf si le défaut de paiement est imputable à la négligence du créancier qui perd alors ses droits à concurrence des sommes dues par le tiers saisi de sorte qu’il importe peu de savoir d’une part si la Ville de […] détenait toujours cette somme et si la liquidation judiciaire de la société ABRS rendait impossible le recouvrement de sa créance par la société Point P. Et le fait qu’un certificat de non-contestation ait été établi ou que le comptable public ait été avisé de la saisie sont sans conséquence sur l’efficacité de l’acte puisque la nullité de la saisie pourrait toujours être opposée au créancier saisissant par le tiers saisi. Ainsi la notification erronée effectuée par l’huissier a fait perdre à la société Point P une chance de recouvrer sa créance d’un montant de 84.237,33 € qui sera évaluée à la somme de 70.000 € » ;

ET AUX MOTIFS ADOPTÉS QUE « l’article L. 213-6 du Code de l’organisation judiciaire dispose que le juge de l’exécution connaît de manière exclusive des difficultés relatives aux titres exécutoires et des contestations qui s’élèvent à l’occasion de l’exécution forcée, même si elles portent sur le fond du droit, à moins qu’elles n’échappent à la compétence des juridictions de l’ordre judiciaire, et qu’il connaît sous la même réserve des demandes en réparation fondées sur l’exécution ou l’inexécution dommageable des mesures d’exécution forcées ou des mesures conservatoires. Il s’agit de l’exécution fautive imputable au créancier de la résistance abusive du débiteur, mais aussi de la responsabilité des tiers tenus d’apporter leur concours aux mesures d’exécution, et sous certaines réserves, de la responsabilité civile des agents d’exécution. L’huissier de justice peut ainsi voir sa responsabilité engagée par le débiteur devant le juge de l’exécution sur le fondement du droit commun de la responsabilité civile. En revanche, la Cour de cassation a jugé que le juge de l’exécution ne pouvait statuer sur la demande formée par un créancier contre un huissier de justice à raison de l’exécution fautive du mandat confié à ce professionnel (Civ.,. 2 21 février 2008, n° 07-10.417). Ainsi au regard du montant des demandes, seul le tribunal de grande instance s’avère compétent pour statuer sur la responsabilité civile professionnelle de l’huissier de justice engagée par le créancier du mandant.

La société Point P ne pouvait donc engager la présente action devant le juge de l’exécution, qui n’aurait pu statuer que sur une seule action en nullité de l’acte de saisie. A défaut de saisine préalable du juge de l’exécution par la société Point P aux fins de voir annuler l’acte de saisie, le tribunal est néanmoins en mesure d’apprécier la validité de cet acte au regard des textes précités, acte qui en l’espèce s’avère ne pouvoir produire d’effet puisqu’il est affecté d’une irrégularité de fond tenant au défaut de signification au comptable public assignataire de la dépense. Ainsi en s’abstenant de cette signification imposée par l’article R. 143-3 du Code des procédures civiles d’exécution l’huissier de justice a manqué à son obligation de diligence et a commis une faute de nature à engager sa responsabilité civile professionnelle.

Sur le préjudice : [

]

Le délai d’un mois imparti pour élever une contestation relative à la saisie-attribution ne court pas à l’encontre du tiers saisi. Le tiers saisi poursuivi par le créancier saisissant en paiement des causes de la saisie, ou contre lequel la délivrance d’un titre exécutoire est demandée au juge de l’exécution peut invoquer comme moyen de défense la nullité ou la caducité de la saisie. Ainsi si la société Point P saisissait le juge de l’exécution afin d’obtenir un titre exécutoire contre le tiers saisi sur le fondement de l’article R. 211-9 précité, la ville de […] pourrait toujours opposer la nullité de l’acte pour défaut de notification de l’acte de saisie au comptable public, en méconnaissance des dispositions de l’article R. 143-3 du Code des procédures civiles d’exécution. L’action de la société Point P serait donc manifestement vouée à l’échec. En conséquence, en raison de la faute de l’huissier de justice, la saisie-attribution pratiquée se trouve privée d’effet et la société Point P n’est plus en mesure de poursuivre l’exécution forcée de l’ordonnance de référé du 26 septembre 2012 en raison du placement en liquidation judiciaire de la société ABRS qui entraîne la suspension des poursuites individuelles.

Contrairement à ce que soutient la SCP aucune somme n’a pu être bloquée à la suite de la saisie attribution litigieuse, celle-ci n’ayant pas été pratiquée entre les mains du comptable public qui les détenait pour le compte de la commune de […], tiers saisi. Un paiement volontaire par la ville de […] apparaît très peu probable compte tenu du contenu de la lettre du 17 janvier 2013 par laquelle l’avocat de la commune a indiqué à la SCP que par application des dispositions de l’article R. 143-3 du Code des procédures civiles d’exécution à défaut d’avoir été signifié au trésorier payeur de Plaisir la saisie attribution pratiquée apparaît entachée de nullité. Dans l’hypothèse où la signification aurait été effectuée dans les conditions légales, le comptable public aurait toujours eu la possibilité de contester la créance que la société ABRS détenait sur la commune de […]. Néanmoins compte tenu de la déclaration de la commune à l’huissier aux termes de laquelle elle a reconnu devoir la somme de 172.310,58 € à la société ABRS, une telle contestation aurait eu peu de chance d’être opposée de sorte que la société Point P a perdu par la faute de l’huissier de justice une chance très sérieuse d’obtenir le paiement de sa créance et doit être indemnisé à hauteur de la somme de 70.000 € assortie des intérêts au taux légal à compter du présent jugement » ;

1°) ALORS QU’un acte est valide et produit ses effets tant qu’il n’a pas été annulé par le juge compétent ; qu’en l’espèce, les juges du fond ont considéré que la SCP I… & Y… avait commis une faute engageant sa responsabilité envers la société Point P, en ce que la saisie attribution effectuée par elle le 9 novembre 2012 n’aurait pas produit ses effets, faute de signification au comptable assignataire de la dépense ; qu’en statuant ainsi, bien que la saisie-attribution n’ait pas été annulée, que les fonds soient donc bloqués et que l’exposante fasse justement valoir que la société Point P n’avait pas saisi le juge de l’exécution pour obtenir un titre exécutoire contre le tiers saisi comme elle le pouvait, de sorte que le préjudice allégué par la société Point P n’était que purement hypothétique, la cour d’appel a violé l’article 1147 du Code civil dans sa rédaction applicable antérieure à celle issue de l’ordonnance du 10 février 2016 ;

2°) ALORS QU’un préjudice hypothétique ou éventuel n’est pas réparable ; qu’en l’espèce, pour condamner l’exposante au paiement d’indemnités au bénéfice de la société Point P, la cour d’appel a retenu qu’un paiement volontaire par la Commune de […] « apparaissait peu probable », bien qu’elle ait pourtant reconnu devoir la somme de 172.310,58 € à la société ABRS ; qu’en statuant ainsi, la cour d’appel a réparé un préjudice éventuel et a violé l’article 1147 du Code civil dans sa rédaction applicable antérieure à celle issue de l’ordonnance du 10 février 2016 ;

3°) ALORS QU’une ordonnance de référé est une décision provisoire dépourvue de l’autorité de la chose jugée au principal ; qu’en l’espèce, il est constant que la saisie attribution litigieuse tendait à l’exécution d’une ordonnance de référé ; qu’en ne recherchant pas si cette ordonnance était fondée et quelles chances elle aurait eu d’être confirmée ou infirmée par des juges du fond, la cour d’appel a privé sa décision de base légale au regard de l’article 1147 du Code civil dans sa rédaction applicable antérieure à celle issue de l’ordonnance du 10 février 2016.

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