Cour de cassation, Chambre civile 1, 24 octobre 2019, 18-22.549, Publié au bulletin
Chronologie de l’affaire
Résumé de la juridiction
Le paiement, fait par erreur sur l’ordre des privilèges, n’ouvre pas droit à répétition dès lors que l’accipiens n’a reçu que ce que lui devait son débiteur
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Sur la décision
Référence : | Cass. 1re civ., 24 oct. 2019, n° 18-22.549, Publié au bulletin |
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Juridiction : | Cour de cassation |
Numéro(s) de pourvoi : | 18-22549 |
Importance : | Publié au bulletin |
Décision précédente : | Cour d'appel de Montpellier, 6 juin 2018, N° 15/00266 |
Dispositif : | Rejet |
Date de dernière mise à jour : | 14 décembre 2021 |
Identifiant Légifrance : | JURITEXT000039307210 |
Identifiant européen : | ECLI:FR:CCASS:2019:C100873 |
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Sur les parties
- Président : Mme Batut
- Avocat(s) :
- Cabinet(s) :
- Parties :
Texte intégral
CIV. 1
FB
COUR DE CASSATION
______________________
Audience publique du 24 octobre 2019
Rejet
Mme BATUT, président
Arrêt n° 873 FS-P+B+I
Pourvoi n° H 18-22.549
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
_________________________
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________
LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, a rendu l’arrêt suivant :
Statuant sur le pourvoi formé par M. V… U…, domicilié […],
contre l’arrêt rendu le 7 juin 2018 par la cour d’appel de Montpellier (1re chambre A), dans le litige l’opposant :
1°/ à l’union de recouvrement des cotisations de sécurité sociale et d’allocations familiales du Languedoc-Roussillon, dont le siège est […], venant aux droits de l’union de recouvrement des cotisations de sécurité sociale et d’allocations familiales de l’Hérault, du Gard, de l’Aude et des Pyrénées-Orientales,
2°/ à la Société générale, société anonyme, dont le siège est […],
défenderesses à la cassation ;
Le demandeur invoque, à l’appui de son pourvoi, le moyen unique de cassation annexé au présent arrêt ;
Vu la communication faite au procureur général ;
LA COUR, composée conformément à l’article R. 431-5 du code de l’organisation judiciaire, en l’audience publique du 24 septembre 2019, où étaient présents : Mme Batut, président, M. Serrier, conseiller référendaire rapporteur, Mme Kamara, conseiller doyen, Mmes Duval-Arnould, Teiller, MM. Avel, Mornet, Mme Poinseaux, conseillers, Mme Canas, M. Vitse, Mmes Dazzan, Le Gall, Kloda, Champ, Comte, Robin-Raschel, conseillers référendaires, Mme Legohérel, avocat général référendaire, Mme Randouin, greffier de chambre ;
Sur le rapport de M. Serrier, conseiller référendaire, les observations de la SCP Boré, Salve de Bruneton et Mégret, avocat de M. U…, de la SCP Gatineau et Fattaccini, avocat de l’union de recouvrement des cotisations de sécurité sociale et d’allocations familiales du Languedoc-Roussillon, l’avis écrit de M. Sudre, avocat général, l’avis oral de Mme Legohérel, avocat général référendaire, et après en avoir délibéré conformément à la loi ;
Sur le moyen unique :
Attendu, selon l’arrêt attaqué (Montpellier, 7 juin 2018), qu’à l’occasion de la cession d’un fonds de commerce réalisée par acte authentique du 16 février 2011, M. U… (le notaire) a reçu plusieurs oppositions de l’administration fiscale, de l’union de recouvrement des cotisations de sécurité sociale et d’allocations familiales du Languedoc-Roussillon (l’URSSAF), et de la Société générale (la banque), bénéficiaire d’un nantissement ; qu’une ordonnance de référé du 13 octobre 2011 ayant ordonné la mainlevée de l’opposition formulée par l’administration fiscale, le notaire a versé une partie des fonds à l’URSSAF et à la banque ; qu’après infirmation de cette ordonnance par arrêt du 16 mai 2012, l’administration fiscale a assigné le notaire en responsabilité par acte du 8 février 2013 ; que ce dernier a engagé une action en répétition contre l’URSSAF et la banque en soutenant qu’un paiement indu avait été effectué à leur profit ;
Attendu que le notaire fait grief à l’arrêt de rejeter ses demandes, alors, selon le moyen :
1°/ que le créancier qui reçoit lors d’une procédure de répartition de sommes qui ne lui étaient pas dues, en violation de l’ordre des sûretés ou de l’égalité des créanciers chirographaires, en doit répétition ; qu’en retenant, pour écarter l’action en répétition de l’indu exercée par le notaire à l’encontre de l’URSSAF et de la banque, que ces créanciers avaient reçu « sans atteinte au principe d’égalité des créanciers chirographaires […] ce que leur devait le débiteur », tout en constatant qu’une erreur avait été commise « sur l’ordre des privilèges », de sorte que ces créanciers avaient reçu des sommes qu’ils n’auraient pas dû recevoir dans le cadre de la répartition du prix de vente du fonds de commerce, la cour d’appel a violé les articles 1376 et 1377 du code civil, dans leur rédaction applicable à l’espèce ;
2°/ que l’absence de faute de celui qui a payé ne constitue pas une condition de mise en oeuvre de l’action en répétition de l’indu ; qu’en retenant, pour écarter l’action en répétition de l’indu exercée par le notaire à l’encontre de l’URSSAF et de la banque, que le notaire avait « de façon fautive » adressé à ces créanciers des fonds revenant à un autre créancier, quand le caractère fautif de l’erreur commise par celui qui réclame répétition est indifférente, la cour d’appel a violé les articles 1376 et 1377 du code civil, dans leur rédaction applicable à l’espèce ;
Mais attendu qu’ayant relevé que le notaire avait commis une erreur sur l’ordre des privilèges et que le paiement était intervenu sans atteinte au principe de l’égalité des créanciers chirographaires, l’URSSAF et la banque étant des créanciers privilégiés, la cour d’appel en a exactement déduit que ce paiement n’ouvrait pas droit à répétition, dès lors que l’URSSAF et la banque n’avaient reçu que ce que leur devait le débiteur ; que le moyen, inopérant en sa seconde branche dirigée contre des motifs qui ne sont pas le soutien du rejet de l’action en répétition de l’indu, n’est pas fondé pour le surplus ;
PAR CES MOTIFS :
REJETTE le pourvoi ;
Condamne M. U… aux dépens ;
Vu l’article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, première chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-quatre octobre deux mille dix-neuf.
MOYEN ANNEXE au présent arrêt
Moyen produit par la SCP Boré, Salve de Bruneton et Mégret, avocat aux Conseils, pour M. U….
IL EST FAIT GRIEF à l’arrêt attaqué d’AVOIR confirmé le jugement entrepris en ce qu’il avait débouté M. U… de ses demandes formées à l’encontre de l’URSSAF Languedoc-Roussillon et de la Société Générale, créanciers de la SARL Poissons et Compagnie, en tant qu’elles étaient fondées sur la répétition de l’indu ;
AUX MOTIFS PROPRES QUE selon l’article 1376 ancien du code civil, celui qui reçoit par erreur ou sciemment ce qui ne lui est pas dû, s’oblige à le restituer à celui de qui il l’a indûment reçu ; que l’article 1377 précise que lorsqu’une personne, qui par erreur, se croyait débitrice, a acquitté une dette, elle a le droit de répétition contre le créancier. Néanmoins, ce droit cesse dans le cas où le créancier a supprimé son titre par suite du paiement, sauf le recours de celui qui a payé contre le véritable débiteur ; que l’erreur ou la négligence du solvens ne font pas obstacle à ce que celui-ci agisse en répétition ; que cette action ne peut toutefois prospérer qu’autant que le paiement est effectivement indu ; qu’en l’espèce, il est constant que Maître U… a commis une erreur sur l’ordre des privilèges ; que le paiement est néanmoins intervenu sans atteinte au principe d’égalité des créanciers, l’URSSAF et la Société Générale n’étant pas des créanciers chirographaires ; qu’il n’ouvre donc pas droit à répétition dès lors que l’URSSAF et la Société Générale n’ont reçu que ce que leur devait le débiteur ; que le jugement déféré sera dès lors confirmé en toutes ses dispositions ;
ET AUX MOTIFS ADOPTES QUE la Société Générale et l’URSSAF étaient également créanciers de la SARL Poissons et Compagnie, et n’ont donc pas reçu des sommes qui ne leur étaient pas dues, au sens de l’article 1376 du code civil, texte qui ne peut être invoqué à leur encontre, a fortiori par le notaire qui leur a de façon fautive adressé des fonds revenant à un autre créancier ;
1° ALORS QUE le créancier qui reçoit lors d’une procédure de répartition de sommes qui ne lui étaient pas dues, en violation de l’ordre des sûretés ou de l’égalité des créanciers chirographaires, en doit répétition ; qu’en retenant, pour écarter l’action en répétition de l’indu exercée par M. U… à l’encontre de l’URSSAF et de la Société Générale, que ces créanciers avaient reçu « sans atteinte au principe d’égalité des créanciers chirographaires […] ce que leur devait le débiteur » (arrêt, p. 6, al. 1er), tout en constatant qu’une erreur avait été commise « sur l’ordre des privilèges » (arrêt, p. 6, al. 1er), de sorte que ces créanciers avaient reçu des sommes qu’ils n’auraient pas dû recevoir dans le cadre de la répartition du prix de vente du fonds de commerce, la cour d’appel a violé les articles 1376 et 1377 du code civil, dans leur rédaction applicable à l’espèce ;
2° ALORS QUE l’absence de faute de celui qui a payé ne constitue pas une condition de mise en oeuvre de l’action en répétition de l’indu ; qu’en retenant, pour écarter l’action en répétition de l’indu exercée par M. U… à l’encontre de l’URSSAF et de la Société Générale, que le notaire avait « de façon fautive » adressé à ces créanciers des fonds revenant à un autre créancier (jugement, p. 7, al. 2), quand le caractère fautif de l’erreur commise par celui qui réclame répétition est indifférente, la cour d’appel a violé les articles 1376 et 1377 du code civil, dans leur rédaction applicable à l’espèce.
Textes cités dans la décision