Cour de cassation, Chambre sociale, 6 novembre 2019, 18-13.684, Inédit

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Chronologie de l’affaire

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Louis Richard · Gazette du Palais · 17 mars 2020

Derriennic & Associés · 27 novembre 2019

Cass. Soc., 6 nov. 2019, n°18-13684 et 18-18301 Aux termes des deux arrêts visés, la Cour de cassation critique les clauses de rémunération variable insuffisamment précises ou détaillées qui laisseraient à l'employeur le pouvoir de réduire, même indirectement, le montant maximal initialement stipulé. Dans la première affaire, un salarié du secteur de la banque bénéficiait de plusieurs rémunérations variables. Son contrat de travail prévoyait l'octroi d'un « bonus discrétionnaire déterminé en fonction des performances du salarié et du groupe au cours de l'année ». Sur cette base, …

 

Derriennic & Associés · 8 novembre 2019

Télécharger FICHE PRATIQUE : L'employeur face au droit d'accès L'article 15 du Règlement général sur la protection des données (UE) n°2016/679 dit « RGPD » permet à toute personne d'avoir accès et d'obtenir une copie des données personnelles la concernant : « 1. La personne concernée a le droit d'obtenir du responsable du traitement la confirmation que des données à caractère personnel la concernant sont ou ne sont pas traitées et, lorsqu'elles le sont, l'accès auxdites données à caractère personnel ainsi que les informations suivantes: a) les finalités du traitement; b) les …

 
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Sur la décision

Référence :
Cass. soc., 6 nov. 2019, n° 18-13.684
Juridiction : Cour de cassation
Numéro(s) de pourvoi : 18-13.684
Importance : Inédit
Décision précédente : Cour d'appel de Paris, 24 janvier 2018, N° 14/01856
Dispositif : Rejet
Date de dernière mise à jour : 14 décembre 2021
Identifiant Légifrance : JURITEXT000039389233
Identifiant européen : ECLI:FR:CCASS:2019:SO01537
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Sur les parties

Texte intégral

SOC.

FB

COUR DE CASSATION

______________________

Audience publique du 6 novembre 2019

Rejet

M. SCHAMBER, conseiller doyen

faisant fonction de président

Arrêt n° 1537 F-D

Pourvoi n° W 18-13.684

R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

_________________________

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l’arrêt suivant :

Statuant sur le pourvoi formé par la société AIG management France, société anonyme, dont le siège est […] , anciennement dénommée Banque AIG,

contre l’arrêt rendu le 25 janvier 2018 par la cour d’appel de Paris (pôle 6, chambre 5), dans le litige l’opposant à M. L… A…, domicilié […] ,

défendeur à la cassation ;

La demanderesse invoque, à l’appui de son pourvoi, les deux moyens de cassation annexés au présent arrêt ;

Vu la communication faite au procureur général ;

LA COUR, en l’audience publique du 2 octobre 2019, où étaient présents : M. Schamber, conseiller doyen faisant fonction de président, Mme Monge, conseiller rapporteur, M. Sornay, conseiller, Mme Jouanneau, greffier de chambre ;

Sur le rapport de Mme Monge, conseiller, les observations de la SCP Célice, Soltner, Texidor et Périer, avocat de la société AIG management France, de la SCP Lyon-Caen et Thiriez, avocat de M. A…, et après en avoir délibéré conformément à la loi ;

Attendu, selon l’arrêt attaqué (Paris, 25 janvier 2018), que M. A… a été engagé à compter du 1er mars 1994 par la société Banque AIG devenue AIG management France (la société) ; qu’en dernier lieu, il exerçait les fonctions de directeur adjoint, statut de cadre ; que licencié pour motif économique, le 3 novembre 2010, il a saisi, le 24 juillet 2012, la juridiction prud’homale à l’effet d’obtenir paiement de rappels de bonus placés pour partie sur un plan de rémunération différé appelé « Deferred Compensation Plan (DCP) » ou « plan de rémunération différée » et, pour la seule année 2007, sur un plan dénommé « Special Incentive Plan (SIP) » ou « plan incitatif spécial » ainsi que paiement de bonus issus d’un plan intitulé « Employee retention plan (ERP) » ou « plan de fidélisation des salariés » pour les années 2008 et 2009 ;

Sur le premier moyen :

Attendu que l’employeur fait grief à l’arrêt de le condamner à payer certaines sommes au titre du bonus 2007 (plan DCP), du bonus 2007 (plan SIP) et du bonus 2008/2009 (plan ERP), alors, selon le moyen :

1°/ que lorsque le contrat de travail prévoit que l’employeur pourra accorder au salarié un bonus discrétionnaire déterminé en fonction des performances du salarié et du groupe au cours de l’année, l’employeur peut fixer librement le montant et les conditions de paiement de ce bonus dès lors qu’il tient compte des performances du salarié et du groupe ; que l’employeur peut ainsi décider d’appliquer, pour la détermination de ce bonus et de ses conditions de paiement, un plan de bonus défini par le groupe pour l’ensemble des salariés relevant de la même catégorie de personnel ou de catégories comparables, qui comporte des critères objectifs et pertinents au regard de l’activité exercée et qui a été porté à la connaissance du salarié ; qu’un tel plan peut prévoir qu’en cas de résultats bénéficiaires, en plus du bonus annuel payé immédiatement au salarié, une rémunération différée sera versée, de manière échelonnée sur plusieurs années, à condition que le groupe n’enregistre pas de pertes ; qu’en l’espèce, il était stipulé, dans le contrat de travail de M. A…, que la société Banque AIG « pourra décider de lui octroyer un bonus discrétionnaire en fonction de ses performances et de la performance du groupe AIG-FP au cours de l’année précédente » ; que le Plan de Rémunération Différée défini par le groupe prévoyait que lorsque l’activité AIG-FP dégage des bénéfices au cours d’une année, les cadres éligibles bénéficient d’un bonus payable immédiatement et d’un bonus, placé sur un compte de rémunération différée, donnant lieu à un paiement différé, échelonné sur plusieurs années et conditionné à l’absence de pertes ultérieures ; qu’en affirmant que, dès l’instant où le contrat de travail prévoyait le paiement d’un bonus déterminé en fonction des performances du salarié et du groupe de l’année précédente, le montant du bonus placé sur un compte de rémunération différée ne peut être affecté par les pertes ultérieures du groupe, cependant que les stipulations contractuelles autorisent l’employeur à fixer le montant et les conditions de paiement du bonus de manière discrétionnaire, la cour d’appel a violé l’article 1134 du code civil dans sa rédaction applicable au litige, ensemble l’article L. 1221-1 du code du travail ;

2°/ que dans le secteur des services financiers, la performance d’une entreprise ou d’un groupe ne peut être appréciée sur le court terme sans prise en compte des risques sous-jacents, ce qui impose de différer le paiement d’une part de la rémunération variable sur plusieurs années et de prévoir la possible variation du montant de cette rémunération différée, selon les résultats effectifs de l’entreprise à chacune des échéances de ce paiement ; qu’ainsi, selon l’article 31-4 du règlement n° 97-02 du 21 février 1997 relatif au contrôle interne des établissements de crédit et des entreprises d’investissement, dans sa rédaction issue de l’arrêté du 3 novembre 2009, les entreprises assujetties doivent veiller, en ce qui concerne les personnels dont les activités ont une incidence significative sur le profil de risque de l’entreprise ou du groupe, « à ce qu’une fraction importante des rémunérations variables soit versée sous condition de résultat et différée sur une durée minimale de trois ans, avec un rythme de versement qui ne doit pas être plus rapide qu’un prorata temporis » et « à ce que, en cas de pertes de l’activité considérée, la part de la rémunération différée susceptible d’être versée aux salariés concernés sous condition des résultats de l’exercice où les pertes sont constatées soit substantiellement réduite ou ne soit pas versée » ; qu’en l’espèce, il est constant que le groupe AIG-FP, auquel appartenait la société Banque AIG, exerçait une activité d’émission et de commercialisation de produits financiers complexes et que M. A… occupait le poste de Responsable du pôle « marchés financiers » en charge des produits dérivés au sein de la société Banque AIG ; qu’en conséquence, le Plan de Rémunération Différée, qui prévoyait le paiement échelonné sur une période de plusieurs années correspondant à la durée de vie moyenne des produits du portefeuille, d’un bonus annuel et subordonnait ce paiement à une condition d’absence de pertes, était conforme aux règles de saine gestion des risques dans ce secteur d’activité ; qu’en affirmant cependant que la part du bonus placée sur un compte de rémunération différée ne peut être affectée par les pertes ultérieures du groupe, pour admettre qu’en dépit des pertes de près de 100 milliards de dollars enregistrées par le groupe en 2008, M. A… pouvait réclamer, au titre des performances des années antérieures, le paiement de complément de bonus de plusieurs millions d’euros, la cour d’appel a violé l’article 1134 du code civil dans sa rédaction applicable au litige et l’article L. 1221-1 du code du travail, interprétés à la lumière de l’article 31-4 du règlement précité ;

3°/ que la performance d’une activité de commercialisation de produits financiers complexes ayant une durée de vie de plusieurs années ne peut être appréciée sur une seule année, indépendamment des risques qui y sont associés sur la durée de vie de ces produits ; que la société AIG Management France soutenait que la performance du groupe AIG-FP au cours d’une année devait être appréciée en prenant en considération les risques liés au portefeuille de produits financiers sur la base de la durée de vie moyenne de ce portefeuille, ce qui justifiait qu’une part du bonus annuel alloué à M. A… en fonction des résultats réalisés par le groupe sur une année ait été soumise à un paiement échelonné sur une période correspondant à la durée de vie moyenne des titres du portefeuille et conditionnée à l’absence de pertes à chaque échéance ; qu’en affirmant que, dès lors que le bonus envisagé dans le contrat de travail de M. A… devait être déterminé en fonction des performances du groupe de l’année écoulée, le montant du bonus alloué en application de cette stipulation et placé sur un compte de rémunération différée ne pouvait être affecté par les pertes ultérieures du groupe, sans tenir compte de la nature de l’activité exercée qui impose de pondérer les performances d’une année avec les risques associés, traduits dans les performances réalisées sur la durée de vie moyenne du portefeuille, la cour d’appel a privé sa décision de base légale au regard de l’article 1134 du code civil dans sa rédaction applicable au litige, ensemble l’article L. 1221-1 du code du travail ;

Mais attendu qu’ayant retenu, à bon droit, que dès lors que le contrat de travail prévoit l’attribution d’un bonus déterminé en fonction des performances de l’année précédente du salarié et du groupe, le montant du bonus alloué en application de cette stipulation et placé sur un compte de rémunération différé ne peut être affecté par les pertes ultérieures du groupe, la cour d’appel, qui n’était pas tenue de prendre en considération un règlement non applicable au litige ni de suivre les parties dans le détail de leur argumentation, a légalement justifié sa décision ;

Sur le second moyen :

Attendu que l’employeur fait grief à l’arrêt de le condamner au paiement de certaines sommes au titre du bonus 2007 (plan SIP) et du bonus 2008/2009 (plan ERP), alors, selon le moyen :

1°/ que selon l’article 4 du contrat de travail, le bonus discrétionnaire que la société pourra décider d’octroyer au salarié en début d’année est « déterminé en fonction de ses performances et de celles du groupe au cours de l’année précédente » ; que la société AIG Management France soutenait, sans être contestée, qu’en 2008 et 2009, au plus fort de la crise financière, le groupe a enregistré des pertes de près de 100 milliards de dollars, de sorte qu’en exécution des prévisions du contrat aucun bonus n’aurait dû être alloué à M. A…, mais que le groupe avait décidé de mettre en place un Plan de Fidélisation des Salariés, prévoyant l’octroi d’un bonus indépendant des performances du groupe pour inciter les forces vives du groupe à ne pas quitter leur emploi et conserver les salariés dont le travail était essentiel pour gérer autant que faire se peut les effets de la crise ; que dans ses conclusions d’appel, M. A… reconnaissait lui-même que le Plan de Fidélisation des Salariés (plan ERP) a été mis en oeuvre « alors que les pertes étaient avérées » ; qu’en affirmant cependant que la société AIG management France ne démontre pas que les plans mis en place ne constituaient pas l’application de l’article 4 du contrat de travail, sans expliquer comment le Plan de Fidélisation des Salariés, qui prévoyait l’octroi en 2009 et 2010 d’un bonus aux salariés au titre des années 2008 et 2009 alors que le groupe enregistrait des pertes de plusieurs milliards de dollars, pouvait correspondre à l’attribution d’un bonus déterminé en fonction des performances du groupe de l’année précédente, la cour d’appel a privé sa décision de base légale au regard de l’article 1134 du code civil dans sa rédaction applicable au litige, ensemble l’article L. 1221-1 du code du travail ;

2°/ que le juge a l’interdiction de dénaturer les documents de la cause ; que le Plan de Rémunération Différée (DCP) prévoit que 30 % du « bénéfice distribuable » réalisé chaque année est réparti entre les salariés éligibles à ce plan, chacun d’entre eux se voyant accorder à ce titre un « montant de prime théorique » réparti entre un bonus payable immédiatement et une somme donnant lieu à un paiement différé sous condition ; que le Plan Incitatif Spécial 2007 (SIP) prévoit quant à lui que « les Crédits SIP de 2007 sont indépendants des Montants de Prime Théorique versées aux salariés d’AIGFP pour 2007 », que « les ajustements d’évaluation associés à l’activité des dérivés de crédits super-seniors d’AIGFP ont eu une incidence sur les Montants de Prime Théorique disponibles en 2007 » et que « l’objectif du SIP de 2007 est d’offrir une opportunité de rémunération supplémentaire aux cadres concernés tout en (

) reconnaissant l’effet sérieux que les pertes non constatées associées à l’ajustement d’évaluation ont eu » ; que ce plan précise également que « l’attribution de Crédits SIP de 2007 à un cadre est effectuée à la discrétion d’AIGFP » ; qu’il résulte ainsi des termes clairs et précis du Plan Incitatif Spécial que le montant du « crédit SIP 2007 » accordé à chaque salarié participant à ce plan est indépendant du montant de la prime théorique accordée en raison du bénéfice réalisé par l’activité AIGFP en 2007 ; qu’en affirmant cependant que la lecture des plans ne permet pas de considérer que les bonus qu’ils prévoient ne sont pas calculés en fonction des performances de l’année précédente, la cour d’appel a dénaturé les termes clairs et précis du Plan de Rémunération Différée et du Plan Incitatif Spécial et méconnu l’interdiction faite au juge de dénaturer les documents de la cause ;

3°/ que le juge a l’interdiction de dénaturer les documents de la cause ; que le Plan de Fidélisation des Salariés (ERP), entré en vigueur le 1er décembre 2007, « décrit les Primes de Fidélisation Garanties de 2008 et 2009 octroyées à certains salariés et consultants d’AIG-FP » et prévoit qu’il a notamment pour objectif de « fournir des incitations aux salariés et consultants d’AIG-FP pour poursuivre le développement, la promotion et la mise en oeuvre de l’activité d’AIGFP » et de « reconnaître l’incertitude que la valeur de marché des pertes non réalisées des portefeuilles de dérivés de crédit super-seniors et de CDO cash initialement notés AAA d’AIG-FP a créée pour les salariés et les consultants d’AIGFP » ; qu’il précise encore que les « primes de fidélisation garanties » sont « les montants dont l’attribution aux personnes concernées est garantie (

) pour l’année de rémunération 2008 et l’année de rémunération 2009 », que ces primes sont égales à 100 % ou 75 % de la prime économique totale 2007, selon la catégorie de salarié concernée et que leur paiement est soumis à la condition que le contrat du salarié n’ait pas pris fin avant la date de paiement de ces primes ; qu’il résulte de ces dispositions claires et précises que les primes de fidélisation attribuées aux salariés dans le cadre de ce plan, au titre des années 2008 et 2009, sont indépendantes des performances du groupe sur les années 2008 et 2009 ; qu’en affirmant encore que la lecture des plans ne permet pas de considérer que les bonus qu’ils prévoient ne sont pas calculés en fonction des performances du groupe de l’année précédente, la cour d’appel a dénaturé les termes clairs et précis du Plan de Fidélisation des Salariés et méconnu l’interdiction faite au juge de dénaturer les documents de la cause ;

Mais attendu qu’appréciant les éléments de fait et de preuve qui lui étaient soumis, la cour d’appel, qui a, par une interprétation souveraine, exclusive de dénaturation, que l’ambiguïté des termes des plans de versement de bonus versés aux débats rendait nécessaire, retenu que ni la lecture de ces plans ni les explications de la société ne permettaient de conduire à la conclusion selon laquelle les plans ne constituaient pas l’application de l’article 4 du contrat de travail et constaté qu’il résultait clairement de la lettre que l’employeur avait adressée le 21 mai 2010 au salarié qu’il avait imputé les pertes ultérieures du groupe sur les bonus que celui-ci avait acquis antérieurement, a, sans être tenue de s’expliquer sur le mode de calcul de ces bonus, légalement justifié sa décision ;

PAR CES MOTIFS :

REJETTE le pourvoi ;

Condamne la société AIG Management France aux dépens ;

Vu l’article 700 du code de procédure civile, condamne la société AIG Management France à payer à M. A… la somme de 3 000 euros ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du six novembre deux mille dix-neuf. MOYENS ANNEXES au présent arrêt

Moyens produits par la SCP Célice, Soltner, Texidor et Périer, avocat aux Conseils, pour la société AIG Management France.

PREMIER MOYEN DE CASSATION

Il est fait grief à l’arrêt infirmatif attaqué d’AVOIR condamné la société AIG Management France à payer à M. A… les sommes de 2.411.224 euros au titre du bonus 2007 (plan DCP), 2.913.826 euros au titre du bonus 2007 (plan SIP) et 2.992.368 euros au titre du bonus 2008/2009 (plan ERP) ;

AUX MOTIFS QUE « Il résulte des dispositions de l’article L 3221-3 du Code du travail que le paiement d’une prime n’est obligatoire pour l’employeur que lorsqu’elle résulte, soit d’une stipulation contractuelle, soit d’un engagement unilatéral de sa part, soit encore, d’un usage. Lorsque la partie variable de la rémunération du salarié résulte de stipulations contractuelles prévoyant son calcul en fonction d’objectifs, son paiement présente un caractère obligatoire. En l’espèce, l’article 4 du contrat de travail signé entre les parties le 22 mai 2000 prévoyait que, le 15 janvier de chaque année, ou antérieurement, selon le choix de la société AIG MANAGEMENT FRANCE, celle-ci pourra décider d’octroyer au salarié un bonus « discrétionnaire », déterminé en fonction de ses performances et de celles du groupe au cours de l’année précédente. Malgré l’emploi du terme « discrétionnaire », le fait de prévoir que la prime en cause, dont les conditions de versement sont précisées, est calculée en fonction de performances, lui confère un caractère obligatoire dans la commune intention des parties. La société AIG MANAGEMENT FRANCE prétend que le terme de « performance » doit être interprété comme n’ayant aucune connotation comptable, mais ne fournissant aucune explication de nature à éclairer utilement la cour sur ce qu’elle entend précisément par ce terme, ne peut être suivie dans cette allégation. Dès lors que le contrat de travail prévoit l’attribution d’un bonus déterminé en fonction des performances de l’année précédente du salarié et du groupe, le montant du bonus alloué en application de cette stipulation et placé sur un compte de rémunération différé, ne peut être affecté par les pertes ultérieures du groupe. En l’espèce, il est constant qu’au sein de l’entreprise, ont été mis en place trois types de bonus, prévus par trois « plans » produits aux débats, dans leur version originale en langue anglaise et dans leur traduction en français. Monsieur A… fait valoir qu’en application des dispositions de l’article L. 1221-3 du code du travail, ces plans lui seraient inopposables au motif qu’ils avaient été rédigés en langue anglaise. Cependant, il est constant qu’il utilisait couramment et avec aisance la langue anglaise pour communiquer au sein de la société AIG MANAGEMENT FRANCE, filiale d’une entreprise dont le siège social est situé aux Etats-Unis et était donc apte à comprendre ces plans, à supposer qu’ils soient compréhensibles, quelqu’en soit la version. La société AIG MANAGEMENT FRANCE fait valoir que ces plans ne constituaient pas l’application de l’article 4 susvisé du contrat de travail, les bonus qu’ils prévoient n’étant pas calculés en fonction des performances de l’année précédente, mais relevant d’une autre catégorie. Cependant, dès lors, que, d’une part, le contrat de travail prévoyait le versement de bonus et que d’autre part, des plans de versements de bonus sont produits aux débats, il appartient à la société AIG MANAGEMENT FRANCE de rapporter la preuve de cette allégation. Or, ni la lecture des plans, ni les explications de la société AIG MANAGEMENT FRANCE ne permettent de conduire à cette conclusion. Enfin, contrairement aux allégations de la société AIG MANAGEMENT FRANCE, il résulte clairement de la lettre qu’elle a adressée le 21 mai 2010 à Monsieur A…, qu’elle a imputé les pertes ultérieures du groupe sur les bonus qu’il avait acquis antérieurement. Il résulte de ces explications que le jugement doit être infirmé en ce qu’il a débouté Monsieur A… de ses demandes formées au titre des bonus, dont les montants ne sont pas contestés » ;

1. ALORS QUE lorsque le contrat de travail prévoit que l’employeur pourra accorder au salarié un bonus discrétionnaire déterminé en fonction des performances du salarié et du groupe au cours de l’année, l’employeur peut fixer librement le montant et les conditions de paiement de ce bonus dès lors qu’il tient compte des performances du salarié et du groupe ; que l’employeur peut ainsi décider d’appliquer, pour la détermination de ce bonus et de ses conditions de paiement, un plan de bonus défini par le groupe pour l’ensemble des salariés relevant de la même catégorie de personnel ou de catégories comparables, qui comporte des critères objectifs et pertinents au regard de l’activité exercée et qui a été porté à la connaissance du salarié ; qu’un tel plan peut prévoir qu’en cas de résultats bénéficiaires, en plus du bonus annuel payé immédiatement au salarié, une rémunération différée sera versée, de manière échelonnée sur plusieurs années, à condition que le groupe n’enregistre pas de pertes ; qu’en l’espèce, il était stipulé, dans le contrat de travail de M. A…, que la société Banque AIG « pourra décider de lui octroyer un bonus discrétionnaire en fonction de ses performances et de la performance du groupe AIG-FP au cours de l’année précédente » ; que le Plan de Rémunération Différée défini par le groupe prévoyait que lorsque l’activité AIG-FP dégage des bénéfices au cours d’une année, les cadres éligibles bénéficient d’un bonus payable immédiatement et d’un bonus, placé sur un compte de rémunération différée, donnant lieu à un paiement différé, échelonné sur plusieurs années et conditionné à l’absence de pertes ultérieures ; qu’en affirmant que, dès l’instant où le contrat de travail prévoyait le paiement d’un bonus déterminé en fonction des performances du salarié et du groupe de l’année précédente, le montant du bonus placé sur un compte de rémunération différée ne peut être affecté par les pertes ultérieures du groupe, cependant que les stipulations contractuelles autorisent l’employeur à fixer le montant et les conditions de paiement du bonus de manière discrétionnaire, la cour d’appel a violé l’article 1134 du code civil dans sa rédaction applicable au litige, ensemble l’article L. 1221-1 du code du travail ;

2. ALORS, AU SURPLUS, QUE dans le secteur des services financiers, la performance d’une entreprise ou d’un groupe ne peut être appréciée sur le court terme sans prise en compte des risques sous-jacents, ce qui impose de différer le paiement d’une part de la rémunération variable sur plusieurs années et de prévoir la possible variation du montant de cette rémunération différée, selon les résultats effectifs de l’entreprise à chacune des échéances de ce paiement ; qu’ainsi, selon l’article 31-4 du règlement n° 97-02 du 21 février 1997 relatif au contrôle interne des établissements de crédit et des entreprises d’investissement, dans sa rédaction issue de l’arrêté du 3 novembre 2009, les entreprises assujetties doivent veiller, en ce qui concerne les personnels dont les activités ont une incidence significative sur le profil de risque de l’entreprise ou du groupe, « à ce qu’une fraction importante des rémunérations variables soit versée sous condition de résultat et différée sur une durée minimale de trois ans, avec un rythme de versement qui ne doit pas être plus rapide qu’un prorata temporis » et « à ce que, en cas de pertes de l’activité considérée, la part de la rémunération différée susceptible d’être versée aux salariés concernés sous condition des résultats de l’exercice où les pertes sont constatées soit substantiellement réduite ou ne soit pas versée » ; qu’en l’espèce, il est constant que le groupe AIG-FP, auquel appartenait la société Banque AIG, exerçait une activité d’émission et de commercialisation de produits financiers complexes et que M. A… occupait le poste de Responsable du pôle « marchés financiers » en charge des produits dérivés au sein de la société Banque AIG ; qu’en conséquence, le Plan de Rémunération Différée, qui prévoyait le paiement échelonné sur une période de plusieurs années correspondant à la durée de vie moyenne des produits du portefeuille, d’un bonus annuel et subordonnait ce paiement à une condition d’absence de pertes, était conforme aux règles de saine gestion des risques dans ce secteur d’activité ; qu’en affirmant cependant que la part du bonus placée sur un compte de rémunération différée ne peut être affectée par les pertes ultérieures du groupe, pour admettre qu’en dépit des pertes de près de 100 milliards de dollars enregistrées par le groupe en 2008, M. A… pouvait réclamer, au titre des performances des années antérieures, le paiement de complément de bonus de plusieurs millions d’euros, la cour d’appel a violé l’article 1134 du code civil dans sa rédaction applicable au litige et l’article L. 1221-1 du code du travail, interprétés à la lumière de l’article 31-4 du règlement précité ;

3. ALORS, EN TOUTE HYPOTHESE, QUE la performance d’une activité de commercialisation de produits financiers complexes ayant une durée de vie de plusieurs années ne peut être appréciée sur une seule année, indépendamment des risques qui y sont associés sur la durée de vie de ces produits ; que la société AIG Management France soutenait que la performance du groupe AIG-FP au cours d’une année devait être appréciée en prenant en considération les risques liés au portefeuille de produits financiers sur la base de la durée de vie moyenne de ce portefeuille, ce qui justifiait qu’une part du bonus annuel alloué à M. A… en fonction des résultats réalisés par le groupe sur une année ait été soumise à un paiement échelonné sur une période correspondant à la durée de vie moyenne des titres du portefeuille et conditionnée à l’absence de pertes à chaque échéance ; qu’en affirmant que, dès lors que le bonus envisagé dans le contrat de travail de M. A… devait être déterminé en fonction des performances du groupe de l’année écoulée, le montant du bonus alloué en application de cette stipulation et placé sur un compte de rémunération différée ne pouvait être affecté par les pertes ultérieures du groupe, sans tenir compte de la nature de l’activité exercée qui impose de pondérer les performances d’une année avec les risques associés, traduits dans les performances réalisées sur la durée de vie moyenne du portefeuille, la cour d’appel a privé sa décision de base légale au regard de l’article 1134 du code civil dans sa rédaction applicable au litige, ensemble l’article L. 1221-1 du code du travail.

SECOND MOYEN DE CASSATION

Il est fait grief à l’arrêt infirmatif attaqué d’AVOIR condamné la société AIG Management France à payer à M. A… les sommes de 2.913.826 euros au titre du bonus 2007 (plan SIP) et 2.992.368 euros au titre du bonus 2008/2009 (plan ERP) ;

AUX MOTIFS QUE « Il résulte des dispositions de l’article L 3221-3 du Code du travail que le paiement d’une prime n’est obligatoire pour l’employeur que lorsqu’elle résulte, soit d’une stipulation contractuelle, soit d’un engagement unilatéral de sa part, soit encore, d’un usage. Lorsque la partie variable de la rémunération du salarié résulte de stipulations contractuelles prévoyant son calcul en fonction d’objectifs, son paiement présente un caractère obligatoire. En l’espèce, l’article 4 du contrat de travail signé entre les parties le 22 mai 2000 prévoyait que, le 15 janvier de chaque année, ou antérieurement, selon le choix de la société AIG MANAGEMENT FRANCE, celle-ci pourra décider d’octroyer au salarié un bonus « discrétionnaire », déterminé en fonction de ses performances et de celles du groupe au cours de l’année précédente. Malgré l’emploi du terme « discrétionnaire », le fait de prévoir que la prime en cause, dont les conditions de versement sont précisées, est calculée en fonction de performances, lui confère un caractère obligatoire dans la commune intention des parties. La société AIG MANAGEMENT FRANCE prétend que le terme de « performance » doit être interprété comme n’ayant aucune connotation comptable, mais ne fournissant aucune explication de nature à éclairer utilement la cour sur ce qu’elle entend précisément par ce terme, ne peut être suivie dans cette allégation. Dès lors que le contrat de travail prévoit l’attribution d’un bonus déterminé en fonction des performances de l’année précédente du salarié et du groupe, le montant du bonus alloué en application de cette stipulation et placé sur un compte de rémunération différé, ne peut être affecté par les pertes ultérieures du groupe. En l’espèce, il est constant qu’au sein de l’entreprise, ont été mis en place trois types de bonus, prévus par trois « plans » produits aux débats, dans leur version originale en langue anglaise et dans leur traduction en français. Monsieur A… fait valoir qu’en application des dispositions de l’article L. 1221-3 du code du travail, ces plans lui seraient inopposables au motif qu’ils avaient été rédigés en langue anglaise. Cependant, il est constant qu’il utilisait couramment et avec aisance la langue anglaise pour communiquer au sein de la société AIG MANAGEMENT FRANCE, filiale d’une entreprise dont le siège social est situé aux Etats-Unis et était donc apte à comprendre ces plans, à supposer qu’ils soient compréhensibles, quelqu’en soit la version. La société AIG MANAGEMENT FRANCE fait valoir que ces plans ne constituaient pas l’application de l’article 4 susvisé du contrat de travail, les bonus qu’ils prévoient n’étant pas calculés en fonction des performances de l’année précédente, mais relevant d’une autre catégorie. Cependant, dès lors, que, d’une part, le contrat de travail prévoyait le versement de bonus et que d’autre part, des plans de versements de bonus sont produits aux débats, il appartient à la société AIG MANAGEMENT FRANCE de rapporter la preuve de cette allégation. Or, ni la lecture des plans, ni les explications de la société AIG MANAGEMENT FRANCE ne permettent de conduire à cette conclusion. Enfin, contrairement aux allégations de la société AIG MANAGEMENT FRANCE, il résulte clairement de la lettre qu’elle a adressée le 21 mai 2010 à Monsieur A…, qu’elle a imputé les pertes ultérieures du groupe sur les bonus qu’il avait acquis antérieurement. Il résulte de ces explications que le jugement doit être infirmé en ce qu’il a débouté Monsieur A… de ses demandes formées au titre des bonus, dont les montants ne sont pas contestés » ;

1. ALORS QUE selon l’article 4 du contrat de travail, le bonus discrétionnaire que la société pourra décider d’octroyer au salarié en début d’année est « déterminé en fonction de ses performances et de celles du groupe au cours de l’année précédente » ; que la société AIG Management France soutenait, sans être contestée, qu’en 2008 et 2009, au plus fort de la crise financière, le groupe a enregistré des pertes de près de 100 milliards de dollars, de sorte qu’en exécution des prévisions du contrat aucun bonus n’aurait dû être alloué à M. A…, mais que le groupe avait décidé de mettre en place un Plan de Fidélisation des Salariés, prévoyant l’octroi d’un bonus indépendant des performances du groupe pour inciter les forces vives du groupe à ne pas quitter leur emploi et conserver les salariés dont le travail était essentiel pour gérer autant que faire se peut les effets de la crise ; que dans ses conclusions d’appel, M. A… reconnaissait lui-même que le Plan de Fidélisation des Salariés (plan ERP) a été mis en oeuvre « alors que les pertes étaient avérées » (conclusions d’appel, p. 11) ; qu’en affirmant cependant que la société AIG Management France ne démontre pas que les plans mis en place ne constituaient pas l’application de l’article 4 du contrat de travail, sans expliquer comment le Plan de Fidélisation des Salariés, qui prévoyait l’octroi en 2009 et 2010 d’un bonus aux salariés au titre des années 2008 et 2009 alors que le groupe enregistrait des pertes de plusieurs milliards de dollars, pouvait correspondre à l’attribution d’un bonus déterminé en fonction des performances du groupe de l’année précédente, la cour d’appel a privé sa décision de base légale au regard de l’article 1134 du code civil dans sa rédaction applicable au litige, ensemble l’article L. 1221-1 du code du travail ;

2. ALORS QUE le juge a l’interdiction de dénaturer les documents de la cause ; que le Plan de Rémunération Différée (DCP) prévoit que 30 % du « bénéfice distribuable » réalisé chaque année est réparti entre les salariés éligibles à ce plan, chacun d’entre eux se voyant accorder à ce titre un « montant de prime théorique » réparti entre un bonus payable immédiatement et une somme donnant lieu à un paiement différé sous condition ; que le Plan Incitatif Spécial 2007 (SIP) prévoit quant à lui que « les Crédits SIP de 2007 sont indépendants des Montants de Prime Théorique versées aux salariés d’AIGFP pour 2007 », que « les ajustements d’évaluation associés à l’activité des dérivés de crédits super-seniors d’AIGFP ont eu une incidence sur les Montants de Prime Théorique disponibles en 2007 » et que « l’objectif du SIP de 2007 est d’offrir une opportunité de rémunération supplémentaire aux cadres concernés tout en (

) reconnaissant l’effet sérieux que les pertes non constatées associées à l’ajustement d’évaluation ont eu » ; que ce plan précise également que « l’attribution de Crédits SIP de 2007 à un cadre est effectuée à la discrétion d’AIGFP » ; qu’il résulte ainsi des termes clairs et précis du Plan Incitatif Spécial que le montant du « crédit SIP 2007 » accordé à chaque salarié participant à ce plan est indépendant du montant de la prime théorique accordée en raison du bénéfice réalisé par l’activité AIGFP en 2007 ; qu’en affirmant cependant que la lecture des plans ne permet pas de considérer que les bonus qu’ils prévoient ne sont pas calculés en fonction des performances de l’année précédente, la cour d’appel a dénaturé les termes clairs et précis du Plan de Rémunération Différée et du Plan Incitatif Spécial et méconnu l’interdiction faite au juge de dénaturer les documents de la cause ;

3. ALORS QUE le juge a l’interdiction de dénaturer les documents de la cause ; que le Plan de Fidélisation des Salariés (ERP), entré en vigueur le 1er décembre 2007, « décrit les Primes de Fidélisation Garanties de 2008 et 2009 octroyées à certains salariés et consultants d’AIG-FP » et prévoit qu’il a notamment pour objectif de « fournir des incitations aux salariés et consultants d’AIG-FP pour poursuivre le développement, la promotion et la mise en oeuvre de l’activité d’AIGFP » et de « reconnaître l’incertitude que la valeur de marché des pertes non réalisées des portefeuilles de dérivés de crédit super-séniors et de CDO cash initialement notés AAA d’AIG-FP a créée pour les salariés et les consultants d’AIGFP » ; qu’il précise encore que les « primes de fidélisation garanties » sont « les montants dont l’attribution aux personnes concernées est garantie (

) pour l’année de rémunération 2008 et l’année de rémunération 2009 », que ces primes sont égales à 100 % ou 75 % de la prime économique totale 2007, selon la catégorie de salarié concernée et que leur paiement est soumis à la condition que le contrat du salarié n’ait pas pris fin avant la date de paiement de ces primes ; qu’il résulte de ces dispositions claires et précises que les primes de fidélisation attribuées aux salariés dans le cadre de ce plan, au titre des années 2008 et 2009, sont indépendantes des performances du groupe sur les années 2008 et 2009 ; qu’en affirmant encore que la lecture des plans ne permet pas de considérer que les bonus qu’ils prévoient ne sont pas calculés en fonction des performances du groupe de l’année précédente, la cour d’appel a dénaturé les termes clairs et précis du Plan de Fidélisation des Salariés et méconnu l’interdiction faite au juge de dénaturer les documents de la cause.

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Cour de cassation, Chambre sociale, 6 novembre 2019, 18-13.684, Inédit