Cour de cassation, Chambre civile 3, 14 novembre 2019, 18-17.729, Inédit

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Chronologie de l’affaire

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Sur la décision

Référence :
Cass. 3e civ., 14 nov. 2019, n° 18-17.729
Juridiction : Cour de cassation
Numéro(s) de pourvoi : 18-17.729
Importance : Inédit
Décision précédente : Tribunal d'instance de Grenoble, 29 mars 2018
Textes appliqués :
Article 3-2 de la loi du 6 juillet 1989, dans sa rédaction issue de la loi du 24 mars 2014, applicable au litige.

Article 22, alinéas 3 et 7, de la loi du 6 juillet 1989.

Dispositif : Cassation partielle
Date de dernière mise à jour : 14 décembre 2021
Identifiant Légifrance : JURITEXT000039419175
Identifiant européen : ECLI:FR:CCASS:2019:C300944
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Texte intégral

CIV.3

JL

COUR DE CASSATION

______________________

Audience publique du 14 novembre 2019

Cassation partielle

M. CHAUVIN, président

Arrêt n° 944 F-D

Pourvoi n° T 18-17.729

R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

_________________________

LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l’arrêt suivant :

Statuant sur le pourvoi formé par Mme S… D…, domiciliée […] ,

contre le jugement rendu le 30 mars 2018 par le tribunal d’instance de Grenoble, dans le litige l’opposant :

1°/ à M. L… Y…, domicilié […] ,

2°/ à M. H… J…, domicilié […] ,

3°/ à M. K… U…, domicilié […] ,

défendeurs à la cassation ;

La demanderesse invoque, à l’appui de son pourvoi, les trois moyens de cassation annexés au présent arrêt ;

Vu la communication faite au procureur général ;

LA COUR, en l’audience publique du 8 octobre 2019, où étaient présents : M. Chauvin, président, Mme Collomp, conseiller référendaire rapporteur, M. Echappé, conseiller doyen, Mme Berdeaux, greffier de chambre ;

Sur le rapport de Mme Collomp, conseiller référendaire, les observations de la SCP Waquet, Farge et Hazan, avocat de Mme D…, de la SCP Krivine et Viaud, avocat de MM. Y…, J… et U…, et après en avoir délibéré conformément à la loi ;

Attendu, selon le jugement attaqué (tribunal d’instance de Grenoble, 30 mars 2018), rendu en dernier ressort, que MM. U…, Y… et J…, locataires, depuis le 29 juillet 2015, d’un appartement appartenant à Mme D…, ont, après la résiliation du bail, saisi la juridiction de proximité aux fins de restitution du dépôt de garantie et de remboursement du coût du procès-verbal d’état des lieux de sortie établi par huissier de justice ;

Sur le premier moyen, ci-après annexé :

Attendu qu’il n’y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ce moyen qui n’est manifestement pas de nature à entraîner la cassation ;

Sur le deuxième moyen, pris en sa première branche, ci-après annexé :

Attendu que Mme D… fait grief au jugement de rejeter sa demande en paiement du loyer du mois de juin 2016 ;

Mais attendu que, le congé régulièrement délivré étant un acte unilatéral qui met fin au bail et à l’obligation de payer le loyer par la seule manifestation de volonté de celui qui l’a délivré, le tribunal d’instance, qui a constaté que MM. U…, Y… et J… avaient donné congé, avec un délai de préavis d’un mois conforme aux dispositions de la loi du 6 juillet 1989, par lettre recommandée avec demande d’avis de réception reçue le 6 mai 2016 par Mme D…, en a exactement déduit que l’obligation de paiement des loyers avait pris fin le 5 juin 2016, de sorte qu’elle a légalement justifié sa décision de rejeter la demande de Mme D… en paiement d’un loyer postérieur à la date d’effet du congé ;

D’où il suit que le moyen n’est pas fondé ;

Mais sur le deuxième moyen, pris en sa seconde branche :

Vu l’article 22, alinéas 3 et 7, de la loi du 6 juillet 1989 ;

Attendu que le dépôt de garantie est restitué dans un délai maximal de deux mois à compter de la remise en main propre, ou par lettre recommandée avec demande d’avis de réception, des clés au bailleur ou à son mandataire ; qu‘à défaut de restitution dans les délais prévus, le dépôt de garantie restant dû au locataire est majoré d’une somme égale à 10 % du loyer mensuel en principal, pour chaque période mensuelle commencée en retard ;

Attendu que, pour condamner Mme D… à payer à MM. U…, Y… et J… une somme de 1 900 euros, le jugement retient que, si la remise des clés n’a pu avoir lieu directement entre les mains du bailleur lors de l’état des lieux de sortie le 7 juin, cette circonstance est due au fait de la bailleresse et non des locataires, Mme D… ne pouvant se prévaloir de ce décalage de date entre la fin du bail et le jour où elle a effectivement réceptionné ses clés chez l’huissier, et qu’en conséquence le solde du dépôt de garantie aurait dû être restitué le 6 août 2016 ;

Qu’en statuant ainsi, sans constater que les clés avaient été effectivement remises au bailleur en main propre ou par lettre recommandée avec demande d’avis de réception, le tribunal a violé le texte susvisé ;

Et sur le troisième moyen, qui est recevable :

Vu l’article 3-2 de la loi du 6 juillet 1989, dans sa rédaction issue de la loi du 24 mars 2014, applicable au litige ;

Attendu que, si l’état des lieux ne peut être établi contradictoirement et amiablement par les parties ou par un tiers mandaté par elle, il est établi par un huissier de justice, sur l’initiative de la partie la plus diligente, à frais partagés par moitié entre le bailleur et le locataire ;

Attendu que le jugement condamne Mme D… aux dépens, en ce compris les frais d’huissier relatifs à l’établissement du constat d’état des lieux de sortie, représentant la somme de 513 euros ;

Qu’en statuant ainsi, après avoir relevé que Mme D…, à réception le 6 mai du congé des locataires, s’était opposée au changement de date résultant de la délivrance de ce second congé et avait subordonné l’organisation des formalités de sortie à leur accord sur le paiement du loyer du mois de juin, le tribunal a violé le texte susvisé ;

PAR CES MOTIFS :

CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu’il a condamné Mme D… à payer à MM. U…, Y… et J… la somme de 1 900 euros et aux dépens incluant 513 euros de frais d’huissier pour sommation d’assister à l’état des lieux et au procès-verbal de constat d’état des lieux de sortie, le jugement rendu le 30 mars 2018, entre les parties, par le tribunal d’instance de Grenoble ; remet en conséquence, sur ces points, la cause et les parties dans l’état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant le tribunal d’instance de Vienne ;

Condamne MM. Y…, J… et U… aux dépens ;

Vu l’article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;

Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite du jugement partiellement cassé ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, troisième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du quatorze novembre deux mille dix-neuf. MOYENS ANNEXES au présent arrêt

Moyens produits par la SCP Waquet, Farge et Hazan, avocat aux Conseils, pour Mme D…

PREMIER MOYEN DE CASSATION

IL EST FAIT GRIEF au jugement attaqué D’AVOIR condamné la propriétaire à payer aux locataires la somme de 1.900 € à titre de pénalités de retard pour la restitution du dépôt de garantie d’un montant de 177 €,

AUX MOTIFS QUE la loi du 6 juillet 1989 précise en son article 22 alinéa 7 : « à défaut de restitution dans les délais prévus, le dépôt de garantie restant dû au locataire est majoré d’une somme égale à 10% du loyer mensuel principal, pour chaque période mensuelle commencée en retard » ; que le solde du dépôt de garantie aurait dû être restitué le 6 août 2016 ; que le retard dans la restitution s’élève à 19 mois ; qu’il y a lieu de faire droit à la demande d’appliquer la pénalité prévue par la loi, en l’espèce 100 euros par mois pour dix-neuf mois de retard, et de condamner Madame D… à verser à ses anciens locataires la somme de 1.900 euros ;

1°) ALORS QUE l’article 22 alinéa 7 de la loi n° 89-462 du 6 juillet 1989, qui dispose qu’à défaut de restitution dans les délais prévus, le dépôt de garantie restant dû au locataire est majoré d’une somme égale à 10 % du loyer mensuel en principal pour chaque période mensuelle commencée en retard, est contraire aux principes de proportionnalité et d’individualisation des peines tels qu’ils résultent de l’article 8 de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen de 1789 ainsi qu’au droit de propriété garanti par l’article 2, en ce qu’il prévoit à titre de pénalité une majoration dont le pourcentage est automatiquement calculé à partir du montant du loyer indépendamment du montant de la caution à restituer ; qu’il peut en résulter une pénalité dont le montant serait hors de proportion avec celui du dépôt de garantie devant être effectivement restitué par le propriétaire après compensation des sommes éventuellement dues par le locataire portant ainsi une atteinte injustifiée et disproportionnée au respect de ses biens et au droit du propriétaire ; qu’en conséquence la déclaration d’inconstitutionnalité du texte précité qui sera prononcée après renvoi de la question prioritaire de constitutionnalité au Conseil constitutionnel privera la décision du jugement attaqué de tout fondement juridique ;

2°) ALORS QU’il résulte de l’article 1er du premier protocole additionnel à la Convention européenne que toute sanction ayant le caractère de punition doit être proportionnée à la gravité de l’infraction commise ou aux faits reprochés ; que le tribunal ne pouvait condamner Mme D… à une pénalité de 10% du montant du loyer en principal de 1.000 €, soit 100 € par mois de retard, quand le montant de la caution à restituer après compensation des sommes dues par les locataires ne s’élevait qu’à 177 € ; qu’en statuant ainsi, le tribunal a prononcé une sanction hors de proportion avec le montant de la somme restituée en retard, en violation du droit au respect des biens garanti par l’article 1er du premier protocole additionnel à la Convention européenne.

SECOND MOYEN DE CASSATION

IL EST FAIT GRIEF au jugement attaqué D’AVOIR rejeté la demande de la propriétaire tendant au paiement par les locataires du loyer du mois de juin 2016 ET DE L’AVOIR condamnée à verser aux locataires les sommes de 177 € au titre du dépôt de garantie et de 1.900 € au titre des pénalités de retard,

AUX MOTIFS QUE si la remise des clés n’a pu avoir lieu directement entre les mains du bailleur lors de l’état des lieux de sortie, cette circonstance est due au fait de la bailleresse et non des locataires, que la bailleresse ne peut se prévaloir de ce décalage de date entre la fin du bail et le jour où elle a effectivement réceptionné ses clés chez l’huissier ; qu’elle aurait donc dû restituer la somme de 177 euros au plus tard le 6 août 2016 ; que la loi du 6 juillet 1989 précise en son article 22 alinéa 7 : « à défaut de restitution dans les délais prévus, le dépôt de garantie restant dû au locataire est majoré d’une somme égale à 10% du loyer mensuel principal, pour chaque période mensuelle commencée en retard » ; que le solde du dépôt de garantie aurait dû être restitué le 6 août 2016 ; que le retard dans la restitution s’élève à 19 mois ; qu’il y a lieu de faire droit à la demande d’appliquer la pénalité prévue par la loi, en l’espèce 100 euros par mois pour dix-neuf mois de retard, et de condamner Madame D… à verser à ses anciens locataires la somme de 1.900 euros ;

1°) ALORS QUE le locataire est redevable du loyer et des charges jusqu’au jour où il a réellement libéré les lieux loués ; que le locataire ne peut se libérer de son obligation que par la remise en main propre, ou par lettre recommandée avec demande d’avis de réception, des clés au bailleur ou à son mandataire ; que le tribunal qui constate que les clés avaient été remises à l’huissier mandaté par les locataires pour l’état des lieux effectué le 7 juin 2016 en l’absence de la bailleresse, cette dernière ne les ayant effectivement récupérées qu’au mois de juillet 2016, ne pouvait dès lors juger que l’obligation de paiement de loyers avait pris fin le 5 juin 2016 ; que le jugement a ainsi violé les articles 15-I et 22 alinéa 3 de la loi du 6 juillet 1989 ;

2°) ALORS QUE le dépôt de garantie doit être restitué au locataire dans un délai maximal de deux mois à compter de la remise en main propre, ou par lettre recommandée avec demande d’avis de réception, des clés au bailleur, ou à son mandataire ; que le tribunal ne pouvait considérer que les clés avaient été remises à Mme D… le 7 juin 2016, date à laquelle les locataires ont confié les clés à l’huissier qu’ils avaient eux-mêmes mandaté pour l’état des lieux de sortie effectué en l’absence de la bailleresse ; qu’en jugeant que Mme D… aurait dû restituer le dépôt de garantie au plus tard le 6 août 2016 et en la condamnant au paiement d’une somme de 1.900 € au titre des pénalités correspondant à 19 mois de retard, alors que les clés ne lui avaient été remises en main propre qu’au mois de juillet 2016, le tribunal a violé l’article 22 de la loi du 6 juillet 1989.

TROISIEME MOYEN DE CASSATION

IL EST FAIT GRIEF au jugement attaqué d’AVOIR condamné Mme D… au paiement des dépens incluant la somme de 513 € de frais d’huissier pour sommation d’assister à l’état des lieux et au titre du procès-verbal de constat d’état des lieux de sortie ;

AUX MOTIFS QUE l’équité commande de ne pas faire droit à la demande formée au titre de l’article 700 du code de procédure civile et de décider que chaque partie conservera les dépens avancés par ses soins ; que la partie qui succombe doit supporter les dépens ; qu’en conséquence Madame S… D… est condamnée aux dépens lesquels incluent les frais d’huissier relatifs à l’établissement du constat des lieux de sortie représentant la somme de 513 € ;

ALORS QU’il résulte de l’article 3-2 de la loi du 6 juillet 1989 qu’en cas de conflit, les frais de constat d’état des lieux de sortie établi par huissier de justice, même à l’initiative d’une seule des parties, doivent être partagés par moitié entre le bailleur et le locataire ; qu’en condamnant Mme D… à supporter seule les frais d’huissier de constat d’état des lieux de sortie, le tribunal a violé l’article 3-2 de la loi du 6 juillet 1989.

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