Cour de cassation, Chambre criminelle, 10 décembre 2019, 18-85.193, Inédit

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Chronologie de l’affaire

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Sur la décision

Référence :
Cass. crim., 10 déc. 2019, n° 18-85.193
Juridiction : Cour de cassation
Numéro(s) de pourvoi : 18-85.193
Importance : Inédit
Décision précédente : Cour d'appel de Saint-Denis de la Réunion, 16 mai 2018
Textes appliqués :
Articles 223-1 du code pénal et 593 du code de procédure pénale.
Dispositif : Cassation partielle
Date de dernière mise à jour : 14 décembre 2021
Identifiant Légifrance : JURITEXT000039660140
Identifiant européen : ECLI:FR:CCASS:2019:CR02488
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Sur les parties

Texte intégral

N° Y 18-85.193 F-D

N° 2488

SM12

10 DÉCEMBRE 2019

CASSATION PARTIELLE

M. SOULARD président,

R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

________________________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

_________________________

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, en son audience publique tenue au Palais de Justice à PARIS, a rendu l’arrêt suivant :

M. T… X… et la société l’Acacia ont formé un pourvoi contre l’arrêt de la cour d’appel de SAINT-DENIS DE LA RÉUNION, chambre correctionnelle, en date du 17 mai 2018, qui, pour infraction au code de la construction et de l’habitation et mise en danger d’autrui, a condamné le premier à 100 jours-amende de 40 euros, et, pour la première de ces infractions, a condamné la seconde à 4 000 euros d’amende.

La COUR, statuant après débats en l’audience publique du 29 octobre 2019 où étaient présents dans la formation prévue à l’article 567-1-1 du code de procédure pénale : M. Soulard, président, M. Barbier, conseiller rapporteur, Mme Durin-Karsenty, conseiller de la chambre ;

Greffier de chambre : M. Bétron ;

Sur le rapport de M. le conseiller référendaire BARBIER, les observations de la société civile professionnelle LYON-CAEN et THIRIEZ, avocat en la Cour, et les conclusions de M. l’avocat général CROIZIER ;

Un mémoire, commun aux demandeurs, a été produit.

Faits et procédure

1. Il résulte de l’arrêt attaqué et des pièces de procédure ce qui suit.

2. Le 16 décembre 2016, le sous-préfet de Saint-Pierre par délégation pour le préfet de la Réunion a pris un arrêté de fermeture de la discothèque/restaurant « le chapiteau », applicable à compter de sa notification, à la suite des avis défavorables à la poursuite de l’exploitation de cet établissement émis par la sous-commission départementale pour la sécurité contre les risques d’incendie et de panique dans les établissements recevant du public (ERP) des 26 septembre 2012, 1er juillet 2013, 25 février 2015 et 22 juin 2016.

3. Cette décision a été notifiée le jour même à M. X…, gérant de la société l’Acacia, qui exploite l’établissement.

4. A la suite de constatations des services de police, M. X… a reconnu avoir ouvert l’établissement le 18 décembre 2016 et a été convoqué devant le tribunal correctionnel pour y répondre du délit de refus de fermeture d’un établissement recevant du public malgré une mise en demeure, délit prévu à l’article L. 123-4 du code de la construction et de l’habitation.

5. Les services de police ayant de nouveau constaté l’ouverture de l’établissement les 1er , 8 et 22 janvier 2017, M. X… a été placé en garde à vue du chef de mise en danger d’autrui puis convoqué devant le tribunal correctionnel pour y répondre de ce délit, de même que la société l’Acacia.

6. Le tribunal correctionnel a joint les affaires et, par un jugement unique du 15 juin 2017, a déclaré les faits établis et a prononcé des peines. Les prévenus et le ministère public ont interjeté appel de cette décision.

Examen des moyens

Sur le deuxième moyen

Enoncé du moyen

7. Le moyen est pris de la violation des articles L. 123-4 du code de la construction et de l’habitation, 591 et 593 du code de procédure pénale.

8. Le moyen critique l’arrêt attaqué « en ce qu’il a condamné M. X… pour non-respect d’un arrêté préfectoral ordonnant la fermeture de l’établissement »,

« 1°) alors que le juge répressif ne peut prononcer une peine sans avoir relevé tous les éléments constitutifs de l’infraction qu’il réprime ; que pour retenir la culpabilité du prévenu, la cour d’appel a relevé qu’il reconnaissait le délit ; qu’en contentant de relever la reconnaissance « de l’infraction », sans avoir caractérisé ses différents éléments constitutifs et notamment l’intention de ne pas respecter l’arrêté ordonnant la fermeture, tout en sachant ne pas avoir procédé à la mise en conformité de l’établissement, la cour d’appel n’a pas suffisamment motivé sa décision ;

“2°) alors que l’article l.123-4 du code de la construction et de l’habitation incrimine le fait de ne pas procéder à la fermeture d’un établissement conformément à un arrêté préfectoral l’ordonnant jusqu’à réalisation de travaux de mise en conformité ; qu’en estimant, pour retenir la culpabilité du prévenu, qu’il n’établissait pas qu’il respectait les obligations en matière sécurité avant même l’arrêté préfectoral ordonnant la fermeture de l’établissement et qu’il n’a pas attendu l’avis favorable de la commission de sécurité, sans expliquer quels travaux visés dans l’arrêté préfectoral n’auraient pas été réalisés, la cour d’appel n’a pas justifié sa décision ;

“3°) alors que le délit n’est établi que pour autant que l’ouverture au public est intervenue sans que les travaux de mise en conformité aient été réalisées ; que l’incrimination n’impose pas l’interdiction d’ouvrir tant que l’avis conforme de la commission de sécurité ait été fourni ; quand le délit de l’article l.123-4 du code de la construction et de l’habilitation sanctionne seulement le fait de ne pas respecter les obligations de sécurité imposées par la commission et non le fait de ne pas respecter la procédure de réouverture au public, la cour d’appel a violé l’article l. 123-4 précité".

Réponse de la Cour

9. Pour dire établi le délit prévu par l’article L. 123-4 du code de la construction et de l’habitation, l’arrêt retient que M. X… reconnaît l’infraction d’ouverture de l’établissement le 18 décembre 2017 tel que cela a été constaté par les services de police.

10. Les juges ajoutent que l’arrêté de fermeture lui avait été notifié le 16 décembre 2016 à 22 heures 30 par les services du commissariat de Saint-Pierre et qu’entendu sur ces faits par la police, l’intéressé avait indiqué avoir ouvert son établissement les 17 et 18 décembre malgré l’arrêté et ce afin d’honorer des réservations.

11. En l’état de ces énonciations, et dès lors que l’élément intentionnel du délit se déduit du fait de ne pas procéder à la fermeture de l’établissement en dépit de la notification, qui vaut mise en demeure au sens du texte précité, de l’arrêté de fermeture, la cour d’appel, qui n’avait pas à s’expliquer sur les travaux qui n’auraient pas été réalisés, a suffisamment justifié sa décision.

12. Dès lors, le moyen doit être écarté.

Mais sur le premier moyen

Enoncé du moyen

13. Le moyen est pris de la violation des articles 223-1 du code pénal, 388, 512, 591 et 593 du code de procédure pénale.

14. Le moyen critique l’arrêt attaqué en ce qu’il a déclaré M. X… et la société l’Acacia coupables du délit de mise en danger d’autrui ;

« 1°) alors que le règlement au sens de l’article 223-1 du code pénal s’entend des actes des autorités administratives à caractère général et impersonnel ; que tel n’est pas le cas d’un arrêté préfectoral ordonnant la fermeture d’un établissement jusqu’à mise en conformité par son exploitant ; que, les prévenus ont été poursuivis pour mise en danger d’autrui pour avoir continué à exploiter un bar-restaurant, malgré la notification d’un arrêté préfectoral ordonnant la fermeture de cet établissement et le rappel ultérieur de cet arrêté ; que, pour dire les prévenus coupables de mise en danger d’autrui, la cour d’appel a relevé que le gérant de la société n’a pas respecté l’arrêté préfectoral ordonnant, au vu d’avis de la sous-commission de sécurité, la fermeture de l’établissement et qu’il n’apporte pas la preuve qu’il respectait les préconisations de la sous-commission de sécurité, avant l’adoption de cet arrêté ; que l’arrêté préfectoral ordonnant la fermeture d’un établissement ne constituant pas un acte réglementaire, la cour d’appel n’a pas justifié sa décision ;

“2°) alors qu’à tout le moins, à supposer que les juges puissent se saisir de la mise en danger par la violation de dispositions légales ou réglementaires non visées à la prévention, faute de préciser quelles préconisations de sécurité s’imposaient à l’exploitant et sans rechercher quelle obligation particulière de sécurité et de prudence imposée par la loi ou le règlement aurait ainsi été violée, la cour d’appel n’a pas justifié sa décision ;

“3°) alors qu’en tout état de cause, le délit de mise en danger suppose que la violation de telles obligations ait exposé autrui de manière certaine à un risque de mort ou d’infirmité ; qu’en ne recherchant pas si le non-respect des préconisations de la commission de sécurité, à le supposer suffisant pour démontrer la violation d’obligations particulières de sécurité prévues par la loi ou le règlement, avait exposé les clients de l’établissement à un risque certain de mort ou d’infirmité, quand elle relevait que les vérifications préconisées avaient été réalisées et avaient abouti à un avis favorable à l’ouverture au public, sans faire état d’aucune défaillance corrigée dans le système de sécurité mis en oeuvre dans l’établissement avant ces vérifications, outre ce défaut de vérification qui, en lui-même, n’exposait pas de manière certaine les clients à un risque de mort ou de mutilation, la cour d’appel a privé sa décision de base légale ;

“4°) alors que le délit de mise en danger résulte de la violation d’obligations de sécurité exposant directement et immédiatement à un risque de mort ou d’infirmité ; qu’en n’expliquant pas en quoi au regard des conditions de fréquentation de l’établissement, la violation des obligations légales et réglementaires de sécurité, auraient-elle été comprise dans les préconisations de la commission de sécurité, avait exposé directement autrui à un risque de mort ou de mutilation, en se contentant de relever une ouverture au public de l’établissement, par motifs éventuellement adoptés, sans décrire les conditions d’exploitation, ni préciser en quoi ce mode de fréquentation était dangereux du fait du non-respect des préconisations de la commission de sécurité, la cour d’appel a encore privé son arrêt de base légale".

Réponse de la Cour

Vu les articles 223-1 du code pénal et 593 du code de procédure pénale ;

15. Le premier de ces textes punit le fait d’exposer directement autrui à un risque immédiat de mort ou de blessures de nature à entraîner une mutilation ou une infirmité permanente par la violation manifestement délibérée d’une obligation particulière de sécurité ou de prudence prévue par la loi ou le règlement.

16. En application du second de ces textes, tout jugement ou arrêt doit comporter les motifs propres à justifier la décision. L’insuffisance ou la contradiction des motifs équivaut à leur absence.

17. Pour dire établi le délit de mise en danger d’autrui, l’arrêt énonce qu’il résulte des courriers et productions de M. X… qu’à la date de l’arrêté de fermeture de l’établissement, la mise en sécurité de ce dernier n’était pas effective, alors que le prévenu a reconnu l’avoir ouvert pour des motivations commerciales, ne voulant pas perdre le bénéfice des réservations.

18. Les juges ajoutent qu’il n’importe que le prévenu ait justifié de l’accomplissement d’un certain nombre de démarches dès lors qu’il suffisait à l’intéressé de respecter l’arrêté de fermeture jusqu’à son abrogation par arrêté du 17 mars 2017, rendu au visa de l’avis favorable de la commission de sécurité du même jour, accompagné du rapport de visite de la sous-commission du 9 mars 2017.

19. Ils rappellent également que M. X… avait fait l’objet de plusieurs mises en demeure préfectorales et avis défavorables de la commission de sécurité, puis d’une convocation par officier de police judiciaire notifiée le 21 décembre 2016 pour non-respect de l’arrêté de fermeture, établissant ainsi sa volonté persistante de ne pas respecter les prescriptions légales.

20. La cour d’appel conclut que rien ne permet d’affirmer que durant le mois de décembre 2017 le prévenu ne faisait courir aucun risque à sa clientèle alors qu’une obligation particulière de sécurité pèse sur le responsable d’un établissement accueillant du public qui, pour le moins, doit respecter les préconisations et les interdictions légales, ce dont il s’est affranchi pour des motivations financières.

21. En se déterminant ainsi, par des motifs inversant la charge de la preuve, alors qu’il lui appartenait d’analyser la teneur des obligations éludées et, au terme de cette analyse, de caractériser l’existence d’un risque auquel le public était immédiatement exposé, la cour d’appel n’a pas justifié sa décision.

22. La cassation est par conséquent encourue de ce chef.

PAR CES MOTIFS, la Cour :

CASSE et ANNULE l’arrêt susvisé de la cour d’appel de Saint-Denis de la Réunion, en date du 17 mai 2018, mais en ses seules dispositions relatives au délit de mise en danger d’autrui et aux peines, toutes autres dispositions étant expressément maintenues ;

Et pour qu’il soit à nouveau statué, conformément à la loi, dans les limites de la cassation ainsi prononcée,

RENVOIE la cause et les parties devant la cour d’appel de Saint-Denis de la Réunion, autrement composée, à ce désignée par délibération spéciale prise en chambre du conseil ;

ORDONNE l’impression du présent arrêt, sa transcription sur les registres du greffe de la cour d’appel de Saint-Denis de la Réunion et sa mention en marge ou à la suite de l’arrêt partiellement annulé ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre criminelle, et prononcé par le président le dix décembre deux mille dix-neuf ;

En foi de quoi le présent arrêt a été signé par le président, le rapporteur et le greffier de chambre.

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Cour de cassation, Chambre criminelle, 10 décembre 2019, 18-85.193, Inédit