Cour de cassation, Première chambre civile, 21 octobre 2020, n° 19-16.193

  • Photographie·
  • Droits d'auteur·
  • Propriété intellectuelle·
  • Sociétés·
  • International·
  • Personnalité·
  • Catalogue·
  • Support·
  • Reproduction·
  • Revendeur

Chronologie de l’affaire

Commentaire1

Augmentez la visibilité de votre blog juridique : vos commentaires d’arrêts peuvent très simplement apparaitre sur toutes les décisions concernées. 

www.cleach.com · 23 décembre 2020

L'utilisation d'une photographie sans l'autorisation de son auteur peut être constitutive d'acte de contrefaçon. Pour cela, encore faut-il que la photographie sur laquelle se fonde l'action bénéficie d'une protection au titre du droit d'auteur, au sens des articles L.111-1 et suivants du Code de la Propriété intellectuelle. Il appartient ainsi à l'auteur de rapporter la preuve du caractère original de l'œuvre. La preuve de cette originalité est peu évidente à rapporter dans les faits. Elle est au cœur de nombreux litiges. L'arrêt de la Cour de Cassation du 21 octobre 2020 nous rappelle …

 
Testez Doctrine gratuitement
pendant 7 jours
Vous avez déjà un compte ?Connexion

Sur la décision

Référence :
Cass. 1re civ., 21 oct. 2020, n° 19-16.193
Juridiction : Cour de cassation
Numéro(s) de pourvoi : 19-16.193
Importance : Inédit
Décision précédente : Cour d'appel d'Aix-en-Provence, 20 février 2019, N° 16/00083
Textes appliqués :
Articles L. 111-1 et L. 112-2 du code de la propriété intellectuelle.
Date de dernière mise à jour : 14 décembre 2021
Identifiant européen : ECLI:FR:CCASS:2020:C100622
Lire la décision sur le site de la juridiction

Texte intégral

CIV. 1

CF

COUR DE CASSATION

______________________

Audience publique du 21 octobre 2020

Cassation

Mme BATUT, président

Arrêt n° 622 F-D

Pourvoi n° U 19-16.193

R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

_________________________

ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, DU 21 OCTOBRE 2020

1°/ La société Meilland international, société anonyme, dont le siège est […] ,

2°/ la société Roseraies Meilland Richardier, société par actions simplifiée, dont le siège est […] ,

ont formé le pourvoi n° U 19-16.193 contre l’arrêt rendu le 21 février 2019 par la cour d’appel d’Aix-en-Provence (chambre 3-1), dans le litige les opposant à M. H… M…, domicilié […] , défendeur à la cassation.

Les demanderesses invoquent, à l’appui de leur pourvoi, les deux moyens de cassation annexés au présent arrêt.

Le dossier a été communiqué au procureur général.

Sur le rapport de M. Girardet, conseiller, les observations de la SCP Piwnica et Molinié, avocat des sociétés Meilland international et Roseraies Meilland Richardier, de la SCP Matuchansky, Poupot et Valdelièvre, avocat de M. M…, après débats en l’audience publique du 8 septembre 2020 où étaient présents Mme Batut, président, M. Girardet, conseiller rapporteur, Mme Duval-Arnould, conseiller doyen, et Mme Randouin, greffier de chambre,

la première chambre civile de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.

Faits et procédure

1. Selon l’arrêt attaqué (Aix-en-Provence, 21 février 2019), M. M… a exercé une activité de photographe à titre salarié au sein de la société Meilland et cie, créateur et distributeur de variétés nouvelles de rosiers, puis à titre indépendant, en réalisant, à la demande des sociétés Meilland international et Roseraies Meilland Richardier (les sociétés Meilland), des photographies de variétés que celles-ci commercialisaient par correspondance.

2. Ayant constaté que certaines de ses oeuvres avaient été reproduites sans son autorisation sur divers supports, M. M… a assigné les sociétés Meilland en contrefaçon de droit d’auteur et réparation de ses préjudices matériel et moral.

Examen des moyens

Sur le premier moyen, pris en sa troisième branche

Enoncé du moyen

3. Les sociétés Meilland font grief à l’arrêt de dire que les photographies de roses sont éligibles à la protection conférée par le droit d’auteur et de les condamner in solidum à payer à M. M… une indemnité en réparation de ses préjudices , alors « que le juge doit analyser chacune des photographies pour laquelle la protection par le droit d’auteur est sollicitée afin d’apprécier si chacune d’elles, prise individuellement, présente le caractère d’une oeuvre originale ; qu’en s’abstenant d’examiner si chacune des photographies de roses, dont la protection était sollicitée, résultait d’un effort créatif portant l’empreinte de la personnalité de son auteur, la cour d’appel a privé sa décision de base légale au regard des articles L. 111-1 et L. 112-2 du code de la propriété intellectuelle. »

Réponse de la Cour

Vu les articles L. 111-1 et L. 112-2 du code de la propriété intellectuelle :

4. Pour dire que les photographies de roses sont originales, l’arrêt relève que M. M…, même s’il recevait des directives techniques, avait toujours disposé d’une grande marge de manoeuvre pour réaliser ses photographies, tant pour le choix des prises de vues, du sujet et du moment, que pour le choix du type de fichier utilisé, de la détermination de l’angle et du cadrage, de la préparation de la mise en scène, du réglage de la lumière, de la sélection et de la correction des images, de l’angle de prise de vue, de la mise en scène et de l’atmosphère. Il en déduit que l’ensemble de ces photographies porte l’empreinte esthétique de la personnalité de M. M….

5. En se déterminant ainsi, sans procéder à un examen distinct de chacune des photographies en cause et sans apprécier leur originalité respective, en les regroupant, au besoin, en fonction de leurs caractéristiques communes, la cour d’appel n’a pas donné de base légale à sa décision.

PAR CES MOTIFS, et sans qu’il y ait lieu de statuer sur les autres griefs, la Cour :

CASSE ET ANNULE, en toutes ses dispositions, l’arrêt rendu le 21 février 2019, entre les parties, par la cour d’appel d’Aix-en-Provence ;

Remet l’affaire et les parties dans l’état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d’appel d’Aix-en-Provence autrement composée ;

Condamne M. M… aux dépens ;

En application de l’article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;

Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l’arrêt cassé ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, première chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du vingt et un octobre deux mille vingt. MOYENS ANNEXES au présent arrêt

Moyens produits par la SCP Piwnica et Molinié, avocat aux Conseils, pour les sociétés Meilland international et Roseraies Meilland Richardier

PREMIER MOYEN DE CASSATION

Le moyen reproche à l’arrêt infirmatif attaqué d’AVOIR jugé que les photographies de roses faites par M. M… pour le compte de la société Meilland International et Roseraies Meilland Richardier étaient éligibles au droit d’auteur, d’AVOIR en conséquence interdit aux sociétés Meilland ainsi qu’à toutes leurs filiales, établissements, succursales, usines, soustraitants, grossistes, détaillants et autre revendeurs ou toutes entités présentant des liens économiques, juridiques ou commerciaux de poursuivre les actes contrefaisants, en particulier de reproduction, de représentation et de diffusion des photographies de M. M…, sous astreinte provisoire de 5.000 € par jour de retard et/ou par infraction constatée dès signification de l’arrêt, d’AVOIR interdit aux sociétés Meilland ainsi qu’à toutes leurs filiales, établissements, succursales, usines, sous-traitants, grossistes, détaillants et autre revendeurs ou toutes entités présentant des liens économiques, juridiques ou commerciaux de transmettre à tous tiers les clichés photographiques de M. M…, sur tout support et en toute dimension en vue de leur reproduction, représentation et/ou diffusion, et ce sous astreinte provisoire de 5.000 € par jour de retard et/ou par infraction constatée dès signification de l’arrêt, d’AVOIR ordonné aux sociétés Meilland de s’assurer que les tiers auxquels elles avaient transmis les clichés photographiques de M. M… comme support de vente ne soient plus ni reproduits, ni représentés, ni diffusés, sur quelque support que ce soit, et ce sous astreinte provisoire de 1 000 € par jour de retard et/ou par infraction constatée dès signification de l’arrêt, d’AVOIR ordonné aux sociétés de détruire tous les supports et notamment les catalogues, brochures, publicités portant reproduction des clichés photographiques de M. M… diffusés par elles qui seraient en sa possession ou en celle de ses filiales, établissements, succursales, usines, sous-traitants, grossistes, détaillants et autres revendeurs, ceci par huissier de justice et aux frais de ces deux sociétés, et ce sous astreinte provisoire de 1 000 € par jour de retard et/ou par infraction constatée dès signification de l’arrêt, d’AVOIR condamné in solidum les sociétés Meilland à payer à M. M… une indemnité totale de 220 000 €

en réparation de ses préjudices matériel et moral et d’AVOIR ordonné aux sociétés Meilland de restituer à M. M… l’intégralité des originaux (ektachromes et fichiers numériques) et ce sous astreinte provisoire de 1 000 € par jour de retard et/ou par infraction constatée dès signification de l’arrêt ;

AUX MOTIFS QUE les nombreuses factures de droits d’auteur établies par M. M… jusqu’au 28 février 2009 ne suffisent pas en elles-mêmes à démontrer l’existence de la qualité d’auteur au sens du code de la propriété intellectuelle ; que les roses photographiées par M. M… sont des éléments utilitaires puisque destinées à figurer dans les catalogues des sociétés Meilland International et Roseraies Meilland Richardier ; que cependant l’intéressé bénéficiait d’une grande liberté d’action quant à ses choix artistiques même s’il a reçu des directives techniques de ces sociétés, et a toujours disposé d’une grande marge de manoeuvre pour réaliser ses photographies (liberté et créativité pour les prises de vues, choix du sujet et du moment, choix du type de fichier utilisé, détermination de l’angle et du cadrage, préparation de la mise en scène, réglage de la lumière, sélection et correction des images, angle de prise de vue, mise en scène et atmosphère), le tout tel qu’exposé dans son <Mode opératoire> du 15 janvier 2013 ; que l’ensemble de ces photographies porte l’empreinte esthétique de la personnalité de M. M…, même s’il est destiné à être commercialisé par les sociétés Meilland International et Roseraies Meilland Richardier, d’où son éligibilité au droit d’auteur en vertu de l’article L. 111-1 du code de la propriété intellectuelle contrairement à ce qu’a jugé le tribunal de commerce ;

1/ ALORS QU’une oeuvre n’est originale que lorsqu’elle porte l’empreinte de la personnalité de son auteur ; que l’originalité ne peut être déduite du seul fait que l’auteur a bénéficié d’une liberté d’action quant à ses choix artistiques ; qu’en retenant, pour dire que les photographies litigieuses étaient protégeables au titre du droit d’auteur, que M. M… bénéficiait d’une grande liberté d’action quant à ses choix artistiques même s’il avait reçu des directives techniques de ces sociétés, avait toujours disposé d’une grande marge de manoeuvre pour réaliser ses photographies tel qu’exposé dans son <Mode opératoire> du 15 janvier 2013, et que l’ensemble de ces photographies portait l’empreinte esthétique de la personnalité de M. M…, sans expliquer en quoi ces choix manifestaient l’empreinte de la personnalité de leur auteur, la cour d’appel a privé sa décision de base légale au regard des articles L. 111-1 et L. 112-2 du code de la propriété intellectuelle ;

2/ ALORS QU’une oeuvre n’est originale que lorsqu’elle porte l’empreinte de la personnalité de son auteur ; qu’en se bornant à retenir, pour dire que les photographies litigieuses étaient protégeables au titre du droit d’auteur, que M. M… bénéficiait d’une grande liberté d’action quant à ses choix artistiques même s’il a reçu des directives techniques de ces sociétés et avait toujours disposé d’une grande marge de manoeuvre pour réaliser ses photographies, sans rechercher, ainsi qu’elle y était invitée, si les clichés attribués à M. M… entre 2002 et 2009 n’étaient pas en tous points similaires à ceux figurant dans les catalogues entre 1980 et 1986, date à laquelle M. M… ne travaillait pas pour les sociétés Meilland, la cour d’appel a privé sa décision de base légale au regard des articles L. 111-1 et L. 112-2 du code de la propriété intellectuelle ;

3/ ALORS QUE le juge doit analyser chacune des photographies pour laquelle la protection par le droit d’auteur est sollicitée afin d’apprécier si chacune d’elles, prise individuellement, présente le caractère d’une oeuvre originale ; qu’en s’abstenant d’examiner si chacune des photographies de roses, dont la protection était sollicitée, résultait d’un effort créatif portant l’empreinte de la personnalité de son auteur, la cour d’appel a privé sa décision de base légale au regard des articles L. 111-1 et L. 112-2 du code de la propriété intellectuelle ;

4/ ALORS subsidiairement QUE dans leurs conclusions d’appel, les sociétés Meilland faisaient valoir que M. M… avait cédé ses droits sur les clichés, ainsi qu’il résultait des factures émises par ce dernier mentionnant « cession de droit d’auteur » et de l’absence de toute réclamation pendant 23 ans au titre d’un prétendu droit d’auteur (conclusions d’appel, p 21), en sorte qu’il ne pouvait se prévaloir d’une atteinte à son droit d’auteur ; qu’en s’abstenant de répondre à ce moyen décisif, la cour d’appel a méconnu les exigences de l’article 455 du code de procédure civile.

SECOND MOYEN DE CASSATION

Le moyen reproche à l’arrêt infirmatif attaqué d’AVOIR condamné in solidum les sociétés Meilland à payer à M. M… une indemnité totale de 220 000 € en réparation de ses préjudices matériel et moral ;

AUX MOTIFS QUE le procès-verbal de constat par huissier de justice dressé le 16 mars 2011 à la requête de M. M… recense plusieurs centaines de ces photographies ; que par ailleurs de très nombreuses photographies ont été reproduites dans les catalogues des sociétés Meilland International et Roseraies Meilland Richardier durant chacune des années 2002 à 2012 ; qu’en outre lesdites reproductions sont sur divers sites internet dont vente-privee.com., rosalesferrer.com, truffaut.com., ce qui exclut l’indemnité provisionnelle réclamée par M. M… ; que par suite la cour chiffre le préjudice matériel causé à M. M… à la somme globale de 200 000 €, et le préjudice moral à celle de 20 000 € ;

ALORS QUE la loi ne dispose que pour l’avenir ; que l’article L. 331-1-3 du code de la propriété intellectuelle, issu de la loi n° 2007-1544 du 29 octobre 2007 de lutte contre la contrefaçon, autorise la réparation forfaitaire des seuls dommages résultant d’actes de contrefaçon commis postérieurement à son entrée en vigueur, le 30 octobre 2007 ; qu’en chiffrant de façon globale le préjudice matériel et le préjudice moral de M. M…, la cour d’appel a fait une application rétroactive du nouvel article L. 331-1-3 du code de la propriété intellectuelle et a violé l’article 2 du code civil, ensemble le nouvel article L.331-1-3 du code de la propriété intellectuelle, l’article 1382 du code civil et le principe de réparation intégrale.

Chercher les extraits similaires
highlight
Chercher les extraits similaires
Extraits les plus copiés
Chercher les extraits similaires
Inscrivez-vous gratuitement pour imprimer votre décision
Cour de cassation, Première chambre civile, 21 octobre 2020, n° 19-16.193