Cour de cassation, Chambre civile 2, 16 janvier 2020, 19-14.821, Inédit

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Chronologie de l’affaire

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Hélène Nasom-tissandier · Lexbase · 13 décembre 2023
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Sur la décision

Référence :
Cass. 2e civ., 16 janv. 2020, n° 19-14.821
Juridiction : Cour de cassation
Numéro(s) de pourvoi : 19-14.821
Importance : Inédit
Décision précédente : Cour d'appel de Grenoble, 21 janvier 2019
Dispositif : Cassation partielle
Date de dernière mise à jour : 14 décembre 2021
Identifiant Légifrance : JURITEXT000041490425
Identifiant européen : ECLI:FR:CCASS:2020:C200042
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Texte intégral

CIV. 2

LM

COUR DE CASSATION

______________________

Audience publique du 16 janvier 2020

Cassation partielle

M. PIREYRE, président

Arrêt n° 42 F-D

Pourvoi n° C 19-14.821

R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

_________________________

ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, DU 16 JANVIER 2020

La SNCF mobilités, établissement public à caractère industriel et commercial, dont le siège est […] , venant aux droits de la SNCF, a formé le pourvoi n° C 19-14.821 contre l’arrêt rendu le 22 janvier 2019 par la cour d’appel de Grenoble (2e chambre civile), dans le litige l’opposant :

1°/ à M. Q… V…, domicilié […] ,

2°/ à Mme G… V…,

3°/ à Mme F… X…,

domiciliées toutes deux […],

4°/ à Mme P… V…, domiciliée […] ,

tous quatre agissant tant en leur nom personnel qu’en qualité d’héritiers de S… V…,

5°/ à la société MMA IARD, société anonyme,

6°/ à la société MMA IARD assurances mutuelles,

ayant toutes deux leur siège […] ,

défendeurs à la cassation.

La demanderesse invoque, à l’appui de son pourvoi, les deux moyens de cassation annexés au présent arrêt.

Le dossier a été communiqué au procureur général.

Sur le rapport de Mme Touati, conseiller référendaire, les observations de la SCP Baraduc, Duhamel et Rameix, avocat de l’EPIC SNCF mobilités, de la SCP Boré, Salve de Bruneton et Mégret, avocat de M. Q… V…, Mmes G… et P… V…, tant en leur nom personnel qu’en qualité d’héritiers de S… V…, des sociétés MMA IARD et MMA IARD assurances mutuelles, et l’avis de Mme Nicolétis, avocat général, après débats en l’audience publique du 4 décembre 2019 où étaient présents M. Pireyre, président, Mme Touati, conseiller référendaire rapporteur, Mme Gelbard-Le Dauphin, conseiller doyen, et Mme Rosette, greffier de chambre,

la deuxième chambre civile de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.

Donne acte à l’Etablissement public industriel et commercial SNCF mobilités, venant aux droits de la SNCF, du désistement de son pourvoi en ce qu’il est dirigé contre Mme F… X…, agissant tant en son nom personnel qu’en qualité d’héritière de S… V… ;

Sur le premier moyen :

Vu l’article 1384, alinéa 1, devenu 1242, alinéa 1, du code civil ;

Attendu que le gardien d’une chose instrument du dommage est partiellement exonéré de sa responsabilité s’il prouve que la faute de la victime a contribué à son dommage ;

Attendu, selon l’arrêt attaqué, rendu sur renvoi après cassation (2e Civ., 27 mars 2014, pourvoi n° 13-13.790), qu’à la suite du décès d’M… V… et de son fils K…, survenu à l’occasion d’une collision entre le véhicule automobile avec lequel celle-ci franchissait une voie ferrée à hauteur d’un passage à niveau et un train de la Société nationale des chemins de fer français (la SNCF), aux droits de laquelle se trouve l’Etablissement public industriel et commercial SNCF mobilités (l’EPIC mobilités), S… V…, M. Q… V… et Mmes G… X… et P… J…, nées V…, (les consorts V…) ont assigné la SNCF en responsabilité et indemnisation de leurs préjudices sur le fondement de l’article 1384, alinéa 1, du code civil ; que les sociétés MMA IARD et MMA IARD assurances mutuelles (les sociétés MMA), venant aux droits de la société Azur assurance IARD, assureur du véhicule accidenté, sont intervenues volontairement à l’instance ; qu’à la suite du décès de S… V…, ses héritiers ont repris l’instance ;

Attendu que pour déclarer l’EPIC SNCF mobilités responsable des conséquences de la collision et le condamner à payer diverses sommes aux consorts V… et aux sociétés MMA, l’arrêt retient que l’absence d’imprévisibilité ne permet pas à la SNCF de se prévaloir d’une cause extérieure exonératoire et qu’elle doit sa garantie sur le fondement de l’article 1242 nouveau du code civil ;

Qu’en se déterminant ainsi, sans rechercher, comme elle y était invitée, si M… V…, en faisant redémarrer son véhicule au moment de l’arrivée du train, n’avait pas commis une faute susceptible d’exonérer partiellement l’EPIC SNCF mobilités de sa responsabilité, la cour d’appel n’a pas donné de base légale à sa décision ;

PAR CES MOTIFS, et sans qu’il y ait lieu de statuer sur le second moyen, la Cour :

DIT n’y avoir lieu de mettre les sociétés MMA IARD et MMA IARD assurances mutuelles hors de cause ;

CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu’il a déclaré l’EPIC SNCF mobilités responsable des conséquences de la collision survenue le 23 mars 2001, condamné l’EPIC SNCF mobilités à payer aux sociétés MMA IARD et MMA IARD assurances mutuelles les sommes de 44 873,98 euros et 14 646,84 euros, dit que ces sommes porteront intérêts de droit capitalisés depuis la date de chaque règlement intervenu, condamné l’EPIC SNCF mobilités à payer à M. Q… V… la somme de 15 000 euros en réparation de son préjudice d’affection personnel et la somme de 10 000 euros au titre de sa quote-part dans l’indemnisation du préjudice d’affection subi par son père S… V…, condamné l’EPIC SNCF mobilités à payer à Mme G… V… la somme de 15 000 euros en réparation de son préjudice d’affection personnel et la somme de 10 000 euros au titre de sa quote-part dans l’indemnisation du préjudice d’affection subi par son père S… V…, condamné l’EPIC SNCF mobilités à payer à Mme P… V… la somme de 20 000 euros en réparation de son préjudice d’affection personnel et la somme de 10 000 euros au titre de sa quote-part dans l’indemnisation du préjudice d’affection subi par son père S… V… ; condamné l’EPIC SNCF mobilités à payer à M. Q… V… la somme de 78 970 euros au titre de sa quote-part dans l’indemnisation du préjudice économique direct de son père S… V… (71 801 euros) et de son préjudice économique personnel (7 169 euros), l’arrêt rendu le 22 janvier 2019, entre les parties, par la cour d’appel de Grenoble ;

Remet, en conséquence, sur ces points, la cause et les parties dans l’état où elles se trouvaient avant cet arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d’appel de Lyon ;

Condamne M. Q… V…, Mmes G…, P… V… et les sociétés MMA IARD et MMA IARD assurances mutuelles aux dépens ;

Vu l’article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;

Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l’arrêt partiellement cassé ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, deuxième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du seize janvier deux mille vingt.

MOYENS ANNEXES au présent arrêt

Moyens produits par la SCP Baraduc, Duhamel et Rameix, avocat aux Conseils, pour la SNCF mobilités

PREMIER MOYEN DE CASSATION

Il est fait grief à l’arrêt infirmatif attaqué d’AVOIR dit que l’EPIC SNCF Mobilités avait engagé sa responsabilité civile en sa qualité de gardien de la locomotive à l’origine de l’accident du 23 mars 2001 ayant occasionné le décès d’M… V… et de son fils K… V…, d’AVOIR déclaré l’EPIC SNCF Mobilités responsable des conséquences de la collision survenue le 23 mars 2001 vers 17 heures sur un passage à niveau à […] (74), et de l’AVOIR en conséquence condamnée à payer les sommes de 44 873,98 euros et 14 646,84 euros aux MMA, avec intérêts de droit capitalisés, les sommes de 15 000 euros, 10 000 euros et 71 801 euros à M. Q… V…, les sommes de 15 000 euros, 10 000 euros et 71 801 euros à Mme G… V…, et les sommes de 20 000 euros, 10 000 euros et 78 970 euros à Mme P… V….

AUX MOTIFS QUE sur la responsabilité de la SNCF : cette responsabilité est recherchée par les consorts V… sur le fondement de l’article 1384 al. 1er du code civil (devenu 1242 nouveau du même code) en ce que la SNCF doit être regardée comme gardienne de la chose impliquée dans le dommage, à savoir la locomotive ; qu’en l’espèce il n’est contesté par aucune des parties que la SNCF a bien la qualité de gardienne de la locomotive impliquée dans la collision survenue le 23 mars 2001 vers 17 heures sur un passage à niveau à […], accident ayant occasionné le décès d’M… V… et de son fils K… V… ; qu’afin de dénier sa responsabilité en sa qualité de gardienne de la locomotive, la SNCF invoque une cause étrangère exonératoire de responsabilité, à savoir l’inattention et l’imprudence de la conductrice M… V… ; que la SNCF retient les éléments factuels suivants : – la conductrice (victime décédée connaissait bien les lieux, pour y passer régulièrement, – il y a un panneau STOP avant la zone de croisement des rails et des panneaux en amont, – la visibilité est bonne et dégagée (entre 370 et 400 mètres), – le conducteur du train a actionné son avertisseur sonore de façon réglementaire bien avant le passage à niveau, – à l’approche du passage à niveau, Mme V… s’est tout d’abord arrêtée, – quand le conducteur de la locomotive a vu que le véhicule redémarrait, alors qu’il se trouvait seulement à 30 ou 40 mètres, il a klaxonné de nouveau jusqu’à la collision, – on ignore pour quelles raisons Mme V… a redémarré au moment de l’arrivée du train, – le train circulait à vitesse réglementaire (140 km/h), – le ministère public a procédé à un classement sans suite de la procédure, – sur constitution de partie civile, le juge d’instruction a rendu une ordonnance de non-lieu, – un expert ferroviaire a établi un rapport dans le cadre de l’instruction, – l’expert a relevé que le passage à niveau est totalement conforme aux prescriptions de l’arrêté préfectoral et que ce passage à niveau méritait en aucun cas des installations de sécurité supplémentaires, compte tenu du trafic routier et ferroviaire, de la vitesse des trains et de la distance de visibilités ; que la SNCF estime que le comportement de Mme V…, tel que décrit ci-dessus, était ainsi imprévisible, puisque cette dernière a respecté dans un premier temps l’obligation de s’arrêter au passage à niveau et que le conducteur du train ne pouvait ni imaginer ni s’attendre à ce qu’elle redémarre alors que le train était parfaitement en vue et très proche du passage à niveau ; que l’irrésistibilité de la faute de la victime lui apparaît également caractérisée dans cette situation en ce que la conductrice a redémarré alors que le train se situait à environ 30 ou 40 mètres du passage à niveau, une si faible distance ne permettant pas au train de s’immobiliser suffisamment tôt pour éviter la collision ; que néanmoins, dans le présent cas d’espèce, il convient de constater que : – l’accident a eu lieu à un passage à niveau, – le passage à niveau ne comporte pas de barrière, – un passage à niveau constitue de facto une zone accidentogène potentielle particulière, – la SNCF connaît les risques induits par les installations dont elle assure la gestion, – le risque de présence d’un obstacle à la circulation des trains sur un passage à niveau est certes faible mais n’est en aucun cas nul, – la présence d’un possible obstacle à la circulation est un risque prévisible ; que le risque de collision entre un train circulant sur la voie ferrée et un véhicule, quel qu’il soit, voire même un piéton, est un risque prévisible que la SNCF doit assumer en sa qualité de gardienne des locomotives circulant dans des zones potentiellement dangereuses comme le sont les intersections sans barrière entre des voies ferrées et des routes (passages à niveau) ; que l’absence d’imprévisibilité ne permet donc pas à la SNCF de pouvoir se prévaloir d’une cause extérieure exonératoire ; qu’elle doit donc sa garantie sur le fondement de l’article 1242 du code civil ;

ALORS QU’en l’absence de force majeure, la faute de la victime qui a contribué au dommage exonère partiellement le gardien de sa responsabilité ; qu’en se bornant à relever que l’absence d’imprévisibilité de la présence du véhicule conduit par M… V… sur la voie ferrée ne permettait pas à la SNCF de se prévaloir d’une cause exonératoire de responsabilité, sans rechercher, comme elle y était invitée, si en redémarrant son véhicule au moment de l’arrivée du train, cette dernière n’avait pas commis une faute susceptible d’exonérer, fût-ce partiellement, la SNCF de sa responsabilité, la cour d’appel a privé sa décision de base légale au regard de l’article 1384, alinéa 1er, devenu 1242 du code civil.

SECOND MOYEN DE CASSATION

Il est fait grief à l’arrêt infirmatif attaqué d’AVOIR condamné l’EPIC SNCF Mobilités à payer à M. Q… V…, Mme G… V… et Mme P… V… la somme de 71 801 euros chacun au titre de leur quote-part dans l’indemnisation du préjudice économique direct de leur père S… V…, et d’AVOIR condamné l’EPIC SNCF Mobilités à payer à Mme P… V… la somme de 7 169 euros au titre de son préjudice économique personnel ;

AUX MOTIFS QUE le décès d’M… V… est venu bouleverser l’équilibre économique du foyer composé d’elle-même, de son époux S… V… et de sa fille P… V… âgée de 16 ans au moment du décès de sa mère ; que l’existence d’un préjudice économique direct n’est pas contesté dans son principe ; que pour pouvoir déterminer ce préjudice, il sera procédé au calcul suivant : – l’accident a eu lieu le 23 mars 2001, – l’enfant P… V… est née le […] , – le revenu global du ménage avant le décès est de 23 974 euros, – la part de consommation personnelle de la défunte M… V… est estimée à 20 % soit 4 795 euros, – il reste une somme de 23 974 – 4 795 = 19 179 euros, – il convient de déduire les revenus de S… V…, soit un revenu mensuel de 827 € (relevé impôts 2001 en qualité de veuf), soit un revenu annuel personnel de 9 919 euros, – il reste un solde de 19 179 – 9 919 = 9 206 euros constituant la perte patrimoniale annuelle du conjoint survivant et de l’enfant à charge, – la capitalisation de cette somme permet de connaître le préjudice économique global de la famille soit 9 206 × 24,177 = 222 573 euros, – le préjudice économique de l’enfant sera évalué à 20 % soit 9 206 × 20 % = 1 841 euros, – cette somme sera capitalisée au prix de l’euro de rente temporaire sur 3 ans comme sollicité dans les écritures des consorts V…, soit 1 841 × 3,894 = 7 169 euros, – le préjudice économique résiduel de S… V… est donc de 222 573 – 7 169 = 215 404 euros ; que cette somme sera octroyée par tiers à chaque enfant suite au décès de leur père en cours de procédure, soit 71 801 euros par enfant ;

ALORS QUE le préjudice doit être réparé dans son intégralité sans perte ni profit pour aucune des parties ; qu’en se fondant, pour calculer le préjudice économique des consorts V…, sur le revenu annuel du foyer avant le décès d’M… et K… V…, sans déduire de ce revenu la part de consommation personnelle de ce dernier, la cour d’appel a violé le principe de la réparation intégrale et l’article 1382 devenu 1240 du code civil.

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