Cour de cassation, Chambre commerciale, 29 janvier 2020, 18-10.208, Inédit

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Chronologie de l’affaire

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Sur la décision

Référence :
Cass. com., 29 janv. 2020, n° 18-10.208
Juridiction : Cour de cassation
Numéro(s) de pourvoi : 18-10.208
Importance : Inédit
Décision précédente : Cour d'appel de Paris, 5 novembre 2017
Dispositif : Rejet
Date de dernière mise à jour : 14 décembre 2021
Identifiant Légifrance : JURITEXT000041551287
Identifiant européen : ECLI:FR:CCASS:2020:CO00078
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Sur les parties

Texte intégral

COMM.

CM

COUR DE CASSATION

______________________

Audience publique du 29 janvier 2020

Rejet

Mme MOUILLARD, président

Arrêt n° 78 F-D

Pourvoi n° T 18-10.208

R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

_________________________

ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, FINANCIÈRE ET ÉCONOMIQUE, DU 29 JANVIER 2020

M. Q… G…, domicilié […] , a formé le pourvoi n° T 18-10.208 contre l’arrêt n° RG : 15/18202 rendu le 6 novembre 2017 par la cour d’appel de Paris (pôle 5, chambre 10), dans le litige l’opposant :

1°/ au directeur régional des finances publiques d’Île-de-France et du département de Paris, domicilié […] , représenté par le directeur général des finances publiques, domicilié […] ,

2°/ au ministre de l’économie et des finances, domicilié […] ,

défendeurs à la cassation.

Le demandeur invoque, à l’appui de son pourvoi, les deux moyens de cassation annexés au présent arrêt.

Le dossier a été communiqué au procureur général.

Sur le rapport de Mme Daubigney, conseiller, les observations de la SCP Matuchansky, Poupot et Valdelièvre, avocat de M. G…, de la SCP Foussard et Froger, avocat du directeur régional des finances publiques d’Île-de-France et du département de Paris, et l’avis de M. Debacq, avocat général, après débats en l’audience publique du 3 décembre 2019 où étaient présents Mme Mouillard, président, Mme Daubigney, conseiller rapporteur, M. Guérin, conseiller doyen, et Mme Labat, greffier de chambre,

la chambre commerciale, financière et économique de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.

Attendu, selon l’arrêt attaqué (Paris, 6 novembre 2017), que le 20 décembre 1988, M. G… a prêté à son père, S… G…, une certaine somme, stipulée remboursable au plus tard au décès de celui-ci ; que M. G… ayant, le 7 décembre 2001, déposé ses déclarations d’impôt de solidarité sur la fortune (ISF) au titre des années 1992 à 2001 en y évaluant la créance correspondant au prêt consenti à son père à un franc, à l’exception des années 1996, 1999 et 2000 pour lesquelles elle a été omise, l’administration fiscale lui a notifié une proposition de rectification de ces déclarations afin d’intégrer cette créance à l’actif imposable des années 1992 à 2001 ; qu’après mise en recouvrement et rejet de sa réclamation amiable, M. G… a saisi le tribunal de grande instance afin d’être déchargé de ces impositions ; qu’un arrêt, devenu irrévocable, du 9 février 2007 a rejeté l’ensemble de ses demandes ; qu’à la suite du décès de son père, survenu le 22 juillet 2003, M. G… a formé une nouvelle réclamation, rejetée par l’administration fiscale, puis a saisi le tribunal de grande instance afin d’être déchargé de ces impositions ; qu’un arrêt, devenu irrévocable, du 30 novembre 2010 a rejeté l’ensemble de ses demandes ; qu’après avoir payé les rappels d’ISF, ainsi que les intérêts afférents, au terme d’un plan de règlement, M. G… a formé une troisième réclamation, également rejetée par l’administration fiscale, puis, soutenant que la créance au titre du prêt consenti à son père ne pouvait être retenue pour un montant supérieur à 43% de sa valeur nominale, a saisi le tribunal pour obtenir la restitution d’une certaine somme ;

Sur le premier moyen :

Attendu que M. G… fait grief à l’arrêt de rejeter ses demandes alors, selon le moyen :

1°/ que la valeur réelle d’une créance dépend de sa valeur nominale et de la probabilité de son recouvrement ; qu’il en résulte que si les créances à terme sont, en principe, au titre de l’impôt de solidarité sur la fortune, taxées sur la base de leur valeur nominale, le contribuable peut toujours et par tout moyen, justifier qu’il est fondé à recourir à la valeur estimative de sa créance et, par l’exercice de son droit de réclamation, se prévaloir d’éléments obtenus postérieurement au fait générateur de l’imposition, tel notamment le montant recouvré ; qu’en retenant néanmoins que M. G…, qui contestait l’imposition calculée sur la valeur nominale du prêt consenti à son père, ne pouvait se prévaloir ni de la consistance de l’actif successoral au décès de son père, ni de la situation financière obérée des sociétés de production de S… G…, ni du montant de la créance effectivement recouvrée, pour justifier être fondée à recourir à la valeur estimative de sa créance au titre de chaque année d’imposition litigieuse, quand ces éléments recueillis postérieurement étaient de nature à établir que les craintes nourries par la contribuable relatives à la probabilité de recouvrer sa créance étaient fondées, la cour d’appel a violé l’article 760 du code général des impôts, tel qu’interprété par le Conseil constitutionnel dans sa décision n° 2014-436 QPC ;

2°/ qu’il résulte de l’article 760 alinéa 2 du code général des impôts, tel qu’interprété par le Conseil constitutionnel dans sa décision n° 2014-436 QPC, que le contribuable peut voir sa créance à terme imposée au titre de l’impôt de solidarité sur la fortune d’après sa déclaration estimative lorsqu’il est en mesure de prouver par tout moyen que le débiteur est dans l’impossibilité manifeste de faire face à l’ensemble de ses dettes échues ou à échoir au moment du fait générateur de l’impôt ; que cette hypothèse, qui caractérise la situation de surendettement du débiteur, dépasse les seuls cas de déconfiture ou de situation irrémédiablement compromise du débiteur ; qu’en opposant néanmoins à la réclamation de M. G… tendant à la prise en compte de la valeur estimative de sa créance à terme, qu’elle ne justifiait, au cours des années d’imposition litigieuses, ni de la déconfiture ni de la situation irrémédiablement compromise de son père rendant vaines toutes poursuites aux fins de recouvrement, la cour d’appel, qui y a ajouté une condition, a violé l’article 760 du code général des impôts ;

3°/ que le contribuable peut voir sa créance à terme imposée au titre de l’impôt de solidarité sur la fortune d’après sa déclaration estimative lorsqu’il est en mesure de prouver, par tout moyen, que le débiteur est dans l’impossibilité manifeste de faire face à l’ensemble de ses dettes échues ou à échoir au moment du fait générateur de l’impôt ; qu’en retenant que l’état de déconfiture de S… G… était incompatible avec son assujettissement à l’impôt de solidarité sur la fortune au cours des années d’imposition litigieuses, sans rechercher, ainsi qu’elle y était invitée, si l’assujettissement de S… G… à cet impôt résultait de déclarations inexactes, de sorte qu’il ne reflétait nullement la situation patrimoniale réelle du débiteur pour les années litigieuses, la cour d’appel a privé sa décision de base légale au regard de l’article 760 du code général des impôts ;

4°/ que l’objet du litige est déterminé par les conclusions respectives des parties ; que, dans ses conclusions d’appel, M. G… faisait valoir de manière détaillée et circonstanciée que l’appréciation de la situation patrimoniale réelle de S… G… ne pouvait se déduire des déclarations établies par lui au titre de l’impôt de solidarité sur la fortune, celles ci comportant de nombreuses erreurs et incohérences, dûment justifiées ; que, pour refuser d’examiner la situation patrimoniale réelle du débiteur et s’en tenir à son assujettissement à l’impôt de solidarité sur la fortune, la cour d’appel a relevé que, l’action tendant à la contestation des déclarations d’impôt de solidarité sur la fortune de S… G… étant prescrite pour les années litigieuses, M. G… était mal fondée à invoquer d’éventuelles erreurs d’évaluation commises par son père ; qu’en statuant de la sorte cependant que M. G… entendait seulement, sans remettre en cause l’imposition de S… G… au titre de l’impôt de solidarité sur la fortune qui en était résulté, établir que l’assujettissement de son père à cet impôt ne reflétait nullement sa situation patrimoniale réelle, la cour d’appel a méconnu les termes du litige et violé l’article 4 du code de procédure civile ;

5°/ que la valeur réelle d’une créance dépend de sa valeur nominale et de la probabilité de son recouvrement ; qu’il en résulte que pour, la détermination de l’assiette de l’impôt de solidarité sur la fortune, le contribuable peut recourir à la valeur estimative de sa créance, dès lors qu’il justifie par tous moyens que le débiteur se trouvait, au moment du fait générateur de l’impôt, dans une situation financière telle que le recouvrement de la créance à terme était compromis ; qu’en se bornant à retenir que le train de vie de S… G… était incompatible avec son état de déconfiture, sans rechercher, ainsi qu’elle y était invitée, si ce train de vie dispendieux mené par le débiteur, combiné à l’absence de source de revenus, était précisément de nature à justifier le bien fondé des craintes de M. G… quant à la possibilité de recouvrer, à terme, sa créance, la cour d’appel a privé sa décision de base légale au regard de l’article 760 du code général des impôts ;

6°/ que M. G… versait aux débats de nombreuses pièces pour démontrer que le débiteur se trouvait, au moment du fait générateur de l’impôt, dans une situation financière telle que le recouvrement de sa créance à terme était compromis (investissement à perte, comptes des sociétés de production, attestation de l’expert-comptable, justificatif des retraitements effectués sur les déclarations ISF) ; qu’en se bornant à affirmer que M. G… n’était pas fondée, faute de pièces justificatives, à invoquer les difficultés financières de son père de nature à entraver le recouvrement total de sa créance, sans analyser, même sommairement, ces pièces, la cour d’appel a violé l’article 455 code de procédure civile ;

7°/ que le contribuable peut voir sa créance à terme imposée au titre de l’impôt de solidarité sur la fortune d’après sa déclaration estimative lorsqu’il est en mesure de prouver, par tout moyen, que le débiteur est dans l’impossibilité manifeste de faire face à l’ensemble de ses dettes échues ou à échoir au moment du fait générateur de l’impôt ; que pour refuser de tenir compte de la situation financière déficitaire des sociétés de production de S… G…, la cour d’appel s’est bornée à relever que le prêt litigieux lui avait été consenti à titre personnel et non en tant que dirigeant desdites sociétés ; qu’en statuant de la sorte, sans rechercher, ainsi qu’elle y était invitée, si la situation financière compromise de ces sociétés, dans lesquelles avaient été investies les sommes prêtées, était de nature à refléter l’état dégradé du patrimoine personnel du débiteur et, partant, à établir son incapacité à faire face à l’ensemble de ses dettes échues ou à échoir au moment du fait générateur de l’impôt, la cour d’appel a privé sa décision de base légale au regard de l’article 760 du code général des impôts ;

8°/ l’objet du litige est déterminé par les conclusions respectives des parties ; qu’en l’espèce, usant du droit qui lui est reconnu par l’article 760 du code général des impôts tel qu’interprété par le Conseil constitutionnel, de se prévaloir d’éléments obtenus postérieurement au fait générateur de l’imposition litigieuse, tel notamment le montant recouvré, pour justifier avoir été fondée à recourir à la valeur estimative de sa créance, M. G… faisait valoir que le recouvrement de sa créance à hauteur de 43% de sa valeur nominale au jour du décès de son père constituait un indice de nature à confirmer l’incertitude qui pesait, au 1er janvier de chaque année litigieuse, sur le recouvrement de sa créance pour sa valeur nominale ; qu’en lui opposant qu’elle n’était pas fondée à déduire du montant ainsi recouvré la valeur estimative de sa créance au titre des années antérieures, cependant que M. G… prétendait seulement justifier par cet élément que le recouvrement de sa créance était, pour chaque année litigieuse, incertain, sans soutenir que la valeur estimative de sa créance correspondait à 43 % de sa valeur nominale, la cour d’appel a méconnu les termes du litige et violé l’article 4 du code de procédure civile ;

9°/ que, l’impôt de solidarité sur la fortune est assis sur la valeur vénale des biens appartenant au contribuable au jour du fait générateur de l’impôt ; qu’en retenant, pour débouter M. G… de sa contestation tendant à retenir la valeur réelle de sa créance, que celui-ci avait déclaré au passif de la succession de son père sa créance au montant nominal qu’elle conteste, cependant que cette circonstance était impropre à caractériser la valeur vénale réelle de la créance litigieuse au moment des faits générateurs de l’impôt, la cour d’appel a violé l’article 760 du code général des impôts ;

Mais attendu, en premier lieu, qu’il résulte de l’article 760 du code général des impôts, tel qu’interprété par le Conseil constitutionnel dans sa décision n° 2014-436 QPC du 15 janvier 2015, qu’une créance à terme doit être estimée à sa valeur nominale sauf si le débiteur fait l’objet d’une des procédures collectives de traitement des difficultés des entreprises régies par le livre IV du code de commerce ou si le créancier peut prouver que le débiteur se trouvait, au moment du fait générateur de l’impôt, dans l’impossibilité manifeste de faire face à l’ensemble de ses dettes échues ou à échoir ; que la cour d’appel, qui a statué en ce sens, n’a donc ajouté aucune condition à l’application de la loi ;

Et attendu, en second lieu, qu’analysant la valeur et la portée des éléments de preuve qui lui étaient soumis, l’arrêt retient que, tant l’assujettissement de S… G… à l’ISF, dont les déclarations pour les années de 1996 à 2001 n’ont pas été discutées lorsqu’elles pouvaient l’être, que son train de vie sont incompatibles avec le constat d’une situation irrémédiablement compromise ; qu’il retient encore que les difficultés financières des sociétés dans lesquelles il détenait un compte courant d’associé ne sont pas de nature à démontrer son incapacité personnelle à faire face à ses dettes ; qu’il retient enfin que la consistance de l’actif successoral tel qu’il a été établi au décès de S… G…, soit plusieurs années après le fait générateur de l’impôt, ne peut justifier que celui-ci se trouvât alors dans une situation irrémédiablement compromise ; que de ces constatations et appréciations, rendant inopérantes les recherches invoquées aux troisième, quatrième et septième branches, la cour d’appel a souverainement déduit que M. G… n’établissait pas que la possibilité de recouvrement de sa créance aurait été, au titre des années d’imposition faisant l’objet de la rectification, limitée à 43 % de sa valeur nominale ; que le moyen n’est pas fondé ;

Et sur le second moyen :

Attendu que M. G… fait grief à l’arrêt de rejeter ses demandes alors, selon le moyen :

1°/ qu’il résulte de l’article 1er du Premier protocole additionnel à la Convention de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales que le droit de propriété, conventionnellement garanti, inclut le libre usage des biens et que la législation fiscale constitue une réglementation étatique de l’usage desdits biens ; que la Cour européenne des droits de l’homme a précisé, à titre général, que toute réglementation de l’usage des biens devait obéir à un rapport raisonnable de proportionnalité entre les moyens employés et le but visé ; qu’elle interdit que le contribuable supporte une charge spéciale et exorbitante et prohibe les ruptures du juste équilibre devant régner entre la sauvegarde du droit de propriété et les exigences de l’intérêt général ; que méconnaît ces exigences une réglementation qui, en imposant l’évaluation des créances à terme pour leur montant nominal, prive le contribuable de la possibilité d’être taxé sur la valeur vénale de sa créance, l’imposition étant alors établie sur une base sans rapport réel avec ses facultés contributives réelles ; qu’en jugeant en l’espèce que M. G… devait être imposé, au titre de l’impôt de solidarité sur la fortune, sur la base fictive de la valeur nominale de sa créance sans tenir compte des éléments recueillis postérieurement de nature à établir que, pour chacune des impositions litigieuses, la valeur nominale ainsi retenue était supérieure à la valeur réelle de la créance à terme, et, partant, que les droits mis à sa charge dépassaient sa capacité contributive réelle, la cour d’appel a violé le texte susvisé ;

2°/ que l’évaluation des créances à terme sur la base de leur valeur nominale pour l’impôt de solidarité sur la fortune engendre, toutes les fois où le contribuable se voit privé de la possibilité d’être taxé sur la valeur vénale de sa créance, une discrimination par rapport à l’évaluation des créances échues effectuée dans le cadre de la déclaration estimative des contribuables pour leur valeur économique ; qu’une telle discrimination est sans justification objective et raisonnable en rapport avec les buts de la loi fiscale ; qu’en jugeant en l’espèce que M. G… devait être imposé, au titre de l’impôt de solidarité sur la fortune, sur la base de la valeur nominale de sa créance sans tenir compte des éléments recueillis postérieurement de nature à établir que, pour chacune des impositions litigieuses, la valeur nominale ainsi retenue ne correspondait pas à la valeur réelle de sa créance à terme, cependant que cette évaluation était génératrice de rupture d’égalité devant l’impôt, la cour d’appel a violé l’article 14 de la Convention de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales et l’article 1er du Premier protocole additionnel à cette Convention ;

3°/ que l’évaluation des créances à terme sur la base de leur valeur nominale pour l’impôt de solidarité sur la fortune engendre, toutes les fois où le contribuable se voit privé de la possibilité d’être taxé sur la valeur vénale de sa créance, une discrimination par rapport à l’évaluation des créances échues effectuée dans le cadre de la déclaration estimative des contribuables pour leur valeur économique ; qu’une telle discrimination, à la supposer en rapport avec les buts de la loi fiscale, apparaît disproportionnée ; qu’en jugeant en l’espèce que M. G… devait être imposée, au titre de l’impôt de solidarité sur la fortune, sur la base de valeur nominale de sa créance sans tenir compte des éléments recueillis postérieurement de nature à établir que, pour chacune des impositions litigieuses, la valeur nominale ainsi retenue ne correspondait pas à la valeur réelle de sa créance à terme, cependant que cette évaluation était génératrice de rupture d’égalité devant l’impôt, la cour d’appel a violé l’article 14 de la Convention de sauvegarde des droits de l’homme que, subsidiairement, l’évaluation des créances à terme sur et des libertés fondamentales et l’article 1er du Premier protocole additionnel à cette Convention ;

Mais attendu qu’après avoir énoncé que, pour l’application du second alinéa de l’article 760 du code général des impôts, il résulte de la réserve d’interprétation du Conseil constitutionnel, dans sa décision n° 2014-436 QPC du 15 janvier 2015, que le recours à la valeur estimative d’une créance à terme n’est pas limité aux cas dans lesquels le débiteur fait l’objet d’une procédure collective ou est en situation de déconfiture, que le créancier peut justifier, par tout moyen, qu’il est fondé à déclarer sa créance à terme à sa valeur estimative et, par l’exercice de son droit de réclamation, à se prévaloir d’éléments obtenus postérieurement au fait générateur de l’imposition litigieuse, l’arrêt relève que les déclarations d’ISF renseignées par S… G…, le train de vie mené par ce dernier et la situation obérée des sociétés dans lesquelles il détenait un compte courant d’associé ne sont pas de nature à démontrer la situation irrémédiablement compromise ou l’état de déconfiture de ce dernier ; qu’en cet état, c’est sans méconnaître les dispositions de l’article 1er du Premier protocole additionnel à la Convention de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales et de l’article 14 de la dite Convention que la cour d’appel a retenu que le fait que les héritiers de S… G… n’aient pu, après son décès, recouvrer que 43 % de la valeur nominale du prêt qu’ils lui avaient consenti ne démontre pas qu’au jour du fait générateur des impositions en cause, la créance ne pouvait être recouvrée en totalité ; que le moyen n’est pas fondé ;

PAR CES MOTIFS, la Cour :

REJETTE le pourvoi ;

Condamne M. G… aux dépens ;

Vu l’article 700 du code de procédure civile, rejette sa demande et le condamne à payer au directeur régional des finances publiques d’Île-de-France et du département de Paris la somme 2 000 euros ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre commerciale, financière et économique, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-neuf janvier deux mille vingt.

MOYENS ANNEXES au présent arrêt

Moyens produits par la SCP Matuchansky, Poupot et Valdelièvre, avocat aux Conseils, pour M. G…

PREMIER MOYEN DE CASSATION

Il est fait grief à l’arrêt confirmatif attaqué d’avoir débouté M. Q… G… de toutes ses demandes visant à voir ordonner la décharge de l’impôt sur la fortune à sa charge au titre des années 1992 à 2001 à hauteur de 72.094 euros de droits en principal, ainsi que des intérêts et pénalités afférents ;

Aux motifs propres que «Sur les modalités d’évaluation de la créance et sa valeur au titre de l’ISF 1992 à 2001, Monsieur Q… G… fait valoir à titre principal que le Conseil constitutionnel, dans une décision n°2014-436 QPC du 15 janvier 2015 rendue dans une instance concernant sa soeur, F… G…, a posé pour principe que «la valeur réelle d’une créance dépend de sa valeur nominale et de la probabilité de son recouvrement» (considérant n° 7), ce qui implique une réserve d’interprétation ou une déclaration d’inconstitutionnalité partielle de l’article 760 du code général des impôts en ce qu’il ne vise que la valeur nominale d’une créance, sans la pondérer au regard de la probabilité de recouvrement ; qu’il ajoute que cette décision a également substitué à la notion de déconfiture celle de surendettement, précisant que cet état doit pouvoir être prouvé par tout moyen ; que l’appelant indique que dans un arrêt du 27 mai 2015, la Cour de cassation a censuré l’arrêt de la cour d’appel de Paris du 23 novembre 2013 rendu à l’égard de sa soeur, F… G…, au motif qu’il s’était fondé sur des dispositions déclarées inconstitutionnelles suite à la décision du Conseil constitutionnel précitée ; qu’il déduit de ces décisions que le recours à la valeur estimative d’une créance à terme n’est pas limité aux cas dans lesquels le débiteur fait l’objet d’une procédure collective ou est en situation de déconfiture, mais que le créancier peut, par tout moyen, justifier qu’il est fondé à recourir à la valeur estimative de sa créance et, par l’exercice de son droit de réclamation, se prévaloir d’éléments obtenus postérieurement au fait générateur de l’imposition litigieuse, tel notamment que le montant recouvré ; que Monsieur Q… G… expose que le coûteux train de vie de S… G… et ses échecs professionnels ne laissaient en effet présager qu’une détérioration de sa situation financière et cela, dès l’année 1992 ; qu’il souligne que les sociétés de production cinématographiques de son père ne généraient plus de recette importantes et étaient déficitaires; que les comptes courants ne révélaient plus aucune plus value latente ; qu’elle invoque le passif de succession de 4 513 811,45 euros supérieur à l’actif de 2 418 170,96 euros qui incluait notamment la nue propriété d’un immeuble acquis le 22 décembre 2013, sis […] pour lequel l’application de l’ancien barème de 80 % de la valeur en pleine propriété n’est plus de mise et alors qu’il convenait d’appliquer la valeur économique de la nue propriété par la méthode des flux actualisés corrigeant l’évaluation à un taux de 52,42 % et non plus 80 % ramenant la quote-part de chacun de co-héritiers à 1 950 2019 euros ; que considérant qu’il n’a pu recouvrer sa créance qu’à hauteur de 43% de sa valeur nominale suite au décès de son père, l’appelant soutient qu’il convient de recalculer l’assiette de l’ISF sur la base de cette valeur, en l’actualisant année par année selon la table fournie par la doctrine administrative ; qu’il en conclut qu’il était ainsi redevable d’un ISF d’un montant total de 36 232 €, assortis de 15 143 € d’intérêts de retard, de 1 099 € de majoration de 10 % et de 536 € d’intérêts de retard sur cette majoration ; que l’administration fiscale réplique que le prêt consenti par acte du 20 décembre 1988 à monsieur S… G…, remboursable au plus tard à son décès, s’analyse comme une créance à terme pour monsieur Q… G…, ce qui doit en principe emporter une taxation à hauteur du capital exprimé dans l’acte en application de l’article 760 alinéa 1er du code général des impôts, qui n’a pas été déclaré inconstitutionnel contrairement à l’alinéa 3 ; que l’intimée indique que l’état de déconfiture de monsieur S… G…, seul cas permettant de retenir la créance pour sa valeur estimative, n’est pas démontré, considérant que les éléments évoqués par l’appelant attestent de difficultés financières mais n’établissent pas une situation irrémédiablement compromise rendant vain le recouvrement de la créance et que l’état du patrimoine à la date du décès ne permet pas d’apprécier de façon rétroactive la situation financière au titre des années litigieuses ; que l’administration fiscale considère que l’état de déconfiture est incompatible avec l’assujettissement régulier à l’ISF et le train de vie de monsieur S… G… reconnu par l’appelant ; qu’elle ajoute qu’il ne saurait être soutenu que les déclarations remplies par ce dernier étaient entachées d’erreurs d’évaluation ou de liquidation pour les années 1996 à 2001, prescrites à compter de 2011 ; que ceci étant exposé, il résulte des dispositions de l’article 760 alinéa 1er du code général des impôts qui n’a pas été déclaré inconstitutionnel, que le prêt consenti par acte du 20 décembre 1988 à monsieur S… G…, remboursable au plus tard à son décès, s’analyse comme une créance à terme pour monsieur Q… G…, ce qui doit en principe emporter une taxation à hauteur du capital et que compte tenu de la réserve d’interprétation émise par le Conseil Constitutionnel, le recours à la valeur estimative d’une créance à terme n’est pas limité aux cas dans lesquels le débiteur fait l’objet d’une procédure collective ou est en situation de déconfiture ; que le créancier peut, par tout moyen, justifier qu’il est fondé à recourir à la valeur estimative de sa créance et, par l’exercice de son droit de réclamation, se prévaloir d’éléments obtenus postérieurement au fait générateur de l’imposition litigieuse, tel notamment le montant recouvré ; que la valeur réelle d’une créance dépend de sa valeur nominale et de la probabilité de son recouvrement ; qu’il n’y a pas lieu dès lors de statuer sur le moyen soulevé par l’appelant et tiré de la violation du droit au respect des biens et le caractère discriminatoire de l’article 760 (art. 1 du premier protocole additionnel et art. 14 de la CESDH) ; qu’en l’espèce, Monsieur Q… G… s’est vu notifier une proposition de rectification en date du 7 août 2002, portant réintégration au titre de l’ISF de la valeur nominale du prêt (9 millions de francs) au titre des années 1992 à 2001 ; que les déclarations d’ISF remplies par Monsieur S… G… pour les années 1996 à 2001 ne peuvent plus être remises en cause en raison de la prescription acquise à compter de 2011, qui est opposable tant à l’administration qu’au redevable ou à ses ayants-droit ; que Monsieur G… ès qualités d’héritier est donc mal fondé à invoquer des éventuelles erreurs d’évaluation qu’aurait commises son père ; que Monsieur Q… G… est mal fondé à invoquer l’état de déconfiture ou la situation irrémédiablement compromise de son père, cet état étant incompatible tant avec l’assujettissement du redevable à l’ISF qu’avec le train de vie de ce dernier, reconnu par l’appelant ; que ni le fait que la consistance de l’actif successoral au décès de M. G…, plusieurs années après le fait générateur de l’ISF de l’appelant ni le fait que la somme empruntée à Monsieur Q… G… à titre personnel et non en tant que dirigeant des sociétés de production cinématographiques, même si elle a alimenté les comptes courants de son père dans ces sociétés qui connaissaient des difficultés financières, ne justifient l’existence d’une situation irrémédiablement compromise de M. G… à titre personnel, rendant vaines toutes poursuites aux fins de recouvrement ; que Monsieur Q… G… est mal fondé également, en l’absence de pièces justificatives, à invoquer l’existence de difficultés telles que le recouvrement de la créance aurait été, au titre des années d’impositions objets de la rectification, limité à 43 % de la valeur nominale du prêt, le fait que les héritiers créanciers n’aient pu recouvrer 43 % de leur créance suite au décès de leur père survenu le 22 juillet 2003 ne permettant pas en lui-même d’en déduire que la valeur estimative de la créance au titre des années antérieures vérifiées était de 43 % ; qu’il est ajouté que M. Q… G… qui soutient que la créance à terme qu’il détenait sur son père a toujours été inférieure à son montant nominal l’a cependant déclarée au passif successoral de son père au montant nominal qu’il conteste ; que le jugement entrepris sera dès lors confirmé en ce qu’il a débouté M. Q… G… de toutes ses demandes ainsi qu’en ses dispositions relatives aux dépens » ;

Et aux motifs, à les supposer adoptés, que «Q… G… reprend dans son assignation certains moyens déjà soulevés dans la procédure d’appel ayant conduit à l’arrêt confirmatif du 30 novembre 2010 ; qu’il soutient notamment : – que la déclaration de succession de S… G… doit être corrigée pour l’appréciation de l’actif net réel en tenant compte, pour l’évaluation de la nuepropriété de l’appartement, non du barème, mais de la valeur de la nue-propriété à son décès, soit le taux de 52,16 % qui doit être substitué au taux forfaitaire de 80 % alors en vigueur, ce qui aboutit à une correction de l’actif qui doit être minoré, la succession se soldant par un passif net réel qui passe de 2.095.640 euros à 2.562.984 euros, – qu’il convient de recalculer la base d’imposition à l’ISF pour chacune des années redressées, en réduisant la créance litigieuse incluse dans celle-ci à 43 % de sa valeur soit 3.870.000 Francs, et d’autre part d’actualiser cette valeur année par année par application de la table d’actualisation des créances fournies par la doctrine administrative, ce qui aboutit au total des années considérées à un montant total d’ISF de 36.232 euros assortis de 15.143 d’intérêts de retard, de 1.099 euros de majoration de 10% et de 536 euros d’intérêts de retard sur cette majoration ; que l’article 885 E du code général des impôts dispose que « l’assiette de l’impôt de solidarité sur la fortune est constituée par la valeur nette de l’ensemble des biens, droits et valeurs imposables qui, au janvier de l’année d’imposition, compose le patrimoine du redevable, qu’en application de l’article 885D de ce code, l’impôt de solidarité sur la fortune est assis sur la base d’imposition déclarée selon les mêmes règles, est sous les mêmes sanctions que les droits de mutation par décès. » ; qu’il résulte de l’article 760 du code général des impôts, que pour l’évaluation des créances à terme, le droit est calculé sur le capital exprimé dans l’acte et qui en fait l’objet. Toutefois, lorsque le débiteur se trouve en état de redressement, de liquidation judiciaire ou de déconfiture, les droits sont liquidés d’après la déclaration estimative des parties en ce qui concerne les créances dont le débiteur se trouve en état de faillite… ou de déconfiture au moment de l’acte de donation ou de l’ouverture de la succession. » ; qu’en l’espèce, il est constant que la créance de Q… G… envers son père, S… G…, constituée par le prêt de 9.000.000 Francs qui lui a été consenti par acte du 20 décembre 1998, s’analyse en une créance à terme, dès lors que ce prêt est stipulé remboursable « au plus tard à la date du décès de S… G… », ce qui doit emporter une taxation à hauteur du capital exprimé dans l’acte conformément aux dispositions de l’article 760 du code général des impôts ; qu’en l’espèce le redevable continue à se prévaloir de difficultés financières de S… G…, mais n’établit pas, ce qui a été déjà constaté par l’arrêt de la cour d’appel de Paris du 30 novembre 2010 que son père a fait l’objet d’une procédure collective ni qu’il se trouvait en état de déconfiture ; qu’en conséquence, il n’y a pas lieu de recourir à la déclaration estimative des parties ; que dès lors, c’est à juste titre que l’administration, en application de l’article 760 du code général des impôts, a soumis à l’ISF le contrat de prêt à terme à hauteur du capital exprimé dans l’acte, le montant au nominal devant être retenu au 1er janvier de chaque année pour chacune des déclarations ISF sur la période 1992-2001 » ;

1°) Alors que la valeur réelle d’une créance dépend de sa valeur nominale et de la probabilité de son recouvrement ; qu’il en résulte que si les créances à terme sont, en principe, au titre de l’impôt de solidarité sur la fortune, taxées sur la base de leur valeur nominale, le contribuable peut toujours et par tout moyen, justifier qu’il est fondé à recourir à la valeur estimative de sa créance et, par l’exercice de son droit de réclamation, se prévaloir d’éléments obtenus postérieurement au fait générateur de l’imposition, tel notamment le montant recouvré ; qu’en retenant néanmoins que M. Q… G…, qui contestait l’imposition calculée sur la valeur nominale du prêt consenti à son père, ne pouvait se prévaloir ni de la consistance de l’actif successoral au décès de son père, ni de la situation financière obérée des sociétés de production de M. S… G…, ni du montant de la créance effectivement recouvrée, pour justifier être fondé à recourir à la valeur estimative de sa créance au titre de chaque année d’imposition litigieuse, quand ces éléments recueillis postérieurement étaient de nature à établir que les craintes nourries par le contribuable relatives à la probabilité de recouvrer sa créance étaient fondées, la cour d’appel a violé l’article 760 du code général des impôts, tel qu’interprété par le Conseil constitutionnel dans sa décision n° 2014-436 QPC ;

2°) Alors qu’il résulte de l’article 760 alinéa 2 du code général des impôts, tel qu’interprété par le Conseil constitutionnel dans sa décision n° 2014-436 QPC, que le contribuable peut voir sa créance à terme imposée au titre de l’impôt de solidarité sur la fortune d’après sa déclaration estimative lorsqu’il est en mesure de prouver par tout moyen que le débiteur est dans l’impossibilité manifeste de faire face à l’ensemble de ses dettes échues ou à échoir au moment du fait générateur de l’impôt ; que cette hypothèse, qui caractérise la situation de surendettement du débiteur, dépasse les seuls cas de déconfiture ou de situation irrémédiablement compromise du débiteur ; qu’en opposant néanmoins à la réclamation de M. Q… G… tendant à la prise en compte de la valeur estimative de sa créance à terme, qu’il ne justifiait, au cours des années d’imposition litigieuses, ni de la déconfiture ni de la situation irrémédiablement compromise de son père rendant vaines toutes poursuites aux fins de recouvrement, la cour d’appel, qui y a ajouté une condition, a violé l’article 760 du code général des impôts ;

3°) Alors que le contribuable peut voir sa créance à terme imposée au titre de l’impôt de solidarité sur la fortune d’après sa déclaration estimative lorsqu’il est en mesure de prouver, par tout moyen, que le débiteur est dans l’impossibilité manifeste de faire face à l’ensemble de ses dettes échues ou à échoir au moment du fait générateur de l’impôt ; qu’en retenant que l’état de déconfiture de M. G… était incompatible avec son assujettissement à l’impôt de solidarité sur la fortune au cours des années d’imposition litigieuses, sans rechercher, ainsi qu’elle y était invitée (conclusions pp. 6 et ss.), si l’assujettissement de M. S… G… à cet impôt résultait de déclarations inexactes, de sorte qu’il ne reflétait nullement la situation patrimoniale réelle du débiteur pour les années litigieuses, la cour d’appel a privé sa décision de base légale au regard de l’article 760 du code général des impôts ;

4°) Alors que l’objet du litige est déterminé par les conclusions respectives des parties ; que, dans ses conclusions d’appel, M. Q… G… faisait valoir de manière détaillée et circonstanciée que l’appréciation de la situation patrimoniale réelle de M. S… G… ne pouvait se déduire des déclarations établies par lui au titre de l’impôt de solidarité sur la fortune, celles-ci comportant de nombreuses erreurs et incohérences, dûment justifiées (conclusions pp. 6 et ss.) ; que, pour refuser d’examiner la situation patrimoniale réelle du débiteur et s’en tenir à son assujettissement à l’impôt de solidarité sur la fortune, la cour d’appel a relevé que, l’action tendant à la contestation des déclarations d’impôt de solidarité sur la fortune de M. S… G… étant prescrite pour les années litigieuses, M. Q… G… était mal fondé à invoquer d’éventuelles erreurs d’évaluation commises par son père ; qu’en statuant de la sorte cependant que M. Q… G… entendait seulement, sans remettre en cause l’imposition de M. S… G… au titre de l’impôt de solidarité sur la fortune qui en était résulté, établir que l’assujettissement de son père à cet impôt ne reflétait nullement sa situation patrimoniale réelle, la cour d’appel a méconnu les termes du litige et violé l’article 4 du code de procédure civile ;

5°) Alors que la valeur réelle d’une créance dépend de sa valeur nominale et de la probabilité de son recouvrement ; qu’il en résulte que pour, la détermination de l’assiette de l’impôt de solidarité sur la fortune, le contribuable peut recourir à la valeur estimative de sa créance, dès lors qu’il justifie par tous moyens que le débiteur se trouvait, au moment du fait générateur de l’impôt, dans une situation financière telle que le recouvrement de la créance à terme était compromis ; qu’en se bornant à retenir que le train de vie de M. G… était incompatible avec son état de déconfiture, sans rechercher, ainsi qu’elle y était invitée (conclusions pp. 5 et ss.), si ce train de vie dispendieux mené par le débiteur, combiné à l’absence de source de revenus, était précisément de nature à justifier le bienfondé des craintes de M. Q… G… quant à la possibilité de recouvrer, à terme, sa créance, la cour d’appel a privé sa décision de base légale au regard de l’article 760 du code général des impôts ;

6°) Alors que M. Q… G… versait aux débats de nombreuses pièces pour démontrer que le débiteur se trouvait, au moment du fait générateur de l’impôt, dans une situation financière telle que le recouvrement de sa créance à terme était compromis (investissement à perte, comptes des sociétés de production, attestation de l’expert-comptable, justificatif des retraitements effectués sur les déclarations ISF) ; qu’en se bornant à affirmer que M. Q… G… n’était pas fondé, faute de pièces justificatives, à invoquer les difficultés financières de son père de nature à entraver le recouvrement total de sa créance, sans analyser, même sommairement, ces pièces, la cour d’appel a violé l’article 455 code de procédure civile ;

7°) Alors que le contribuable peut voir sa créance à terme imposée au titre de l’impôt de solidarité sur la fortune d’après sa déclaration estimative lorsqu’il est en mesure de prouver, par tout moyen, que le débiteur est dans l’impossibilité manifeste de faire face à l’ensemble de ses dettes échues ou à échoir au moment du fait générateur de l’impôt ; que pour refuser de tenir compte de la situation financière déficitaire des sociétés de production de M. S… G…, la cour d’appel s’est bornée à relever que le prêt litigieux lui avait été consenti à titre personnel et non en tant que dirigeant desdites sociétés ; qu’en statuant de la sorte, sans rechercher, ainsi qu’elle y était invitée (conclusions, pp. 8 et s. et p. 27), si la situation financière compromise de ces sociétés, dans lesquelles avaient été investies les sommes prêtées, était de nature à refléter l’état dégradé du patrimoine personnel du débiteur et, partant, à établir son incapacité à faire face à l’ensemble de ses dettes échues ou à échoir au moment du fait générateur de l’impôt, la cour d’appel a privé sa décision de base légale au regard de l’article 760 du code général des impôts ;

8°) Alors que, l’objet du litige est déterminé par les conclusions respectives des parties ; qu’en l’espèce, usant du droit qui lui est reconnu par l’article 760 du code général des impôts tel qu’interprété par le Conseil constitutionnel, de se prévaloir d’éléments obtenus postérieurement au fait générateur de l’imposition litigieuse, tel notamment le montant recouvré, pour justifier avoir été fondé à recourir à la valeur estimative de sa créance, M. Q… G… faisait valoir que le recouvrement de sa créance à hauteur de 43% de sa valeur nominale au jour du décès de son père constituait un indice de nature à confirmer l’incertitude qui pesait, au 1er janvier de chaque année litigieuse, sur le recouvrement de sa créance pour sa valeur nominale ; qu’en lui opposant qu’il n’était pas fondé à déduire du montant ainsi recouvré la valeur estimative de sa créance au titre des années antérieures, cependant que M. Q… G… prétendait seulement justifier par cet élément que le recouvrement de sa créance était, pour chaque année litigieuse, incertain, sans soutenir que la valeur estimative de sa créance correspondait à 43% de sa valeur nominale, la cour d’appel a méconnu les termes du litige et violé l’article 4 du code de procédure civile ;

9°) Alors que, l’impôt de solidarité sur la fortune est assis sur la valeur vénale des biens appartenant au contribuable au jour du fait générateur de l’impôt ; qu’en retenant, pour débouter M. Q… G… de sa contestation tendant à retenir la valeur réelle de sa créance, que celui-ci avait déclaré au passif de la succession de son père sa créance au montant nominal qu’il conteste, cependant que cette circonstance était impropre à caractériser la valeur vénale réelle de la créance litigieuse au moment des faits générateurs de l’impôt, la cour d’appel a violé l’article 760 du code général des impôts.

SECOND MOYEN DE CASSATION (subsidiaire)

Il est fait grief à l’arrêt confirmatif attaqué d’avoir débouté M. Q… G… de toutes ses demandes visant à voir ordonner la décharge de l’impôt sur la fortune à sa charge au titre des années 1992 à 2001 à hauteur de 72.094 euros de droits en principal, ainsi que des intérêts et pénalités afférents ;

Aux motifs que « Sur les modalités d’évaluation de la créance et sa valeur au titre de l’ISF 1992 à 2001, Monsieur Q… G… fait valoir à titre principal que le Conseil constitutionnel, dans une décision n°2014-436 QPC du 15 janvier 2015 rendue dans une instance concernant sa soeur, F… G…, a posé pour principe que «la valeur réelle d’une créance dépend de sa valeur nominale et de la probabilité de son recouvrement» (considérant n° 7), ce qui implique une réserve d’interprétation ou une déclaration d’inconstitutionnalité partielle de l’article 760 du code général des impôts en ce qu’il ne vise que la valeur nominale d’une créance, sans la pondérer au regard de la probabilité de recouvrement ; qu’il ajoute que cette décision a également substitué à la notion de déconfiture celle de surendettement, précisant que cet état doit pouvoir être prouvé par tout moyen ; que l’appelant indique que dans un arrêt du 27 mai 2015, la Cour de cassation a censuré l’arrêt de la cour d’appel de Paris du 23 novembre 2013 rendu à l’égard de sa soeur, F… G…, au motif qu’il s’était fondé sur des dispositions déclarées inconstitutionnelles suite à la décision du Conseil constitutionnel précitée ; qu’il déduit de ces décisions que le recours à la valeur estimative d’une créance à terme n’est pas limité aux cas dans lesquels le débiteur fait l’objet d’une procédure collective ou est en situation de déconfiture, mais que le créancier peut, par tout moyen, justifier qu’il est fondé à recourir à la valeur estimative de sa créance et, par l’exercice de son droit de réclamation, se prévaloir d’éléments obtenus postérieurement au fait générateur de l’imposition litigieuse, tel notamment que le montant recouvré ; que Monsieur Q… G… expose que le coûteux train de vie de S… G… et ses échecs professionnels ne laissaient en effet présager qu’une détérioration de sa situation financière et cela, dès l’année 1992 ; qu’il souligne que les sociétés de production cinématographiques de son père ne généraient plus de recette importantes et étaient déficitaires; que les comptes courants ne révélaient plus aucune plus value latente ; qu’il invoque le passif de succession de 4 513 811,45 euros supérieur à l’actif de 2 418 170,96 euros qui incluait notamment la nue propriété d’un immeuble acquis le 22 décembre 2013, sis […] pour lequel l’application de l’ancien barème de 80 % de la valeur en pleine propriété n’est plus de mise et alors qu’il convenait d’appliquer la valeur économique de la nue propriété par la méthode des flux actualisés corrigeant l’évaluation à un taux de 52,42 % et non plus 80 % ramenant la quote-part de chacun de co-héritiers à 1 950 2019 euros ; que considérant qu’il n’a pu recouvrer sa créance qu’à hauteur de 43% de sa valeur nominale suite au décès de son père, l’appelant soutient qu’il convient de recalculer l’assiette de l’ISF sur la base de cette valeur, en l’actualisant année par année selon la table fournie par la doctrine administrative ; qu’il en conclut qu’il était ainsi redevable d’un ISF d’un montant total de 36 232 €, assortis de 15 143 € d’intérêts de retard, de 1 099 € de majoration de 10 % et de 536 € d’intérêts de retard sur cette majoration ; que l’administration fiscale réplique que le prêt consenti par acte du 20 décembre 1988 à monsieur S… G…, remboursable au plus tard à son décès, s’analyse comme une créance à terme pour monsieur Q… G…, ce qui doit en principe emporter une taxation à hauteur du capital exprimé dans l’acte en application de l’article 760 alinéa 1er du code général des impôts, qui n’a pas été déclaré inconstitutionnel contrairement à l’alinéa 3 ; que l’intimée indique que l’état de déconfiture de monsieur S… G…, seul cas permettant de retenir la créance pour sa valeur estimative, n’est pas démontré, considérant que les éléments évoqués par l’appelant attestent de difficultés financières mais n’établissent pas une situation irrémédiablement compromise rendant vain le recouvrement de la créance et que l’état du patrimoine à la date du décès ne permet pas d’apprécier de façon rétroactive la situation financière au titre des années litigieuses ; que l’administration fiscale considère que l’état de déconfiture est incompatible avec l’assujettissement régulier à l’ISF et le train de vie de monsieur S… G… reconnu par l’appelant ; qu’elle ajoute qu’il ne saurait être soutenu que les déclarations remplies par ce dernier étaient entachées d’erreurs d’évaluation ou de liquidation pour les années 1996 à 2001, prescrites à compter de 2011 ; que ceci étant exposé, il résulte des dispositions de l’article 760 alinéa 1er du code général des impôts qui n’a pas été déclaré inconstitutionnel, que le prêt consenti par acte du 20 décembre 1988 à monsieur S… G…, remboursable au plus tard à son décès, s’analyse comme une créance à terme pour monsieur Q… G…, ce qui doit en principe emporter une taxation à hauteur du capital et que compte tenu de la réserve d’interprétation émise par le Conseil Constitutionnel, le recours à la valeur estimative d’une créance à terme n’est pas limité aux cas dans lesquels le débiteur fait l’objet d’une procédure collective ou est en situation de déconfiture ; que le créancier peut, par tout moyen, justifier qu’il est fondé à recourir à la valeur estimative de sa créance et, par l’exercice de son droit de réclamation, se prévaloir d’éléments obtenus postérieurement au fait générateur de l’imposition litigieuse, tel notamment le montant recouvré ; que la valeur réelle d’une créance dépend de sa valeur nominale et de la probabilité de son recouvrement ; qu’il n’y a pas lieu dès lors de statuer sur le moyen soulevé par l’appelant et tiré de la violation du droit au respect des biens et le caractère discriminatoire de l’article 760 (art. 1 du premier protocole additionnel et art. 14 de la CESDH) ; qu’en l’espèce, Monsieur Q… G… s’est vu notifier une proposition de rectification en date du 7 août 2002, portant réintégration au titre de l’ISF de la valeur nominale du prêt (9 millions de francs) au titre des années 1992 à 2001 ; que les déclarations d’ISF remplies par Monsieur S… G… pour les années 1996 à 2001 ne peuvent plus être remises en cause en raison de la prescription acquise à compter de 2011, qui est opposable tant à l’administration qu’au redevable ou à ses ayants-droit ; que Monsieur G… ès qualités d’héritier est donc mal fondé à invoquer des éventuelles erreurs d’évaluation qu’aurait commises son père ; que Monsieur Q… G… est mal fondé à invoquer l’état de déconfiture ou la situation irrémédiablement compromise de son père, cet état étant incompatible tant avec l’assujettissement du redevable à l’ISF qu’avec le train de vie de ce dernier, reconnu par l’appelant ; que ni le fait que la consistance de l’actif successoral au décès de M. G…, plusieurs années après le fait générateur de l’ISF de l’appelant ni le fait que la somme empruntée à Monsieur Q… G… à titre personnel et non en tant que dirigeant des sociétés de production cinématographiques, même si elle a alimenté les comptes courants de son père dans ces sociétés qui connaissaient des difficultés financières, ne justifient l’existence d’une situation irrémédiablement compromise de M. G… à titre personnel, rendant vaines toutes poursuites aux fins de recouvrement ; que Monsieur Q… G… est mal fondé également, en l’absence de pièces justificatives, à invoquer l’existence de difficultés telles que le recouvrement de la créance aurait été, au titre des années d’impositions objets de la rectification, limité à 43 % de la valeur nominale du prêt, le fait que les héritiers créanciers n’aient pu recouvrer 43 % de leur créance suite au décès de leur père survenu le 22 juillet 2003 ne permettant pas en lui-même d’en déduire que la valeur estimative de la créance au titre des années antérieures vérifiées était de 43 % ; qu’il est ajouté que M. Q… G… qui soutient que la créance à terme qu’il détenait sur son père a toujours été inférieure à son montant nominal l’a cependant déclarée au passif successoral de son père au montant nominal qu’il conteste ; que le jugement entrepris sera dès lors confirmé en ce qu’il a débouté M. Q… G… de toutes ses demandes ainsi qu’en ses dispositions relatives aux dépens » ;

1°) Alors qu’il résulte de l’article 1er du Premier protocole additionnel à la Convention de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales que le droit de propriété, conventionnellement garanti, inclut le libre usage des biens et que la législation fiscale constitue une règlementation étatique de l’usage desdits biens ; que la Cour européenne des droits de l’homme a précisé, à titre général, que toute règlementation de l’usage des biens devait obéir à un rapport raisonnable de proportionnalité entre les moyens employés et le but visé ; qu’elle interdit que le contribuable supporte une charge spéciale et exorbitante et prohibe les ruptures du juste équilibre devant régner entre la sauvegarde du droit de propriété et les exigences de l’intérêt général ; que méconnaît ces exigences une réglementation qui, en imposant l’évaluation des créances à terme pour leur montant nominal, prive le contribuable de la possibilité d’être taxé sur la valeur vénale de sa créance, l’imposition étant alors établie sur une base sans rapport réel avec ses facultés contributives réelles ; qu’en jugeant en l’espèce que M. Q… G… devait être imposé, au titre de l’impôt de solidarité sur la fortune, sur la base fictive de la valeur nominale de sa créance sans tenir compte des éléments recueillis postérieurement de nature à établir que, pour chacune des impositions litigieuses, la valeur nominale ainsi retenue était supérieure à la valeur réelle de la créance à terme, et, partant, que les droits mis à sa charge dépassaient sa capacité contributive réelle, la cour d’appel a violé le texte susvisé ;

2°) Alors que l’évaluation des créances à terme sur la base de leur valeur nominale pour l’impôt de solidarité sur la fortune engendre, toutes les fois où le contribuable se voit privé de la possibilité d’être taxé sur la valeur vénale de sa créance, une discrimination par rapport à l’évaluation des créances échues effectuée dans le cadre de la déclaration estimative des contribuables pour leur valeur économique ; qu’une telle discrimination est sans justification objective et raisonnable en rapport avec les buts de la loi fiscale ; qu’en jugeant en l’espèce que M. Q… G… devait être imposé, au titre de l’impôt de solidarité sur la fortune, sur la base de la valeur nominale de sa créance sans tenir compte des éléments recueillis postérieurement de nature à établir que, pour chacune des impositions litigieuses, la valeur nominale ainsi retenue ne correspondait pas à la valeur réelle de sa créance à terme, cependant que cette évaluation était génératrice de rupture d’égalité devant l’impôt, la cour d’appel a violé l’article 14 de la Convention de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales et l’article 1er du Premier protocole additionnel à cette Convention ;

3°) Alors que, subsidiairement l’évaluation des créances à terme sur la base de leur valeur nominale pour l’impôt de solidarité sur la fortune engendre, toutes les fois où le contribuable se voit privé de la possibilité d’être taxé sur la valeur vénale de sa créance, une discrimination par rapport à l’évaluation des créances échues effectuée dans le cadre de la déclaration estimative des contribuables pour leur valeur économique ; qu’une telle discrimination, à la supposer en rapport avec les buts de la loi fiscale, apparaît disproportionnée; qu’en jugeant en l’espèce que M. Q… G… devait être imposé, au titre de l’impôt de solidarité sur la fortune, sur la base de la valeur nominale de sa créance sans tenir compte des éléments recueillis postérieurement de nature à établir que, pour chacune des impositions litigieuses, la valeur nominale ainsi retenue ne correspondait pas à la valeur réelle de sa créance à terme, cependant que cette évaluation était génératrice de rupture d’égalité devant l’impôt, la cour d’appel a violé l’article 14 de la Convention de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales et l’article 1er du Premier protocole additionnel à cette Convention.

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Cour de cassation, Chambre commerciale, 29 janvier 2020, 18-10.208, Inédit