Cour de cassation, Chambre civile 3, 19 mars 2020, 19-13.648, Publié au bulletin

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Chronologie de l’affaire

Résumé de la juridiction

L’exproprié n’ayant pas exercé l’action en rétrocession qui lui était ouverte, dans les délais et les conditions prévus par la loi, ne dispose pas, sur le fondement de l’article 1er du premier protocole additionnel à la Convention de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales, d’une action en indemnisation de la privation de la plus-value acquise par le bien non affecté à la destination prévue par la déclaration d’utilité publique, dès lors que, en raison de sa propre inaction, il ne subit aucune charge excessive

Commentaires8

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Catherine Berlaud · Gazette du Palais · 19 mai 2020

3ExpropriationAccès limité
Defrénois · 16 avril 2020
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Sur la décision

Référence :
Cass. 3e civ., 19 mars 2020, n° 19-13.648, Publié au bulletin
Juridiction : Cour de cassation
Numéro(s) de pourvoi : 19-13648
Importance : Publié au bulletin
Décision précédente : Cour d'appel d'Aix-en-Provence, 16 janvier 2019, N° 17/10438
Précédents jurisprudentiels : A rapprocher :
3e Civ., 18 avril 2019, pourvoi n° 18-11.414, Bull. 219, III, n° ??? (cassation partielle), et l'arrêt cité
3e Civ., 19 novembre 2008, pourvoi n° 07-15.705, Bull. 2008, III, n° 176 (cassation)
3e Civ., 19 novembre 2008, pourvoi n° 07-15.705, Bull. 2008, III, n° 176 (cassation)
Textes appliqués :
article 1er du premier protocole additionnel à la Convention de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales
Dispositif : Rejet
Date de dernière mise à jour : 14 décembre 2021
Identifiant Légifrance : JURITEXT000041784070
Identifiant européen : ECLI:FR:CCASS:2020:C300248
Lire la décision sur le site de la juridiction

Texte intégral

CIV. 3

CH.B

COUR DE CASSATION

______________________

Audience publique du 19 mars 2020

Rejet

M. CHAUVIN, président

Arrêt n° 248 FS-P+B+I

Pourvoi n° C 19-13.648

R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

_________________________

ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, DU 19 MARS 2020

La société Immobilière du Ceinturon, société par actions simplifiée, dont le siège est […], a formé le pourvoi n° C 19-13.648 contre l’arrêt rendu le 17 janvier 2019 par la cour d’appel d’Aix-en-Provence (chambre 1-5), dans le litige l’opposant à la commune de Hyères, prise en la personne de son maire, domicilié en cette qualité, Hôtel de Ville, 12 avenue Joseph Clotis, 83400 Hyères, défenderesse à la cassation.

La demanderesse invoque, à l’appui de son pourvoi, le moyen unique de cassation annexé au présent arrêt.

Le dossier a été communiqué au procureur général.

Sur le rapport de Mme Djikpa, conseiller référendaire, les observations de la SCP Waquet, Farge et Hazan, avocat de la société Immobilière du Ceinturon, de la SCP Boré, Salve de Bruneton et Mégret, avocat de la commune de Hyères, et l’avis de Mme Vassallo, premier avocat général, après débats en l’audience publique du 11 février 2020 où étaient présents M. Chauvin, président, Mme Djikpa, conseiller référendaire rapporteur, M. Maunand, conseiller doyen, M. Nivôse, Mmes Farrenq-Nési, Greff-Bohnert, MM. Jacques, Bech, Boyer, conseillers, Mmes Guillaudier, Georget, Renard, conseillers référendaires, Mme Vassallo, premier avocat général, et Mme Berdeaux, greffier de chambre,

la troisième chambre civile de la Cour de cassation, composée, en application de l’article R. 431-5 du code de l’organisation judiciaire, des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt ;

Faits et procédure

1. Selon l’arrêt attaqué (Aix-en-Provence, 17 janvier 2019), par ordonnance du 24 novembre 1955, la société Immobilière du ceinturon a été expropriée de plusieurs parcelles lui appartenant au profit de la commune de Hyères-les-Palmiers, en vue de l’extension de la plate-forme du port de plaisance.

2. La société Immobilière du ceinturon a sollicité la rétrocession des terrains devant le tribunal administratif de Nice, qui s’est déclaré incompétent par jugement du 30 avril 1969.

3. Invoquant la perte de la plus-value engendrée par les parcelles expropriées, qui n’avaient pas reçu la destination d’utilité publique prévue, à l’exception d’une petite surface, et qui étaient revendues peu à peu à des investisseurs, la société Immobilière du ceinturon a demandé l’indemnisation de son préjudice à la commune par lettre du 14 août 2007, puis au tribunal administratif de Toulon par requête du 30 novembre 2007.

4. Tirant les conséquences d’une décision du Tribunal des conflits du 8 décembre 2014, le Conseil d’Etat a, par décision du 30 décembre 2014, rejeté la demande de la société Immobilière du ceinturon comme portée devant un ordre de juridiction incompétent pour en connaître.

5. Par acte du 17 février 2015, la société Immobilière du ceinturon a assigné la commune de Hyères-les-Palmiers devant le tribunal de grande instance aux fins d’indemnisation de son préjudice.

Examen du moyen

Enoncé du moyen

6. La société Immobilière du ceinturon fait grief à l’arrêt de déclarer sa demande irrecevable car prescrite, alors :

« 1°/ que le droit à indemnisation pour privation indue de la plus-value attachée à un bien exproprié, fondé sur l’article 1er du premier protocole additionnel à la Convention de sauvegarde des droits de l’homme, naît au jour de l’écoulement d’un laps de temps notable, au terme duquel la non-réalisation, sans justification tenant à l’utilité publique, du projet prévu par la déclaration d’utilité publique doit être regardée comme faisant peser sur l’exproprié une charge excessive ; qu’en décidant néanmoins que le délai de la prescription trentenaire avait commencé à courir en l’espèce dès l’expiration du délai de cinq ans spécifiquement édicté par la loi interne pour la naissance du droit à rétrocession (ancien article L. 12-6 du code de l’expropriation), la cour a violé l’article 2262 du code civil dans sa version applicable au litige, ensemble l’article 1er du premier protocole additionnel à la Convention de sauvegarde des droits de l’homme ;

2°/ que le droit à indemnisation pour privation indue de la plus-value attachée à un bien exproprié, fondé sur l’article 1er du premier protocole additionnel à la Convention de sauvegarde des droits de l’homme, naît au jour de l’écoulement d’un laps de temps notable, au terme duquel la non-réalisation, sans justification tenant à l’utilité publique, du projet prévu par la déclaration d’utilité publique doit être regardée comme faisant peser sur l’exproprié une charge excessive ; qu’en décidant néanmoins que le délai de la prescription trentenaire avait commencé à courir en l’espèce dès l’expiration du délai de cinq ans spécifiquement édicté par la loi interne pour la naissance du droit à rétrocession (ancien article L. 12-6 du code de l’expropriation), sans s’expliquer sur le caractère notable de la durée de cinq années qu’elle retenait, la cour d’appel a privé sa décision de base légale au regard l’article 2262 du code civil dans sa version applicable au litige, ensemble l’article 1er du premier protocole additionnel à la Convention de sauvegarde des droits de l’homme. »

Réponse de la Cour

7. L’exproprié n’ayant pas exercé l’action en rétrocession qui lui était ouverte, dans les délais et les conditions prévus par la loi, ne dispose pas d’une action en indemnisation de la privation de la plus-value acquise par le bien non affecté à la destination prévue par la déclaration d’utilité publique, dès lors que, en raison de sa propre inaction, il ne subit aucune charge excessive.

8. La cour d’appel a constaté qu’à la suite de la décision d’incompétence du 30 avril 1969, la société Immobilière du ceinturon n’avait diligenté aucune action en rétrocession.

9. Il en résulte que la société Immobilière du ceinturon ne peut prétendre à

l’indemnisation de la privation de la plus-value acquise par le bien non affecté à la destination prévue par la déclaration d’utilité publique.

10. Par ce motif de pur droit, substitué à ceux critiqués, dans les conditions prévues par les articles 620, alinéa 1er, et 1015 du code de procédure civile, la décision déférée, qui a déclaré irrecevable l’action de la société Immobilière du ceinturon, se trouve légalement justifiée.

PAR CES MOTIFS, la Cour :

REJETTE le pourvoi ;

Condamne la société Immobilière du ceinturon aux dépens ;

En application de l’article 700 du code de procédure civile, rejette la demande formée par la société Immobilière du ceinturon et la condamne à payer à la commune de Hyères-les-Palmiers la somme de 3 000 euros ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, troisième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du dix-neuf mars deux mille vingt.

MOYEN ANNEXE au présent arrêt

Moyen produit par la SCP Waquet, Farge et Hazan, avocat aux Conseils, pour la société Immobilière du Ceinturon.

IL EST FAIT GRIEF à l’arrêt infirmatif attaqué d’avoir déclaré la demande en paiement de la somme de 3.112.262,88 € formulée par la société immobilière du Ceinturon irrecevable car prescrite,

AUX MOTIFS QUE, pour apprécier les règles de prescription applicables à la demande indemnitaire de la société immobilière du ceinturon, il convient de se placer à la date de sa demande ; elle a été présentée pour la première fois le 14 août 2007 par lettre adressée à la commune puis réitérée le 30 novembre 2007 suivant requête enregistrée au greffe du tribunal administratif de Toulon ;

QUE ce sont donc les règles de prescription antérieures à la réforme du 17 juin 2008 qui doivent recevoir application, conformément à l’article III de ladite loi, soit en l’occurrence l’article 2227 ancien du code civil ;

QUE celui-ci énonce dans sa version applicable jusqu’au 17 juin 2008 que : l’Etat, les établissements publics et les communes sont soumis aux mêmes prescriptions que les particuliers et peuvent également les opposer ;

QU’il en résulte qu’est applicable à la commune de Hyères-les-Palmiers, la prescription trentenaire édictée par l’article 2262 ancien du code civil, selon lequel toutes les actions tant réelles que personnelles sont prescrites par 30 ans ;

QUE, de plus, sous l’empire des textes antérieurs à la loi du 17 juin 2008, le point de départ du délai de prescription est la date d’exigibilité du droit ;

QUE l’ensemble de ces règles de droit interne ne porte pas atteinte à la propriété et ne constitue nullement une charge excessive ;

QU’au cas d’espèce, le droit à indemnité au profit de la société expropriée n’a pu courir avant que la commune n’ait été tenue de donner au bien exproprié la destination prévue dans la déclaration d’utilité publique, soit cinq ans à compter de l’ordonnance d’expropriation, conformément au délai édicté par l’article L. 12-6 du code de l’expropriation alors en vigueur et abrogé selon ordonnance du 6 novembre 2014 ;

QUE l’ordonnance transférant la propriété à la commune a été prononcée le 24 novembre 1955, de sorte que le droit à indemnité a commencé à courir à compter du 25 novembre 1960 ;

QUE, par suite, au 25 novembre 1990, l’action était prescrite ;

QU’aucun acte interruptif de prescription n’est intervenu puisque la saisine du juge administratif ayant abouti au jugement du 30 avril 1969 avait pour objet le droit à rétrocession, mais non le droit à indemnisation ;

QU’il est établi dès lors que la demande indemnitaire formée en 2007 par la société immobilière du ceinturon a été présentée au-delà de l’expiration du délai de 30 ans, intervenue le 25 novembre 1990 ;

QUE l’action indemnitaire diligentée par la société mixte immobilière du ceinturon est donc irrecevable comme prescrite, sans qu’il y ait lieu d’examiner d’une part, le moyen tiré de la prescription quadriennale soulevé également par la commune en sus de la prescription trentenaire et d’autre part, le bien-fondé de l’action indemnitaire (arrêt attaqué, page 5, § 8 à 13, et page 6, § 1 à 6),

1°) ALORS QUE le droit à indemnisation pour privation indue de la plus-value attachée à un bien exproprié, fondé sur l’article 1er du premier protocole additionnel à la Convention européenne des droits de l’Homme, naît au jour de l’écoulement d’un laps de temps notable, au terme duquel la non-réalisation, sans justification tenant à l’utilité publique, du projet prévu par la déclaration d’utilité publique doit être regardée comme faisant peser sur l’exproprié une charge excessive ; qu’en décidant néanmoins que le délai de la prescription trentenaire avait commencé à courir en l’espèce dès l’expiration du délai de cinq ans spécifiquement édicté par la loi interne pour la naissance du droit à rétrocession (ancien article L. 12-6 du code de l’expropriation), la Cour a violé l’article 2262 du code civil dans sa version applicable au litige, ensemble l’article 1er du premier protocole additionnel à la Convention européenne des droits de l’Homme,

2°) ALORS QUE le droit à indemnisation pour privation indue de la plus-value attachée à un bien exproprié, fondé sur l’article 1er du premier protocole additionnel à la Convention européenne des droits de l’Homme, naît au jour de l’écoulement d’un laps de temps notable, au terme duquel la non-réalisation, sans justification tenant à l’utilité publique, du projet prévu par la déclaration d’utilité publique doit être regardée comme faisant peser sur l’exproprié une charge excessive ; qu’en décidant néanmoins que le délai de la prescription trentenaire avait commencé à courir en l’espèce dès l’expiration du délai de cinq ans spécifiquement édicté par la loi interne pour la naissance du droit à rétrocession (ancien article L. 12-6 du code de l’expropriation), sans s’expliquer sur le caractère notable de la durée de cinq années qu’elle retenait, la Cour d’appel a privé sa décision de base légale au regard l’article 2262 du code civil dans sa version applicable au litige, ensemble l’article 1er du premier protocole additionnel à la Convention européenne des droits de l’Homme.

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