Cour de cassation, Chambre civile 3, 24 novembre 2021, 20-19.972, Inédit

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Chronologie de l’affaire

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Sur la décision

Référence :
Cass. 3e civ., 24 nov. 2021, n° 20-19.972
Juridiction : Cour de cassation
Numéro(s) de pourvoi : 20-19.972
Importance : Inédit
Décision précédente : Cour d'appel de Bourges, 24 juin 2020
Textes appliqués :
Article L. 411-31, I, 1°, du code rural et de la pêche maritime.
Dispositif : Cassation
Date de dernière mise à jour : 20 avril 2022
Identifiant Légifrance : JURITEXT000044384648
Identifiant européen : ECLI:FR:CCASS:2021:C300835
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Sur les parties

Texte intégral

CIV. 3

JL

COUR DE CASSATION

______________________

Audience publique du 24 novembre 2021

Cassation

Mme TEILLER, président

Arrêt n° 835 F-D

Pourvoi n° X 20-19.972

R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

_________________________

ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, DU 24 NOVEMBRE 2021

1°/ M. [R] [J],

2°/ Mme [O] [D], épouse [J],

tous deux domiciliés [Adresse 18],

ont formé le pourvoi n° X 20-19.972 contre l’arrêt rendu le 25 juin 2020 par la cour d’appel de Bourges (chambre civile), dans le litige les opposant à M. [Z] [J], domicilié [Adresse 16], défendeur à la cassation.

Les demandeurs invoquent, à l’appui de leur pourvoi, le moyen unique de cassation annexé au présent arrêt.

Le dossier a été communiqué au procureur général.

Sur le rapport de M. Barbieri, conseiller, les observations de la SCP Rocheteau et Uzan-Sarano, avocat de M. et Mme [R] [J], de la SCP Bauer-Violas, Feschotte-Desbois et Sebagh, avocat de M. [Z] [J], après débats en l’audience publique du 19 octobre 2021 où étaient présents Mme Teiller, président, M. Barbieri, conseiller rapporteur, M. Echappé, conseiller doyen, et Mme Berdeaux, greffier de chambre,

la troisième chambre civile de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.

Faits et procédure

1. Selon l’arrêt attaqué (Bourges, 25 juin 2020), par acte du 1er mai 2005, M. et Mme [J] ont consenti un bail à ferme à leur fils [Z] (le preneur) sur deux parcelles, pour une durée de douze ans.

2. Par lettre du 26 octobre 2015, M. et Mme [J] ont mis le preneur en demeure de payer les arriérés de fermage des années 2010 à 2014.

3. Par acte du 1er décembre 2015, le preneur a saisi le tribunal paritaire des baux ruraux en contestation de cette mise en demeure.

4. M. et Mme [J] ont formé une demande reconventionnelle en résiliation du bail et condamnation du preneur au paiement des fermages.

Examen du moyen

Sur le moyen pris en ses première, quatrième et cinquième branches

Enoncé du moyen

5. M. et Mme [J] font grief à l’arrêt de rejeter leur demande de résiliation et d’expulsion du preneur, alors :

« 1°/ que les motifs de la résiliation judiciaire d’un bail rural s’apprécient au jour de la demande en justice ; qu’en l’espèce, il ressort de la procédure que par conclusions du 5 avril 2016 remises à l’audience du tribunal paritaire des baux ruraux du 26 mai 2016, les bailleurs ont demandé la résiliation du bail pour défaut de paiement des fermages ; qu’en se bornant à relever, pour refuser de prononcer la résiliation du bail, que les fermages échus et impayés pour la période de 2010 à 2018 avaient finalement été réglés en juillet 2019, quand les manquements du preneur devaient être appréciés au jour de la saisine par les bailleurs du tribunal paritaire des baux ruraux aux fins de résiliation du bail, la cour d’appel a violé l’article L. 411-31 du code rural et de la pêche maritime ;

4°/ que l’existence de raisons sérieuses et légitimes de nature à expliquer les manquements du preneur aux obligations nées du bail s’apprécie au jour de la demande judiciaire en résiliation du bail ; qu’en l’espèce, il ressort de la procédure que [O] et [R] [J] ont formulé leur demande de résiliation du bail pour défaut de paiement des fermages dans des conclusions en date du 5 avril 2016, remises à l’audience du tribunal paritaire des baux ruraux du 26 mai 2016 ; qu’en retenant, pour dire qu'[Z] [J] justifiait d’une raison sérieuse et légitime au non-paiement des fermages, qu’il ressortait de la lettre qui lui avait été adressée le 20 avril 2020 lui enjoignant de préciser le détail de ses calculs, une incertitude sur les sommes réellement dues, quand l’existence d’une telle raison devait être appréciée au jour de la demande de résiliation du bail pour un défaut de paiement des fermages, la cour d’appel a violé l’article L. 411-31 du code rural et de la pêche maritime ;

5°/ que l’incertitude pesant sur les sommes réellement dues pouvant constituer une raison sérieuse et légitime de nature à expliquer un défaut de paiement des fermages du preneur ne peut porter que sur les sommes réclamées par le bailleur dans sa mise en demeure ; qu’en l’espèce, par lettre officielle du 20 avril 2020, le conseil des bailleurs a demandé au conseil du preneur de détailler les montants réglés par chèques de «2 208,25 et 6 695,04 euros en règlement de l’indemnité d’occupation due, calculée sur la base du montant du fermage précédemment convenu» ; qu’en retenant, pour dire qu'[Z] [J] justifiait d’une raison sérieuse et légitime au non-paiement des fermages, qu’il ressortait de cette lettre une incertitude sur les sommes réellement dues, sans vérifier si les sommes en cause correspondaient aux fermages dus pour les années 2010, 2011, 2012, 2013 et 2014, objet de la mise en demeure du 26 octobre 2015, la cour d’appel a violé l’article L. 411-31 du code rural et de la pêche maritime. »

Réponse de la Cour

Vu l’article L. 411-31, I, 1°, du code rural et de la pêche maritime :

6. Il résulte de ce texte que le bailleur peut demander la résiliation du bail s’il justifie de deux défauts de paiement de fermage ayant persisté à l’expiration d’un délai de trois mois après mise en demeure postérieure à l’échéance, et que ce motif peut être écarté en cas de force majeure ou de raisons sérieuses et légitimes établies par le preneur.

7. Pour rejeter la demande de résiliation, l’arrêt constate que les fermages ont été intégralement réglés depuis le mois de juillet 2019, et qu’il résulte d’une lettre du 20 avril 2020 adressée au preneur que, celui-ci ayant été tenu dans l’incertitude des sommes réellement dues, des raisons sérieuses et légitimes en excluent le prononcé.

8. En statuant ainsi, alors que les manquements du preneur et les raisons sérieuses et légitimes de nature à en écarter les conséquences doivent être appréciés par le juge saisi au jour de la demande de résiliation formée par le bailleur, et sans constater que l’incertitude sur les sommes dues concernait les fermages, objet de la mise en demeure du 26 octobre 2015, la cour d’appel a violé le texte susvisé.

PAR CES MOTIFS, et sans qu’il y ait lieu de statuer sur les autres griefs, la Cour :

CASSE ET ANNULE, en toutes ses dispositions, l’arrêt rendu le 25 juin 2020, entre les parties, par la cour d’appel de Bourges ;

Remet l’affaire et les parties dans l’état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d’appel d’Orléans ;

Condamne M. [Z] [J] aux dépens ;

En application de l’article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;

Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l’arrêt cassé ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, troisième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-quatre novembre deux mille vingt et un. MOYEN ANNEXE au présent arrêt

Moyen produit par la SCP Rocheteau et Uzan-Sarano, avocat aux Conseils, pour M. et Mme [R] [J]

Il est fait grief à l’arrêt attaqué d’AVOIR infirmé le jugement déféré en ce qu’il a prononcé la résiliation pour défaut du paiement des fermages du bail consenti par M. [R] [J] et Mme [O] [D] épouse [J] à M. [Z] [J] sur les parcelles sises commune de Montigny et cadastrées D [Localité 15] n° [Cadastre 1], [Cadastre 2] et [Cadastre 3] et D [Localité 17] n° [Cadastre 14], [Cadastre 11], [Cadastre 7], [Cadastre 6], [Cadastre 5], [Cadastre 13], [Cadastre 12], [Cadastre 10], [Cadastre 9], [Cadastre 8], [Cadastre 4], et en ce qu’il a ordonné l’expulsion de M. [Z] [J] et de tous occupants de son chef et d’AVOIR débouté les parties de toutes demandes plus amples ou contraires ;

AUX MOTIFS sur l’étendue de la saisine de la cour ; que par arrêt en date du 9 janvier 2020, la cour a confirmé le jugement déféré en ce qu’il a débouté Monsieur [Z] [J] de son opposition à la mise en demeure d’avoir à payer les fermages en date du 26 octobre 2015 ; que si dans ses conclusions du 25 octobre 2019, M. [Z] [J] demandait à la cour de juger que le fermage dû au titre de 2016 s’élevait à 413,87 € et d’ordonner le remboursement par les intimés de la somme de 1 655,47 €, ces demandes ne sont pas reprises dans le dispositif des dernières conclusions de l’appelant en date du 4 mai 2020 ; par ailleurs que les parties reconnaissent chacune que M. [Z] [J] a réglé la somme de 2 930 ;13 € au titre du solde des fermages impayés ; qu’en conséquence la cour n’est plus saisie que des demandes de résiliation du bail et d’expulsion du preneur et de tous occupants de son chef ; sur la résiliation du bail ; que M. et Mme [R] [J] indiquent dans leurs conclusions que M. [Z] [J] avait opéré d’autorité une réfaction de 80 % du fermage échu pour l’année 2016 au motif que sa récolte aurait été détruite à concurrence de 80 % par le gel d’avril 2016 ; que cependant il ressort du décompte produit par les intimés ainsi que du dispositif de leurs dernières conclusions que M. [Z] [J] a réglé l’ensemble des fermages échus et impayés pour la période de 2010 à 2018 ; que le juge du fond apprécie souverainement l’existence de raisons sérieuses et légitimes de nature à exclure le prononcé de la résiliation ; que de telles raisons existent lorsque le preneur a été tenu dans l’incertitude des sommes réellement dues ; qu’en l’espèce, il ressort de la lettre adressée au preneur et datée du 20 avril 2020 qu’il a été enjoint [à] ce dernier de préciser le détail de ses calculs ; par ailleurs qu’il convient de constater que les fermages impayés sont intégralement réglés depuis le mois de juillet 2019 ; que compte tenu de ces éléments, il n’y a pas lieu de faire droit à la demande de résiliation du bail, le jugement déféré étant infirmé sur ce point ;

1) ALORS QUE les motifs de la résiliation judiciaire d’un bail rural s’apprécient au jour de la demande en justice ; qu’en l’espèce, il ressort de la procédure que par conclusions du 5 avril 2016 remises à l’audience du tribunal paritaire des baux ruraux du 26 mai 2016, les bailleurs ont demandé la résiliation du bail pour défaut de paiement des fermages ; qu’en se bornant à relever, pour refuser de prononcer la résiliation du bail, que les fermages échus et impayés pour la période de 2010 à 2018 avaient finalement été réglés en juillet 2019, quand les manquements du preneur devaient être appréciés au jour de la saisine par les bailleurs du tribunal paritaire des baux ruraux aux fins de résiliation du bail, la cour d’appel a violé l’article L. 411-31 du code rural et de la pêche maritime ;

2) ALORS QUE le juge ne peut fonder sa décision sur un moyen qu’il a relevé d’office sans avoir, au préalable, invité les parties à s’en expliquer ; qu’en l’espèce, pour dire qu'[Z] [J] justifiait d’une raison sérieuse et légitime au non-paiement des fermages, la cour d’appel a considéré qu’il ressortait de la lettre qui lui avait été adressée le 20 avril 2020 lui enjoignant de préciser le détail de ses calculs, une incertitude sur les sommes réellement dues au titre des fermages ; qu’en statuant ainsi, quand les conclusions écrites oralement soutenues par les parties ne comportaient aucun moyen tiré de l’incertitude du preneur sur le montant des sommes réellement dues, la cour d’appel qui s’est fondée sur un moyen relevé d’office sans avoir préalablement invité les parties à présenter leurs observations, a violé l’article 16 du code de procédure civile ;

3) ALORS QUE méconnaît l’autorité de la chose jugée la cour d’appel qui statue à nouveau sur une contestation qui a été définitivement tranchée ; qu’en l’espèce, il ressort de la procédure que par un arrêt du 9 janvier 2020, la cour d’appel de Bourges a débouté [Z] [J] de son opposition à la mise en demeure d’avoir à payer les fermages en considérant qu’il ne justifiait d’aucune raison sérieuse et légitime faisant obstacle à la demande de résiliation du bail pour défaut de paiement des fermages ; qu’en considérant finalement, pour débouter [O] et [R] [J] de leur demande résiliation du bail pour défaut du paiement des fermages, qu’il existait des raisons sérieuses et légitimes de nature à exclure le prononcé de la résiliation, la cour d’appel qui a méconnu l’autorité de la chose jugée attachée à son précédent arrêt du 9 janvier 2020, a violé l’article 480 du code de procédure civile ;

4) ALORS, en toute hypothèse, QUE l’existence de raisons sérieuses et légitimes de nature à expliquer les manquements du preneur aux obligations nées du bail s’apprécie au jour de la demande judiciaire en résiliation du bail ; qu’en l’espèce, il ressort de la procédure que [O] et [R] [J] ont formulé leur demande de résiliation du bail pour défaut de paiement des fermages dans des conclusions en date du 5 avril 2016, remises à l’audience du tribunal paritaire des baux ruraux du 26 mai 2016 ; qu’en retenant, pour dire qu'[Z] [J] justifiait d’une raison sérieuse et légitime au non-paiement des fermages, qu’il ressortait de la lettre qui lui avait été adressée le 20 avril 2020 lui enjoignant de préciser le détail de ses calculs, une incertitude sur les sommes réellement dues, quand l’existence d’une telle raison devait être appréciée au jour de la demande de résiliation du bail pour un défaut de paiement des fermages, la cour d’appel a violé l’article L. 411-31 du code rural et de la pêche maritime ;

5) ALORS QUE l’incertitude pesant sur les sommes réellement dues pouvant constituer une raison sérieuse et légitime de nature à expliquer un défaut de paiement des fermages du preneur ne peut porter que sur les sommes réclamées par le bailleur dans sa mise en demeure ; qu’en l’espèce, par lettre officielle du 20 avril 2020, le conseil des bailleurs a demandé au conseil du preneur de détailler les montants réglés par chèques de «2.208,25 et 6 695,04 euros en règlement de l’indemnité d’occupation due, calculée sur la base du montant du fermage précédemment convenu» ; qu’en retenant, pour dire qu'[Z] [J] justifiait d’une raison sérieuse et légitime au non-paiement des fermages, qu’il ressortait de cette lettre une incertitude sur les sommes réellement dues, sans vérifier si les sommes en cause correspondaient aux fermages dus pour les années 2010, 2011, 2012, 2013 et 2014, objet de la mise en demeure du 26 octobre 2015, la cour d’appel a violé l’article L. 411-31 du code rural et de la pêche maritime.

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