Cour de cassation, Chambre commerciale, 30 juin 2021, 20-11.949, Inédit

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Chronologie de l’affaire

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Sur la décision

Référence :
Cass. com., 30 juin 2021, n° 20-11.949
Juridiction : Cour de cassation
Numéro(s) de pourvoi : 20-11.949
Importance : Inédit
Décision précédente : Cour d'appel de Dijon, 13 novembre 2019, N° 17/01822
Textes appliqués :
Article 4 du code de procédure civile et l’obligation pour le juge de ne pas dénaturer l’écrit qui lui est soumis.
Dispositif : Cassation
Date de dernière mise à jour : 6 mars 2024
Identifiant Légifrance : JURITEXT000043759798
Identifiant européen : ECLI:FR:CCASS:2021:CO00579
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Sur les parties

Texte intégral

COMM.

DB

COUR DE CASSATION

______________________

Audience publique du 30 juin 2021

Cassation

M. RÉMERY, conseiller doyen

faisant fonction de président

Arrêt n° 579 F-D

Pourvoi n° B 20-11.949

R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

_________________________

ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, FINANCIÈRE ET ÉCONOMIQUE, DU 30 JUIN 2021

M. [Q] [X], domicilié [Adresse 1], a formé le pourvoi n° B 20-11.949 contre l’arrêt rendu le 14 novembre 2019 par la cour d’appel de Dijon (2e chambre civile), dans le litige l’opposant à la société Caisse régionale de crédit agricole mutuel de Champagne Bourgogne, société coopérative de crédit, dont le siège est [Adresse 2], défenderesse à la cassation.

Le demandeur invoque, à l’appui de son pourvoi, le moyen unique de cassation annexé au présent arrêt.

Le dossier a été communiqué au procureur général.

Sur le rapport de M. Guerlot, conseiller référendaire, les observations de la SCP Gatineau, Fattaccini et Rebeyrol, avocat de M. [X], de la SCP Marc Lévis, avocat de la société Caisse régionale de crédit agricole mutuel de Champagne Bourgogne, après débats en l’audience publique du 18 mai 2021 où étaient présents M. Rémery, conseiller doyen faisant fonction de président, M. Guerlot, conseiller référendaire rapporteur, Mme Vaissette, conseiller, et Mme Fornarelli, greffier de chambre,

la chambre commerciale, financière et économique de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.

Faits et procédure

1. Selon l’arrêt attaqué (Dijon,14 novembre 2019), par un acte du 5 janvier 2009, la société Caisse régionale de crédit agricole mutuel de Champagne Bourgogne (la banque) s’est rendue caution de la société Etablissements Emile Idée (la société), dans la limite de 80 000 euros, au profit de la société Piaggio et compagnie. Par un acte du 28 novembre 2008, M. [X] s’est rendu caution, dans la limite de 104 000 euros, de la société en garantie des sommes payées par banque pour le compte de celle-ci.

2. La société ayant été mise en redressement puis liquidation judiciaires, la banque a assigné en paiement M. [X] qui lui a opposé la disproportion manifeste de son engagement.

Sur le moyen, pris en sa deuxième branche

Enoncé du moyen

3. M. [X] fait grief à l’arrêt de le condamner à payer à la banque la somme de 88 000 euros, alors « que les juges du fond ne peuvent accueillir ou rejeter les demandes dont ils sont saisis sans examiner tous les éléments de preuve qui leur sont soumis par les parties au soutien de leurs prétentions ; qu’en l’espèce, étaient versés aux débats tant l’acte d’achat de l’appartement, faisant état d’une acquisition pour un prix de 234 619,04 euros et d’un financement de cette acquisition au moyen d’un prêt référencé « n°00000198551 », qu’un « tableau d’échéancier du prêt immobilier », se référant expressément au « contrat n°00000198551 », qui mentionnait qu’il restait dû lors de l’engagement de caution un solde de 140 668,12 euros ; qu’en jugeant pourtant que rien ne lui permettait de déterminer si le prêt dont le tableau d’amortissement était fourni se rapportait bien au financement de l’immeuble en question ni d’apprécier la valeur nette de ce bien, sans examiner les pièces précitées qui apportaient pourtant les réponses à ces deux questions, la cour d’appel a violé l’article 455 du code de procédure civile. »

Réponse de la Cour

Vu l’article 4 du code de procédure civile et l’obligation pour le juge de ne pas dénaturer l’écrit qui lui est soumis :

4. Pour condamner M. [X] à payer à la banque la somme de 88 000 euros, l’arrêt retient que ce dernier n’apporte sur le prix d’achat de son immeuble pas le moindre élément justificatif et qu’en l’état, rien ne permet à la cour d’appel, d’une part, de déterminer si le prêt mentionné dans le tableau d’amortissement versé aux débats se rapporte au financement de cet immeuble et, d’autre part, en toute hypothèse, d’apprécier la valeur nette de ce bien.

5. En statuant ainsi, alors qu’il résultait de leurs conclusions que les parties s’accordaient pour considérer que l’immeuble avait été acquis au prix de 234 619,04 euros, ce que confirmait le justificatif du prêt notarié produit par la banque et qu’il résultait de cette même pièce ainsi que du tableau d’amortissement versé par M. [X], que le prêt mentionné dans ce tableau se rapportait à l’immeuble de la caution, la cour d’appel a violé les texte et principe susvisés.

PAR CES MOTIFS, et sans qu’il y ait lieu de statuer sur les autres griefs, la Cour :

CASSE ET ANNULE, en toutes ses dispositions, l’arrêt rendu le 14 novembre 2019, entre les parties, par la cour d’appel de Dijon ;

Remet l’affaire et les parties dans l’état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d’appel de Besançon ;

Condamne la société Caisse régionale de crédit agricole mutuel de Champagne Bourgogne aux dépens ;

En application de l’article 700 du code de procédure civile, rejette la demande formée par la société Caisse régionale de crédit agricole mutuel de Champagne Bourgogne et la condamne à payer à M. [X] la somme de 3000 euros ;

Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l’arrêt cassé ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre commerciale, financière et économique, et prononcé par le président en son audience publique du trente juin deux mille vingt et un.

MOYEN ANNEXE au présent arrêt

Moyen produit par la SCP Gatineau, Fattaccini et Rebeyrol, avocat aux Conseils, pour M. [X]

Il est fait grief à l’arrêt attaqué d’AVOIR condamné M. [Q] [X] à payer à la Caisse régionale de crédit agricole mutuel de Champagne Bourgogne la somme de 88 000 ?, avec intérêts au taux légal à compter du 25 novembre 2015 ;

AUX MOTIFS QUE sur la disproportion, l’article L 341-4 du code de la consommation, dans sa rédaction applicable au litige, dispose qu’un créancier professionnel ne peut se prévaloir d’un contrat de cautionnement conclu par une personne physique dont l’engagement était, lors de sa conclusion, manifestement disproportionné à ses biens et revenus, à moins que le patrimoine de cette caution, au moment où celle-ci est appelée, ne lui permette de faire face à son obligation ; qu’il incombe à la caution qui se prévaut de la disproportion de rapporter la preuve de ce qu’au moment de son engagement, l’ensemble de ses biens et revenus ne lui permettaient pas de faire face à celui-ci ; que c’est de manière inopérante que les premiers juges ont fait grief à la banque de n’avoir pas fait compléter de fiche patrimoniale par M. [X], aucune obligation ne lui incombant en effet à ce titre ; qu’il ressort des pièces versées aux débats par M. [X], et notamment des avis d’impôt sur le revenu, que pour l’année 2008, au cours de laquelle il s’est porté caution, ses revenus se sont élevés à 24 000 ?, soit une moyenne mensuelle de 2 000 ? ; que le Crédit Agricole soutient à mauvais escient qu’il conviendrait de prendre en compte les salaires de Mme [L], épouse [X], alors qu’il ne résulte pas du cautionnement litigieux que cette dernière y ait donné son consentement exprès ; qu’il sera rappelé à cet égard qu’en application de l’article 1415 du code civil, chacun des époux ne peut engager que ses biens propres et ses revenus par un cautionnement ou un emprunt, à moins que ceux-ci n’aient été contractés avec le consentement exprès de l’autre conjoint qui, dans ce cas, n’engage pas ses biens propres ; qu’il est constant que M. [X] est propriétaire avec Mme [L] d’un bien immobilier acquis en 2005 ; que si l’intimé soutient que ce bien ne peut être pris en compte pour l’appréciation de la disproportion en raison de son caractère de bien commun, force est de constater qu’il ne justifie pas de ce caractère, alors que l’immeuble a été acquis à une date à laquelle M. [X] et Mme [L] n’étaient pas encore mariés, puisqu’il ressort des avis d’impôt sur les revenus de l’année 2008 que leur union a été célébrée au cours de cette dernière année ; qu’il doit dans ces conditions être considéré que cet immeuble constitue un bien indivis, dont la valeur de la moitié revenant à M. [X] doit être prise en compte pour apprécier la disproportion de l’engagement ; que force est cependant de constater que si l’intimé justifie par la production d’un tableau d’amortissement de la souscription d’un prêt immobilier de 165 402,64 ?, au titre duquel restait dû lors de l’engagement de caution un solde de 140 668,12 ?, il n’indique à aucun moment quel était le prix d’achat du bien immobilier, et ne verse sur ce point pas le moindre élément justificatif ; qu’en l’état, rien ne permet donc à la cour, d’une part, de déterminer si le prêt dont le tableau d’amortissement est fourni se rapporte bien au financement de l’immeuble en question, d’autre part, et en tout état de cause, d’apprécier la valeur nette de ce bien et, partant, celle de la moitié revenant à M. [X], le prix ayant parfaitement pu être partiellement acquitté au moyen de fonds disponibles ; qu’il n’est par ailleurs pas contesté que M. [X] était propriétaire de parts sociales de la société Etablissements Emile Idée, au sujet desquelles il ne fournit pas le moindre élément de valorisation ; que son allégation selon laquelle leur valeur aurait été inexistante au moment du cautionnement en raison de la perte, fin 2008, de sa qualité de concessionnaire de le marque BMW, n’emporte pas la conviction ; que cet événement ne peut en effet être présumé avoir entraîné la dépréciation totale des titres de la société, alors que l’activité de celle-ci, qui est devenue concessionnaire d’autres marques de deux-roues, s’est encore poursuivie pendant 5 ans ; qu’enfin, il sera constaté que M. [X] ne produit aux débats strictement aucun élément relatif à ses avoirs bancaires contemporains de l’engagement de caution ; qu’il en résulte que M. [X] ne fournit que des éléments parcellaires quant à sa situation patrimoniale au jour du cautionnement litigieux, de sorte qu’il ne met pas la cour en mesure de vérifier concrètement la disproportion qu’il allègue ; qu’il échoue ainsi à rapporter la preuve qui lui incombe ; que l’argument de la disproportion sera donc écarté, le jugement entrepris étant infirmé sur ce point ; que sur les sommes dues, le Crédit agricole met en compte une somme de 88 000 ?, soit 80 000 ? correspondant à la somme réglée à la société Piaggio & C SPA, et 8 000 ? de clause pénale ; que cette dernière résulte de l’article 3.2 de l’engagement accessoire à un cautionnement bancaire, qui met à la charge du bénéficiaire, soit la société Etablissements Emile Idée une indemnité de 10 % des sommes dues dans le cas de recouvrement judiciaire, procédure d’ordre, intervention d’un huissier ou d’un avocat ; que cette indemnité ne présente pas de caractère manifestement excessif, étant rappelé à cet égard que la situation financière du débiteur ne constitue pas un élément à prendre en compte dans l’appréciation d’un excès ; que M. [X] sera donc condamné à payer au Crédit Agricole la somme de 88 000 ?, qui portera intérêts au taux légal à compter de la date de l’assignation, soit du 24 novembre 2015 ; que sur le report de la dette, M. [X] verse aux débats des pièces justifiant d’une situation financière délicate en raison d’une perte d’emploi en avril 2018 et de problèmes de santé ; qu’il ne produit en revanche aucun élément de nature à établir en quoi sa situation est concrètement susceptible de s’améliorer à l’horizon du délai pour lequel il réclame le report de la dette ; que cette demande sera donc rejetée ;

1/ ALORS QUE le juge ne peut pas méconnaître l’objet du litige, tel qu’il résulte des conclusions des parties ; que dans ses conclusions, M. [X] exposait que la valeur de l’appartement s’élevait à 234 619,04 ? (p. 10, § 4) et que cette acquisition avait été financée partiellement au moyen d’un prêt, dont le capital restant dû s’élevait, à la date de souscription du cautionnement, à une somme de 140 668,12 ? (p. 6, § 9) ; que la banque exposait elle aussi dans ses conclusions que l’appartement « avait été acheté au prix de 234 619,04 ? financé par un prêt du Crédit agricole [?] pour lequel il restait dû au moment de l’engagement la somme de 140 668,12 ? » (p. 4, § 10) ; qu’en jugeant pourtant que n’était pas indiquée la valeur du bien et qu’elle n’était pas en état de vérifier que le prêt dont se prévalait M. [X] se rapportait bien au financement de l’immeuble en question, la cour d’appel a méconnu les termes du litige, en violation des articles 4 et 5 du code de procédure civile ;

2/ ALORS QUE les juges du fond ne peuvent accueillir ou rejeter les demandes dont ils sont saisis sans examiner tous les éléments de preuve qui leur sont soumis par les parties au soutien de leurs prétentions ; qu’en l’espèce, étaient versés aux débats tant l’acte d’achat de l’appartement, faisant état d’une acquisition pour un prix de 234 619,04 ? et d’un financement de cette acquisition au moyen d’un prêt référencé « n°00000198551 », qu’un « tableau d’échéancier du prêt immobilier », se référant expressément au « contrat n°00000198551 », qui mentionnait qu’il restait dû lors de l’engagement de caution un solde de 140 668,12 ? ; qu’en jugeant pourtant que rien ne lui permettait de déterminer si le prêt dont le tableau d’amortissement était fourni se rapportait bien au financement de l’immeuble en question ni d’apprécier la valeur nette de ce bien, sans examiner les pièces précitées qui apportaient pourtant les réponses à ces deux questions, la cour d’appel a violé l’article 455 du code de procédure civile ;

3/ ALORS, en tout état de cause, QU’un créancier professionnel ne peut se prévaloir d’un contrat de cautionnement conclu par une personne physique dont l’engagement était, lors de sa conclusion, manifestement disproportionné à ses biens et revenus, à moins que le patrimoine de cette caution, au moment où celle-ci est appelée, ne lui permette de faire face à son obligation ; que le caractère manifestement disproportionné de l’engagement de la caution s’apprécie au regard de l’ensemble des biens et revenus de la caution, en tenant compte de tous les emprunts qu’elle a souscrits à la date du cautionnement ; qu’en jugeant qu’elle n’était pas à même de déterminer si le prêt invoqué par M. [X] se rapportait bien au financement de son appartement, motif parfaitement inopérant puisque ce prêt, dont la réalité n’était pas contestée, devait de toute façon être pris en compte pour l’appréciation de la disproportion alléguée, la cour d’appel a privé sa décision de base légale au regard de l’article L. 314-4 du code de la consommation, dans sa rédaction antérieure à celle issue de l’ordonnance du 14 mars 2016 ;

4/ ALORS QUE les juges du fond ne peuvent accueillir ou rejeter les demandes dont ils sont saisis sans examiner tous les éléments de preuve qui leur sont soumis par les parties au soutien de leurs prétentions ; qu’en l’espèce, pour établir que les parts sociales de la société Etablissements Emile Idee dont il était propriétaire avaient une valeur « insignifiante », M. [X] avait produit les bilans et comptes de résultat de cette société, faisant apparaître un brusque plongeon du chiffre d’affaires à compter de l’année 2008 et une situation continuellement déficitaire depuis cette date ; qu’en reprochant à M. [X] de ne pas fournir le moindre élément permettant de valoriser ces parts sociales, sans examiner les pièces précitées qui étaient pourtant de nature à établir l’absence de valeur des titres de la société Etablissements Emile Idee, peu important que l’activité se soit poursuivie pendant cinq ans, la cour d’appel a violé l’article 455 du code de procédure civile ;

5/ ALORS QUE le juge ne peut pas méconnaître l’objet du litige, tel qu’il résulte des conclusions des parties ; que dans ses conclusions, M. [X] exposait que l’appartement constituait le « seul patrimoine » de sa famille, ce qui était parfaitement connu du Crédit agricole, qui était sa banque (p. 6, dernier §) ; que le Crédit agricole ne le contestait nullement, et ne soutenait pas, en particulier, que M. [X] aurait détenu de quelconques avoirs bancaires ; qu’en reprochant pourtant à M. [X] de ne produire aucun élément relatif à ses avoirs bancaires contemporains de l’engagement de caution, avoirs dont il était pourtant constant qu’ils n’existaient pas, la cour d’appel a méconnu les termes du litige, en violation des articles 4 et 5 du code de procédure civile.

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