Cour de cassation, Chambre commerciale, 22 septembre 2021, 19-24.854, Inédit

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Chronologie de l’affaire

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Sur la décision

Référence :
Cass. com., 22 sept. 2021, n° 19-24.854
Juridiction : Cour de cassation
Numéro(s) de pourvoi : 19-24.854
Importance : Inédit
Décision précédente : Cour d'appel de Versailles, 25 septembre 2019, N° 17/06966
Textes appliqués :
Article 2224 du code civil.

Articles 2224 et 2229 du code civil.

Dispositif : Cassation
Date de dernière mise à jour : 20 avril 2022
Identifiant Légifrance : JURITEXT000044162456
Identifiant européen : ECLI:FR:CCASS:2021:CO00693
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Sur les parties

Texte intégral

COMM.

CH.B

COUR DE CASSATION

______________________

Audience publique du 22 septembre 2021

Cassation

Mme MOUILLARD, président

Arrêt n° 693 F-D

Pourvoi n° G 19-24.854

R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

_________________________

ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, FINANCIÈRE ET ÉCONOMIQUE, DU 22 SEPTEMBRE 2021

1°/ la société Embevi, société anonyme, dont le siège est [Adresse 4],

2°/ la société [Y] [T], société d’exercice libéral à responsabilité limitée, dont le siège est [Adresse 1], en la personne de M. [Y] [T], agissant en qualité d’administrateur judiciaire au redressement judiciaire de la société Embevi, puis de commissaire à l’exécution du plan,

3°/ la société [I] [N], société d’exercice libéral à responsabilité limitée, dont le siège est [Adresse 2],

en la personne de M. [I] [N], agissant en qualité de mandataire judiciaire au redressement judiciaire de la société Embevi,

ont formé le pourvoi n° G 19-24.854 contre l’arrêt rendu le 26 septembre 2019 par la cour d’appel de Versailles (12e chambre), dans le litige les opposant :

1°/ à la société Mercedes-Benz Trucks France, société par actions simplifiée unipersonnelle, venant aux droits de la société Mercedes-Benz France,

2°/ à la société Mercedes-Benz Financial Services France, société anonyme,

ayant toutes deux leur siège [Adresse 3],

défenderesses à la cassation.

Les demanderesses invoquent, à l’appui de leur pourvoi, les deux moyens de cassation annexés au présent arrêt.

Le dossier a été communiqué au procureur général.

Sur le rapport de Mme Le Bras, conseiller référendaire, les observations de la SCP Foussard et Froger, avocat de la société Embevi, de la société [Y] [T], ès qualités, et de la société [I] [N], ès qualités, de la SCP Bauer-Violas, Feschotte-Desbois et Sebagh, avocat des sociétés Mercedes-Benz Trucks France et Mercedes-Benz Financial Services France, après débats en l’audience publique du 6 juillet 2021 où étaient présents Mme Mouillard, président, Mme Le Bras, conseiller référendaire rapporteur, M. Guérin, conseiller doyen, et Mme Labat, greffier de chambre,

la chambre commerciale, financière et économique de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.

Faits et procédure

1. Selon l’arrêt attaqué (Versailles, 26 septembre 2019), la société Mercedes Benz France, aux droits de laquelle est venue la société Mercedes-Benz France Trucks, et la société Mercedes-Benz Financial Service France (les sociétés Mercedes-Benz) sont, respectivement, importateur en France des véhicules neufs de la marque Mercedes-Benz et établissement de crédit.

2. A la suite de la résiliation par la société Mercedes-Benz France, le 30 avril 2009, avec un préavis de deux ans, des contrats de distribution qui la liaient à la société Embevi, cette dernière a cédé son fonds de commerce le 29 octobre 2010 à un tiers.

3. Reprochant aux sociétés Mercedes-Benz d’avoir eu une attitude déloyale à son égard à l’occasion de cette résiliation et d’être responsable de la vente de son fonds de commerce à des conditions désavantageuses, la société Embevi les a assignées, le 29 octobre 2015, en paiement de dommages-intérêts. Les sociétés Mercedes-Benz lui ont opposé la prescription de son action.

4. La société Embevi a été mise en redressement judiciaire le 17 octobre 2018, les sociétés [Y] [T] et [I] [N] étant désignées respectivement administrateur et mandataire judiciaires. La société Embevi ayant, le 29 janvier 2020, bénéficié d’un plan de redressement, la société [Y] [T], désignée commissaire à l’exécution du plan, a repris l’instance.

Examen du moyen

Sur le premier moyen, pris en sa première branche

Enoncé du moyen

5. La société Embevi et les sociétés [Y] [T] et [I] [N], ès qualités, font grief à l’arrêt de déclarer la société Embevi irrecevable en ses demandes à l’encontre des sociétés Mercedes-Benz, alors « qu’en matière de responsabilité civile, le point de départ de la prescription est la date à laquelle un dommage certain se manifeste au titulaire du droit ; qu’en retenant que le dommage lui était connu dès la promesse de vente du 19 juillet 2010, alors que celle-ci avait été conclue sous conditions, au demeurant non-réalisées à la date de la vente, privant ainsi le dommage de son caractère au motif inopérant que le montant du prix apparaissant dans la promesse est le même que celui à l’acte final, les juges du fond ont violé l’article 2224 du code civil. »

Réponse de la Cour

Vu l’article 2224 du code civil :

6. Aux termes de ce texte, les actions personnelles ou mobilières se prescrivent par cinq ans à compter du jour où le titulaire d’un droit a connu ou aurait dû connaître les faits lui permettant de l’exercer.

7. Pour déclarer la société Embevi irrecevable en ses demandes à l’encontre des sociétés Mercedes-Benz, l’arrêt retient que lorsqu’elle a décidé de céder son fonds de commerce et conclu, à cet effet, la promesse de vente du 19 juillet 2010, la société Embevi a pris connaissance de sa valeur réelle, estimée à 900 000 euros, très largement inférieure à ce à quoi elle pensait pouvoir prétendre. Il retient encore qu’elle ne pouvait prétendre n’avoir connu son dommage de façon certaine qu’à compter de la signature de l’acte définitif de cession du fonds de commerce le 29 octobre 2010, dès lors que le montant du prix qui y était stipulé était identique à celui fixé dans la promesse. Il en déduit que la prescription de l’action de la société Embevi a commencé à courir à compter du 19 juillet 2010 de sorte que l’action introduite le 29 octobre 2015 était prescrite.

8. En statuant ainsi, alors que le point de départ de la prescription en matière de responsabilité civile est la date à laquelle un dommage certain se manifeste au titulaire du droit, et qu’au jour de la promesse de vente, laquelle était conclue sous conditions, le dommage n’était pas certain, la cour d’appel a violé le texte susvisé.

Et sur le moyen, pris en sa seconde branche

Enoncé du moyen

9. La société Embevi et les sociétés [Y] [T] et [I] [N], ès qualités, font le même grief à l’arrêt, alors « que les actions personnes ou mobilières se prescrivent par cinq ans à compter du jour où le titulaire d’un droit a connu ou aurait dû connaître les faits lui permettant de l’exercer ; qu’en décidant que la prescription de l’action en réparation du dommage intervenu le 29 octobre 2010 était intervenue le 28 octobre 2015 à minuit, les juges du fond ont amputé le délai de prescription d’une journée, violant ainsi l’article 2224 du code civil. »

Réponse de la Cour

Vu les articles 2224 et 2229 du code civil :

10. Selon ce dernier texte, la prescription est acquise lorsque le dernier jour du terme est accompli.

11. Pour déclarer la société Embevi irrecevable en ses demandes contre les sociétés Mercedes-Benz, l’arrêt retient encore que même dans l’hypothèse où la date de connaissance des faits aurait été retenue et fixée au 29 octobre 2010, date de conclusion de l’acte de vente du fonds de commerce, l’assignation date du 29 octobre 2015 alors qu’elle devait intervenir le 28 octobre 2015, à minuit, au plus tard, pour interrompre la prescription.

12. En statuant ainsi, alors que le délai quinquennal de prescription était expiré le 29 octobre 2015 à 24 heures, la cour d’appel, qui a écourté le délai de prescription d’une journée, a violé le texte susvisé.

PAR CES MOTIFS, et sans qu’il y ait lieu de statuer sur l’autre grief, la Cour :

CASSE ET ANNULE, en toutes ses dispositions, l’arrêt rendu le 26 septembre 2019, entre les parties, par la cour d’appel de Versailles ;

Remet l’affaire et les parties dans l’état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d’appel de Versailles autrement composée ;

Condamne la société Mercedes-Benz Trucks France et la société Mercedes-Benz Financial Services France aux dépens ;

En application de l’article 700 du code de procédure civile, rejette la demande formée par la société Mercedes-Benz Trucks France et la société Mercedes-Benz Financial Services France et les condamne à payer à la société Embevi et aux sociétés [Y] [T] et [I] [N], en qualité respectivement de commissaire à l’exécution du plan de redressement de la société Embevi et de mandataire judiciaire, la somme globale de 3 000 euros ;

Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l’arrêt cassé ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre commerciale, financière et économique, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-deux septembre deux mille vingt et un, signé par Mme Mouillard, président, et par M. Guérin, conseiller doyen, qui en a délibéré, en remplacement de Mme Le Bras, conseiller référendaire rapporteur.

MOYENS ANNEXES au présent arrêt

Moyens produits par la SCP Foussard et Froger, avocat aux Conseils, pour la société Embevi, la société [Y] [T], ès qualités, et la société [I] [N], ès qualités.

PREMIER MOYEN DE CASSATION

L’arrêt attaqué encourt la censure

EN CE QU’il a, confirmant le jugement, déclaré la société EMBEVI irrecevable en ses demandes à l’encontre des sociétés Mercedes-Benz Trucks France venant aux droits de Mercedes-Benz France et Mercedes-Benz Financial Service ;

AUX MOTIFS QUE « l’article L 110-4 du code de commerce dispose que les obligations nées à l’occasion de leur commerce entre commerçants et non-commerçants se prescrivent par cinq ans si elles ne sont pas soumises à des prescriptions spéciales plus courtes ; que l’article 2224 du code civil édicte que les actions personnelles ou mobilières se prescrivent par cinq ans à compter du jour où le titulaire d’un droit a connu ou aurait dû connaître les faits lui permettant de l’exercer ; que les articles 2228 et 2229 du code civil disposent que la prescription se compte par jour et non par heures, qu’elle est acquise lorsque le dernier jour du terme est accompli ; que sur le point de départ de la prescription, les sociétés Mercedes font valoir que dès le 19 juillet 2010, lors de la promesse de cession de fonds de commerce, la société Embevi avait une parfaite connaissance du préjudice allégué dans la présente procédure, qu’ayant introduit l’instance par acte d’huissier du 29 octobre 2015, elle est prescrite en son action à l’égard des sociétés intimées ; qu’elle estime que le prix de cession était connu de la société Embevi dès cette promesse de vente, que le prix convenu de 900 000 euros a été celui réglé par la société Covenant ; qu’elles ajoutent que la société Embevi démontrait être consciente du préjudice qu’elle estimait avoir subi du fait de la résiliation des contrats par différents mails adressés à la société Mercedes Benz France datés du premier semestre 2009 faisant état de sa désapprobation suite à la résiliation ; qu’elles soutiennent que la date de cession du fonds le 29 octobre 2010 ne peut donc être retenue comme point de départ de la prescription comme le prétend la société Embevi et que même au cas où la cour viendrait à retenir cette date comme point de départ, la société Embevi serait prescrite dans la mesure où l’assignation aurait dû être délivrée au plus tard à minuit le 28 octobre 2015 et non le 29 octobre 2015, sachant que la prescription est acquise lorsque le dernier jour du terme est accompli en application de l’article 2229 du code civil ; qu’en réplique, la société Embevi qui conclut à l’infirmation du jugement entrepris qui a déclaré son action prescrite, fait tout d’abord valoir que son action est bien prescrite le 29 octobre 2015 à minuit et non pas le 28 octobre 015 à minuit comme le soutiennent les sociétés Mercedes, qu’il convient comme point de départ de la prescription de prendre en compte la date de l’acte de cession de vente du fonds de commerce et pas celle de la promesse de vente ; que, sur ce, le point de départ de la prescription en matière contractuelle court à compter de la réalisation du dommage ou de la date à laquelle il est révélé à la victime si celle-ci établit qu’elle n’en avait pas eu précédemment connaissance ; qu’il résulte des éléments de la procédure que la société Embevi a eu connaissance du dommage qu’elle estimait avoir subi si ce n’est dès la réalisation des contrats de distribution le 30 avril 2009, en tout état de cause lorsqu’elle a décidé de céder son fonds de commerce, connaissant alors la valeur estimée à 900 000 euros, qui était moindre que ce à quoi elle pensait prétendre, considérant dès lors le prix comme très largement inférieur à la valeur réelle du fonds ; que la société Embevi, dès la signature de la promesse de vente du 19 juillet 2010 du fonds de commerce avait en conséquence connaissance du préjudice allégué dans la présente procédure, le dommage étant la conséquence des fautes qu’elle reprochait aux sociétés Mercedes ; que la société Embevi ne peut prétendre que les faits dommageables à l’origine de son action n’ont été connus d’elle de façon certaine qu’à compter de l’acte définitif de cession de vente du fonds de commerce réalisé le 29 octobre 2010 après réalisation des conditions suspensives, le montant du prix tel que prévu dans la promesse de vente étant celui qui a été versé au demeurant par la société Convenant ; que dès lors, la prescription de l’action de la société Embevi a commencé à courir pour le moins à compter du 19 juillet 2010, de sorte que l’action introduite le 29 octobre 2015, soit plus de cinq ans après, est prescrite ; qu’au surplus, même dans l’hypothèse où la date de connaissance des faits aurait été retenue et fixée le 29 octobre 2010, date de passation de l’acte de vente du fonds de commerce, l’assignation date du 29 octobre 2015 alors qu’elle ne pouvait intervenir que le 28 octobre 2015 à minuit au plus tard pour interrompre la prescription, étant rappelé que l’article 2229 du code civil prévoit que la prescription est acquise lorsque le dernier jour du terme est accompli ; que sur l’interruption ou la suspension de la prescription, la société Embevi estime qu’en tout état de cause, la prescription a été suspendue du fait de la procédure de conciliation qui a été ouverte avec les principaux créanciers de la société Embevi sur requête du 9 juin 2010, pour une durée de quatre mois laquelle a été prorogée jusqu’au 10 novembre 2010 en vue d’un accord amiable ; qu’elle soutient que cette conciliation s’inscrit dans le champ d’application de l’article 2228 du code civil et dès lors a suspendu la prescription ; qu’elle ajoute que la généralité des termes de l’article 2238 du code civil permet d’inclure dans son champ d’application la conciliation dont l’ouverture résulte d’une ordonnance prononcée par le président du tribunal de commerce, rappelant qu’un litige existait entre les parties portant sur les conditions de financement de livraison des pièces détachées ; que la société Mercedes réplique qu’il s’agissait d’une procédure pour un accord amiable avec les principaux créanciers de la société Embevi, liée à une procédure collective de conciliation entre un débiteur et ses créanciers, que dès lors, l’article 2238 du code civil dont se prévaut la société Embevi est inapplicable à l’espèce car aucune conciliation n’est intervenue entre les parties pour régler le litige qui les oppose ; que sur ce, l’article 2238 du code civil dispose que la prescription est suspendue à compter du jour où après la survenance du litige, les parties conviennent de recourir à la conciliation ou à la médiation ; que l’article 2238 du code civil vise la médiation et la conciliation ; que son champ d’application recouvre les procédures amiables de règlement des conflits et il n’est pas visé le cas de la procédure de conciliation judiciaire relevant des procédures de prévention des difficultés des entreprises ; qu’en l’espèce, le président du tribunal de commerce de Bordeaux a rendu une ordonnance le 10 juin 2010 à la requête de plusieurs sociétés dont la société Embevi (dénommée Étoile Aquitaine) aux fins d’ordonner une conciliation ; que les sociétés Mercedes n’étaient pas partie à la procédure, s’agissant d’une procédure de conciliation intervenue dans un autre contexte ; que la procédure de conciliation invoquée ne se rapporte pas au litige soumis au tribunal de commerce de Nanterre ; qu’en conséquence, la procédure de conciliation ouverte par le président du tribunal de commerce de Bordeaux sur requête du 9 juin 2010 est sans effet sur le cours de la prescription » (arrêt, pp. 7-10) ;

AUX MOTIFS ÉVENTUELLEMENT ADOPTÉS QUE « les sociétés Mercedes Benz France et Mercedes Benz financial service demandent au tribunal de déclarer la société Embevi irrecevable en ses demandes, affirmant que celles-ci sont prescrites ; que la société Embevi a vendu son fonds de commerce le 30 octobre 2010 ; que l’assignation a été délivrée le 29 octobre 2015, que moins de cinq années s’étaient écoulées entre la vente du fonds de commerce et l’introduction d’une action en justice ; que l’article 2224 du code civil énonce que les actions personnelles ou mobilières se prescrivent par cinq ans à compter du jour où le titulaire d’un droit a connu ou aurait dû connaître les faits lui permettant de l’exercer ; que le droit dont peut se prévaloir la société Embevi est celui d’intenter une action en justice pour obtenir réparation de la perte de valeur alléguée de son fonds de commerce, du fait de dommages qu’elle affirme avoir subi de la part des sociétés Mercedes Benz France et Mercedes Benz financial service ; que cette vente de fonds de commerce a été précédée d’une promesse de vente signée le 19 juillet 2010 par laquelle la société Embevi se proposait de céder à la société Convenant SA son fonds de commerce pour le montant de 900 000 euros auquel la vente s’est finalement réalisée le 30 octobre 2010 ; qu’il résulte de cette simple mention que la société Embevi avait, dès le 30 juillet 2010, une parfaite connaissance du préjudice allégué dans la présente procédure et, le préjudice n’étant que la conséquence des fautes alléguées de Mercedes Benz France et de Mercedes Benz financial service, les faits reprochés ne peuvent être qu’antérieurs au 30 juillet 2010 ; que la première faute alléguée est la résiliation des contrats de distribution ; que ceux-ci ont été résiliés le 24 avril 2009 ; que la société Embevi reproche ensuite à la société Mercedes Benz France d’avoir agréé un réparateur Mercedes à proximité ; qu’elle a signalé ce fait par courrier en date du 30 septembre 2009 ; que la réduction du plafond d’en cours a été effectué par Mercedes Benz France en mai 2009 était également connu de la société Embevi avant le 30 octobre 2010 ; que les autres fautes reprochées à Mercedes Benz France (n’avoir racheté que quatre véhicules, avoir obligé la société Embevi à déclarer livrés 25 véhicules immatriculés en WW, avoir tenu informe Mercedes Benz financial service des difficultés de Embevi) sont également toutes antérieures à la date du 19 juillet 2010 ; que la société Embevi, comme l’attestent l’ensemble des pièces versées aux débats, avait une parfaite connaissance des faits quelle reproche aux sociétés défenderesses ; que les faits reprochés à Mercedes Benz France et Mercedes Benz financial service sont prescrits étant antérieurs de plus de cinq années à la date d’introduction de l’instance » (jugement, p. 8) ;

ALORS QUE, premièrement, en matière de responsabilité civile, le point de départ de la prescription est la date à laquelle un dommage certain se manifeste au titulaire du droit ; qu’en retenant que le dommage lui était connu dès la promesse de vente du 19 juillet 2010, alors que celle-ci avait été conclue sous conditions, au demeurant non-réalisées à la date de la vente, privant ainsi le dommage de son caractère au motif inopérant que le montant du prix apparaissant dans la promesse est le même que celui à l’acte final, les juges du fond ont violé l’article 2224 du code civil ;

ALORS QUE, deuxièmement, les actions personnes ou mobilières se prescrivent par cinq ans à compter du jour où le titulaire d’un droit a connu ou aurait dû connaître les faits lui permettant de l’exercer ; qu’en décidant que la prescription de l’action en réparation du dommage intervenu le 29 octobre 2010 était intervenue le 28 octobre 2015 à minuit, les juges du fond ont amputé le délai de prescription d’une journée, violant ainsi l’article 2224 du code civil.

SECOND MOYEN DE CASSATION

L’arrêt attaqué encourt la censure

EN CE QU’il a, confirmant le jugement, déclaré la société Embevi irrecevable en ses demandes à l’encontre des sociétés Mercedes-Benz Trucks France venant aux droits de Mercedes-Benz France et Mercedes-Benz Financial Service ;

AUX MOTIFS QUE « l’article L 110-4 du code de commerce dispose que les obligations nées à l’occasion de leur commerce entre commerçants et non-commerçants se prescrivent par cinq ans si elles ne sont pas soumises à des prescriptions spéciales plus courtes ; que l’article 2224 du code civil édicte que les actions personnelles ou mobilières se prescrivent par cinq ans à compter du jour où le titulaire d’un droit a connu ou aurait dû connaître les faits lui permettant de l’exercer ; que les articles 2228 et 2229 du code civil disposent que la prescription se compte par jour et non par heures, qu’elle est acquise lorsque le dernier jour du terme est accompli ; que sur le point de départ de la prescription, les sociétés Mercedes font valoir que dès le 19 juillet 2010, lors de la promesse de cession de fonds de commerce, la société Embevi avait une parfaite connaissance du préjudice allégué dans la présente procédure, qu’ayant introduit l’instance par acte d’huissier du 29 octobre 2015, elle est prescrite en son action à l’égard des sociétés intimées ; qu’elle estime que le prix de cession était connu de la société Embevi dès cette promesse de vente, que le prix convenu de 900 000 euros a été celui réglé par la société Covenant ; qu’elles ajoutent que la société Embevi démontrait être consciente du préjudice qu’elle estimait avoir subi du fait de la résiliation des contrats par différents mails adressés à la société Mercedes Benz France datés du premier semestre 2009 faisant état de sa désapprobation suite à la résiliation ; qu’elles soutiennent que la date de cession du fonds le 29 octobre 2010 ne peut donc être retenue comme point de départ de la prescription comme le prétend la société Embevi et que même au cas où la cour viendrait à retenir cette date comme point de départ, la société Embevi serait prescrite dans la mesure où l’assignation aurait dû être délivrée au plus tard à minuit le 28 octobre 2015 et non le 29 octobre 2015, sachant que la prescription est acquise lorsque le dernier jour du terme est accompli en application de l’article 2229 du code civil ; qu’en réplique, la société Embevi qui conclut à l’infirmation du jugement entrepris qui a déclaré son action prescrite, fait tout d’abord valoir que son action est bien prescrite le 29 octobre 2015 à minuit et non pas le 28 octobre 015 à minuit comme le soutiennent les sociétés Mercedes, qu’il convient comme point de départ de la prescription de prendre en compte la date de l’acte de cession de vente du fonds de commerce et pas celle de la promesse de vente ; que, sur ce, le point de départ de la prescription en matière contractuelle court à compter de la réalisation du dommage ou de la date à laquelle il est révélé à la victime si celle-ci établit qu’elle n’en avait pas eu précédemment connaissance ; qu’il résulte des éléments de la procédure que la société Embevi a eu connaissance du dommage qu’elle estimait avoir subi si ce n’est dès la réalisation des contrats de distribution le 30 avril 2009, en tout état de cause lorsqu’elle a décidé de céder son fonds de commerce, connaissant alors la valeur estimée à 900 000 euros, qui était moindre que ce à quoi elle pensait prétendre, considérant dès lors le prix comme très largement inférieur à la valeur réelle du fonds ; que la société Embevi, dès la signature de la promesse de vente du 19 juillet 2010 du fonds de commerce avait en conséquence connaissance du préjudice allégué dans la présente procédure, le dommage étant la conséquence des fautes qu’elle reprochait aux sociétés Mercedes ; que la société Embevi ne peut prétendre que les faits dommageables à l’origine de son action n’ont été connus d’elle de façon certaine qu’à compter de l’acte définitif de cession de vente du fonds de commerce réalisé le 29 octobre 2010 après réalisation des conditions suspensives, le montant du prix tel que prévu dans la promesse de vente étant celui qui a été versé au demeurant par la société Convenant ; que dès lors, la prescription de l’action de la société Embevi a commencé à courir pour le moins à compter du 19 juillet 2010, de sorte que l’action introduite le 29 octobre 2015, soit plus de cinq ans après, est prescrite ; qu’au surplus, même dans l’hypothèse où la date de connaissance des faits aurait été retenue et fixée le 29 octobre 2010, date de passation de l’acte de vente du fonds de commerce, l’assignation date du 29 octobre 2015 alors qu’elle ne pouvait intervenir que le 28 octobre 2015 à minuit au plus tard pour interrompre la prescription, étant rappelé que l’article 2229 du code civil prévoit que la prescription est acquise lorsque le dernier jour du terme est accompli ; que sur l’interruption ou la suspension de la prescription, la société Embevi estime qu’en tout état de cause, la prescription a été suspendue du fait de la procédure de conciliation qui a été ouverte avec les principaux créanciers de la société Embevi sur requête du 9 juin 2010, pour une durée de quatre mois laquelle a été prorogée jusqu’au 10 novembre 2010 en vue d’un accord amiable ; qu’elle soutient que cette conciliation s’inscrit dans le champ d’application de l’article 2228 du code civil et dès lors a suspendu la prescription ; qu’elle ajoute que la généralité des termes de l’article 2238 du code civil permet d’inclure dans son champ d’application la conciliation dont l’ouverture résulte d’une ordonnance prononcée par le président du tribunal de commerce, rappelant qu’un litige existait entre les parties portant sur les conditions de financement de livraison des pièces détachées ; que la société Mercedes réplique qu’il s’agissait d’une procédure pour un accord amiable avec les principaux créanciers de la société Embevi, liée à une procédure collective de conciliation entre un débiteur et ses créanciers, que dès lors, l’article 2238 du code civil dont se prévaut la société Embevi est inapplicable à l’espèce car aucune conciliation n’est intervenue entre les parties pour régler le litige qui les oppose ; que sur ce, l’article 2238 du code civil dispose que la prescription est suspendue à compter du jour où après la survenance du litige, les parties conviennent de recourir à la conciliation ou à la médiation ; que l’article 2238 du code civil vise la médiation et la conciliation ; que son champ d’application recouvre les procédures amiables de règlement des conflits et il n’est pas visé le cas de la procédure de conciliation judiciaire relevant des procédures de prévention des difficultés des entreprises ; qu’en l’espèce, le président du tribunal de commerce de Bordeaux a rendu une ordonnance le 10 juin 2010 à la requête de plusieurs sociétés dont la société Embevi (dénommée Étoile Aquitaine) aux fins d’ordonner une conciliation ; que les sociétés Mercedes n’étaient pas partie à la procédure, s’agissant d’une procédure de conciliation intervenue dans un autre contexte ; que la procédure de conciliation invoquée ne se rapporte pas au litige soumis au tribunal de commerce de Nanterre ; qu’en conséquence, la procédure de conciliation ouverte par le président du tribunal de commerce de Bordeaux sur requête du 9 juin 2010 est sans effet sur le cours de la prescription » (arrêt, pp. 7-10) ;

AUX MOTIFS ÉVENTUELLEMENT ADOPTÉS QUE « les sociétés Mercedes Benz France et Mercedes Benz financial service demandent au tribunal de déclarer la société Embevi irrecevable en ses demandes, affirmant que celles-ci sont prescrites ; que la société Embevi a vendu son fonds de commerce le 30 octobre 2010 ; que l’assignation a été délivrée le 29 octobre 2015, que moins de cinq années s’étaient écoulées entre la vente du fonds de commerce et l’introduction d’une action en justice ; que l’article 2224 du code civil énonce que les actions personnelles ou mobilières se prescrivent par cinq ans à compter du jour où le titulaire d’un droit a connu ou aurait dû connaître les faits lui permettant de l’exercer ; que le droit dont peut se prévaloir la société Embevi est celui d’intenter une action en justice pour obtenir réparation de la perte de valeur alléguée de son fonds de commerce, du fait de dommages qu’elle affirme avoir subi de la part des sociétés Mercedes Benz France et Mercedes Benz financial service ; que cette vente de fonds de commerce a été précédée d’une promesse de vente signée le 19 juillet 2010 par laquelle la société Embevi se proposait de céder à la société Convenant SA son fonds de commerce pour le montant de 900 000 euros auquel la vente s’est finalement réalisée le 30 octobre 2010 ; qu’il résulte de cette simple mention que la société Embevi avait, dès le 30 juillet 2010, une parfaite connaissance du préjudice allégué dans la présente procédure et, le préjudice n’étant que la conséquence des fautes alléguées de Mercedes Benz France et de Mercedes Benz financial service, les faits reprochés ne peuvent être qu’antérieurs au 30 juillet 2010 ; que la première faute alléguée est la résiliation des contrats de distribution ; que ceux-ci ont été résiliés le 24 avril 2009 ; que la société Embevi reproche ensuite à la société Mercedes Benz France d’avoir agréé un réparateur Mercedes à proximité ; qu’elle a signalé ce fait par courrier en date du 30 septembre 2009 ; que la réduction du plafond d’en cours a été effectué par Mercedes Benz France en mai 2009 était également connu de la société Embevi avant le 30 octobre 2010 ; que les autres fautes reprochées à Mercedes Benz France (n’avoir racheté que quatre véhicules, avoir obligé la société Embevi à déclarer livrés 25 véhicules immatriculés en WW, avoir tenu informe Mercedes Benz financial service des difficultés de Embevi) sont également toutes antérieures à la date du 19 juillet 2010 ; que la société Embevi, comme l’attestent l’ensemble des pièces versées aux débats, avait une parfaite connaissance des faits quelle reproche aux sociétés défenderesses ; que les faits reprochés à Mercedes Benz France et Mercedes Benz financial service sont prescrits étant antérieurs de plus de cinq années à la date d’introduction de l’instance » (jugement, p. 8) ;

ALORS QUE en matière de responsabilité civile, le point de départ de la prescription est la date à laquelle un dommage certain se manifeste au titulaire du droit ; que faute d’avoir recherché ainsi que cela leur était demandé si, à tout le moins, les pertes de marge des derniers mois d’exploitation (conclusions de la société Embevi, p. 18 alinéa 6) et le manque à gagner inhérent aux stocks non repris (ibid., alinéa 7) ne pouvaient être déterminées qu’au jour de la vente définitive, les juges du fond ont privé leur décision de base légale au regard de l’article 2224 du code civil.

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Cour de cassation, Chambre commerciale, 22 septembre 2021, 19-24.854, Inédit