Cour de cassation, Chambre criminelle, 2 mars 2021, 20-80.482, Inédit

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Chronologie de l’affaire

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Sur la décision

Référence :
Cass. crim., 2 mars 2021, n° 20-80.482
Juridiction : Cour de cassation
Numéro(s) de pourvoi : 20-80.482
Importance : Inédit
Décision précédente : Cour d'appel de Douai, 16 décembre 2019
Textes appliqués :
Articles 111-3 et 433-22 du code pénal.

Article 593 du code de procédure pénale et le principe ne bis in idem.

Dispositif : Cassation
Date de dernière mise à jour : 6 mars 2024
Identifiant Légifrance : JURITEXT000043252987
Identifiant européen : ECLI:FR:CCASS:2021:CR00166
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Sur les parties

Texte intégral

N° U 20-80.482 F-D

N° 00166

CK

2 MARS 2021

CASSATION

M. SOULARD président,

R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

________________________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

_________________________

ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE,

DU 2 MARS 2021

M. H… X… a formé un pourvoi contre l’arrêt de la cour d’appel de Douai, 6e chambre, en date du 17 décembre 2019, qui, pour exercice illégal de la profession d’avocat et usurpation du titre d’avocat, l’a condamné à trois cents jours-amende à 10 euros, a ordonné des mesures de publication et d’affichage, et a prononcé sur les intérêts civils.

Un mémoire personnel et des observations complémentaires ont été produits.

Sur le rapport de M. Violeau, conseiller référendaire, et les conclusions de M. Lagauche, avocat général, après débats en l’audience publique du 12 janvier 2021 où étaient présents M. Soulard, président, M. Violeau, conseiller rapporteur, M. Bonnal, conseiller de la chambre, et Mme Lavaud, greffier de chambre,

la chambre criminelle de la Cour de cassation, composée en application de l’article 567-1-1 du code de procédure pénale, des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.

Faits et procédure

1. Il résulte de l’arrêt attaqué et des pièces de procédure ce qui suit.

2. Le procureur de la République a fait citer M. X… devant le tribunal correctionnel de Béthune pour avoir exercé illégalement la profession d’avocat au préjudice de M. J… E…, courant 2016.

3. L’ordre des avocats du barreau de Béthune a également fait citer M. X…, devant la même juridiction, pour avoir, entre le 8 octobre 2011 et le 1er décembre 2015, usurpé le titre d’avocat et exercé illégalement cette profession en ayant assisté M. E… à l’occasion d’un litige porté devant le conseil de prud’hommes puis devant la cour d’appel de Douai.

4. Par jugement du 1er mars 2018, le tribunal correctionnel, après avoir ordonné la jonction des poursuites, a déclaré le prévenu coupable des faits visés à la prévention, l’a condamné à cent vingt jours-amende à 10 euros, a ordonné une mesure de publication et a prononcé sur les intérêts civils.

5. Appel a été interjeté à titre principal par M. X… et à titre incident par le procureur de la République.

Examen des moyens

Sur les premier, deuxième, troisième, cinquième, septième, dixième et douzième moyens

6. Ils ne sont pas de nature à permettre l’admission du pourvoi au sens de l’article 567-1-1 du code de procédure pénale.

Sur le quatrième moyen

Enoncé du moyen

7. Le moyen est pris de la violation de l’article 1 et 6 de la loi du 1er juillet 1901 et l’article 1, 4 et 6 du décret du 27 novembre 1991, des articles 15, 16, 17 de la loi du 31 décembre 1971 et de l’article 6 de la Convention européenne des droits de l’homme.

8. Il critique l’arrêt attaqué en ce qu’il a déclaré recevable la constitution de partie civile de l’ordre des avocats, alors que la partie civile n’a produit qu’un extrait des délibérations du conseil de l’ordre autorisant le bâtonnier à se constituer partie civile et à délivrer une citation directe sans désignation nominative de celui-ci et sans précision du nombre et de l’identité des membres ayant siégé et participé au vote.

Réponse de la Cour

9. Pour rejeter l’exception prise de l’irrégularité de la délibération du conseil de l’ordre des avocats, l’arrêt attaqué retient en substance que l’autorisation donnée au bâtonnier de se constituer partie civile et de délivrer une citation au prévenu est régulière, l’article 17-7° de la loi du 31 décembre 1971 ne prévoyant pas la mention de son identité.

10. Les juges ajoutent que les décisions prises par le conseil de l’ordre ne sont soumises à aucun formalisme particulier.

11. En prononçant ainsi, la cour d’appel a justifié sa décision.

Sur le sixième moyen

Enoncé du moyen

12. Le moyen est pris de la violation des articles 8 et 388 du code de procédure pénale.

13. Il critique l’arrêt attaqué en ce qu’il a écarté l’exception de prescription, alors que le point de départ du délai de trois ans est fixé au jour où l’infraction a été commise.

Réponse de la Cour

14. Pour écarter l’exception de prescription invoquée par le prévenu, l’arrêt attaqué énonce, par motifs propres et adoptés, que la citation du ministère public vise des faits d’exercice illégal de la profession d’avocat commis courant 2016, tandis que celle délivrée par l’ordre des avocats vise ces faits ainsi que l’usurpation du titre d’avocat commis entre le 8 octobre 2011 et le 1er décembre 2015.

15. Les juges en déduisent que ces faits constituent un tout indivisible, ce qui justifie la jonction des citations pour une bonne administration de la justice.

16. Ils relèvent, en substance, que M. X… a prétendu être avocat dès sa première rencontre avec M. E…, courant 2011, et qu’il lui a fourni, par la suite, une assistance juridique sur l’ensemble de la période de prévention, dans le cadre d’un contentieux prud’homal.

17. Les juges retiennent que ces infractions sont continues et que M. E… n’a décelé l’usurpation de titre que courant 2014, lorsque son épouse a découvert que M. X… était radié du barreau d'[…].

18. Ils ajoutent que le premier a déposé plainte contre le second le 20 juin 2016 et que le procureur de la République a adressé un soit-transmis pour enquête à une brigade de gendarmerie le 26 juillet 2017.

19. Si c’est à tort que les juges ont retenu que les infractions d’exercice illégal de la profession d’avocat et d’usurpation du titre d’avocat étaient des délits continus, l’arrêt n’encourt pas pour autant la censure.

20. En premier lieu, ces faits d’exercice illégal de la profession d’avocat et d’usurpation du titre d’avocat procèdent d’un mode opératoire unique.

21. En second lieu, la prescription, qui n’a pu commencer à courir pour l’ensemble des faits, au plus tôt, qu’à compter du dernier acte qui caractérise l’infraction d’exercice illégal de la profession d’avocat, ne saurait être acquise, au jour du soit-transmis du procureur de la République du 26 juillet 2017.

22. Dès lors, le moyen doit être écarté.

Sur les huitième et neuvième moyens

Enoncé des moyens

23. Les huitième et neuvième moyens sont pris de la violation des articles 4 et 72 de la loi du 31 décembre 1971, 411, 412, 413 du code de procédure civile, 388, 427, 591 et 593 du code de procédure pénale, 121-3 et 433-17 du code pénal.

24. Ils critiquent l’arrêt attaqué en ce qu’il a condamné le prévenu des chefs d’exercice illégal de la profession d’avocat et d’usurpation du titre d’avocat, alors :

1°/ que l’assistance en justice telle qu’elle est entendue par l’article 4 de la loi du 31 décembre 1971 et l’article 412 du code de procédure civile comprend cumulativement les missions de conseil et de défense à l’audience avec plaidoirie ;

2°/ qu’il appartenait à la cour d’appel d’établir précisément les circonstances dans lesquelles le prévenu a usé des titres d’avocat et effectivement exercé cette dernière profession au sens des articles 4 et 72 de la loi du 31 décembre 1971 et de l’article 412 du code de procédure civile ;

3°/ que la cour d’appel a omis de répondre au moyen du prévenu selon lequel ce dernier était autorisé légalement à exercer le droit au sens de l’article 54 de la loi du 31 décembre 1971 en l’espèce le conseil et la consultation juridique et la rédaction d’actes et cela en application de l’article 57 de la même loi.

Réponse de la Cour

25. Les moyens sont réunis.

26. Pour retenir la culpabilité de M. X… des faits d’exercice illégal de la profession d’avocat et d’usurpation du titre d’avocat, l’arrêt attaqué énonce en substance, par motifs propres et adoptés, que M. E… a indiqué que M. X… s’est présenté à lui comme étant avocat, détenant même une robe noire dans son véhicule, ces déclarations étant corroborées par les attestations qu’il a produites et la « note d’honoraires » au nom de « Maître H… X… ».

27. Les juges relèvent que si M. X… conteste être à l’origine d’un tel envoi, ce document provient pourtant de sa messagerie personnelle, ce qui caractérise à son encontre l’usurpation du titre d’avocat.

28. Ils retiennent que l’exercice illégal de cette profession résulte de l’assistance juridique fournie à M. E…, de 2011 à 2015, dans le cadre de son contentieux prud’homal, consistant notamment en la rédaction des actes de procédure présentés devant le conseil de prud’hommes et devant la chambre sociale de la cour d’appel de Douai, ainsi qu’en des correspondances et mises en demeure adressées courant 2016, pour obtenir le règlement de ses honoraires.

29. Les juges ajoutent que M. X… ne pouvait ignorer qu’il enfreignait la loi, puisqu’il a été avocat stagiaire au barreau d'[…] à compter du 8 avril 1998, et déclare être devenu depuis lors enseignant en droit notamment à l’université de Valenciennes, depuis la décision disciplinaire dont il a été l’objet, en date du 30 mars 1999.

30. En prononçant ainsi, la cour d’appel a justifié sa décision.

31.En effet, la rédaction de conclusions dans le cadre d’un contentieux juridictionnel suffit à constituer des actes d’assistance, qui sont réservés aux avocats par les articles 4 et 72 de la loi n°71-1130 du 31 décembre 1971, indépendamment de toute représentation devant la juridiction.

32. Dès lors, les moyens doivent être écartés.

Mais sur le onzième moyen

Enoncé du moyen

33. Le moyen est pris de la violation du principe ne bis in idem et des articles 551 et 553 du code de procédure pénale.

34. Il critique l’arrêt attaqué en ce qu’il a déclaré coupable M. X… des chefs d’usurpation du titre d’avocat et d’exercice illégal de la profession d’avocat, alors que ces faits procèdent de manière indissociable d’une action unique caractérisée par une seule intention coupable.

Réponse de la Cour

Vu l’article 593 du code de procédure pénale et le principe ne bis in idem :

35. Des faits qui procèdent de manière indissociable d’une action unique caractérisée par une seule intention coupable ne peuvent donner lieu, contre le même prévenu, à deux déclarations de culpabilité de nature pénale, fussent-elle concomitantes.

36. Tout jugement ou arrêt doit comporter les motifs propres à justifier la décision. L’insuffisance ou la contradiction des motifs équivaut à leur absence.

37. Pour déclarer M. X… coupable des faits d’usurpation du titre d’avocat et d’exercice illégal de cette profession, l’arrêt attaqué retient en substance que M. X… s’est présenté à M. E… comme étant avocat, qu’il lui a apporté une assistance juridique notamment en rédigeant plusieurs actes de procédure produits devant les juridictions prud’homales et lui a adressé, pour ces prestations, une « note d’honoraires » au nom de « Maître H… X… ».

38. Les juges déduisent son intention coupable de sa qualité de professionnel du droit, dès lors que M. X… a été avocat stagiaire du 8 avril 1998 au 30 mars 1999 et a prétendu être enseignant en droit depuis lors.

39. En prononçant ainsi, sans mieux s’expliquer sur le caractère distinct des faits constitutifs d’usurpation du titre d’avocat de ceux qui caractérisent l’exercice illégal de cette profession pour lesquels elle a déclaré le prévenu coupable, la cour d’appel n’a pas justifié sa décision.

22. La cassation est par conséquent encourue de ce chef.

Et sur le moyen relevé d’office et mis dans le débat

Examen du moyen relevé d’office

Vu les articles 111-3 et 433-22 du code pénal :

40. Selon le premier de ces textes, pris en son alinéa 2, nul ne peut être puni d’une peine qui n’est pas prévue par la loi.

41. Après avoir déclaré M. X… coupable des chefs d’exercice illégal de la profession d’avocat et d’usurpation de titre, l’arrêt ordonne l’affichage de la décision ainsi que sa diffusion par voie de presse.

42. En prononçant ainsi, alors que le prévenu encourait, en application de l’article 433-22 du code pénal, soit la peine complémentaire d’affichage soit celle de diffusion de la décision, la cour d’appel a méconnu le texte susvisé et le principe ci-dessus énoncé.

43. La cassation est à nouveau encourue de ce chef.

PAR CES MOTIFS, la Cour :

CASSE et ANNULE, en toutes ses dispositions, l’arrêt susvisé de la cour d’appel de Douai, en date du 17 décembre 2019, et pour qu’il soit à nouveau jugé, conformément à la loi ;

RENVOIE la cause et les parties devant la cour d’appel de Douai, autrement composée, à ce désignée par délibération spéciale prise en chambre du conseil ;

ORDONNE l’impression du présent arrêt, sa transcription sur les registres du greffe de la cour d’appel de Douai, et sa mention en marge ou à la suite de l’arrêt annulé ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre criminelle, et prononcé par le président le deux mars deux mille vingt et un.

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Cour de cassation, Chambre criminelle, 2 mars 2021, 20-80.482, Inédit