Cour de cassation, Chambre civile 3, 13 avril 2022, 20-23.443, Inédit

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Chronologie de l’affaire

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Sur la décision

Référence :
Cass. 3e civ., 12 avr. 2022, n° 20-23.443
Juridiction : Cour de cassation
Numéro(s) de pourvoi : 20-23.443
Importance : Inédit
Décision précédente : Cour d'appel de Limoges, 25 octobre 2020
Dispositif : Rejet
Date de dernière mise à jour : 19 avril 2022
Identifiant Légifrance : JURITEXT000045652600
Identifiant européen : ECLI:FR:CCASS:2022:C300326
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Texte intégral

CIV. 3

JL

COUR DE CASSATION

______________________

Audience publique du 13 avril 2022

Rejet

Mme TEILLER, président

Arrêt n° 326 F-D

Pourvoi n° V 20-23.443

R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

_________________________

ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, DU 13 AVRIL 2022

1°/ M. [E] [F], domicilié [Adresse 2],

2°/ Mme [G] [F], domiciliée [Adresse 1],

ont formé le pourvoi n° V 20-23.443 contre l’arrêt rendu le 26 octobre 2020 par la cour d’appel de Limoges (chambre économique et sociale), dans le litige les opposant à M. [R] [N], domicilié [Adresse 3], défendeur à la cassation.

M. [N] a formé, par un mémoire déposé au greffe, un pourvoi incident contre le même arrêt ;

Les demandeurs au pourvoi principal invoquent, à l’appui de leur recours, un moyen de cassation annexé au présent arrêt ;

Le demandeur au pourvoi incident invoque, à l’appui de son recours, un moyen de cassation annexé au présent arrêt ;

Le dossier a été communiqué au procureur général.

Sur le rapport de M. David, conseiller, les observations de la SCP Delamarre et Jehannin, avocat de Mme [F] et M. [F], de la SCP Ohl et Vexliard, avocat de M. [N], après débats en l’audience publique du 8 mars 2022 où étaient présents Mme Teiller, président, M. David, conseiller rapporteur, M. Echappé, conseiller doyen, et Mme Besse, greffier de chambre,

la troisième chambre civile de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.

Faits et procédure

1. Selon l’arrêt attaqué (Limoges, 26 octobre 2020), rendu sur renvoi après cassation (3e Civ., 5 avril 2018, pourvoi n° 16-24.394), par acte du 21 décembre 1982, [T] et [C] [Z] ont consenti un bail rural dont M. [N] est devenu cessionnaire.

2. Par acte du 20 mars 2013, [T] [Z] et Mme [F], sa fille, nue-propriétaire, ont délivré à M. [N] un congé pour reprise au profit de M. [F], leur petit-fils et fils.

3. Par déclaration du 19 avril 2013, M. [N] a saisi le tribunal paritaire des baux ruraux en annulation du congé.

4. [T] [Z] étant décédé le 9 avril 2015, l’instance a été reprise par Mme [F] et le fils de celle-ci.

Examen des moyens

Sur le moyen du pourvoi principal

Enoncé du moyen

5. Mme [F] et M. [F] font grief à l’arrêt de dire que le congé délivré aux fins de reprise pour exploiter est nul et de nul effet, de dire que M. [N] demeure titulaire du bail rural, bien fondé à réintégrer les parcelles en litige et de leur ordonner de les libérer sous astreinte, alors :

« 1°/ que la régularité formelle du congé aux fins de reprise délivré par le bailleur s’apprécie au regard des mentions contenues à l’acte, à la date de la délivrance ; que la régularité formelle d’un acte ne peut dépendre de circonstances qui lui sont postérieures ; qu’en se fondant, pour juger que le congé aux fins de reprise au profit de M. [E] [F], fils des bailleurs, encourait la nullité en mentionnant, au titre de l’habitation future du bénéficiaire de la reprise, un domicile dont la propriété aurait été «litigieuse », sur des circonstances postérieures à la délivrance du congé, tirées de l’action en revendication de propriété engagée par M. [N] le 4 juin 2013, quand la régularité formelle du congé notifié le 20 mars 2013 ne pouvait dépendre de ces circonstances postérieures, la cour d’appel a violé l’article L. 411-47 du code rural et de la pêche maritime, ensemble les articles 114 et 649 du code de procédure civile ;

2°/ que la régularité formelle du congé aux fins de reprise délivré par le bailleur s’apprécie au regard des mentions contenues à l’acte, à la date de la délivrance ; que pour annuler le congé délivré à M. [R] [N] le 20 mars 2013, la cour d’appel a retenu que les mentions du congé relatives à l’habitation future du bénéficiaire de la reprise étaient ambiguës dès lors que le domicile désigné avait fait l’objet, le 3 septembre 1998, d’une promesse de vente au profit du preneur ; qu’en statuant ainsi cependant qu’il était constant que cette promesse était demeurée inexécutée pendant près de quinze ans et qu’aucune action judiciaire en vue de son exécution n’avait été engagée à la date du congé, la cour d’appel, qui n’a pas tiré les conséquences légales de ses propres constatations, a violé l’article L. 411-47 du code rural et de la pêche maritime ;

3°/ que la fraude corrompt tout, de sorte que la nullité d’un congé pour reprise d’un bail rural ne peut être prononcée lorsqu’il est démontré que le destinataire du congé a sciemment diligenté une procédure judiciaire afin rendre incertain le domicile futur du repreneur et de mettre en échec la validité du congé ; qu’en retenant, pour annuler le congé litigieux, que la mention litigieuse était affectée d’une incertitude ne permettant pas de vérifier que les conditions de la reprise étaient réunies, sans rechercher, ainsi qu’elle y était invitée , si la circonstance que M. [N] ait été lui-même à l’origine de l’incertitude dénoncée, n’excluait pas qu’il puisse se prévaloir d’une prétendue erreur quant aux intentions réelles du bénéficiaire de la reprise, la cour d’appel a privé sa décision de base légale au regard de l’article L. 411-47 du code rural et de la pêche maritime, ensemble le principe selon lequel la fraude corrompt tout. »

Réponse de la Cour

6. En premier lieu, dans son appréciation de la régularité formelle des mentions du congé à la date de la délivrance de celui-ci, la cour d’appel a relevé que la maison d’habitation destinée au bénéficiaire de la reprise était implantée sur une parcelle que, par une promesse du 3 septembre 1998, les propriétaires s’étaient engagés à vendre au preneur en place. Elle en a déduit souverainement que le bailleur avait volontairement introduit une incertitude majeure de nature à induire en erreur le destinataire de l’acte, dès lors que celui-ci n’était pas en mesure de s’assurer que le bénéficiaire remplirait les conditions de la reprise à la date d’effet du congé.

7. En deuxième lieu, ayant retenu que le bailleur ne pouvait ignorer l’existence de la vente de la maison mentionnée dans le congé et l’impossibilité pour le repreneur d’y fixer sa résidence de manière certaine, la cour d’appel a pu en déduire que la circonstance que la promesse de vente fût demeurée sans suite pendant plusieurs années et que l’introduction par le preneur d’une action en revendication de propriété fût postérieure à la délivrance du congé étaient sans incidence sur l’ambiguïté de la mention relative à l’habitation du repreneur.

8. Ayant relevé que cette ambiguïté résultait d’une incertitude dont le bailleur, auteur du congé, avait lui-même connaissance et qu’il avait délibérément introduite dans l’acte, la cour d’appel n’était pas tenue de procéder à une recherche que ses constatations rendaient inopérante.

9. Le moyen n’est donc pas fondé.

Sur le moyen du pourvoi incident

Enoncé du moyen

10. M. [N] fait grief à l’arrêt de rejeter sa demande en paiement de dommages-intérêts à l’encontre de Mme [F] et M. [F], alors « que les juges du fond doivent se prononcer sur l’indemnisation du préjudice dont ils relèvent l’existence et déterminer l’indemnisation à accorder, sans pouvoir opposer qu’ils ne disposeraient pas des éléments nécessaires à son évaluation ; que la cour d’appel a relevé que M. [N] avait, en libérant les lieux au 1er janvier 2017, perdu une surface d’exploitation d’environ 80 ha sur les 141 ha exploités antérieurement, et que la perte d’exploitation en résultant pour lui était évaluée à 30 000 euros au minimum par M. [M], expert agricole ; qu’en retenant que M. [N] ne justifiait pas de la réalité du préjudice d’exploitation dont il demandait réparation, faute de produire des éléments permettant de préciser cette « première évaluation théorique » et de justifier des modalités d’organisation de son exploitation depuis 2017, la cour d’appel a méconnu son office et violé l’article 4 du code civil. »

Réponse de la Cour

11. La cour d’appel, qui n’a pas constaté l’existence d’un dommage dans son principe, a souverainement retenu que M. [N], qui se bornait à produire une évaluation théorique au lieu de documents comptables, n’établissait pas la preuve, dont il avait la charge, de la réalité et de l’étendue du préjudice qu’il alléguait.

12. Le moyen n’est donc pas fondé.

PAR CES MOTIFS, la Cour :

REJETTE les pourvois ;

Condamne Mme [F] et M. [F] aux dépens ;

En application de l’article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, troisième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du treize avril deux mille vingt-deux. MOYENS ANNEXES au présent arrêt

Moyen produit au pourvoi principal par la SCP Delamarre et Jehannin, avocat aux Conseils, pour Mme [F] et M. [F]

Mme [G] [F], et M. [E] [F] font grief à l’arrêt infirmatif attaqué, statuant sur renvoi après cassation, d’avoir dit que le congé délivré le 30 [lire 20] mars 2013 à la requête de Mme [G] [F] et M. [E] [F], aux fins de reprise pour exploiter, est nul et de nul effet et d’avoir, en conséquence :

— dit que M. [R] [N] demeure titulaire du bail rural initialement reçu par acte notarié du 21 décembre 1982, renouvelé le 25 mars 2018 pour la période de 9 années, et le déclare bien fondé à réintégrer les parcelles en litige sises sur la commune de [Localité 4] [Adresse 3],

— ordonné à M. [E] [F] de libérer les parcelles objet du bail, dans le délai d’un mois à compter de la signification de la décision, sous astreinte provisoire d’un montant de 100 € par jour de retard passé ce délai ;

1) ALORS QUE la régularité formelle du congé aux fins de reprise délivré par le bailleur s’apprécie au regard des mentions contenues à l’acte, à la date de la délivrance ; que la régularité formelle d’un acte ne peut dépendre de circonstances qui lui sont postérieures ; qu’en se fondant, pour juger que le congé aux fins de reprise au profit de M. [E] [F], fils des bailleurs, encourait la nullité en mentionnant, au titre de l’habitation future du bénéficiaire de la reprise, un domicile dont la propriété aurait été «litigieuse » (arrêt, p. 6, in fine), sur des circonstances postérieures à la délivrance du congé, tirées de l’action en revendication de propriété engagée par M. [N] le 4 juin 2013, quand la régularité formelle du congé notifié le 20 mars 2013 ne pouvait dépendre de ces circonstances postérieures, la cour d’appel a violé l’article L 411-47 du code rural et de la pêche maritime, ensemble les articles 114 et 649 du code de procédure civile;

2) ALORS QUE la régularité formelle du congé aux fins de reprise délivré par le bailleur s’apprécie au regard des mentions contenues à l’acte, à la date de la délivrance ; que pour annuler le congé délivré à M. [R] [N] le 20 mars 2013, la cour d’appel a retenu que les mentions du congé relatives à l’habitation future du bénéficiaire de la reprise étaient ambiguës dès lors que le domicile désigné avait fait l’objet, le 3 septembre 1998, d’une promesse de vente au profit du preneur ; qu’en statuant ainsi cependant qu’il était constant que cette promesse était demeurée inexécutée pendant près de 15 ans et qu’aucune action judiciaire en vue de son exécution n’avait été engagée à la date du congé, la cour d’appel, qui n’a pas tiré les conséquences légales de ses propres constatations, a violé l’article L 411-47 du code rural et de la pêche maritime ;

3) ALORS QU’en toute hypothèse, la fraude corrompt tout, de sorte que la nullité d’un congé pour reprise d’un bail rural ne peut être prononcée lorsqu’il est démontré que le destinataire du congé a sciemment diligenté une procédure judiciaire afin rendre incertain le domicile futur du repreneur et de mettre en échec la validité du congé ; qu’en retenant, pour annuler le congé litigieux, que la mention litigieuse était affectée d’une incertitude ne permettant pas de vérifier que les conditions de la reprise étaient réunies, sans rechercher, ainsi qu’elle y était invitée (conclusions, p. 7), si la circonstance que M. [N] ait été lui-même à l’origine de l’incertitude dénoncée, n’excluait pas qu’il puisse se prévaloir d’une prétendue erreur quant aux intentions réelles du bénéficiaire de la reprise, la cour d’appel a privé sa décision de base légale au regard de l’article L. 411-47 du code rural et de la pêche maritime, ensemble le principe selon lequel la fraude corrompt tout. Moyen produit au pourvoi incident par la SCP Ohl et Vexliard, avocat aux Conseils, pour M. [N]

M. [R] [N] fait grief à l’arrêt attaqué de l’avoir débouté de sa demande en paiement de dommages-intérêts à l’encontre de Mme [G] [F] et M. [E] [F],

Alors que les juges du fond doivent se prononcer sur l’indemnisation du préjudice dont ils relèvent l’existence et déterminer l’indemnisation à accorder, sans pouvoir opposer qu’ils ne disposeraient pas des éléments nécessaires à son évaluation ; que la cour d’appel a relevé que M. [N] avait, en libérant les lieux au 1er janvier 2017, perdu une surface d’exploitation d’environ 80 ha sur les 141 ha exploités antérieurement, et que la perte d’exploitation en résultant pour lui était évaluée à 30 000 euros au minimum par M. [M], expert agricole ; qu’en retenant que M. [N] ne justifiait pas de la réalité du préjudice d’exploitation dont il demandait réparation, faute de produire des éléments permettant de préciser cette « première évaluation théorique » et de justifier des modalités d’organisation de son exploitation depuis 2017, la cour d’appel a méconnu son office et violé l’article 4 du code civil.

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