Cour de cassation, Chambre civile 3, 25 mai 2022, 21-11.314, Inédit

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Chronologie de l’affaire

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Sur la décision

Référence :
Cass. 3e civ., 24 mai 2022, n° 21-11.314
Juridiction : Cour de cassation
Numéro(s) de pourvoi : 21-11.314
Importance : Inédit
Décision précédente : Cour d'appel de Besançon, 7 décembre 2020, N° 19/00707
Textes appliqués :
Articles L. 231-2 et R. 231-4 du code de la construction et de l’habitation, dans leur version applicable à la cause.

Articles R. 231-7 et R. 231-14 du code de la construction et de l’habitation, dans leur version applicable à la cause.

Dispositif : Cassation
Date de dernière mise à jour : 31 mai 2022
Identifiant Légifrance : JURITEXT000045904701
Identifiant européen : ECLI:FR:CCASS:2022:C300447
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Sur les parties

Texte intégral

CIV. 3

JL

COUR DE CASSATION

______________________

Audience publique du 25 mai 2022

Cassation partielle

Mme TEILLER, président

Arrêt n° 447 F-D

Pourvoi n° H 21-11.314

R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

_________________________

ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, DU 25 MAI 2022

La Société française de maisons individuelles (SFMI), dont le siège est [Adresse 1], a formé le pourvoi n° H 21-11.314 contre l’arrêt rendu le 8 décembre 2020 par la cour d’appel de Besançon (1re chambre civile et commerciale), dans le litige l’opposant à M. [O] [P], domicilié [Adresse 2], défendeur à la cassation.

M. [P] a formé un pourvoi incident contre le même arrêt.

La demanderesse au pourvoi principal invoque, à l’appui de son recours, les deux moyens de cassation annexés au présent arrêt.

Le demandeur au pourvoi incident invoque, à l’appui de son recours, le moyen unique de cassation annexé au présent arrêt.

Le dossier a été communiqué au procureur général.

Sur le rapport de M. Bech, conseiller, les observations de la SCP Gaschignard, avocat de la Société française de maisons individuelles, de la SCP Rocheteau, Uzan-Sarano et Goulet, avocat de M. [P], après débats en l’audience publique du 12 avril 2022 où étaient présents Mme Teiller, président, M. Bech, conseiller rapporteur, M. Maunand, conseiller doyen, et Mme Berdeaux, greffier de chambre,

la troisième chambre civile de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.

Faits et procédure

1. Selon l’arrêt attaqué (Besançon, 8 décembre 2020), M. [P] a conclu un contrat de construction de maison individuelle avec la société Maisons Patrick Barbier, dénommée depuis AFC, puis AIFB, aux droits de laquelle se trouve la Société française de maisons individuelles (la SFMI).

2. Invoquant l’irrégularité du contrat et l’obligation pour la société AFC de lui régler le coût des travaux restés à sa charge, M. [P] l’a assignée en paiement de diverses sommes.

Examen des moyens

Sur le second moyen du pourvoi principal

Enoncé du moyen

3. La SFMI fait grief à l’arrêt de la condamner, sous astreinte, à fournir à M. [P] l’attestation thermique conforme à la réglementation RT 2012, alors « que le débiteur d’une obligation ne saurait être condamné sous astreinte à l’exécuter quand c’est par la faute du créancier que cette obligation n’est pas exécutée ; que la société SFMI faisait valoir que M. [P] faisait obstacle à la réalisation de l’attestation thermique de conformité à la réglementation, en refusant de répondre aux sollicitations du prestataire missionné à cette fin ; qu’en se bornant à retenir qu’il appartiendra à la société SFMI de « poursuivre cette démarche », sans rechercher si M. [P] ne faisait pas délibérément obstacle à l’exécution de l’obligation, la cour d’appel a privé sa décision de base légale au regard de l’article 1134 du code civil, dans sa rédaction applicable et de l’article L. 131-1 du code des procédures civiles d’exécution. »

Réponse de la Cour

4. Si la règle selon laquelle les conventions doivent être exécutées de bonne foi permet au juge de sanctionner l’usage d’une prérogative contractuelle, elle ne l’autorise pas à porter atteinte à la substance même des droits et obligations légalement convenus entre les parties.

5. La cour d’appel a relevé que, selon la notice descriptive, la société AFC s’était engagée à réaliser une étude thermique conforme à la norme RT 2012.

6. Ayant constaté que la SFMI avait pris l’initiative, en cours d’instance , de faire réaliser un test d’étanchéité à l’air devant permettre de confirmer la conformité de l’ouvrage à la réglementation de 2012, la cour d’appel a pu retenir qu’il appartenait au constructeur de poursuivre cette démarche.

7. Le moyen n’est donc pas fondé.

Mais sur le premier moyen du pourvoi principal, pris en sa troisième branche

Enoncé du moyen

8. La SFMI fait grief à l’arrêt de la condamner à payer à M. [P] la somme de 39 826,14 euros, après compensation de sa propre créance, alors « que la société SFMI faisait valoir dans ses conclusions que la facture de 14 052,34 euros dont M. [P] exigeait le paiement correspondait pour l’essentiel, non aux frais d’élargissement du chemin d’accès, à les supposer exigés par le règlement d’urbanisme, mais au goudronnage de son propre tènement, qui n’était nullement nécessaire à l’utilisation de l’immeuble ; qu’en condamnant la société SFMI au paiement de cette somme « pour l’élargissement de la voirie » sans répondre à ces conclusions, la cour d’appel a violé l’article 455 du code de procédure civile. »

Réponse de la Cour

Vu les articles L. 231-2 et R. 231-4 du code de la construction et de l’habitation, dans leur version applicable à la cause :

9. Selon le premier de ces textes, le contrat de construction individuelle doit indiquer le coût du bâtiment à construire, égal à la somme du prix convenu et, s’il y a lieu, du coût des travaux dont le maître de l’ouvrage se réserve l’exécution, en précisant, d’une part, le prix convenu et, d’autre part, le coût des travaux dont le maître de l’ouvrage se réserve l’exécution, ceux-ci étant décrits et chiffrés par le constructeur et faisant l’objet, de la part du maître de l’ouvrage, d’une clause manuscrite spécifique et paraphée par laquelle il en accepte le coût et la charge.

10. Selon le second, une notice descriptive est annexée au contrat et indique les caractéristiques de l’immeuble et des travaux d’équipement intérieur et extérieur qui sont indispensables à l’implantation et à l’utilisation de celui-ci, en faisant la distinction entre ces éléments, selon que ceux-ci sont ou non compris dans le prix convenu. Elle indique le coût de ceux desdits éléments dont le coût n’est pas compris dans le prix. Elle doit porter, de la main du maître de l’ouvrage, une mention signée par laquelle celui-ci précise et accepte le coût des travaux à sa charge qui ne sont pas compris dans le prix convenu.

11. Pour condamner la SFMI au paiement de la somme de 39 826,14 euros, l’arrêt retient, par motifs propres et adoptés, que la notice descriptive soumise à M. [P] fait état de travaux restant à sa charge, que seul le coût des travaux de terrassement est chiffré mais qu’il est largement sous-estimé, que les autres travaux non compris dans le prix ne font l’objet d’aucune évaluation, que ni la notice descriptive ni les conditions particulières du contrat ne portent la mention manuscrite du montant des travaux restant à la charge du maître de l’ouvrage et que le coût de ces travaux doit être supporté par le constructeur.

12. En statuant ainsi, alors que seule la sanction de la nullité du contrat est applicable à l’irrégularité résultant de l’absence de clause manuscrite par laquelle le maître de l’ouvrage précise et accepte les travaux à sa charge qui ne sont pas compris dans le prix convenu, la cour d’appel a violé les textes susvisés.

Et sur le moyen du pourvoi incident

Enoncé du moyen

13. M. [P] fait grief à l’arrêt de le condamner à payer à la SFMI des intérêts mensuels de retard de 1 % sur la somme de 28 093,52 euros à compter du 15 avril 2015, alors « que le contrat de construction d’une maison individuelle peut prévoir à la charge du maître de l’ouvrage une pénalité pour retard de paiement, à un taux qui ne peut excéder 1 % par mois sur les sommes non réglées ; que seule la levée de l’intégralité des réserves relevées lors de la réception rend exigible le solde dû par le maître de l’ouvrage et fait courir l’intérêt de retard stipulé dans le contrat de construction ; qu’en l’espèce, la cour d’appel a condamné M. [P] à payer à la société SFMI l’intérêt contractuel de retard de 1 % à compter du 15 avril 2015, «date à laquelle le solde est devenu exigible en raison du défaut de consignation qui aurait dû intervenir au plus tard le jour même de la réception des travaux en raison de l’existence de réserves» ; qu’en se prononçant ainsi, tandis que le défaut de consignation du solde dû au constructeur n’était pas de nature à rendre exigible ce solde, les réserves n’ayant pas été intégralement levées, la cour d’appel a violé les articles R. 231-7 et R. 231-14 du code de la construction et de l’habitation. »

Réponse de la Cour

Vu les articles R. 231-7 et R. 231-14 du code de la construction et de l’habitation, dans leur version applicable à la cause :

14. Selon le premier de ces textes, lorsque le maître de l’ouvrage ne se fait pas assister par un professionnel pour la réception, le solde du prix est payable dans les huit jours qui suivent la remise des clés à la réception, si aucune réserve n’a été formulée, ou, dans le cas contraire, à la levée des réserves.

15. Selon le second, le contrat de construction peut prévoir à la charge du maître de l’ouvrage une pénalité pour retard de paiement dont le taux correspond à un pourcentage des sommes non réglées.

16. Pour condamner M. [P] au paiement des intérêts mensuels de retard de 1 % sur le solde du prix, l’arrêt retient, après avoir relevé que des réserves avaient été formulées et que M. [P] restait débiteur d’une partie du prix qui n’avait pas été consignée, que le maître de l’ouvrage doit être condamné à payer au constructeur des intérêts mensuels de retard sur le solde du prix à compter de la date de la réception, en l’absence de consignation de la somme due à cette date.

17. En statuant ainsi, alors que le solde du prix n’est exigible qu’à la levée des réserves, la cour d’appel a violé les textes susvisés.

PAR CES MOTIFS, et sans qu’il y ait lieu de statuer sur les autres griefs, la Cour :

CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu’il condamne la Société française de maisons individuelles à payer à M. [P], après compensation, la somme de 39 826,14 euros, outre intérêts au taux légal, et M. [P] à payer à la Société française de maisons individuelles des intérêts mensuels de retard de 1 % sur la somme de 28 093,52 euros à compter du 15 avril 2015, l’arrêt rendu le 8 décembre 2020, entre les parties, par la cour d’appel de Besançon ;

Remet, sur ces points, l’affaire et les parties dans l’état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d’appel de Nancy ;

Laisse à chaque demandeur la charge des dépens afférents à son pourvoi ;

En application de l’article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;

Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l’arrêt partiellement cassé ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, troisième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-cinq mai deux mille vingt-deux. MOYENS ANNEXES au présent arrêt

Moyens produits au pourvoi principal par la SCP Gaschignard, avocat aux Conseils, pour la Société française de maisons individuelles

PREMIER MOYEN DE CASSATION :

La société SFMI fait grief à l’arrêt attaqué de l’avoir condamnée à payer à M. [P] la somme de 39 826,14 euros, après compensation de sa propre créance,

1° – ALORS QUE la société SFMI faisait valoir dans ses conclusions (pp. 20-21) que la facture de 14 052,34 euros dont M. [P] exigeait le paiement correspondait pour l’essentiel, non aux frais d’élargissement du chemin d’accès, à les supposer exigés par le règlement d’urbanisme, mais au goudronnage de son propre tènement, qui n’était nullement nécessaire à l’utilisation de l’immeuble ; qu’en condamnant la société SFMI au paiement de cette somme « pour l’élargissement de la voirie » sans répondre à ces conclusions, la cour d’appel a violé l’article 455 du code de procédure civile ;

2° – ALORS QUE la société SFMI faisait valoir dans ses conclusions (pp. 23-24 que la facture de 29 272,20 euros, dont M. [P] prétendait qu’elle était relative à des fouilles nécessaires au terrassement, se rapportait en réalité à la construction d’un mur de soutènement sans lien avec la construction de la maison, comme cela ressortait tant de son libellé que de son contenu ; qu’en condamnant la société SFMI au paiement de cette somme au titre de la réalisation du terrassement sans répondre à ces conclusions, la cour d’appel a derechef violé l’article 455 du code de procédure civile ;

3° – ALORS au surplus QUE la seule irrégularité résultant de l’absence de la clause manuscrite par laquelle le maître de l’ouvrage précise et accepte les travaux à sa charge ne permet pas de mettre ces travaux à la charge du constructeur, si la nullité du contrat n’est pas demandée ; qu’en accueillant la demande du maître de l’ouvrage tendant au paiement de l’intégralité des travaux de terrassement, après avoir constaté que la notice descriptive les mettait à la charge du maître de l’ouvrage et qu’ils étaient chiffrés pour un montant de 23 782 euros, au motif que ces travaux n’avaient pas fait l’objet d’une mention manuscrite, la cour d’appel a violé les articles L. 231-2 et R. 231-4 du code de la construction et de l’habitation ;

SECOND MOYEN DE CASSATION :

La société SFMI fait grief à l’arrêt attaqué de l’avoir condamnée la sous astreinte à fournir à M. [P] l’attestation thermique conforme à la réglementation RT 2012,

ALORS QUE le débiteur d’une obligation ne saurait être condamné sous astreinte à l’exécuter quand c’est par la faute du créancier que cette obligation n’est pas exécutée ; que la société SFMI faisait valoir (p. 30) que M. [P] faisait obstacle à la réalisation de l’attestation thermique de conformité à la réglementation, en refusant de répondre aux sollicitations du prestataire missionné à cette fin ; qu’en se bornant à retenir qu’il appartiendra à la société SFMI de « poursuivre cette démarche », sans rechercher si M. [P] ne faisait pas délibérément obstacle à l’exécution de l’obligation, la cour d’appel a privé sa décision de base légale au regard de l’article 1134 du code civil, dans sa rédaction applicable et de l’article L 131-1 du code des procédures civiles d’exécution ;

Moyen produit au pourvoi incident par la SCP Rocheteau, Uzan-Sarano et Goulet, avocat aux Conseils, pour M. [P]

Il est fait grief à l’arrêt infirmatif attaqué d’AVOIR condamné M. [O] [P] à payer à la société SFMI, venue aux droits de la société AIFB précédemment dénommée AFC, des intérêts mensuels de retard de 1 % sur la somme de 28 093,52 € à compter du 15 avril 2015 ;

ALORS QUE le contrat de construction d’une maison individuelle peut prévoir à la charge du maître de l’ouvrage une pénalité pour retard de paiement, à un taux qui ne peut excéder 1 % par mois sur les sommes non réglées ; que seule la levée de l’intégralité des réserves relevées lors de la réception rend exigible le solde dû par le maître de l’ouvrage et fait courir l’intérêt de retard stipulé dans le contrat de construction ; qu’en l’espèce, la cour d’appel a condamné M. [P] à payer à la société SFMI l’intérêt contractuel de retard de 1 % à compter du 15 avril 2015, «date à laquelle le solde est devenu exigible en raison du défaut de consignation qui aurait dû intervenir au plus tard le jour même de la réception des travaux en raison de l’existence de réserves» (arrêt, p. 6 dernier §) ; qu’en se prononçant ainsi, tandis que le défaut de consignation du solde dû au constructeur n’était pas de nature à rendre exigible ce solde, les réserves n’ayant pas été intégralement levées, la cour d’appel a violé les articles R. 231-7 et R. 231-14 du code de la construction et de l’habitation.

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