Cour de discipline budgétaire et financière, Société d'aménagement du Val-de-Marne et de développement des villes et du département du Val-de-Marne (SADEV 94), 13 octobre 2015

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Sur la décision

Référence :
CDBF, 13 oct. 2015, n° 202-725
Numéro(s) : 202-725
Date d’introduction : 13 octobre 2015
Date(s) de séances : 13 octobre 2015
Identifiant Cour des comptes : JF00151846

Sur les parties

Texte intégral

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

— -----

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

LA COUR DE DISCIPLINE BUDGÉTAIRE ET FINANCIÈRE,
siégeant à la Cour des comptes, en audience publique, a rendu l’arrêt suivant :

Vu le code des juridictions financières (CJF), notamment le titre 1er de son livre III, relatif à la Cour de discipline budgétaire et financière ;

Vu le code civil, notamment ses articles 2044 et suivants ;

Vu les dispositions législatives et réglementaires régissant les sociétés d’économie mixte locales ;

Vu les statuts de la société d’économie mixte locale dénommée société d’aménagement du Val-de-Marne et de développement des villes et du département du Val-de-Marne (SADEV 94), mis à jour le 12 juin 2003, notamment leurs articles 21 et 22 ;

Vu la communication et la note de présentation en date du 23 août 2012, ensemble les pièces à l’appui, enregistrées par le procureur général près la Cour des comptes, ministère public près la Cour de discipline budgétaire et financière, le 27 août 2012, par lesquelles le procureur financier près la chambre régionale des comptes d’Ile-de-France, conformément aux dispositions de l’article L. 314-1 du CJF, a déféré des faits relatifs à la gestion de la SADEV 94 susceptibles de constituer des infractions passibles des sanctions prévues aux articles L. 313-4 et L. 313-6 du CJF ;

Vu le réquisitoire du 9 septembre 2013 par lequel le procureur général près la Cour des comptes, ministère public près la Cour de discipline budgétaire et financière, a saisi le président de la Cour de discipline budgétaire et financière, conformément aux dispositions de l’article L. 314-3 du CJF ;

Vu la décision du 16 septembre 2013 par laquelle le président de la Cour de discipline budgétaire et financière a désigné comme rapporteur M. Eric Thévenon, à l’époque conseiller référendaire à la Cour des comptes ;

Vu les lettres du 10 décembre 2013, ensemble les avis de réception de ces lettres, par lesquelles, conformément aux dispositions de l’article L. 314-4 du CJF, ont été respectivement mis en cause au regard des faits de l’espèce :

— M. Laurent Garnier, président du conseil d’administration de la SADEV 94 du 27 avril 2001 au 30 avril 2015, par ailleurs conseiller général et vice-président du conseil général du Val-de-Marne au moment des faits ;

— M. Jean-Pierre Nourrisson, recruté le 5 janvier 2009 comme directeur salarié de la SADEV 94, succédant à M. Edgard Cohen-Skalli comme directeur général le 1er mai 2009 ;

Vu le dossier de l’instruction, comprenant notamment le rapport établi par M. Thévenon ainsi que les procès-verbaux des auditions des personnes mises en cause, transmis le 7 mai 2014 par le président de la Cour de discipline budgétaire et financière au procureur général près la Cour des comptes, ministère public près la Cour de discipline budgétaire et financière ;

Vu la lettre du procureur général en date du 13 janvier 2015 informant le président de la Cour de discipline budgétaire et financière de sa décision, après communication du dossier de l’affaire, de poursuivre la procédure en application de l’article L. 314-4 du CJF ;

Vu les lettres du 19 janvier 2015 par lesquelles, en application de l’article L. 314-5 du CJF, le président de la Cour de discipline budgétaire et financière a transmis pour avis le dossier à la ministre du logement, de l’égalité des territoires et de la ruralité, au ministre de l’intérieur et au ministre des finances et des comptes publics, ensemble les avis de réception de ces lettres ;

Vu la décision du procureur général du 1er juin 2015 renvoyant MM. Garnier et Nourrisson devant la Cour de discipline budgétaire et financière, conformément à l’article L. 314-6 du CJF, ainsi que les lettres du 1er juin 2015 adressées par lui à MM. Garnier et Nourrisson pour les informer de cette décision, ensemble les avis de réception de ces lettres ;

Vu les lettres recommandées adressées le 2 juin 2015 par la greffière de la Cour de discipline budgétaire et financière à MM. Garnier et Nourrisson, les avisant qu’ils pouvaient prendre connaissance du dossier de l’affaire et produire un mémoire en défense dans les conditions prévues à l’article L. 314-8 du CJF et les citant à comparaître le 25 septembre 2015 devant la Cour de discipline budgétaire et financière, ensemble les avis de réception de ces lettres ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu le mémoire produit par Maître Seban pour M. Garnier, le 4 septembre 2015, ensemble les pièces à l’appui ;

Vu le mémoire produit par Maître Hénon pour M. Nourrisson, le 4 septembre 2015, ensemble la pièce à l’appui ;

Entendu le rapporteur, M. Thévenon, conseiller maître, résumant son rapport écrit, en application des articles L. 314-12 et R. 314-1 du CJF ;

Entendu le représentant du ministère public, résumant la décision de renvoi, en application des articles L. 314-12 et R. 314-1 du CJF ;

Entendu le procureur général en ses conclusions, en application de l’article L. 314-12 du CJF ;

Entendu en leurs plaidoiries, Maître Seban, conseil de M. Garnier et Maître Hénon, conseil de M. Nourrisson, MM. Garnier et Nourrisson ayant été invités à présenter leurs explications et observations, la défense ayant eu la parole en dernier ;

Après en avoir délibéré sans qu’ait joué la voix prépondérante du président ;

Sur la compétence de la Cour

1. Considérant qu’il résulte des dispositions du c) du I de l’article L. 312-1 du CJF que la Cour de discipline budgétaire et financière est compétente pour connaître des infractions susceptibles d’avoir été commises dans l’exercice de leurs fonctions par tout administrateur ou agent des organismes autres que ceux mentionnés aux a) et b) de cet article qui sont soumis soit au contrôle de la Cour des comptes, soit au contrôle d’une chambre régionale des comptes ; que la SADEV 94 est une société d’économie mixte locale soumise au contrôle de la chambre régionale des comptes d’Ile-de-France ;

2. Considérant que la présidence d’une société d’économie mixte locale ne constitue pas l’accessoire obligatoire de l’une des fonctions électives énumérées au d) du II de l’article L. 312-1 du CJF et que l’article 18 des statuts de la SADEV 94 se borne à énoncer que le conseil élit parmi ses membres un président pour une durée qui ne peut excéder celle de son mandat d’administrateur ; qu’il en résulte que les dirigeants de ladite société, président du conseil d’administration et directeur général, sont justiciables de la Cour de discipline budgétaire et financière ;

Sur l’absence d’avis de la ministre du logement, de l’égalité des territoires et de la ruralité, du ministre de l’intérieur et du ministre des finances et des comptes publics

3. Considérant que si les avis de la ministre du logement, de l’égalité des territoires et de la ruralité, du ministre de l’intérieur et du ministre des finances et des comptes publics n’ont pas été communiqués à la Cour, cette circonstance ne saurait faire obstacle à la poursuite de la procédure, en application de l’article L. 314-5 du CJF ;

Sur la prescription

4. Considérant que, conformément à l’article L. 314-2 du CJF, la Cour ne peut être saisie après l’expiration d’un délai de cinq années révolues à compter du jour où aura été commis le fait de nature à donner lieu à l’application des sanctions prévues ;

5. Considérant qu’en l’espèce, les faits se sont déroulés en avril 2008, s’agissant de la notification de la lettre de licenciement adressée à M. Cohen-Skalli, en avril 2010 s’agissant du versement d’un chèque de 12 834,28 € à M. Cohen-Skalli et en juillet 2011 s’agissant de la conclusion du protocole transactionnel avec M. Davis, soit, dans les trois cas, moins de cinq ans avant l’enregistrement du déféré au parquet général près la Cour des comptes, le 27 août 2012 ;

Sur des demandes préliminaires

6. Considérant que dans leurs mémoires en défense produits pour MM. Garnier et Nourrisson, Maîtres Seban et Hénon ont soulevé deux moyens tendant à faire reconnaître « la méconnaissance des stipulations des articles 6 et 7 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme (CESDH) et des principes directeurs du procès » ;

7. Considérant qu’aux termes de l’article L. 313-4 du CJF : « Toute personne visée à l’article L. 312-1 qui, en dehors des cas prévus aux articles précédents, aura enfreint les règles relatives à l’exécution des recettes et des dépenses de l’État ou des collectivités, établissements et organismes mentionnés à ce même article ou à la gestion des biens leur appartenant ou qui, chargée de la tutelle desdites collectivités, desdits établissements ou organismes, aura donné son approbation aux décisions incriminées sera passible de l’amende prévue à l’article L. 313-1. » ; que le Conseil constitutionnel, dans sa décision n° 2014-423 QPC du 24 octobre 2014, a rappelé que « […] l’exigence d’une définition des manquements réprimés se trouve satisfaite, en matière disciplinaire, dès lors que les textes applicables font référence aux obligations auxquelles les intéressés sont soumis en raison de l’activité qu’ils exercent, de la profession à laquelle ils appartiennent ou de l’institution dont ils relèvent » (§ 29), puis jugé que les dispositions précitées « […] ne méconnaissent pas l’exigence d’une définition claire et précise des infractions réprimées » (§ 31) ; que, contrairement aux affirmations de la défense, les dispositions de l’article L. 313-4 du CJF sur lequel est fondée une partie des poursuites ne peuvent pas plus être regardées comme rédigées en des termes insuffisamment précis au regard des exigences résultant des stipulations de l’article 7 § 1 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme ;

8. Considérant que la décision de renvoi, qui mentionne les infractions retenues contre les personnes renvoyées et notamment celle de l’article L. 313-6 du CJF est suffisamment précise quant aux faits en cause, à la nature juridique et à la teneur des règles enfreintes ; qu’il ressort d’ailleurs des mémoires et des plaidoiries de la défense que celle-ci a pu répondre de façon circonstanciée à l’ensemble des griefs formulés par l’acte d’accusation ;

9. Considérant qu’il y a donc lieu d’écarter ces deux moyens de procédure et d’examiner l’affaire au fond ;

Sur les modalités de licenciement du directeur adjoint de la SADEV 94 et de la transaction conclue postérieurement à son départ de la société en 2011

10. Considérant que la décision de renvoi du procureur général près la Cour des comptes, ministère public près la Cour de discipline budgétaire et financière, en date du 1er juin 2015 comportait des poursuites relatives aux modalités de licenciement du directeur adjoint de la SADEV 94 et de la transaction conclue postérieurement à son départ de la société en 2011, sur le fondement de l’article L. 313-6 du CJF ; qu’au cours de l’audience, le procureur général a abandonné ces poursuites, dont la Cour de discipline budgétaire et financière n’est, de ce fait, plus saisie ;

Sur les faits, leur qualification et l’imputation des responsabilités

A – Sur les modalités du licenciement de M. Cohen-Skalli, directeur général de la SADEV 94

11. Considérant qu’il résulte de l’instruction, et notamment de l’audition de M. Garnier du 29 avril 2014, que les désaccords entre le président de la SADEV 94, M. Garnier, et son directeur général, M. Cohen-Skalli, ont pris leur source, à partir de 2007, dans la question stratégique des modalités de coordination entre la SADEV 94 et le nouvel établissement public d’aménagement Orly-Rungis-Seine amont (EPA ORSA), créé par le décret n° 2007-785 du 10 mai 2007 ; que, par une lettre du 7 janvier 2008, M. Garnier a notamment demandé à M. Cohen-Skalli de renoncer à son attitude d’opposition en lui indiquant que, s’il devait persister, une discussion deviendrait nécessaire sur les conditions de la poursuite de ses responsabilités à la direction de la SADEV 94 ;

12. Considérant qu’à la suite de l’échange de plusieurs courriers entre les intéressés, les 11 janvier, 18 janvier, 28 janvier et 19 février 2008, M. Garnier a indiqué à M. Cohen-Skalli, le 15 avril 2008, que la société envisageait de procéder à son licenciement et qu’il le convoquait à un entretien préalable le 22 avril 2008 ; que, par lettre du 25 avril 2008, M. Garnier a signifié son licenciement de la SADEV 94 à M. Cohen-Skalli pour cause réelle et sérieuse, avec préavis d’une durée de trois mois ;

13. Considérant que l’article L. 313-4 du CJF prévoit que toute personne visée à l’article L. 312-1 qui aura enfreint les règles relatives à l’exécution des recettes et des dépenses de l’État ou des collectivités, établissements et organismes mentionnés à ce même article sera passible de l’amende prévue à l’article L. 313-1 ;

14. Considérant que, au cas d’espèce, la règle d’exécution des recettes et des dépenses de la SADEV 94 est fixée par les statuts de la société, mis à jour le 12 juin 2003, ainsi que par les décisions prises par le conseil d’administration de la société ; que le point 1 de l’article 21 de ces statuts prévoit que le conseil d’administration nomme et révoque tous les agents ;

15. Considérant que si M. Garnier invoque en défense le a) de l’article 22 des statuts de la SADEV 94 relatif aux compétences du président du conseil d’administration, la lecture de ces dispositions permet de constater que le président n’était pas habilité à procéder au licenciement du directeur général sans autorisation formelle du conseil d’administration ; que, par ailleurs, la large délégation donnée par le conseil d’administration au directeur général ne pouvait en aucun cas s’appliquer à des décisions relatives à la situation personnelle de celui-ci et ne concernait au demeurant en rien les pouvoirs du président du conseil d’administration ; que M. Garnier ne peut pas non plus, pour soutenir qu’il était habilité à prendre une telle décision, se prévaloir utilement de « l’absence de règle formelle attribuant la compétence de licencier le directeur général » non plus que des « usages en vigueur dans l’entreprise » ;

16. Considérant que M. Garnier invoque également en défense une délibération du conseil d’administration de la SADEV 94 du 29 avril 2009 par laquelle celui-ci a approuvé le remplacement de M. Cohen-Skalli par M. Nourrisson en qualité de directeur général ; qu’il apparaît toutefois que cette délibération est postérieure d’une année à la lettre de licenciement du 25 avril 2008, qu’elle ne mentionne pas le licenciement de M. Cohen-Skalli et que contrairement à la réalité des faits, elle se borne à évoquer un « départ en retraite » de M. Cohen-Skalli ; qu’en conséquence, cette délibération ne saurait être regardée comme valant approbation par le conseil d’administration du licenciement de l’intéressé, ni même comme attestant de son information à ce sujet ;

17. Considérant qu’il résulte de ce qui précède que la lettre de licenciement de M. Cohen-Skalli du 25 avril 2008, signée par M. Garnier, n’a été soumise, ni dans son principe, ni dans ses modalités, à l’autorisation préalable du conseil d’administration de la SADEV 94 et que le déroulement de la procédure n’a pas été porté à sa connaissance ;

18. Considérant qu’en ne soumettant pas la décision de licencier M. Cohen-Skalli au conseil d’administration de la SADEV, qui seul pouvait prendre une telle décision, M. Garnier a méconnu gravement les compétences et les prérogatives de cette instance essentielle, par sa composition et ses attributions, à la bonne marche d’une société d’économie mixte ; que la responsabilité de M. Garnier est engagée sur ces faits sur le fondement de l’article L. 313-4 du CJF ;

B – Sur le protocole d’accord transactionnel du 13 mai 2008 conclu entre la SADEV 94 et M. Cohen- Skalli

19. Considérant que, par lettre du 30 avril 2008 adressée à M. Garnier, M. Cohen-Skalli a contesté le motif réel et sérieux de son licenciement retenu par la lettre du 25 avril 2008 et a indiqué que, si un accord n’était pas trouvé sur le montant des indemnités destinées à réparer le préjudice causé par ce licenciement, il porterait l’affaire devant les tribunaux compétents ;

20. Considérant qu’un protocole d’accord transactionnel a été conclu, le 13 mai 2008, entre la SADEV 94, représentée par son président, et M. Cohen-Skalli ; qu’en préambule du protocole il était rappelé que M. Cohen-Skalli entendait contester devant la juridiction compétente le bien-fondé de son licenciement et obtenir réparation du préjudice causé, qu’il évaluait à au moins vingt-quatre mois de salaire ; que, pour sa part, la SADEV 94 maintenait son analyse sur le bien-fondé du licenciement pour cause réelle et sérieuse ; qu’enfin, plutôt que d’affronter les aléas juridiques et financiers des procédures judiciaires, les parties convenaient de transiger dans le cadre des dispositions des articles 2044 et suivants du code civil ;

21. Considérant que l’article 1er du protocole énonçait que le contrat de travail de M. Cohen-Skalli prendrait fin à l’issue d’un préavis porté de trois mois à douze mois, soit au 30 avril 2009, date de son départ à la retraite ; que son article 2 prévoyait le versement, à M. Cohen-Skalli, d’une indemnité compensatrice de congés payés, d’une indemnité compensatrice de RTT, d’une indemnité de licenciement, d’une indemnité transactionnelle globale, d’un treizième mois au prorata du temps de présence en 2009, de la prime de résultat au titre de 2008 et que l’article 3 du protocole stipulait que le montant de l’indemnité transactionnelle, globale, forfaitaire et définitive versée à M. Cohen-Skalli, correspondait à douze mois de salaire brut annuel ; que le reçu pour solde de tout compte établi, le 30 avril 2009, par la SADEV 94, pour M. Cohen-Skalli, portait sur un montant brut de 444 316,75 € et sur un montant net de 396 623 € ;

22. Considérant que l’article L. 313-4 du CJF prévoit que toute personne visée à l’article L. 312-1 qui aura enfreint les règles relatives à l’exécution des recettes et des dépenses de l’État ou des collectivités, établissements et organismes mentionnés à ce même article, sera passible de l’amende prévue à l’article L. 313-1 ;

23. Considérant que, au cas d’espèce, la règle d’exécution des recettes et des dépenses de la SADEV 94 est fixée par les statuts de la société, mis à jour le 12 juin 2003, ainsi que par les décisions prises par le conseil d’administration de la société ; que le point 12 de l’article 21 de ces statuts prévoit que le conseil d’administration autorise tous compromis et transactions ; qu’il résulte ainsi de ces statuts que le protocole d’accord transactionnel conclu, le 13 mai 2008, entre la SADEV 94, représentée par son président, M. Garnier, et M. Cohen-Skalli, aurait dû faire l’objet d’une décision du conseil d’administration de la société ;

24. Considérant que, lors de son audition, M. Garnier a reconnu que le conseil d’administration de la SADEV 94 n’avait pas autorisé cette transaction ni été tenu informé de sa teneur ; que si M. Garnier invoque en défense le a) de l’article 22 des statuts de la SADEV 94 relatif aux compétences du président du conseil d’administration, la lecture de ces dispositions permet de constater que le président n’était pas habilité à signer une transaction sans autorisation du conseil d’administration ; que, par ailleurs, la large délégation donnée par le conseil d’administration au directeur général ne pouvait s’appliquer à des décisions concernant la situation personnelle de celui-ci et ne concernait au demeurant en rien les pouvoirs du président du conseil d’administration ; que M. Garnier ne peut pas non plus, pour soutenir qu’il était habilité à prendre une telle décision, se prévaloir utilement de « l’absence de règle formelle attribuant la compétence de licencier le directeur général » non plus que des « usages en vigueur dans l’entreprise » ;

25. Considérant ainsi qu’en négociant et signant le protocole transactionnel du 13 mai 2008 sans autorisation du conseil d’administration de la SADEV 94, M. Garnier a outrepassé ses compétences ; que sa responsabilité sur ces faits est engagée sur le fondement de l’article L. 313-4 du CJF ;

Sur l’octroi d’un avantage injustifié

26. Considérant que l’article L. 313-6 du CJF prévoit que toute personne visée à l’article L. 312-1 du même code qui, dans l’exercice de ses fonctions ou attributions, aura en méconnaissance de ses obligations, procuré à autrui un avantage injustifié, pécuniaire ou en nature, entraînant un préjudice pour le Trésor ou l’organisme intéressé, ou aura tenté de procurer un tel avantage, sera passible d’une amende dont le montant minimum ne pourra être inférieur à 300 € et dont le maximum pourra atteindre le double du montant du traitement brut annuel qui lui était alloué à la date de l’infraction ;

27. Considérant que, à la faveur du protocole transactionnel du 13 mai 2008, M. Cohen-Skalli a perçu une indemnité transactionnelle de douze mois de salaire alors que sa demande initiale portait sur vingt-quatre mois de salaire ; qu’il n’est pas démontré que la défense a tort de soutenir qu’au regard de son ancienneté, M. Cohen-Skalli aurait pu prétendre à une indemnité sensiblement supérieure à douze mois de salaire si son licenciement avait été déclaré dépourvu de cause réelle et sérieuse par la juridiction prud’homale ;

28. Considérant par ailleurs que, sur le fondement du même protocole, M. Cohen-Skalli a bénéficié d’un préavis porté de trois mois, tel que prévu par les accords collectifs, à douze mois, ce qui faisait coïncider le terme de ce préavis avec la date de son départ en retraite, alors même que les courriers échangés précédemment avec M. Garnier faisaient état d’une perte de confiance de nature à justifier le caractère réel et sérieux du motif de licenciement ; que si la décision de renvoi relève que ces éléments se concilient difficilement, il ne résulte cependant pas de l’instruction que cette extension du préavis ait été dépourvue d’utilité pour la SADEV 94, dans l’attente de l’entrée en fonction du nouveau directeur général ;

29. Considérant ainsi qu’il ne peut être établi de façon certaine que la passation du protocole transactionnel du 13 mai 2008 ait entraîné un préjudice financier pour la SADEV 94 ;

30. Considérant qu’en conséquence, la responsabilité de M. Garnier ne peut être engagée sur le fondement de l’article L. 313-6 du CJF ;

C – Sur le versement, le 9 avril 2010, d’une somme de 12 834,28 € à M. Cohen-Skalli

31. Considérant que M. Nourrisson a pris les fonctions de directeur général de la SADEV 94 le 1er mai 2009 ;

32. Considérant que, par courrier du 31 mars 2010, M. Cohen-Skalli a demandé à la SADEV 94 qu’une correction soit faite de son solde de tout compte du 30 avril 2009, pour un montant de 12 834,28 €, à la suite d’un nouveau calcul de sa part ; que cette demande reposait sur l’application à l’indemnité transactionnelle reçue des règles fiscales et sociales applicables en cas de licenciement sans cause réelle et sérieuse ; qu’elle équivalait donc à une remise en question des motifs sur lesquels était fondé le licenciement prononcé le 25 avril 2008 ainsi que, du point de vue de la SADEV 94, le protocole transactionnel du 13 mai 2008 ;

33. Considérant que l’article L. 313-4 du CJF prévoit que toute personne visée à l’article L. 312-1 qui aura enfreint les règles relatives à l’exécution des recettes et des dépenses de l’État ou des collectivités, établissements et organismes mentionnés à ce même article, sera passible de l’amende prévue à l’article L. 313-1 ;

34. Considérant que, au cas d’espèce, la règle d’exécution des recettes et des dépenses de la SADEV 94 est fixée par le protocole d’accord transactionnel conclu, le 13 mai 2008, entre la SADEV 94 et M. Cohen-Skalli ;

35. Considérant que, ainsi qu’il a été indiqué, le préambule du protocole transactionnel du 13 mai 2008 soulignait que la société maintient son analyse sur le bien-fondé et la motivation du licenciement ; que l’article 4 de ce protocole prévoyait que « […] M. Cohen-Skalli qui déclare n’avoir intenté aucune instance ou action à l’encontre de la société, renonce irrévocablement, dès lors que les sommes qui lui sont dues au titre du présent protocole lui auront été versées, à intenter toute action ou instance à l’encontre de la société sur quelque fondement que ce soit et s’engage définitivement à ne jamais lui réclamer aucun avantage et/ou indemnité, quels qu’ils soient, tant au titre de la conclusion, de l’exécution que de la rupture du contrat de travail […] » ;

36. Considérant qu’au vu de ces stipulations du protocole transactionnel, demeurées inchangées, M. Nourrisson n’aurait pas dû accepter en l’état la demande de M. Cohen-Skalli et n’aurait pas dû signer, le 9 avril 2010, un chèque de la SADEV 94 d’un montant de 12 834,28 € au nom de M. Cohen-Skalli ;

37. Considérant que la responsabilité de M. Nourrisson est engagée sur ces faits sur le fondement de l’article L. 313-4 du CJF ;

Sur l’octroi d’un avantage injustifié

38. Considérant que l’article L. 313-6 du CJF prévoit que toute personne visée à l’article L. 312-1 qui, dans l’exercice de ses fonctions ou attributions, aura en méconnaissance de ses obligations, procuré à autrui un avantage injustifié, pécuniaire ou en nature, entraînant un préjudice pour le Trésor ou l’organisme intéressé, ou aura tenté de procurer un tel avantage, sera passible d’une amende dont le montant minimum ne pourra être inférieur à 300 € et dont le maximum pourra atteindre le double du montant du traitement brut annuel qui lui était alloué à la date de l’infraction ;

39. Considérant qu’en faisant procéder au versement au profit de M. Cohen-Skalli de la somme de 12 834,28 €, le 9 avril 2010, M. Nourrisson a méconnu ses obligations, dès lors que les stipulations du protocole transactionnel du 13 mai 2008 ne donnaient pas de fondement à un tel versement ; qu’ainsi un avantage injustifié a été accordé à M. Cohen-Skalli, au préjudice financier de la SADEV 94 ;

40. Considérant que la responsabilité de M. Nourrisson est engagée sur le fondement de l’article L. 313-6 du CJF ;

Sur les circonstances

41. Considérant que, dans le contexte où il a agi, M. Nourrisson a pu sous-estimer de bonne foi la portée de la décision qu’il a prise en acceptant la demande faite par M. Cohen-Skalli tendant à ce qu’une correction soit apportée à son solde de tout compte du 30 avril 2009 ; que ces faits sont de nature à constituer des circonstances atténuantes ;

Sur l’amende

42. Considérant qu’il sera fait une juste appréciation des irrégularités commises et des circonstances de l’espèce en infligeant à M. Garnier une amende de 1 500 € et à M. Nourrisson une amende de 500 €.

Sur la publication au Journal officiel de la République française

43. Considérant qu’il y a lieu, compte tenu des circonstances de l’espèce, de publier le présent arrêt au Journal officiel de la République française en application de l’article L. 314-20 du code des juridictions financières.

ARRÊTE :

Article 1er : M. Laurent Garnier est condamné à une amende de 1 500 € (mille cinq cents euros).

Article 2 : M. Jean-Pierre Nourrisson est condamné à une amende de 500 € (cinq cents euros).

Article 3 : Le présent arrêt sera publié au Journal officiel de la République française.

Délibéré par la Cour de discipline budgétaire et financière, première section, le 25 septembre deux mille quinze par M. Migaud, Premier président de la Cour des comptes, président ; MM. Prieur et Bouchez, conseillers d’État ; M. Maistre, conseiller maître à la Cour des comptes.

Notifié le 13 octobre 2015.

En conséquence, la République mande et ordonne à tous huissiers de justice sur ce requis de mettre ledit arrêt à exécution, aux procureurs généraux et aux procureurs de la République près les tribunaux de grande instance d’y tenir la main, à tous les commandants et officiers de la force publique de prêter main-forte lorsqu’ils en seront légalement requis.

En foi de quoi, le présent arrêt a été signé par le président de la Cour et la greffière.

Le président, La greffière,

Le président
Didier MIGAUD

La greffière
Isabelle REYT

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Cour de discipline budgétaire et financière, Société d'aménagement du Val-de-Marne et de développement des villes et du département du Val-de-Marne (SADEV 94), 13 octobre 2015