Chambre disciplinaire de première instance de l'Ordre des masseurs-kinésithérapeutes de Rennes, 10 juillet 2019, n° 18.1.15 ; 18.1.34

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Sur la décision

Référence :
CDPI_MK Rennes, 10 juill. 2019, n° 18.1.15 ; 18.1.34
Numéro(s) : 18.1.15 ; 18.1.34

Texte intégral

CHAMBRE DISCIPLINAIRE DE 1ère INSTANCE de Bretagne

Dossiers n° 18.1.15 et n° 18.1.34

Conseil Régional de l’Ordre des médecins

Immeuble < Le Papyrus '>

UNION COLLÉGIALE et autres […]

[…]

c/ […]

Tél. : 02 99 36 83 50 Docteur H Y

Fax: 02 99 38 86 09

Audience du 1er juillet 2019

Décision rendue publique par affichage le 10 juillet 2019

JURIDICTION PROFESSIONNELLE DE PREMIÈRE INSTANCE

Vu la procédure suivante :

1 / Le 4 juin 2018, ont été enregistrés au greffe de la chambre disciplinaire de première instance de Bretagne la plainte présentée le 28 mars 2018 par la fédération syndicale L’Union Collégiale, le Syndicat de la Médecine Homéopathique (SMH), le Syndicat des Médecins Indépendants Libéraux Européens (SMILE), le Syndicat des Mésothérapeutes Français (SMF), l’Association pour l'[…], le docteur I J, le docteur B C, le docteur D E et le docteur F G au conseil départemental du Finistère de l’ordre des médecins et l’extrait de procès-verbal de délibération dudit conseil en date du 24 mai 2018, à l’encontre du docteur H Y, médecin spécialiste en médecine générale, inscrit au tableau du Finistère depuis le 07/10/2015 sous le n° 7951.

Par la plainte, l’Union Collégiale et autres, représentés par Mes Vidal et X, doivent être regardés comme concluant au prononcé d’une sanction disciplinaire à l’encontre du docteur Y.

Ils soutiennent que :

le 19 mars 2018, le quotidien Le Figaro a publié dans sa section « Figaro Vox » une tribune dénonçant les « fake médecines » signée par un ensemble de médecins et de professionnels de santé, parmi lesquels le docteur Y, entendant sans aucune réserve jeter le discrédit, d’une part sur les médecines complémentaires en les qualifiant de « pratiques ésotériques », « ni scientifiques ni éthiques », « inefficaces », « irrationnelles », « dangereuses », « basées sur des croyances promettant une guérison miraculeuse et sans risques », et d’autre part sur leurs praticiens en les assimilant à des « charlatans en tout genre qui cherchent la caution morale du titre de médecin pour faire la promotion de fausses thérapies à l’efficacité illusoire » et en les accusant de « charlatanisme » et de « tromperie » ;

cette tribune vise particulièrement l’homéopathie; elle met en cause ouvertement l’ordre des médecins en ce qu’il « tolère des pratiques en désaccord avec son propre code de déontologie », ainsi que les pouvoirs publics en ce qu’ils organisent voire participent au financement de certaines de ces pratiques » ;

cette tribune a été mise en ligne sur un site dédié le jour même et relayée par de nombreux médias de sorte qu’elle a eu un retentissement important et a créé une polémique qui a conduit le conseil national de l’ordre des médecins à réagir par un communiqué de presse le 22 mars 2018;

les propos contenus dans cette tribune sont offensants, diffamatoires et même insultants envers

l’ordre des médecins, les pouvoirs publics, les praticiens ainsi que les patients ayant recours aux médecines visées et autorisées ; ils dépassent les limites de la liberté d’expression; ils sont en outre de nature à jeter le trouble auprès des malades et à provoquer des réactions de panique au sein du public, méconnaissant donc le principe de prudence dans la diffusion de l’information ; ils


2 sont de nature à déconsidérer la profession de médecin et justifient le prononcé d’une sanction disciplinaire à l’encontre de leurs auteurs médecins ;

en 2015, 6115 médecins français ont déclaré un titre ou une orientation de médecine complémentaire tandis que 40 % des médecins auraient eu recours à ces thérapies; quatre médecines alternatives et complémentaires peuvent faire l’objet de titres et de mentions autorisés sur les plaques et ordonnances : l’homéopathie, l’acupuncture, la mésothérapie et la médecine manuelle – ostéopathie ;

les obligations déontologiques rappelées par les articles R. 4127-3, R. 4127-13, R. 4127-31 et R. 4127-56 du code de la santé publique n’ont pas pour effet de priver les médecins de leur liberté d’expression et d’opinion ; les médecins peuvent en effet critiquer, de manière positive ou négative, même de manière incisive, dans le cadre du débat public et scientifique; aucune méthode médicale n’est à l’abri de la critique, même sévèrement exprimée ; les médecins sont ainsi en droit de contester les fondements scientifiques des médecines complémentaires telles que l’homéopathie ou l’acupuncture, d’émettre des objections sur leur efficacité, de recommander leur abandon et de contester leur prise en charge par l’assurance maladie ; mais ils doivent entretenir entre eux des rapports de bonne confraternité, ce qui implique la prohibition de tous propos injurieux, insultants, outrageux ou outranciers envers leurs confrères ; ils doivent en outre toujours s’exprimer avec prudence et se soucier des répercussions de leur expression auprès du public, ce qui leur interdit de mettre en cause publiquement et sans réserve les pratiques thérapeutiques de leurs confrères comme étant dangereuses ou charlatanesques, et de risquer ainsi de provoquer la panique du public ;

en l’espèce, les signataires de la tribune ne se bornent pas à critiquer les médecines complémentaires sur le terrain scientifique et médical mais les qualifient sans nuance de pratiques irrationnelles, ésotériques et dangereuses; ils accusent en outre de charlatanisme et de tromperie les praticiens de ces médecines, leur reprochant de dispenser sans discernement des soins insuffisamment éprouvés et non conformes aux données acquises de la science, en violation de l’article 39 du code de déontologie médicale; ils jettent ainsi l’opprobre sur la qualité et la moralité de leur activité ; ils mettent en cause le conseil de l’ordre des médecins et les différents pouvoirs publics ;

la dimension publique des infractions déontologiques commises aggrave leur caractère fautif et leurs répercussions dans le public ;

la circonstance qu’aucun praticien ne soit nommément mis en cause est indifférente; l’emploi de termes dénigrants envers des confrères, mêmes s’ils visent une catégorie générale de praticiens et n’en désignent aucun en particulier caractérise un manquement au principe de confraternité et déconsidère la profession;

en l’occurrence, les propos tenus dans la tribune excèdent les limites de la liberté d’expression et constituent un dénigrement de l’ensemble des médecins délivrant des soins de médecines complémentaires; les patients de ces médecins sont considérés comme des victimes de procédés charlatanesques; les institutions ordinales et les pouvoirs publics sont mis en cause; les propos tenus méconnaissent les principes de moralité, de probité, de confraternité et déconsidèrent la profession.

Par un mémoire en défense enregistré le 24 septembre 2018, le docteur Y, représenté par Me Miossec, conclut au rejet de la plainte, à la constatation de la violation par les plaignants de l’article 56 du code de déontologie médicale et à leur condamnation à lui verser la somme de 2000 euros au titre des frais irrépétibles.

Il soutient que :

il a signé la tribune litigieuse à l’instar de 2611 autres personnes dont 887 médecins ; ce faisant, il n’a pas violé ses obligations déontologiques mais exercé sa liberté d’expression;


3 en conditionnant leur présence à l’audience de conciliation à la présentation de ses excuses écrites, puis en ne s’y rendant pas, les plaignants ont eux-mêmes manqué à leur devoir de confraternité et violé l’article 56 du code de déontologie médicale;

les plaignants n’apportent aucun élément de nature à prouver que la signature de la tribune constituerait un manquement aux devoirs de moralité, de probité et de dévouement, prévus par

l’article R. 4127-3 du code de la santé publique ;

en signant la tribune litigieuse, il n’a pas déconsidéré la profession de médecin en violation de l’article R. 4127-31 du code de la santé publique; au contraire, il a entendu défendre cette profession en rappelant que toute pratique de soins doit être fondée sur le plan scientifique et en interpellant le public sur la nécessité d’un retour à une rigueur scientifique et empêcher l’exploitation d’une crédulité ; l’usage du terme de charlatanisme renvoie à l’article 39 du code de déontologie médicale et ne saurait lui être reproché ;

les termes de la tribune ne visent pas certains médecins ou catégories de médecins en particulier; ils s’interrogent sur la rigueur scientifique de certaines pratiques; la tribune est un texte portant sur un sujet d’intérêt général, qui incite à la réflexion et ne critique pas nominativement des médecins ; la plainte repose sur un ressenti et non sur une atteinte objective à l’encontre de confrères ; l’obligation de confraternité rappelée par l’article R. 4127-56 du code de la santé publique n’a pas été méconnue ;

il n’a pas fait sa propre publicité en signant la tribune; il n’a pas davantage présenté des faits absurdes; le trouble causé au public invoqué par les plaignants n’est pas démontré; aucune mise en danger des patients n’a été causée; la tribune n’a fait que mettre en lumière un questionnement d’intérêt général; les propos tenus relèvent de l’exercice de la liberté d’opinion dont la libre expression est protégée par l’article 10 de la Constitution; l’article R. 4127-13 du code de la santé publique n’a pas été méconnu.

2/ Le 06 novembre 2018, ont été enregistrés au greffe de la chambre disciplinaire de première instance de Bretagne de l’ordre des médecins la plainte présentée le 11 juillet 2018 par le Syndicat National des Médecins Homéopathes Français (SNMHF) au conseil départemental du Finistère de l’ordre des médecins et l’extrait de procès-verbal de délibération dudit conseil en date du 18 octobre 2018, à l’encontre du docteur H Y, médecin spécialiste en médecine générale, inscrit au tableau du Finistère depuis le 07/10/2015 sous le n° 7951.

Par la plainte, et un mémoire enregistré le 29 janvier 2019, le SNMHF, représenté par la SCP Ghestin, conclut au prononcé d’une sanction disciplinaire à l’encontre du docteur Y et à sa condamnation à lui verser la somme de 2 000 euros au titre de l’article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

en signant la tribune diffusée dans le journal « Le Figaro » le 19 mars 2018, indiquant notamment, en substance, que la pratique des médecins homéopathes relève du charlatanisme, le docteur Y a tenu des propos diffamatoires, discrédité la profession de médecin et violé le principe de confraternité ;

l’homéopathie est une thérapeutique reconnue par le conseil national de l’ordre des médecins ; elle dispose de médicaments reconnus par pharmacopée française; les médicaments homéopathiques, tels que définis par l’article L. 5121-1 du code de la santé publique, s’ils ne sont pas soumis à autorisation de mise sur le marché, sont tenus d’être enregistrés par l’Agence nationale de sécurité du médicament et des produits de santé (articles L. 5121-13 et R. 5121-99 du code de la santé publique); l’homéopathie ne peut être pratiquée que par des professionnels de santé et constitue une thérapeutique remboursée par la sécurité sociale (article R. 160-5 du code de la sécurité sociale); les médicaments homéopathiques sont considérés comme des traitements à « service médical rendu modéré » ; l’homéopathie est une spécialité reconnue, prise en charge par l’assurance maladie et fortement plébiscitée par les français ;


4or, la tribune litigieuse jette l’opprobre sur l’homéopathie; les médecins homéopathes y sont comparés à des charlatans, prescrivant des médicaments non éprouvés scientifiquement, et à des « représentants de commerce d’industries peu scrupuleuses » ; l’homéopathie est présentée comme dépourvue de fondement scientifique, reposant sur des croyances « promettant une guérison miraculeuse et même une pratique dangereuse ;

de tels propos sont manifestement de nature à déconsidérer l’ensemble de la profession, et plus particulièrement les médecins homéopathes; ils présentent un caractère stigmatisant et blessant pour cette profession; ils sont diffamatoires et anti-confraternels;

ils sont en outre erronés; les médecins homéopathes sont des médecins diplômés comme les médecins allopathes; ils ne sont pas au service d’une industrie peu scrupuleuse comme l’affirment sans la moindre preuve les auteurs de la tribune ;

diffusée dans un journal national, la tribune litigieuse a eu des répercussions importantes ;

Par un mémoire en défense, enregistré le 14 janvier 2019, le docteur Y, représenté par Me Miossec, conclut au rejet de la plainte et à leur condamnation à lui verser la somme de 2000 euros au titre des frais irrépétibles.

Il fait valoir les mêmes moyens de défense que ceux précédemment exposés concernant la plainte de

l’Union collégiale et autres.

Vu les autres pièces produites et jointes aux dossiers ;

Vu:

le code de la santé publique, notamment le code de déontologie médicale figurant aux articles

R.4127-1 à R.4127-112;

la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991;

le code de justice administrative.

-

A la séance publique du 1er juillet 2019, les parties dûment convoquées ;

APRÈS AVOIR ENTENDU :

le docteur Z, en la lecture de son rapport ;

Me Méhot, représentant l’Union Collégiale et autres, en ses observations ;

-

les docteurs M-N O et K L, représentant le SNMHF, en

-

leurs observations ;

le docteur A, représentant le conseil départemental du Finistère de l’ordre des médecins, en ses observations ;

Me Miossec, représentant le docteur Y, en ses observations, et l’intéressé, en ses explications, ayant eu la parole en dernier.


5 APRÈS EN AVOIR DÉLIBÉRÉ :

Considérant ce qui suit :

Sur la jonction :

1. Les plaintes susvisées, présentées d’une part pour l’Union Collégiale et autres, d’autre part pour le SNMHF, ont le même objet et ont fait l’objet d’une instruction commune. Il y a lieu de les joindre pour statuer par un seul jugement.

Sur la faute :

2. D’une part, aux termes de l’article R. 4127-1 du code de la santé publique : « Les dispositions du présent code de déontologie s’imposent aux médecins inscrits au tableau de l’ordre, à tout médecin exécutant un acte professionnel dans les conditions prévues à l’article L. 4112-7 du code de la santé publique (…) / Conformément à l’article L. 4122-1 du code de la santé publique, l’Ordre des médecins est chargé de veiller au respect de ces dispositions. / Les infractions à ces dispositions relèvent de la juridiction disciplinaire de l’ordre ».

3. D’autre part, l’article R. 4127-3 du même code prévoit que : « médecin doit, en toutes circonstances, respecter les principes de moralité, de probité et de dévouement indispensables à l’exercice de la médecine ». Selon l’article R. 4127-13: « Lorsque le médecin participe à une action d’information du public de caractère éducatif et sanitaire, quel qu’en soit le moyen de diffusion, il doit ne faire état que de données confirmées, faire preuve de prudence et avoir le souci des répercussions de ses propos auprès du public. Il doit se garder à cette occasion de toute attitude publicitaire, soit personnelle, soit en faveur des organismes où il exerce ou auxquels il prête son concours, soit en faveur d’une cause qui ne soit pas d’intérêt général. ». L’article R. 4127-20 dispose que : « Le médecin doit veiller à l’usage qui est fait de son nom, de sa qualité ou de ses déclarations. / Il ne doit pas tolérer que les organismes, publics ou privés, où il exerce ou auxquels il prête son concours utilisent à des fins publicitaires son nom ou son activité professionnelle. ». L’article R. 4127-31 prévoit que : « Tout médecin doit s’abstenir, même en dehors de l’exercice de sa profession, de tout acte de nature à déconsidérer celle-ci. ». Enfin, selon l’article R. 4127-56 : « Les médecins doivent entretenir entre eux des rapports de bonne confraternité. / Un médecin qui a un différend avec un confrère doit rechercher une conciliation, au besoin par l’intermédiaire du conseil départemental de l’ordre. / Les médecins se doivent assistance dans l’adversité. »

4. Le docteur Y a cosigné, avec de nombreux autres signataires, pour la plupart médecins ou membres d’autres professions de santé, une tribune relative aux médecines alternatives qui a été publiée le 19 mars 2018 par le quotidien « Le Figaro ». Les plaignants soutiennent que ce faisant, ce médecin a méconnu les dispositions précitées des articles R. 4127-3, R. 4127-13, R. 4127-20, R. 4127 31 et R. 4127-56 du code de la santé publique.

5. En premier lieu, les plaignants ne démontrent pas en quoi le docteur Y aurait manqué aux principes de moralité, de probité et de dévouement résultant de l’article 3 du code de déontologie médicale en cosignant la tribune litigieuse.

6. En deuxième lieu, par son objet et son contenu, la tribune parue dans le journal « Le Figaro » ne peut

s’analyser en une action d’information de caractère éducatif et sanitaire au sens des dispositions précitées de l’article R. 4127-13 du code de la santé publique. Les plaignants ne sont donc pas fondés à soutenir que les exigences imposées par ce texte auraient été méconnues.

7. En troisième lieu, la tribune en cause souligne que « la tentation peut être grande de pratiquer des soins sans aucun fondement scientifique. Cette tentation a toujours existé. Elle a été et est toujours nourrie par des charlatans en tout genre qui recherchent la caution morale du titre de médecin pour faire la promotion de fausses thérapies à l’efficacité illusoire ». Elle expose en outre que le conseil national de l’ordre des médecins « doit veiller à ce que des médecins ne deviennent pas les représentants de commerce d’industries peu scrupuleuses » et « doit sanctionner ceux ayant perdu de vue l’éthique de


6 leur exercice »>. In fine, leurs auteurs demandent en outre expressément « au conseil de l’ordre des médecins et aux pouvoirs publics de tout mettre en œuvre pour ne plus autoriser à faire état de leur titre les médecins ou professionnels de santé » qui continuent à promouvoir les médecines alternatives, « de ne plus reconnaître d’une quelconque manière les diplômes d’homéopathie, de mésothérapie ou d’acupuncture comme des diplômes ou qualifications médicales », de « ne plus rembourser par les cotisations sociales les soins, médicaments ou traitements issus de disciplines refusant leur évaluation scientifique rigoureuse » et d’ « exiger de l’ensemble des soignants qu’ils respectent la déontologie de leur profession, en refusant de donner des traitements inutiles ou inefficaces, en proposant des soins en accord avec les recommandations des sociétés savantes et les données les plus récentes de la science, en faisant preuve de pédagogie et d’honnêteté envers leurs patients et en proposant une écoute bienveillante »>.

8. La lecture de la tribune montre que leurs auteurs ont entendu « réagir avec force et rigueur » < à des pratiques de plus en plus nombreuses et ésotériques, et à la défiance grandissante du public vis-à-vis de la médecine scientifique ». L’objet de la tribune est ainsi essentiellement de défendre la médecine scientifique et rationnelle. Elle ne saurait dans ces conditions être regardée comme de nature à déconsidérer la profession de médecin au sens de l’article 31 du code de déontologie médicale.

9. En revanche, si les auteurs de la tribune n’accusent pas directement les praticiens de médecines alternatives, notamment les homéopathes, de charlatanisme, ils insinuent avec une certaine ambigüité qu’ils pourraient être mus par l’intérêt tiré de relations avec une industrie que l’article qualifie de peu scrupuleuse, que leur exercice sort du champ de la médecine, qu’ils proposent des traitements inefficaces sinon dangereux, voire même qu’ils pourraient être reprochables sur le plan déontologique.

10. Les propos ainsi tenus, en raison de leur caractère agressif et méprisant, excèdent les limites de la polémique et de la liberté d’expression. Ils sont constitutifs d’un manquement au devoir de confraternité imposé par l’article 56 du code de déontologie médicale. En y adhérant par sa signature, le docteur Y a donc commis une faute de nature à justifier le prononcé d’une sanction disciplinaire.

Sur la sanction :

11. Aux termes de l’article L.4124-6 du code de la santé publique : « Les peines disciplinaires que la chambre disciplinaire de première instance peut appliquer sont les suivantes :/ 1° L’avertissement; / 2° Le blâme; / 3° L’interdiction temporaire avec ou sans sursis ou l’interdiction permanente d’exercer une, plusieurs ou la totalité des fonctions de médecin (…) conférées ou rétribuées par l’Etat, les départements, les communes, les établissements publics, les établissements reconnus d’utilité publique ou des mêmes fonctions accomplies en application des lois sociales ; / 4° L’interdiction temporaire

d’exercer avec ou sans sursis; cette interdiction ne pouvant excéder trois années ; / 5° La radiation du tableau de l’ordre. / Les deux premières de ces peines comportent, en outre, la privation du droit de faire partie du conseil départemental, du conseil régional ou du conseil interrégional et du conseil national, de la chambre disciplinaire de première instance ou de la chambre disciplinaire nationale de l’ordre pendant une durée de trois ans (…) ».

12. Compte tenu de la nature de la faute commise, des circonstances très particulières de l’espèce, mais aussi dans la mesure où le docteur Y n’a pas d’antécédent disciplinaire, il y a lieu de lui infliger un simple avertissement.

Sur les conclusions du docteur Y tendant à voir constater un manquement au devoir de confraternité :

13. Il n’appartient pas à la chambre disciplinaire de première instance de statuer sur d’autres faits que ceux dont elle se trouve saisie par la transmission d’une plainte conformément aux dispositions de

l’article R. 4126-1 du code de la santé publique.

14. Les conclusions du docteur Y tendant à voir constater le manquement au devoir de confraternité qu’aurait commis l’Union Collégiale et autres, en ne se présentant pas à la réunion de conciliation organisée par le conseil départemental du Finistère de l’ordre des médecins, ne peuvent donc qu’être rejetées.


7 Sur les frais irrépétibles :

15. Aux termes de l’article 75 de la loi susvisée du 10 juillet 1991 relative à l’aide juridique : « I. Dans toutes les instances, le juge condamne la partie tenue aux dépens ou, à défaut, la partie perdante, à payer à l’autre partie la somme qu’il détermine, au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Le juge tient compte de l’équité ou de la situation économique de la partie condamnée. Il peut, même d’office, pour des raisons tirées des mêmes considérations, dire qu’il n’y a pas lieu à cette condamnation. »

16. Il n’y a pas lieu, dans les circonstances de l’espèce, de mettre à la charge du docteur Y la somme que le SNMHF demande au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Les dispositions du même article font par ailleurs obstacle à ce que les sommes demandées à ce titre par le docteur Y soient mises à la charge des plaignants, qui ne sont pas les parties perdantes.

PAR CES MOTIFS :

DÉCIDE

ARTICLE 1: La sanction de l’avertissement est prononcée à l’encontre du docteu r Y.

ARTICLE 2: L’ensemble des conclusions présentées par le docteur Y est r ejeté.

ARTICLE 3: Les conclusions du SNMHF présentées au titre des frais irrépétibles son t rejetées.

ARTICLE 4: La présente décision sera notifiée au docteur Y H, à Me Miossec, à L’Union

Collégiale, au Syndicat de la Médecine Homéopathique (SMH), au Syndicat des Médecins Indépendants Libéraux Européens (SMILE), au Syndicat des Mésothérapeutes Français (SMF), à l’Association pour l'[…]

(AURMA), au docteur I J, au docteur B C, au docteur D E, au docteur F G, à Mes X et Vidal, à la SNMHF, à SCP Ghestin, au conseil départemental du Finistère de l’ordre des médecins, au conseil national de l’ordre des médecins, au directeur de l’agence régionale de santé de Bretagne, au procureur de la République près le tribunal de grande instance de Brest, au ministre chargé de la santé.

AINSI FAIT ET DÉLIBÉRÉ PAR M. P. VENNEGUES, PREMIER CONSEILLER AU TRIBUNAL ADMINISTRATIF DE RENNES, PRÉSIDENT, LES DOCTEURS Z, LE MAGADOUX, LE NOAN, membres titulaires ET LE DOCTEURS BRAU, HENRY, LE COSSEC, LIECHTMANEGER

LEPITRE, membres suppléants.

Le premier conseiller au tribunal administratif de Rennes, président de la chambre COPIE CERTIFIÉE disciplinaire de Bretagne du Conseil Régional CONFORME de l’Ordre des Médecins LA GRAFFIÈRE

P. VENNEGUES

Le greffier L.FROMAGER

La République mande et ordonne au ministre de la santé en ce qui le concerne, ou à tous huissiers de justice requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l’exécution de la présente décision

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