Conseil d'Etat, 7 / 5 SSR, du 27 juillet 2001, 218067, publié au recueil Lebon

  • Absence d'atteinte excessive au développement des échanges·
  • Absence du fait d'une circonstance de droit nouvelle·
  • Méconnaissance des règles du droit de la concurrence·
  • Chose jugée par la juridiction administrative·
  • B) octroi de droits exclusifs à l'ugap·
  • Marchés et contrats administratifs·
  • Formation des contrats et marchés·
  • Absence -identité d'objet·
  • Défense de la concurrence·
  • Communautés européennes

Chronologie de l’affaire

Résumé de la juridiction

Pour permettre à l’Union des groupements d’achats publics (UGAP) de remplir sa mission de service public consistant à centraliser les achats et commandes des personnes publiques et des personnes privées investies d’une mission de service public dans les meilleures conditions de coût et de qualité, à prodiguer à ces personnes et organismes l’assistance technique dont ils peuvent avoir besoin en matière d’équipement et d’approvisionnement et à apporter son concours à des exportations d’intérêt général, le pouvoir réglementaire peut légalement aménager les règles du code des marchés publics. Toutefois, l’intérêt général qui s’attache au bon accomplissement des missions de l’UGAP ne saurait, sans méconnaître les exigences de l’égal accès aux marchés publics et le principe de libre concurrence, justifier l’octroi de droits exclusifs à l’UGAP que dans la mesure où l’accomplissement de la mission particulière qui a été impartie à cette dernière ne peut être assuré que par l’octroi de tels droits et pour autant que le développement des échanges n’en est pas affecté dans une mesure excessive.

Les dispositions de l’article 25 du décret du 30 juillet 1985 dispensent les collectivités publiques d’appel à la concurrence lorsqu’elles achètent des fournitures à l’UGAP. En offrant à la seule UGAP des mesures avantageuses d’une telle nature, ces dispositions ont accordé à cet organisme un droit exclusif au sens des stipulations de l’article 86 du traité instituant la communauté économique européenne (devenu article 82 CE) et des dispositions de l’ordonnance du 1er juillet 1986. Elles ont ainsi créé à son profit, ainsi que l’a d’ailleurs relevé le conseil de la concurrence dans un avis du 17 janvier 1996, une position dominante sur le marché de la prise en charge des procédures de mise en concurrence. Le fait de créer une telle position dominante par l’octroi d’un droit exclusif n’est incompatible avec les règles du droit de la concurrence que si l’entreprise en cause est conduite, par le simple exercice du droit exclusif qui lui est conféré, à exploiter sa position dominante de façon abusive. En l’espèce, il ne ressort pas des pièces du dossier qu’un tel comportement, sur le marché accessoire en cause, soit la conséquence directe de la mise en oeuvre des dispositions litigieuses.

En vertu des dispositions de l’article 6 de la directive n° 93/36/CEE du 14 juin 1993, lorsqu’un pouvoir adjudicateur envisage de passer un marché public de fournitures avec une entité distincte de lui, ce marché, si son montant hors taxe sur la valeur ajoutée est égal ou supérieur à 200 000 écus, doit faire l’objet de procédures de publicité et de mise en concurrence. L’UGAP est un établissement public de l’Etat à caractère industriel et commercial sur lequel l’Etat n’exerce pas un contrôle analogue à celui qu’il exerce sur ses propres services. En outre, aucun des clients de l’UGAP, et notamment pas l’Etat, ne représente à lui seul une part essentielle de l’activité de l’UGAP. Ainsi, les dispositions susmentionnées de la directive sont applicables aux marchés que l’UGAP passe avec ses clients, dont elle est une entité distincte. Par suite, les dispositions de l’article 25 du décret du 30 juillet 1985 sont contraires à la directive du 14 juin 1993, en tant qu’elles dispensent d’appel à la concurrence les marchés d’un montant égal ou supérieur à 200 000 écus hors taxe sur la valeur ajoutée, par lesquels un pouvoir adjudicateur achète des fournitures à l’UGAP. a) En vertu des dispositions de l’article 6 de la directive n° 93/36/CEE du 14 juin 1993, lorsqu’un pouvoir adjudicateur envisage de passer un marché public de fournitures avec une entité distincte de lui, ce marché, si son montant hors taxe sur la valeur ajoutée est égal ou supérieur à 200 000 écus, doit faire l’objet de procédures de publicité et de mise en concurrence. L’UGAP est un établissement public de l’Etat à caractère industriel et commercial sur lequel l’Etat n’exerce pas un contrôle analogue à celui qu’il exerce sur ses propres services. En outre, aucun des clients de l’UGAP, et notamment pas l’Etat, ne représente à lui seul une part essentielle de l’activité de l’UGAP. Ainsi, les dispositions susmentionnées de la directive sont applicables aux marchés que l’UGAP passe avec ses clients, dont elle est une entité distincte. Par suite, les dispositions de l’article 25 du décret du 30 juillet 1985 sont contraires à la directive du 14 juin 1993, en tant qu’elles dispensent d’appel à la concurrence les marchés d’un montant égal ou supérieur à 200 000 écus hors taxe sur la valeur ajoutée, par lesquels un pouvoir adjudicateur achète des fournitures à l’UGAP. b) Pour permettre à l’UGAP de remplir sa mission de service public consistant à centraliser les achats et commandes des personnes publiques et des personnes privées investies d’une mission de service public dans les meilleures conditions de coût et de qualité, à prodiguer à ces personnes et organismes l’assistance technique dont ils peuvent avoir besoin en matière d’équipement et d’approvisionnement et à apporter son concours à des exportations d’intérêt général, le pouvoir réglementaire peut légalement aménager les règles du code des marchés publics. Toutefois, l’intérêt général qui s’attache au bon accomplissement des missions de l’UGAP ne saurait, sans méconnaître les exigences de l’égal accès aux marchés publics et le principe de libre concurrence, justifier l’octroi de droits exclusifs à l’UGAP que dans la mesure où l’accomplissement de la mission particulière qui a été impartie à cette dernière ne peut être assuré que par l’octroi de tels droits et pour autant que le développement des échanges n’en est pas affecté dans une mesure excessive. c) Les dispositions de l’article 25 du décret du 30 juillet 1985 dispensent les collectivités publiques d’appel à la concurrence lorsqu’elles achètent des fournitures à l’UGAP. En offrant à la seule UGAP des mesures avantageuses d’une telle nature, ces dispositions ont accordé à cet organisme un droit exclusif au sens des stipulations de l’article 86 du traité instituant la communauté économique européenne (devenu article 82 CE) et des dispositions de l’ordonnance du 1er juillet 1986. Elles ont ainsi créé à son profit, ainsi que l’a d’ailleurs relevé le conseil de la concurrence dans un avis du 17 janvier 1996, une position dominante sur le marché de la prise en charge des procédures de mise en concurrence. Le fait de créer une telle position dominante par l’octroi d’un droit exclusif n’est incompatible avec les règles du droit de la concurrence que si l’entreprise en cause est conduite, par le simple exercice du droit exclusif qui lui est conféré, à exploiter sa position dominante de façon abusive. En l’espèce, il ne ressort pas des pièces du dossier qu’un tel comportement, sur le marché accessoire en cause, soit la conséquence directe de la mise en oeuvre des dispositions litigieuses.

Aux termes de l’article 2 du décret n 2001-210 du 7 mars 2001, publié au Journal officiel le 8 mars 2001, portant code des marchés publics : "Le code des marchés publics, dans sa rédaction antérieure aux dispositions annexées au présent décret, est abrogé./ Cette abrogation prend effet à l’issue du délai prévu au deuxième alinéa de l’article 1er du présent décret". Aux termes de l’article 1er de ce décret : "Les dispositions annexées au présent décret constituent le code des marchés publics./ Elles entrent en vigueur à l’expiration d’un délai de six mois à compter de la publication du présent décret au Journal officiel de la République française". Du fait de l’abrogation ainsi prononcée de l’article 34 du code des marchés publics et alors même qu’elle ne prendra effet que de façon différée, les conclusions tendant à l’annulation de la décision du Premier ministre refusant d’abroger cet article doivent être regardées comme n’ayant plus d’objet. Non-lieu.

La requérante avait une première fois demandé au Premier ministre d’abroger le décret du 30 juillet 1985. Si, par une décision du 29 juillet 1994, le Conseil d’Etat statuant au contentieux a rejeté les conclusions dirigées contre le refus implicite que le Premier ministre avait opposé à cette première demande, l’expiration, le 14 janvier 1994, du délai de transposition de la directive n° 93/36/CEE du 14 juin 1993, constitue une circonstance de droit nouvelle, postérieure à la décision implicite par laquelle le Premier ministre avait rejeté la précédente requête. Ainsi, la nouvelle requête n’a pas le même objet que celle qui a donné lieu à la décision du Conseil d’Etat statuant au contentieux en date du 29 juillet 1994. Par suite, l’autorité de chose jugée qui s’attache à cette décision ne peut être opposée à la requérante.

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Sur la décision

Référence :
CE, 7 / 5 ss-sect. réunies, 27 juill. 2001, n° 218067, Lebon
Juridiction : Conseil d'État
Numéro : 218067
Importance : Publié au recueil Lebon
Type de recours : Recours pour excès de pouvoir
Décision précédente : Conseil d'État, 28 juillet 1994
Précédents jurisprudentiels : 1. Comp. 2000-11-22, Fédération nationale des familles de France, n° 210718, à publier au recueil
Textes appliqués :
Code de justice administrative L911-1, L761-1

Code des marchés publics 34

Décret 2001-210 2001-03-07 art. 2, art. 1

Décret 85-801 1985-07-30 art. 4, art. 20, art. 24, art. 25

Ordonnance 86-1243 1986-12-01 art. 8, art. 7

Traité CEE 1957-03-25 Rome art. 90 (art. 86 CE), art. 86 (art. 82 CE), art. 85 (art. 81 CE)

Dispositif : Non-lieu à statuer annulation partielle injonction
Identifiant Légifrance : CETATEXT000008018761
Identifiant européen : ECLI:FR:CESSR:2001:218067.20010727

Sur les parties

Texte intégral


Vu la requête, enregistrée le 1er mars 2000 au secrétariat du contentieux du Conseil d’Etat, présentée pour la COOPERATIVE DE CONSOMMATION DES ADHERENTS DE LA MUTUELLE ASSURANCE DES INSTITUTEURS DE FRANCE (CAMIF), dont le siège est à Trevins de Chauray, à Niort Cedex (79045), représentée par son président en exercice, M. Jean X… ; la CAMIF demande au Conseil d’Etat :
1°) d’annuler pour excès de pouvoir la décision implicite de rejet résultant du silence gardé par le Premier ministre sur sa demande d’abrogation du décret n° 85-801 du 30 juillet 1985 et de l’article 34 du code des marchés publics ;
2°) d’enjoindre à l’Etat d’abroger l’article 34 du code des marchés publics et le décret n° 85-801 du 30 juillet 1985 dans un délai d’un mois à compter de la décision à intervenir, sous astreinte de 2 000 F par jour de retard ;
3°) de condamner l’Etat à lui payer la somme de 25 000 F au titre de l’article 75-I de la loi du 10 juillet 1991 ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu le traité du 25 mars 1957 instituant la communauté économique européenne devenue la communauté européenne ;
Vu la directive n° 92/50/CEE du 18 juin 1992 portant coordination des procédures de passation des marchés publics de services ;
Vu la directive n° 93/36/CEE du 14 juin 1993 portant coordination des procédures de passation des marchés publics de fournitures ;
Vu le code civil ;
Vu le code des marchés publics ;
Vu l’ordonnance n° 86-1243 du 1er décembre 1986 modifiée ;
Vu le décret n° 85-801 du 30 juillet 1985  ;
Vu le code de justice administrative ;
Après avoir entendu en séance publique :
 – le rapport de M. Casas, Maître des Requêtes,
 – les observations de la SCP Baraduc, Duhamel, avocat de la COOPERATIVE DE CONSOMMATION DES ADHERENTS DE LA MUTUELLE ASSURANCE DES INSTITUTEURS DE FRANCE,
 – les conclusions de Mme Bergeal, Commissaire du gouvernement ;

Considérant que la COOPERATIVE DE CONSOMMATION DES ADHERENTS DE LA MUTUELLE ASSURANCE DES INSTITUTEURS DE FRANCE (CAMIF) demande l’annulation de la décision implicite par laquelle le Premier ministre a rejeté sa demande du 25 août 1999 tendant à l’abrogation, d’une part, de l’article 34 du code des marchés publics relatif à la coordination et à la centralisation des commandes et achats publics, d’autre part, du décret n° 85-801 du 30 juillet 1985 relatif au statut et au fonctionnement de l’union des groupements d’achats publics (UGAP) ;
Considérant qu’aux termes de l’article 34 du code des marchés publics : « Les services de l’Etat et les établissements publics de l’Etat, quel que soit leur caractère, peuvent demander que leurs achats de matériels soient effectués par l’union des groupements d’achats publics./ Les départements, les communes et leurs établissements publics bénéficient de la même possibilité. / Les services civils de l’Etat, même dotés de l’autonomie financière, et les établissements publics de l’Etat autres que ceux ayant le caractère industriel et commercial doivent faire appel à l’union des groupements d’achats publics pour leurs achats de véhicules et engins automobiles ( …) » ; que, l’article 4 du décret du 30 juillet 1985 fixe la composition du conseil d’administration de l’UGAP en y incluant notamment des représentants de l’Etat et des collectivités territoriales ; que les articles 20 et 24 du même décret aménagent les dispositions du code des marchés publics en fixant les règles relatives, respectivement, aux avances forfaitaires pouvant être versées par l’UGAP à ses fournisseurs et aux contrôles spécialisés auxquels sont soumis les marchés publics passés par l’UGAP ; qu’enfin, les dispositions de l’article 25 du décret dispensent d’appel à la concurrence les marchés par lesquels les collectivités achètent des fournitures à l’UGAP ;
Sur les conclusions de la COOPERATIVE DE CONSOMMATION DES ADHERENTS DE LA MUTUELLE ASSURANCE DES INSTITUTEURS DE FRANCE en tant qu’elles concernent l’article 34 du code des marchés publics :

Considérant qu’aux termes de l’article 2 du décret n° 2001-210 du 7 mars 2001, publié au Journal officiel le 8 mars 2001, portant code des marchés publics : « Le code des marchés publics, dans sa rédaction antérieure aux dispositions annexées au présent décret, est abrogé./ Cette abrogation prend effet à l’issue du délai prévu au deuxième alinéa de l’article 1er du présent décret » ; qu’aux termes de l’article 1er de ce décret : « Les dispositions annexées au présent décret constituent le code des marchés publics./ Elles entrent en vigueur à l’expiration d’un délai de six mois à compter de la publication du présent décret au Journal officiel de la République française » ; que, du fait de l’abrogation ainsi prononcée de l’article 34 du code des marchés publics et alors même qu’elle ne prendra effet que de façon différée, les conclusions de la COOPERATIVE DE CONSOMMATION DES ADHERENTS DE LA MUTUELLE ASSURANCE DES INSTITUTEURS DE FRANCE tendant à l’annulation de la décision du Premier ministre refusant d’abroger cet article doivent être regardées comme n’ayant plus d’objet ; que, dès lors, il n’y a pas lieu d’y statuer ;
Sur les conclusions de la COOPERATIVE DE CONSOMMATION DES ADHERENTS DE LA MUTUELLE ASSURANCE DES INSTITUTEURS DE FRANCE en tant qu’elles concernent le décret du 30 juillet 1985 :
Considérant que l’autorité compétente, saisie d’une demande tendant à l’abrogation d’un règlement illégal, est tenue d’y déférer, soit que le règlement ait été illégal dès la date de sa signature, soit que l’illégalité résulte de circonstances de droit ou de fait postérieures à cette date ;
Considérant que, le 29 avril 2001, la COOPERATIVE DE CONSOMMATION DES ADHERENTS DE LA MUTUELLE ASSURANCE DES INSTITUTEURS DE FRANCE a une première fois demandé au Premier ministre d’abroger le décret visé par la présente requête ; que si, par une décision du 29 juillet 1994, le Conseil d’Etat statuant au contentieux a rejeté les conclusions de la COOPERATIVE DE CONSOMMATION DES ADHERENTS DE LA MUTUELLE ASSURANCE DES INSTITUTEURS DE FRANCE dirigées contre le refus implicite que le Premier ministre avait opposé à cette demande, l’expiration, le 14 janvier 1994, du délai de transposition de la directive n° 93/36/CEE du 14 juin 1993, constitue une circonstance de droit nouvelle, postérieure à la décision implicite par laquelle le Premier ministre avait rejeté la précédente requête de la COOPERATIVE DE CONSOMMATION DES ADHERENTS DE LA MUTUELLE ASSURANCE DES INSTITUTEURS DE FRANCE ; qu’ainsi, la présente requête n’a pas le même objet que celle qui a donné lieu à la décision du Conseil d’Etat statuant au contentieux en date du 29 juillet 1994 ; que, par suite, et contrairement à ce que soutient le ministre de l’économie, des finances et de l’industrie, l’autorité de chose jugée qui s’attache à cette décision ne peut lui être opposée ;
Sur le moyen tiré de ce que le maintien en vigueur des dispositions litigieuses serait contraire à la directive n° 93/36/CEE du 14 juin 1993 :
Considérant que, contrairement à ce que soutient l’UGAP, la COOPERATIVE DE CONSOMMATION DES ADHERENTS DE LA MUTUELLE ASSURANCE DES INSTITUTEURS DE FRANCE est recevable à soutenir que le décret attaqué serait contraire à cette directive, alors même qu’elle n’avait pas invoqué ce moyen dans sa demande au Premier ministre tendant à l’abrogation du décret du 30 juillet 1985 ;

Considérant qu’en vertu des dispositions de l’article 6 de la directive n° 93/36/CEE du 14 juin 1993, lorsqu’un pouvoir adjudicateur envisage de passer un marché public de fournitures avec une entité distincte de lui, ce marché, si son montant hors taxe sur la valeur ajoutée est égal ou supérieur à 200 000 écus, doit faire l’objet de procédures de publicité et de mise en concurrence ;
Considérant qu’il ressort des pièces du dossier que l’UGAP est un établissement public de l’Etat à caractère industriel et commercial sur lequel l’Etat n’exerce pas un contrôle analogue à celui qu’il exerce sur ses propres services ; qu’en outre, aucun des clients de l’UGAP, et notamment pas l’Etat, ne représente à lui seul une part essentielle de l’activité de l’UGAP ; qu’ainsi, les dispositions susmentionnées de la directive sont applicables aux marchés que l’UGAP passe avec ses clients, dont elle est une entité distincte ; que, par suite, la COOPERATIVE DE CONSOMMATION DES ADHERENTS DE LA MUTUELLE ASSURANCE DES INSTITUTEURS DE FRANCE est fondée à soutenir que les dispositions de l’article 25 du décret litigieux sont contraires à la directive n° 93/36/CEE du 14 juin 1993, en tant qu’elles dispensent d’appel à la concurrence les marchés d’un montant égal ou supérieur à 200 000 écus hors taxe sur la valeur ajoutée, par lesquels un pouvoir adjudicateur achète des fournitures à l’UGAP ;
Sur les moyens tirés de ce que le maintien des dispositions litigieuses serait contraire au droit de la concurrence :
Considérant, en premier lieu, qu’il découle tant de l’ordonnance du 1er décembre 1986 que des stipulations du traité ayant institué la communauté économique européenne, notamment de son article 90 (devenu, après modification, l’article 86 CE), que doivent être respectés le principe de libre concurrence et les exigences de l’égal accès aux marchés publics ;
Considérant que, pour permettre à l’UGAP de remplir sa mission de service public consistant à centraliser les achats et commandes des personnes publiques et des personnes privées investies d’une mission de service public dans les meilleures conditions de coût et de qualité, à prodiguer à ces personnes et organismes l’assistance technique dont ils peuvent avoir besoin en matière d’équipement et d’approvisionnement et à apporter son concours à des exportations d’intérêt général, le pouvoir réglementaire peut légalement aménager les règles du code des marchés publics ; que, toutefois, l’intérêt général qui s’attache au bon accomplissement des missions de l’UGAP ne saurait, sans méconnaître les exigences de l’égal accès aux marchés publics et le principe de libre concurrence, justifier l’octroi de droits exclusifs à l’UGAP que dans la mesure où l’accomplissement de la mission particulière qui a été impartie à cette dernière ne peut être assuré que par l’octroi de tels droits et pour autant que le développement des échanges n’en est pas affecté dans une mesure excessive ;
Considérant que les dispositions des articles 4, 20, 24 et 25 du décret litigieux ne sont pas de nature, eu égard à leur portée, à méconnaître le principe de libre concurrence et les exigences de l’égal accès aux marchés publics dès lors que les clients de l’UGAP disposent de la faculté de s’adresser à d’autres fournisseurs, conformément aux dispositions des premier et deuxième alinéas de l’article 34 du code des marchés publics ;

Considérant, en deuxième lieu, qu’aux termes de l’article 86 du traité instituant la communauté économique européenne (devenu article 82 CE) : « Est incompatible avec le marché commun et interdit, dans la mesure où le commerce entre Etats membres est susceptible d’en être affecté, le fait pour une ou plusieurs entreprises d’exploiter de façon abusive une position dominante sur le marché commun ou dans une partie substantielle de celui-ci » ; qu’aux termes de l’article 8 de l’ordonnance du 1er décembre 1986 : « Est prohibée ( …) l’exploitation abusive par une entreprise ou un groupe d’entreprise : 1. D’une position dominante sur le marché intérieur ou une partie substantielle de celui-ci ( …) » ;
Considérant que la COOPERATIVE DE CONSOMMATION DES ADHERENTS DE LA MUTUELLE ASSURANCE DES INSTITUTEURS DE FRANCE soutient que les dispositions de l’article 25 du décret dont l’abrogation est demandée, qui dispensent les collectivités publiques d’appel à la concurrence lorsqu’elles achètent des fournitures à l’UGAP, sont de nature à placer l’UGAP en situation d’abuser automatiquement de sa position dominante sur le marché pertinent du service, accessoire à la vente de fournitures, consistant à prendre en charge les procédures obligatoires de mise en concurrence ;
Considérant qu’en offrant à la seule UGAP des mesures avantageuses d’une telle nature, les dispositions ont accordé à cet organisme un droit exclusif au sens des stipulations précitées du traité instituant la communauté économique européenne et des dispositions précitées de l’ordonnance du 1er décembre 1986 ; qu’elles ont ainsi créé à son profit, ainsi que l’a d’ailleurs relevé le conseil de la concurrence dans un avis du 17 janvier 1996, une position dominante sur le marché de la prise en charge des procédures de mise en concurrence ; que le fait de créer une telle position dominante par l’octroi d’un droit exclusif n’est incompatible avec les règles du droit de la concurrence que si l’entreprise en cause est conduite, par le simple exercice du droit exclusif qui lui est conféré, à exploiter sa position dominante de façon abusive ;
Considérant qu’en l’espèce, il ne ressort pas des pièces du dossier qu’un tel comportement, sur le marché accessoire en cause, soit la conséquence directe de la mise en oeuvre des dispositions litigieuses ; que par suite, la COOPERATIVE DE CONSOMMATION DES ADHERENTS DE LA MUTUELLE ASSURANCE DES INSTITUTEURS DE FRANCE n’est pas fondée à soutenir que ces dispositions seraient devenues illégales en tant qu’elles placeraient l’UGAP dans la situation d’abuser automatiquement de sa position dominante ;
Considérant, en troisième lieu, qu’en vertu des dispositions de l’article 4 du décret du 30 juillet 1985, le conseil d’administration de l’UGAP comprend notamment des représentants de plusieurs ministères et collectivités territoriales, lesquels sont susceptibles, le cas échéant, d’être des clients de l’UGAP ; qu’alors même que ces dispositions auraient pour effet, comme le soutient la requérante, de procurer à l’UGAP une meilleure connaissance des besoins de ses clients, elles ne seraient constitutives ni d’une entente ni de pratiques concertées au sens des articles 7 de l’ordonnance du 1er décembre 1986 et 85 du traité instituant la communauté économique européenne (devenu article 81 CE) ;

Considérant qu’il résulte de tout ce qui précède que la décision du Premier ministre refusant de déférer à la demande de la COOPERATIVE DE CONSOMMATION DES ADHERENTS DE LA MUTUELLE ASSURANCE DES INSTITUTEURS DE FRANCE tendant à l’abrogation du décret du 30 juillet 1985 n’est illégale qu’en tant qu’elle concerne l’article 25 de ce décret pour les marchés d’un montant hors taxe sur la valeur ajoutée égal ou supérieur à 200 000 écus ;
Sur les conclusions tendant à ce qu’il soit fait application des dispositions de l’article L. 911-1 du code de justice administrative :
Considérant qu’aux termes de l’article L. 911-1 du code de justice administrative : « Lorsque sa décision implique nécessairement qu’une personne morale de droit public ou un organisme de droit privé chargé de la gestion d’un service public prenne une mesure d’exécution dans un sens déterminé, la juridiction, saisie de conclusions en ce sens, prescrit, par la même décision, cette mesure assortie, le cas échéant, d’un délai d’exécution » ; que l’annulation de la décision du Premier ministre refusant d’abroger l’article 25 du décret du 30 juillet 1985 en tant qu’il concerne les marchés, d’un montant hors taxe sur la valeur ajoutée égal ou supérieur à 200 000 écus, par lesquels les pouvoirs adjudicateurs achètent des fournitures à l’UGAP, implique nécessairement l’abrogation de cet article dans les limites ci-dessus définies ; qu’il y a lieu pour le Conseil d’Etat d’enjoindre au Premier ministre de prononcer cette abrogation dans un délai de quatre mois ; qu’il n’y a pas lieu, dans les circonstances de l’espèce, d’assortir cette injonction d’une astreinte ;
Sur les conclusions de la COOPERATIVE DE CONSOMMATION DES ADHERENTS DE LA MUTUELLE ASSURANCE DES INSTITUTEURS DE FRANCE relatives aux frais exposés et non compris dans les dépens :
Considérant qu’il y a lieu, dans les circonstances de l’espèce, de faire application de l’article L. 761-1 du code de justice administrative et de condamner l’Etat à payer à la COOPERATIVE DE CONSOMMATION DES ADHERENTS DE LA MUTUELLE ASSURANCE DES INSTITUTEURS DE FRANCE la somme qu’elle demande au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens :
Article 1er : Il n’y a pas lieu de statuer sur la requête de la COOPERATIVE DE CONSOMMATION DES ADHERENTS DE LA MUTUELLE ASSURANCE DES INSTITUTEURS DE FRANCE en tant qu’elle concerne le refus du Premier ministre d’abroger les dispositions de l’article 34 du code des marchés publics.
Article 2 : La décision du Premier ministre refusant d’abroger le décret du 30 juillet 1985 est annulée en tant qu’elle concerne l’article 25 de ce décret et pour les marchés passés par l’UGAP avec un de ses clients pour un montant hors taxe sur la valeur ajoutée égal ou supérieur à 200 000 écus.
Article 3 : Il est enjoint au Premier ministre, dans les quatre mois suivant la notification de la présente décision, de prendre les mesures réglementaires nécessaires à l’exécution de l’article 2 de la présente décision.
Article 4 : L’Etat est condamné à payer 25 000 F à la COOPERATIVE DE CONSOMMATION DES ADHERENTS DE LA MUTUELLE ASSURANCE DES INSTITUTEURS DE FRANCE au titre des frais engagés par elle et non compris dans les dépens.
Article 5 : Le surplus des conclusions de la requête de la COOPERATIVE DE CONSOMMATION DES ADHERENTS DE LA MUTUELLE ASSURANCE DES INSTITUTEURS DE FRANCE est rejeté.
Article 6 : La présente décision sera notifiée à la COOPERATIVE DE CONSOMMATION DES ADHERENTS DE LA MUTUELLE ASSURANCE DES INSTITUTEURS DE FRANCE, à l’UGAP, au Premier ministre et au ministre de l’économie, des finances et de l’industrie.

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Conseil d'Etat, 7 / 5 SSR, du 27 juillet 2001, 218067, publié au recueil Lebon