Conseil d'État, 27 octobre 2021, 457255, Inédit au recueil Lebon

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www.revuedlf.com · 21 novembre 2022

Christophe Roux est Professeur de droit public, Directeur de l'EDPL (EA 666) – Université Jean Moulin – Lyon 3 Si le chercheur est souvent découragé par le « trop » de littérature sur un sujet donné – lequel semble ruiner avant l'heure toute forme d'originalité (« tout est dit et l'on vient trop tard »[1]) –, il demeure assez pénible d'arpenter des champs qui, pour ainsi dire, n'ont jamais été véritablement défrichés par le passé[2]. Pour preuve, voilà un an, Serge Slama et Mayeul Kauffman faisaient déjà ce constat quant au sujet que les organisateurs de la présente manifestation (que …

 
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Sur la décision

Référence :
CE, 27 oct. 2021, n° 457255
Juridiction : Conseil d'État
Numéro : 457255
Type de recours : Excès de pouvoir
Date de dernière mise à jour : 21 avril 2022
Identifiant Légifrance : CETATEXT000044316259
Identifiant européen : ECLI:FR:CEORD:2021:457255.20211027

Texte intégral

Vu la procédure suivante :

Par une requête, enregistrée le 6 octobre 2021 au secrétariat du contentieux du Conseil d’Etat, l’association Pôle Psycho demande au juge des référés du Conseil d’Etat, statuant sur le fondement de l’article L. 521-1 du code de justice administrative :

1°) de suspendre dans son ensemble l’exécution du décret n° 2021-1059 du 7 août 2021 ;

2°) d’enjoindre au Premier ministre et au ministre de la santé de prendre un décret suspendant l’exécution de l’obligation vaccinale des psychologues ;

3°) de mettre à la charge de l’Etat la somme de 1 800 euros au titre de l’article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

— le Conseil d’Etat est compétent en premier et dernier ressort pour connaître de sa requête ;

— sa requête est recevable ;

— la condition d’urgence est satisfaite dès lors que, d’une part, le décret contesté se fonde sur la loi n° 2020-290 du 23 mars 2020 qui a été promulguée en urgence et que, d’autre part, la décision de suspension des psychologues qui travaillent à Pôle emploi et ne se conformeront pas à l’obligation vaccinale portera une atteinte grave et immédiate leur situation ;

— il existe un doute sérieux quant à la légalité de la décision contestée ;

— la loi du 5 août 2021 et le décret attaqué instaurent une discrimination fondée sur l’état de santé, contraire à l’article 6 de la déclaration des droits de l’homme et du citoyen, à l’article 20 de la charte des droits fondamentaux de l’Union européenne et aux articles L. 1121-1 et L. 1132-1 du code du travail, entre les psychologues et les autres agents de Pôle emploi en ce que ces derniers ne sont pas soumis à la vaccination obligatoire, alors qu’ils reçoivent les demandeurs d’emploi dans les mêmes conditions ;

— l’absence de limitation dans le temps de la suspension encourue par les agents en application du premier alinéa du C1 du paragraphe II de l’article 1er de la loi du 31 mai 2021 relative à la gestion de la sortie de la crise sanitaire est illégale ;

— le décret attaqué instaure une discrimination, au regard de leur état de santé, entre les agents dont les pathologies figurent dans la liste de contre-indications qu’il établit, et les autres, eu égard au caractère limitatif de cette liste, alors qu’il devrait être possible d’obtenir un certificat de contre-indication lié à un préjudice d’anxiété ;

— l’imposition d’une obligation de vaccination aux psychologues est entachée d’une erreur manifeste d’appréciation.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

— la Constitution, notamment son Préambule ;

— la charte des droits fondamentaux de l’Union européenne ;

— le code du travail ;

— la loi n° 2021-689 du 31 mai 2021 ;

— la loi n° 2021-1040 du 5 août 2021 ;

— le décret n° 2021-699 du 1er juin 2021 ;

— le code de justice administrative ;

Considérant ce qui suit :

1. Aux termes de l’article L. 521-1 du code de justice administrative : « Quand une décision administrative, même de rejet, fait l’objet d’une requête en annulation ou en réformation, le juge des référés, saisi d’une demande en ce sens, peut ordonner la suspension de l’exécution de cette décision, ou de certains de ses effets, lorsque l’urgence le justifie et qu’il est fait état d’un moyen propre à créer, en l’état de l’instruction, un doute sérieux quant à la légalité de la décision ». En vertu de l’article L. 522-3 du même code, le juge des référés peut, par une ordonnance motivée, rejeter une requête sans instruction ni audience lorsque la condition d’urgence n’est pas remplie ou lorsqu’il apparaît manifeste, au vu de la demande, que celle-ci ne relève pas de la compétence de la juridiction administrative, qu’elle est irrecevable ou qu’elle est mal fondée.

2. L’article 12 de la loi du 5 août 2021 relative à la gestion de la crise sanitaire dispose que « doivent être vaccinées contre la covid-19, sauf contre-indication médicale reconnue, les personnes » dont le I de cet article établit la liste. Le 3°) de ce I prévoit que, outre les personnes devant être vaccinées en raison de leur lieu d’activité, mentionnées au 1° du I, et les professionnels de santé mentionnés à la quatrième partie du code de la santé publique qui ne relèvent pas du 1° du I, doivent être vaccinées certaines personnes faisant usage d’un titre, notamment celui de « psychologue mentionné à l’article 44 de la loi n° 85-772 du 25 juillet 1985 portant diverses dispositions d’ordre social ». Le 4°) de ce I étend l’obligation de vaccination aux « les personnes travaillant dans les mêmes locaux () que les personnes mentionnées au 3° ». Aux termes de l’article 13 de cette loi : " I. – Les personnes mentionnées au I de l’article 12 établissent : / 1° Satisfaire à l’obligation de vaccination en présentant le certificat de statut vaccinal prévu au second alinéa du II du même article 12. / Par dérogation au premier alinéa du présent 1°, peut être présenté, pour sa durée de validité, le certificat de rétablissement prévu au second alinéa du II de l’article 12. Avant la fin de validité de ce certificat, les personnes concernées présentent le justificatif prévu au premier alinéa du présent 1°. / Un décret détermine les conditions d’acceptation de justificatifs de vaccination, établis par des organismes étrangers, attestant de la satisfaction aux critères requis pour le certificat mentionné au même premier alinéa ; / 2° Ne pas être soumises à cette obligation en présentant un certificat médical de contre-indication. Ce certificat peut, le cas échéant, comprendre une date de validité. "

3. Aux termes du J du II de l’article 1er de la loi du 31 mai 2021 relative à la gestion de la sortie de crise sanitaire, issu de la loi du 5 août 2021 : « Un décret, pris après avis de la Haute Autorité de santé, détermine les cas de contre-indication médicale faisant obstacle à la vaccination et permettant la délivrance d’un document pouvant être présenté dans les cas prévus au 2° du A du présent II. »

4. Aux termes de l’article 2-4 du décret du 1er juin 2021 prescrivant les mesures générales nécessaires à la gestion de la sortie de crise sanitaire, issu du 3° de l’article 1er du décret du 7 août 2021 : « Les cas de contre-indication médicale faisant obstacle à la vaccination contre la covid-19 et permettant la délivrance du document pouvant être présenté dans les cas prévus au 2° du A du II de l’article 1er de la loi du 31 mai 2021 susvisée sont mentionnés à l’annexe 2 du présent décret. / L’attestation de contre-indication médicale est remise à la personne concernée par un médecin. »

5. Aux termes de l’annexe 2 du décret du 1er juin 2021, issue du 10° de l’article 1er du décret du 7 août 2021, et complétée par le décret du 11 août 2021 : " I. – Les cas de contre-indication médicale faisant obstacle à la vaccination contre la covid-19 mentionnés à l’article 2-4 sont : / 1° Les contre-indications inscrites dans le résumé des caractéristiques du produit (RCP) : / – antécédent d’allergie documentée (avis allergologue) à un des composants du vaccin en particulier polyéthylène-glycols et par risque d’allergie croisée aux polysorbates ; / -réaction anaphylaxique au moins de grade 2 (atteinte au moins de 2 organes) à une première injection d’un vaccin contre le COVID posée après expertise allergologique ; / – personnes ayant déjà présenté des épisodes de syndrome de fuite capillaire (contre-indication commune au vaccin Vaxzevria et au vaccin Janssen) ; / – personnes ayant présenté un syndrome thrombotique et thrombocytopénique (STT) suite à la vaccination par Vaxzevria. / 2° Une recommandation médicale de ne pas initier une vaccination (première dose) : / – syndrome inflammatoire multi systémique pédiatrique (PIMS) post-covid-19. / 3° Une recommandation établie après concertation médicale pluridisciplinaire de ne pas effectuer la seconde dose de vaccin suite à la survenue d’un effet indésirable d’intensité sévère ou grave attribué à la première dose de vaccin signalé au système de pharmacovigilance (par exemple : la survenue de myocardite, de syndrome de Guillain-Barré ). / II. – Les cas de contre-indication médicale temporaire faisant obstacle à la vaccination contre la covid-19 mentionnés à l’article 2-4 sont : / 1° Traitement par anticorps monoclonaux anti-SARS-CoV-2. / 2° Myocardites ou péricardites survenues antérieurement à la vaccination et toujours évolutives. "

6. L’association requérante, demande, sur le fondement des dispositions citées au point 1, la suspension de l’exécution de dispositions issues du décret du 7 août 2021 modifiant le décret du 1er juin 2021 prescrivant les mesures générales nécessaires à la gestion de la crise sanitaire.

7. En premier lieu, si l’association requérante soutient que l’obligation faite aux psychologues d’être vaccinés contre la Covid-19 méconnaît le principe constitutionnel d’égalité et l’interdiction des discriminations en raison de l’état de santé qui résulte de l’article L. 1132-1 du code de travail, en ce qu’elle instaure une différence de traitement entre des personnels qui travaillent au sein de Pôle emploi dans des conditions identiques, elle se borne à cet égard à invoquer ces principes de façon générale, sans indiquer la ou les dispositions du décret dont elle demande la suspension qui leur porterait une atteinte illégale, alors que cette différence de traitement ne résulte pas du décret contesté, mais des dispositions citées au point 2 de l’article 12 de la loi du 5 août 2021. Par suite, l’association requérante ne saurait utilement se prévaloir de dispositions des article L. 1132-1 code du travail pour la contester. En outre, le moyen tiré de ce que la différence de traitement établie par la loi méconnaîtrait le principe constitutionnel d’égalité ne peut être soulevé que dans le cadre d’une question prioritaire de constitutionnalité. Enfin, elle ne saurait davantage se prévaloir des stipulations de l’article 20 de la charte des droits fondamentaux de l’Union européenne, lesquelles s’appliquent aux Etats membres lorsqu’ils mettent en œuvre le droit de l’Union européenne et non aux situations seulement régies par le droit interne. Ce moyen n’est, par suite, manifestement pas de nature à créer un doute sérieux sur la légalité du décret attaqué.

8. En deuxième lieu, le moyen tiré de ce que l’absence de limitation dans le temps de la suspension encourue par les agents en application du premier alinéa du C1 du paragraphe II de l’article 1er de la loi du 31 mai 2021 relative à la gestion de la sortie de la crise sanitaire serait illégale est en tout état de cause inopérant à l’encontre du décret attaqué.

9. En troisième lieu, si l’association requérante fait valoir que la limitation des possibilités de contre-indications médicales qui résulte des dispositions citées au point 5 constitue dans son principe une discrimination au regard de leur état de santé, à l’encontre des agents dont les pathologies ne sont pas prévues par ces dispositions, cette différence de traitement ressort de l’article 13 de la loi du 5 août 2021, qui prévoit la prise en compte de contre-indications médicales pour dispenser les professionnels concernés de l’obligation de vaccination, dont l’association requérante ne soutient pas qu’il méconnaîtrait les droits et libertés que la Constitution garantit.

10. Enfin, le moyen tiré de ce que l’imposition d’une obligation vaccinale aux psychologues serait entachée d’erreur manifeste d’appréciation n’est pas de nature, en l’état de l’instruction, à créer un doute sérieux sur la légalité du décret attaqué.

11. Il résulte de tout ce qui précède, sans qu’il soit besoin de se prononcer sur la condition d’urgence, qu’il y a lieu de rejeter la requête de l’association Pôle Psycho par application des dispositions L. 522-3 du code de justice administrative, y compris ses conclusions à fin d’injonction et celles présentées au titre de l’article L. 761-1 du même code.

O R D O N N E :

— -----------------

Article 1er : La requête de l’association Pôle Psycho est rejetée.

Article 2 : La présente ordonnance sera notifiée à l’association Pôle Psycho.

Fait à Paris, le 27 octobre 2021

Signé : Jean-Yves Ollier4572553

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Conseil d'État, 27 octobre 2021, 457255, Inédit au recueil Lebon