Conseil d'État, Juge des référés, 19 avril 2021, 450989, Inédit au recueil Lebon

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Vulpi Avocats - Chronique de jurisprudence · 28 mai 2021

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Sur la décision

Référence :
CE, juge des réf., 19 avr. 2021, n° 450989
Juridiction : Conseil d'État
Numéro : 450989
Importance : Inédit au recueil Lebon
Type de recours : Excès de pouvoir
Identifiant Légifrance : CETATEXT000043411179
Identifiant européen : ECLI:FR:CEORD:2021:450989.20210419

Sur les parties

Texte intégral

Vu la procédure suivante :

Par une requête, enregistrée le 23 mars 2021 au secrétariat du contentieux du Conseil d’Etat, le Syndicat des exploitants de la filière bois (SEFB), l’Association des utilisateurs et distributeurs de l’agrochimie européenne (AUDACE), la Coordination Rurale, la société DSHwood France, la société par action simplifiée (SAS) Gautier Luc, la société VetWood et la société UPL France demandent au juge des référés du Conseil d’Etat, statuant sur le fondement de l’article L. 521-1 du code de justice administrative :

1°) d’ordonner la suspension des effets de la prise de position de la direction générale de l’alimentation, révélée par le courrier de la direction régionale de l’alimentation, de l’agriculture et de la forêt Bourgogne-Franche-Comté du 3 février 2021, par laquelle la direction générale de l’alimentation (DGAL) indique que le traitement des grumes en conteneur avec un insecticide à base de cyperméthrine (A…) n’est pas un traitement autorisé par le ministre de l’agriculture pour l’exportation à destination de la Chine ;

2°) d’enjoindre au directeur général de l’alimentation de réexaminer sa position, à la lumière des motifs de l’ordonnance à intervenir, dans un délai d’un mois à compter de sa notification ;

3°) de mettre à la charge de l’Etat la somme de 4 000 euros au titre de l’article L. 761-1 du code de justice administrative.

Ils soutiennent que :

 – le Conseil d’Etat est compétent en premier et dernier ressort pour connaître de ce litige ;

 – le courrier de la DGAL est susceptible de faire l’objet d’un recours devant le juge administratif dès lors qu’il constitue une prise de position produisant des effets notables sur la situation des forestiers en ce qu’il fait obstacle à toute exportation de grumes d’épicéas « scolytées » vers la Chine ;

 – ils justifient d’un intérêt à agir ;

 – la condition d’urgence est satisfaite dès lors que, d’une part, d’un point de vue économique, la prise de position de la DGAL a pour conséquence de faire obstacle à toute commercialisation des grandes quantités de grumes d’épicéas « scolytées » qui ont dû être coupées en raison de l’épidémie de scolytes dans la mesure où, le marché européen étant saturé par cet afflux de bois, l’exportation en dehors de l’Europe, en particulier vers la Chine, est le principal débouché qui demeure et, d’autre part, d’un point de vue environnemental, d’importantes quantités de grumes infestées sont stockées en lisère des forêts, ce qui crée un risque de dissémination des scolytes dans le milieu forestier et de contamination des arbres sains ;

 – il existe un doute sérieux quant à la légalité de la décision attaquée car :

 – elle méconnaît la Convention internationale pour la protection des végétaux qui impose aux Etats contractants de lutter contre la dissémination des organismes nuisibles aux végétaux et de mettre en place pour ce faire des contrôles phytosanitaires, notamment lors de l’exportation de végétaux ;

 – elle méconnaît le règlement du 26 octobre 2016 relatif aux mesures de protection contre les organismes nuisibles aux végétaux et l’article D. 251-25 du code rural et de la pêche maritime dès lors que, en premier lieu, c’est exclusivement au regard des conditions posées par le paragraphe 1 de l’article 100 de ce règlement que les directions régionales de l’alimentation, de l’agriculture et de la forêt (DRAAF) peuvent accorder ou refuser un certificat phytosanitaire à l’exportation, en deuxième lieu, elles sont légalement tenues de délivrer ce certificat lorsque le pays de destination accepte que les végétaux soient traités par un insecticide qui dispose, en France, d’une autorisation de mises sur le marché (AMM) valide et, en dernier lieu, quand bien même les ministres chargés de l’agriculture, de la santé, de l’environnement et de la consommation disposent d’un compétence de police administrative complémentaire par rapport à celle de l’Agence nationale de sécurité sanitaire de l’alimentation, de l’environnement et du travail (ANSES) qui les habilitent à interdire ou restreindre l’utilisation ou la détention de produits phytopharmaceutiques, d’une part, ils ne peuvent prendre ces décisions que dans le cadre légal tracé par l’article L. 253-7 du code rural et de la pêche maritime et non dans le cadre de la police administrative de la protection des végétaux et de l’autorisation des exportation, d’autre part, aucune mesure n’a été prise en ce sens par les ministres concernés ;

 – elle est entachée d’une erreur de droit, d’une erreur manifeste d’appréciation et d’une erreur de fait dès lors que, en premier lieu, l’objet de la procédure de délivrance des certificats phytosanitaires à l’exportation, contrairement à ce qu’énonce la DGAL dans son courrier, n’est pas d’autoriser un traitement phytosanitaire mais d’autoriser l’exportation d’un produit végétal, en deuxième lieu, la DGAL s’est bornée à affirmer que le traitement des grumes en conteneurs avec le A… n’est pas autorisé par le ministère de l’agriculture pour l’export vers la Chine sans faire état des éléments d’information l’autorisant à conclure que ce pays refuserait leur importation alors même que, d’une part, les dispositions du paragraphe 2 de l’article 100 du règlement du 26 octobre 2016 font peser sur les autorités nationales du pays d’exportation la charge de recueillir les informations pertinentes sur les exigences phytosanitaires du pays de destination et, d’autre part, que le SEFB a fourni à la DGAL et à la DRAAF Bourgogne-Franche-Comté trois attestations de clients importateurs chinois indiquant que les autorités douanières chinoises acceptent l’importation de grumes traitées au A… ;

 – elle est entachée d’incompétence dès lors que la DGAL a entendu, par sa prise de position, apporter une restriction à l’utilisation du A… par rapport aux usages autorisés par l’ANSES depuis sa décision du 2 décembre 2019 ;

 – elle engendre une rupture d’égalité entre les ventes de grumes d’épicéas traitées au A… réalisées au sein de l’Union européenne et celles réalisées en dehors de l’Union européenne qui n’est justifiée par aucun motif rationnel.

Par un mémoire en défense, enregistré le 1er avril 2021, le ministre de l’agriculture et de l’alimentation conclut au rejet de la requête. Il soutient que la condition d’urgence n’est pas satisfaite, et qu’aucun moyen invoqué n’est de nature à créer un doute sérieux quant à la légalité de la décision contestée.

Par un mémoire en défense, enregistré le 2 avril 2021, l’Agence nationale de sécurité sanitaire de l’alimentation, de l’environnement et du travail conclut dans le même sens que le ministre de l’agriculture et de l’alimentation.

Par un nouveau mémoire, enregistré le 9 avril 2021, le Syndicat des exploitants de la filière bois et autres maintiennent leurs conclusions et leurs moyens.

Par un nouveau mémoire, enregistré le 12 avril 2021, le ministre de l’agriculture et de l’alimentation conclut au rejet du recours.

Par un nouveau mémoire, enregistré le 13 avril 2021, le Syndicat des exploitants de la filière bois et autres maintiennent leurs conclusions et leurs moyens, et relèvent que la pièce produite par le ministre de l’agriculture infirme sa position et, en tout état de cause, ne présente pas un caractère probant.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

 – la Constitution, et notamment son Préambule ;

 – la convention internationale pour la protection des végétaux, signée par la France le 6 décembre 1951 et publiée par le décret n° 61-1533 du 22 décembre 1961 ;

 – le règlement (UE) n° 2016/2031 du 26 octobre 2016 ;

 – le code rural et de la pêche maritime ;

 – le décret n° 2010-429 du 29 avril 2010 ;

 – le code de justice administrative ;

Après avoir convoqué à une audience publique, d’une part, le Syndicat des exploitants de la filière bois, l’Association des utilisateurs et distributeurs de l’agrochimie européenne, la Coordination Rurale, la société DSHwood France, la société Gautier Luc, la société VetWood et la société UPL France, et d’autre part, le ministre de l’agriculture et de l’alimentation ;

Ont été entendus lors de l’audience publique du 6 avril 2021, à 10 heures :

— Me Périer, avocat au Conseil d’Etat et à la Cour de cassation, avocat du Syndicat des exploitants de la filière bois et autres ;

— les représentants des requérants ;

— les représentants du ministre de l’agriculture et de l’alimentation ;

A l’issue de cette audience, le juge des référés a reporté au 14 avril 2021 à 12 heures la clôture de l’instruction.

Considérant ce qui suit :

1. Aux termes de l’article L. 521-1 du code de justice administrative : « Quand une décision administrative, même de rejet, fait l’objet d’une requête en annulation ou en réformation, le juge des référés, saisi d’une demande en ce sens, peut ordonner la suspension de l’exécution de cette décision, ou de certains de ses effets, lorsque l’urgence le justifie et qu’il est fait état d’un moyen propre à créer, en l’état de l’instruction, un doute sérieux quant à la légalité de la décision ».

2. Par un courrier du 3 février 2021 la directrice régionale de l’alimentation, de l’agriculture et de la forêt de Bourgogne-Franche-Comté a communiqué au président du syndicat des exploitants de la filière bois (SEFB), la position nationale de la direction générale de l’alimentation du ministère de l’agriculture, refusant de délivrer des certificats santaires, en vue de leur exportation vers la Chine, à des grumes traitées à la cyperméthrine, car leur importatation n’était pas autorisée par ce pays.

Sur les conclusions tendant à la suspension de l’intruction litigieuse, et à ce qu’il soit enjoint à l’administration de réexaminer sa position sous un mois :

3. Aux termes de l’article VII de la Convention internationale pour la protection des végétaux, relatif aux importations : " 1. Les parties contractantes ont le pouvoir souverain de réglementer, conformément aux accords internationaux en vigueur, l’importation de végétaux, produits végétaux et autres articles réglementés, afin d’empêcher l’introduction et/ou la dissémination d’organismes nuisibles réglementés sur leur territoire et, à cette fin, elles peuvent:(a) prescrire et adopter des mesures phytosanitaires concernant l’importation des végétaux, des produits végétaux et d’autres articles réglementés, notamment l’inspection, l’interdiction d’importer et le traitement;(b)interdire l’entrée ou détenir, ou exiger le traitement, la destruction ou le refoulement hors du pays de la partie contractante, des envois de végétaux, produits végétaux et autres articles réglementés qui ne sont pas conformes aux mesures phytosanitaires prescrites ou adoptées aux termes de l’alinéa (a) ci-dessus;(c)interdire ou restreindre l’entrée sur leur territoire des organismes nuisibles réglementés;(d)interdire ou restreindre l’entrée sur leur territoire d’agents de lutte biologique et d’autres organismes d’importance phytosanitaire réputés bénéfiques. « . Aux termes de l’article V de la même Convention, relatif à la certification phytosanitaire, » 1.Chaque partie contractante prendra les dispositions nécessaires concernant la certification phytosanitaire, dans le but de garantir que les envois de végétaux, produits végétaux et autres articles réglementés exportés soient conformes à la déclaration de certification à effectuer en vertu du paragraphe 2 (b) du présent article./ 2.Chaque partie contractante prendra les dispositions nécessaires pour délivrer des certificats phytosanitaires conformes aux dispositions suivantes: / (a) l’inspection et les autres activités nécessaires à l’établissement des certificats phytosanitaires ne pourront être confiées qu’à l’organisation nationale de la protection des végétaux ou des personnes placées sous son autorité directe. La délivrance des certificats phytosanitaires sera confiée à des fonctionnaires techniquement qualifiés et dûment autorisés par l’organisation nationale de la protection des végétaux pour agir pour son compte et sous son contrôle, disposant des connaissances et des renseignements nécessaires de telle sorte que les autorités des parties contractantes importatrices puissent accepter les certificats phytosanitaires comme des documents dignes de foi ".

4. Aux termes de l’article 100 du règlement européen du 26 octobre 2016, relatif à la protection contre les organismes nuisibles aux végétaux : « 1. Lorsque l’exportation vers un pays tiers de végétaux, produits végétaux ou autres objets, à partir du territoire de l’Union, exige, en vertu des exigences phytosanitaires à l’importation de ce pays tiers, un certificat phytosanitaire (ci-après dénommé »certificat phytosanitaire d’exportation"), ce certificat est délivré par l’autorité compétente à la demande de l’opérateur professionnel, lorsque toutes les conditions suivantes sont remplies: / a)l’opérateur professionnel est enregistré par l’autorité compétente en question conformément à l’article 65; b) l’opérateur professionnel est responsable des végétaux, produits végétaux ou autres objets destinés à l’exportation; c) il est garanti que les végétaux, produits végétaux ou autres objets sont conformes aux exigences phytosanitaires à l’importation du pays tiers concerné./ L’autorité compétente délivre également un certificat phytosanitaire d’exportation à la demande de personnes autres que des opérateurs professionnels, sous réserve que les conditions visées aux points b) et c) du premier alinéa soient remplies. / Aux fins du présent paragraphe, l’autorité compétente ne délègue pas à un tiers la délivrance du certificat phytosanitaire d’exportation. /2. Sans préjudice des obligations résultant de la CIPV et compte tenu des normes internationales pertinentes, le certificat phytosanitaire d’exportation est délivré lorsque les informations disponibles permettent à l’autorité compétente d’attester que les végétaux, produits végétaux ou autres objets concernés sont conformes aux exigences phytosanitaires à l’importation du pays tiers concerné. "

5. Aux termes de l’article D. 251-25 du code rural et de la pêche maritime : « Lorsque la réglementation du pays importateur l’exige, les végétaux, produits végétaux et autres objets destinées à l’exportation font l’objet de contrôles par les agents chargés de la protection des végétaux qui vérifient : / (…) 3° L’absence d’organismes nuisibles au regard de la réglementation phytosanitaire du pays importateur. / Les agents chargés de la protection des végétaux délivrent un certificat phytosanitaire ou, le cas échéant, d’autres documents ou marques définis et autorisés par arrêté du ministre chargé de l’agriculture et du ministre chargé des douanes. Ce certificat phytosanitaire et ces documents ou marques sont établis en application de la convention internationale pour la protection des végétaux, et ils attestent que les végétaux, produits végétaux et autres objets ont été inspectés suivant des procédures adaptées et qu’ils sont conformes à la réglementation phytosanitaire du pays importateur. »

Sur la condition d’urgence :

6. L’urgence justifie que soit prononcée la suspension d’un acte administratif lorsque l’exécution de celui-ci porte atteinte, de manière suffisamment grave et immédiate, à un intérêt public, à la situation du requérant ou aux intérêts qu’il entend défendre. Il appartient au juge des référés d’apprécier concrètement, compte tenu des justifications apportées par le requérant, si les effets de l’acte en litige sont de nature à caractériser une urgence justifiant que, sans attendre le jugement au fond, l’exécution de la décision soit suspendue.

7. En premier lieu, il n’est pas contesté que la situation résultant de l’épidémie de scolyte affectant les forêts d’une part importante du territoire national impose de procéder le plus rapidement possible à la coupe des épicéas affectés par ce parasite, et que la vente de ces importantes quantités de bois, dont l’usage et les débouchés sont limités par la dégradation résultant de leur infestation par le scolyte, est devenue très difficile sur le marché national et européen, dans le contexte de cette épidémie. Le marché chinois apparaît, dans ce contexte, comme un débouché important pour le bois issu d’épicéas atteints par l’épidémie de scolyte, comme le montrent notamment les chiffres produits dans le cadre de l’instruction, relatifs aux exportations d’autres Etats européens vers ce pays.

8. En second lieu, les requérants font valoir également, sans être démentis, que le traitement thermique de ce bois élève très significativement sont coût face à des exportations concurrentes, et que le traitement par fumigation n’étant pas possible en France, en raison notamment de l’absence d’infrastructures permettant de le pratiquer, seul le traitement par la cyperméthrine, agent actif du produit commercialisé en France sous le nom de A…, est de nature à permettre le traitement pour l’exportation vers la Chine, à des conditions économiquement réalistes, de ces importantes quantités de bois.

9. Il résulte de ce qui précède, sans qu’il soit besoin de se prononcer sur l’autre composante de l’urgence alléguée, qui résulterait de la nécessité de couper rapidement les arbres malades et de les éloigner des milieux forestiers pour éviter la contamination des arbres sains, la position litigieuse de la direction générale de l’agriculture et de la forêt, en ce qu’elle interdit l’exportation vers la Chine d’importantes quantités de grumes issues d’arbres affectés par le scolyte après traitement à la cyperméthrine, est de nature à porter aux intérêts économiques défendus par les requérants une atteinte suffisamment sérieuse pour que la condition d’urgence soit regardée comme remplie.

Sur les moyens invoqués :

10. En premier lieu, l’article L. 253-7 du code rural et de la pêche maritime, prévoit que « Sans préjudice des missions confiées à l’Agence nationale de sécurité sanitaire de l’alimentation, de l’environnement et du travail et des dispositions de l’article L. 211-1 du code de l’environnement, l’autorité administrative peut, dans l’intérêt de la santé publique ou de l’environnement, prendre toute mesure d’interdiction, de restriction ou de prescription particulière concernant la mise sur le marché, la délivrance, l’utilisation et la détention » des produits phytopharmaceutiques et de leurs adjuvants vendus seuls ou en mélange, mentionnés à l’article L. 253-1 du même code. L’article R. 253-45, pris pour son application, prévoit que « L’autorité administrative mentionnée à l’article L. 253-7 est le ministre chargé de l’agriculture. /Toutefois, lorsque les mesures visées au premier alinéa de l’article L. 253-7 concernent l’utilisation et la détention de produits visés à l’article L. 253-1, elles sont prises par arrêté conjoint des ministres chargés de l’agriculture, de la santé, de l’environnement et de la consommation ». Les requérants déduisent des dispositions du deuxième alinéa de l’article R. 253-45 que la direction générale de l’alimentation, qui relève du seul ministre de l’agriculture, n’était pas compétente pour prendre l’instruction litigieuse. Mais cette instruction, qui avait pour seul objet de prescrire aux services compétents de ne pas accorder de certificats de garantie aux grumes d’épicéas victimes du scolyte et traitées à la cyperméthrine en vue de leur exportation vers la Chine, dès lors que l’administration française estime ne pas être en mesure de garantir, en application de la Convention internationale pour la protection des végétaux, que ces produits sont conformes à la réglementation phytosanitaire chinoise, n’entrait pas dans le champ des mesures relatives à l’utilisation des produits phytosanitaires visées par le deuxième alinéa de l’article R. 253-45 précité.

11. En deuxième lieu, si les requérants font valoir que l’administration a commis une erreur de droit en interdisant ou en restreignant l’usage d’un produit phytosanitaire bénéficiant d’une autorisation de mise sur le marché régulièrement délivrée, la mesure litigieuse, dont l’objet vient d’être rappelé, n’avait pas pour effet de revenir sur l’autorisation de mise sur le marché dont bénéficie le produit A…, utilisant la cyperméthrine.

12. En troisième lieu, les stipulations de l’article V de la Convention internationale sur la protection les végétaux, et les dispositions de l’article 100 du règlement européen du 26 octobre 2016, imposent au ministre, avant d’autoriser la certification par ses services, en vue de son exportation vers un pays tiers, d’un produit végétal ayant fait l’objet d’un traitement phytosanitaire, de s’assurer de sa conformité aux exigences phytosanitaires à l’importation du pays concerné. Par suite, le moyen tiré de l’erreur de droit que le ministre aurait commise en estimant que l’absence d’autorisation des grumes traitées à la cyperméthrine en Chine faisait obstacle à la délivrance de certificats de garantie n’est pas de nature à créer un doute sérieux quant à la légalité de la décision attaquée.

13. En quatrième lieu, les requérants contestent la réalité de l’interdiction d’importer ces grumes en Chine, et produisent à l’appui d’un moyen d’erreur manifeste d’appréciation et d’erreur de fait trois attestations rédigées par des importateurs privés chinois certifiant que la Chine accepte d’importer des grumes d’épicéa provenant de France et traitées à la cyperméthrine. En réponse à ce moyen, l’administration a produit, d’une part et dans un premier temps, un extrait de la traduction certifiée par l’ambassade de France en Chine d’une position émanant d’un agent de l’administration des douanes de ce pays, l’informant que l’importation de grumes traitées à la cyperméthrine n’y est pas autorisée, au motif que ce traitement ne présente pas une efficacité suffisante, puis, dans un second temps et en réponse aux questions posées à l’audience, un second document émanant d’un chef de bureau de cette même administration, indiquant que « la cyperméthrine n’est pas interdite, mais elle n’est pas efficace ». En l’état de l’instruction, les pièces du dossier ne permettent donc pas d’établir clairement quel est le régime applicable en Chine à l’importation de grumes d’épicéa traitées à la cyperméthrine, mais elles établissent, d’une part, que l’administration a effectué certaines diligences pour s’en enquérir et, d’autre part, qu’en l’état des informations disponibles, elle n’est pas en mesure de garantir, en application de la Convention sur la protection des végétaux du 6 décembre 1951 et de l’article 100 du règlement européen du 26 octobre 2016, que les grumes traitées à la cyperméthrine en vue de leur exportation vers la Chine sont conformes à la réglementation de ce pays. Par suite, le moyen d’erreur de fait et d’erreur manifeste d’appréciation n’apparaît pas, en l’état de l’instruction et des informations versées au dossier relatives à la réglementation des importations en Chine, comme susceptible de créer un doute sérieux quant à la légalité de la décision attaquée.

14. En cinquième lieu, si les requérants dirigent contre la mesure litigieuse un moyen tiré de la rupture d’égalité entre les opérateurs exportant vers des Etats membres de l’Union européenne et ceux qui exportent vers des pays extérieurs à l’Union, cette différence de traitement trouve, en tout état de cause, son origine dans la règlementation chinoise relative aux importations, différente de celle de l’Union Européenne.

15. Il résulte de l’ensemble de ce qui précède qu’en l’état de l’instruction, aucun des moyens soulevés ne semble de nature à créer un doute sérieux quant à la légalité de la décision attaquée. Par suite, les conclusions tendant à sa suspension, et à ce qu’il soit enjoint à l’administration de réexaminer sa position, doivent être rejetées.

Sur les conclusions présentées au titre de l’article L. 761-1 du code de justice administrative :

16. Les dispositions de l’article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce qu’une somme soit mise à ce titre à la charge de l’Etat qui n’est pas, dans la présente instance, la partie perdante.

O R D O N N E :

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Article 1er : La requête du Syndicat des exploitants de la filière bois et autres est rejetée.

Article 2 : La présente ordonnance sera notifiée au Syndicat des exploitants de la filière bois, premier requérant dénommé, et au ministre de l’agriculture et de l’alimentation.

Copie en sera adressée à l’Agence nationale de sécurité sanitaire de l’alimentation, de l’environnement et du travail.

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