Conseil d'État, 5ème - 6ème chambres réunies, 28 janvier 2022, 458196, Inédit au recueil Lebon

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Chronologie de l’affaire

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Vulpi Avocats - Chronique de jurisprudence · 18 février 2022

Janvier 2022 (La relative brièveté de cette Chronique résulte du faible nombre d'arrêts publiés) Actes et décisions - Procédure administrative non contentieuse 1 - Décision du président de l'Assemblée nationale nommant un membre du Conseil constitutionnel – Incompétence manifeste de l'ordre administratif de juridiction – Rejet du référé. Doit être rejeté selon la procédure de l'art. L. 522-3 du CJA, comme porté devant une juridiction manifestement incompétente pour en connaître, le référé liberté tendant à la suspension de la décision par laquelle le président de l'Assemblée …

 
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Sur la décision

Référence :
CE, 5-6 chr, 28 janv. 2022, n° 458196
Juridiction : Conseil d'État
Numéro : 458196
Importance : Inédit au recueil Lebon
Type de recours : Autres
Décision précédente : Conseil d'État, 3 novembre 2021, N° 2100779 et 2100800
Dispositif : QPC TNon lieu à transmission (définitif)
Date de dernière mise à jour : 28 août 2023
Identifiant Légifrance : CETATEXT000045084100
Identifiant européen : ECLI:FR:CECHR:2022:458196.20220128

Sur les parties

Texte intégral

Vu la procédure suivante :

Par un mémoire enregistré le 2 septembre 2021 au greffe du tribunal administratif de Bordeaux, la commune d’Audenge et la commune du Teich ont soulevé, en application de l’article 23-1 de l’ordonnance n° 58-1067 du 7 novembre 1958 et à l’appui de leurs demandes tendant à l’annulation des arrêtés du 11 décembre 2020 par lesquels le ministre de l’agriculture et de l’alimentation a rendu le régime forestier applicable à des parcelles leur appartenant, la question de la conformité aux droits et libertés garantis par la Constitution des dispositions de l’article L. 214-3 du code forestier.

Par une ordonnance n° 2100779 et 2100800 du 4 novembre 2021, enregistrée le 5 novembre 2021 au secrétariat du contentieux du Conseil d’Etat, la présidente de la 4ème chambre du tribunal administratif a décidé, par application des dispositions de l’article 23-2 de l’ordonnance n° 58-1067 du 7 novembre 1958, de transmettre au Conseil d’Etat la question prioritaire de constitutionnalité soulevée par la commune d’Audenge et la commune du Teich.

Par le mémoire transmis et par un nouveau mémoire, enregistré le 8 décembre 2021 au secrétariat du contentieux du Conseil d’Etat, la commune d’Audenge et la commune du Teich soutiennent que l’article L. 214-3 du code forestier méconnaît le principe de libre administration des collectivités territoriales garanti par les articles 72 et 72-2 de la Constitution et le droit de propriété garanti par les articles 2 et 17 de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen de 1789.

La question prioritaire de constitutionnalité a été transmise au ministre de l’agriculture et de l’alimentation, qui a indiqué qu’il ne produirait pas d’observations supplémentaires à celles déposées devant le tribunal administratif et au Premier ministre qui n’a pas produit d’observations,

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

— la Constitution, notamment son Préambule et son article 61-1 ;

— l’ordonnance n° 58-1067 du 7 novembre 1958 ;

— le code forestier, notamment son article L. 214-3 ;

— le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

— le rapport de Mme Flavie Le Tallec, maître des requêtes en service extraordinaire,

— les conclusions de Mme Cécile Barrois de Sarigny, rapporteure publique.

La parole ayant été donnée, après les conclusions, à la SCP Foussard, Froger, avocat de la commune d’Audenge et de la commune du Teich.

Considérant ce qui suit :

1. Il résulte des dispositions de l’article 23-4 de l’ordonnance du 7 novembre 1958 portant loi organique sur le Conseil constitutionnel que, lorsqu’une juridiction relevant du Conseil d’Etat a transmis à ce dernier, en application de l’article 23-2 de cette même ordonnance, la question de la conformité à la Constitution d’une disposition législative, le Conseil constitutionnel est saisi de cette question de constitutionnalité à la triple condition que la disposition contestée soit applicable au litige ou à la procédure, qu’elle n’ait pas déjà été déclarée conforme à la Constitution dans les motifs et le dispositif d’une décision du Conseil constitutionnel, sauf changement des circonstances, et que la question soit nouvelle ou présente un caractère sérieux.

2. Aux termes de l’article L. 211-1 du code forestier relatif au régime forestier : " I.- Relèvent du régime forestier, constitué des dispositions du présent livre, et sont administrés conformément à celui-ci: / () / 2° Les bois et forêts susceptibles d’aménagement, d’exploitation régulière ou de reconstitution qui appartiennent aux collectivités et personnes morales suivantes, ou sur lesquels elles ont des droits de propriété indivis, et auxquels ce régime a été rendu applicable dans les conditions prévues à l’article L. 214-3: / a) Les régions, la collectivité territoriale de Corse, les départements, les communes ou leurs groupements, les sections de communes ; () « . L’article L. 221-2 du même code dispose que l’Office national des forêts (ONF), établissement public industriel et commercial placé sous la tutelle de l’Etat » est chargé de la mise en œuvre du régime forestier et exerce cette mission dans le cadre des arrêtés d’aménagement prévus à l’article L. 212-1 « . Selon l’article L. 221-3 du même code : » Un contrat pluriannuel passé entre l’Etat et l’Office national des forêts détermine : / 1° Les orientations de gestion et les programmes d’actions de l’établissement public ainsi que les moyens de leur mise en œuvre ; / 2° Les obligations de service public procédant de la mise en œuvre du régime forestier ; / 3° Les missions d’intérêt général qui lui sont confiées par l’Etat, ainsi que l’évaluation des moyens nécessaires à leur accomplissement ; / 4° Les conditions dans lesquelles l’Office national des forêts contribue à la mise en œuvre, dans les bois et forêts soumis au régime forestier, des politiques publiques relatives à la gestion de la forêt et des milieux lorsqu’elle ne relève pas des missions définies au présent chapitre ; () ".

3. L’application du régime forestier est régie par les dispositions de l’article L. 214-3 du code forestier, dans les termes suivants : « Dans les bois et forêts des collectivités territoriales et des autres personnes morales mentionnées au 2° du I de l’article L. 211-1 susceptibles d’aménagement, d’exploitation régulière ou de reconstitution, l’application du régime forestier est prononcée par l’autorité administrative compétente de l’Etat, après avis de la collectivité ou de la personne morale intéressée. En cas de désaccord, la décision est prise par arrêté du ministre chargé des forêts ». La commune d’Audenge et la commune du Teich soutiennent que ces dispositions méconnaissent le droit de propriété garanti par les articles 2 et 17 de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen du 26 août 1789 et le principe de libre administration des collectivités territoriales garanti par les articles 72 et 72-2 de la Constitution, en ce qu’elles donnent au ministre chargé des forêts le pouvoir d’imposer ce régime à des collectivités locales qui ont refusé son application aux bois et forêts dont elles sont propriétaires.

4. En premier lieu, le régime forestier mis en place par le titre Ier du code forestier poursuit l’objectif d’intérêt général d’assurer la cohérence de la politique forestière nationale, la mise en valeur de la forêt et de ses produits dans des conditions économiques satisfaisantes et la prise en compte des bassins d’approvisionnement des industries du bois.

5. En second lieu, si l’application du régime forestier par le ministre chargé des forêts, sur le fondement des dispositions contestées, a pour effet de transférer à l’ONF, sous le contrôle du juge, pour les bois et forêts concernés, la gestion des coupes et des ventes, l’affectation des parcelles ou leur défrichement, les collectivités locales propriétaires conservent un pouvoir de décision et de contractualisation sur leur domaine forestier. En particulier, il résulte des dispositions des articles L. 212-1 à L. 212-3 du code forestier que le document d’aménagement qui définit les programmes d’action envisagés pour la gestion des bois et forêts ne peut pas être approuvé en l’absence d’accord de la collectivité intéressée. Par ailleurs, les dispositions du chapitre IV du titre I du livre II du code forestier confèrent aux collectivités territoriales un rôle déterminant dans la programmation des coupes, le choix des quantités mises en vente et la façon dont les coupes sont mises à disposition de l’ONF ou, lorsque leur produit est vendu après façonnage, dans le choix de leurs modalités d’exploitation en régie par la collectivité ou par l’intermédiaire d’entrepreneurs qu’elle choisit, la collectivité étant associée aux opérations de vente, dont le produit lui est reversé. Enfin, les collectivités propriétaires conservent la faculté de vendre librement leurs bois et forêts soumis au régime forestier, dès lors qu’une sortie du régime forestier n’est pas envisagée.

6. Eu égard aux prérogatives que conservent ainsi les collectivités locales propriétaires de bois et forêts soumis au régime forestier, lequel n’entraîne aucune privation de propriété pour ces collectivités, et compte tenu de l’objectif d’intérêt général que poursuit le régime forestier, mentionné au point 4, le pouvoir conféré au ministre chargé des forêts par les dispositions contestées ne méconnaît pas les exigences constitutionnelles relatives à la propriété des personnes publiques et ne porte pas à la libre administration des collectivités territoriales une atteinte contraire à l’article 72 de la Constitution.

7. Il résulte de tout ce qui précède que la question prioritaire de constitutionnalité soulevée, qui n’est pas nouvelle, ne présente pas un caractère sérieux. Par suite, il n’y a pas lieu de la renvoyer au Conseil constitutionnel.

D E C I D E :

— -------------

Article 1er : Il n’y a pas lieu de renvoyer au Conseil constitutionnel la question prioritaire de constitutionnalité soulevée par la commune d’Audenge et la commune du Teich.

Article 2 : La présente décision sera notifiée à la commune d’Audenge, à la commune du Teich et au ministre de l’agriculture et de l’alimentation.

Copie en sera adressée au Conseil constitutionnel et au Premier ministre.

Délibéré à l’issue de la séance du 17 janvier 2022 où siégeaient : M. Rémy Schwartz, président adjoint de la section du contentieux, présidant ; M. A F, M. Fabien Raynaud, présidents de chambre ; M. J B, Mme E I, M. D H, M. Cyril Roger-Lacan, conseillers d’Etat, Mme Ségolène Cavaliere, maître des requêtes en service extraordinaire et Mme Flavie Le Tallec, maître des requêtes en service extraordinaire-rapporteure.

Rendu le 28 janvier 2022.

Le président :

Signé : M. Rémy Schwartz

La rapporteure :

Signé : Mme Flavie Le Tallec

Le secrétaire :

Signé : M. C G458196

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