Conseil d'État, 23 février 2022, 461408, Inédit au recueil Lebon

  • Diplôme·
  • Etablissements de santé·
  • Union européenne·
  • Espace économique européen·
  • Autorisation·
  • Profession·
  • Justice administrative·
  • Pharmacien·
  • Financement·
  • Urgence

Commentaire0

Augmentez la visibilité de votre blog juridique : vos commentaires d’arrêts peuvent très simplement apparaitre sur toutes les décisions concernées. 

Sur la décision

Référence :
CE, 23 févr. 2022, n° 461408
Juridiction : Conseil d'État
Numéro : 461408
Type de recours : Excès de pouvoir
Date de dernière mise à jour : 28 août 2023
Identifiant Légifrance : CETATEXT000045293441
Identifiant européen : ECLI:FR:CEORD:2022:461408.20220223

Sur les parties

Texte intégral

Vu la procédure suivante :

Par une requête et un nouveau mémoire, enregistrés les 11 et 17 février 2022 au secrétariat du contentieux du Conseil d’Etat, M. AT AA S, Mme AP A, M. AQ, M. J B, Mme Q H, Mme N AJ, Mme AH R, Mme AI AB, Mme V AE, Mme F G, M. AS W, Mme AO AL, M. M AD, Mme AK, Mme K O, Mme E AM, Mme D AC, Mme AR Y, Mme X C, Mme L U, Mme I AF, Mme P AG, M. Z T et M. AN demandent au juge des référés du Conseil d’Etat, statuant sur le fondement de l’article L. 521-1 du code de justice administrative :

1°) de suspendre l’exécution de l’article 17 de l’arrêté du 1er juin 2021 prescrivant les mesures générales nécessaires à la gestion de la sortie de crise sanitaire, relatif à l’exercice des professions de médecin, chirurgien-dentiste, sage-femme et pharmacien par les titulaires de diplômes obtenus hors de l’Union européenne et de l’Espace économique européen ;

2°) d’enjoindre au ministre des solidarités et de la santé de prendre toute mesure destinée à autoriser les praticiens titulaires de diplômes obtenus hors de l’Union européenne exerçant au sein de centres dentaires, de centres médico-dentaires, de cabinets libéraux de chirurgiens-dentistes et de tout autre établissement à bénéficier d’une autorisation d’exercice temporaire au même titre que les autres praticiens dans l’attente de l’instruction de leur dossier par les instances compétentes en vue de l’obtention d’une autorisation de plein exercice au titre des dispositions du B du IV ou du V de l’article 83 de la loi du 21 décembre 2006 de financement de la sécurité sociale pour 2007 ;

3°) de mettre à la charge de l’Etat la somme de 3 500 euros au titre des dispositions de l’article L. 761-1 du code de justice administrative.

Ils soutiennent que :

— la condition d’urgence est satisfaite dès lors que les dispositions contestées privent les praticiens titulaires de diplômes obtenus hors de l’Union européenne qui n’ont pas exercé leur profession dans un établissement de santé, médico-social ou social de la possibilité d’obtenir une attestation d’exercice temporaire et conduiront au rejet des dossiers de candidature déposés avant le 30 octobre 2021 ;

— il existe un doute sérieux quant à la légalité des dispositions contestées ;

— elles méconnaissent les dispositions de l’article 83 de la loi du 21 décembre 2006 de financement de la sécurité sociale pour 2007 dès lors qu’elles opèrent une distinction entre les praticiens à diplôme obtenu en dehors de l’Union européenne selon qu’ils ont exercé ou non dans un établissement de santé, médico-social ou social, alors que cette distinction a été censurée par la décision n° 2020-890 QPC du 19 mars 2021 du Conseil constitutionnel ;

— elles sont entachées d’erreur de droit dès lors qu’elles privent les praticiens à diplôme obtenu en dehors de l’Union européenne qui n’ont pas exercé au sein d’un établissement de santé, un établissement social ou médico-social entre le 1er octobre 2018 et le 30 juin 2019 de la possibilité de bénéficier d’une autorisation d’exercice temporaire et de voir leur dossier de demande d’autorisation de plein exercice examiné ;

— elles ne reposent sur aucun critère objectif ou motif d’intérêt général en rapport avec l’objet de la loi et méconnaissent le principe d’égalité devant la loi dès lors qu’elles reproduisent la différence de traitement injustifiée instituée par l’article 83 de la loi du 21 décembre 2006 de financement de la sécurité sociale pour 2007 ;

— elles méconnaissent le principe de non-discrimination et affectent leur droit à une vie privée normale, leur droit d’exercer une activité professionnelle et leurs droits patrimoniaux fondamentaux en ce qu’elles excluent du bénéfice du dispositif d’autorisation mis en place par l’article 83 de la loi du 21 décembre 2006 de financement de la sécurité sociale pour 2007 les praticiens à diplôme obtenu en dehors de l’Union européenne qui n’ont pas exercé au sein d’un établissement de santé, un établissement social ou médico-social, et de la possibilité de bénéficier d’une autorisation d’exercice temporaire.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

— la Constitution, notamment son article 62 ;

— le code de la santé publique ;

— la loi n° 2006-1640 du 21 décembre 2006 ;

— le décret n° 2020-1017 du 7 août 2020 ;

— l’arrêté du 1er juin 2021 prescrivant les mesures générales nécessaires à la gestion de la sortie de la crise sanitaire ;

— la décision n° 2020-890 QPC du 19 mars 2021 du Conseil constitutionnel statuant sur la question prioritaire de constitutionnalité soulevée par l’association SOS Praticiens à diplôme hors Union européenne de France et autres ;

— le code de justice administrative ;

Considérant ce qui suit :

1. Aux termes de l’article L. 521-1 du code de justice administrative : « Quand une décision administrative, même de rejet, fait l’objet d’une requête en annulation ou en réformation, le juge des référés, saisi d’une demande en ce sens, peut ordonner la suspension de l’exécution de cette décision, ou de certains de ses effets, lorsque l’urgence le justifie et qu’il est fait état d’un moyen propre à créer, en l’état de l’instruction, un doute sérieux quant à la légalité de la décision ». En vertu de l’article L. 522-3 du même code, le juge des référés peut, par une ordonnance motivée, rejeter une requête sans instruction ni audience lorsque la condition d’urgence n’est pas remplie ou lorsqu’il apparaît manifeste, au vu de la demande, que celle-ci ne relève pas de la compétence de la juridiction administrative, qu’elle est irrecevable ou qu’elle est mal fondée.

2. L’urgence justifie la suspension de l’exécution d’un acte administratif lorsque celui-ci porte atteinte de manière suffisamment grave et immédiate à un intérêt public, à la situation du requérant ou aux intérêts qu’il entend défendre. Il appartient au juge des référés d’apprécier concrètement, compte tenu des justifications fournies par le requérant, si les effets de l’acte contesté sont de nature à caractériser une urgence justifiant que, sans attendre le jugement de la requête au fond, l’exécution de la décision soit suspendue. L’urgence doit être appréciée objectivement et compte tenu de l’ensemble des circonstances de l’affaire, à la date à laquelle le juge des référés statue.

3. Aux termes du B du IV de l’article 83 de la loi du 21 décembre 2006 de financement de la sécurité sociale pour 2007 : « () les médecins titulaires d’un diplôme, certificat ou autre titre obtenu dans un Etat non membre de l’Union européenne ou non partie à l’accord sur l’Espace économique européen et permettant l’exercice de la profession dans le pays d’obtention de ce diplôme, certificat ou titre, présents dans un établissement de santé mentionné à l’article L. 6111-1 du code de la santé publique entre le 1er octobre 2018 et le 30 juin 2019 et ayant exercé des fonctions rémunérées, en tant que professionnel de santé, pendant au moins deux ans en équivalent temps plein depuis le 1er janvier 2015 se voient délivrer une attestation permettant un exercice temporaire, sous réserve du dépôt d’un dossier de demande d’autorisation d’exercice avant le 30 juin 2021 () ». Aux termes du V de ce même article 83 : « Les chirurgiens-dentistes, sages-femmes et pharmaciens titulaires d’un diplôme, certificat ou autre titre obtenu dans un Etat non membre de l’Union européenne ou non partie à l’accord sur l’Espace économique européen et permettant l’exercice de la profession dans le pays d’obtention de ce diplôme, certificat ou titre, présents dans un établissement de santé mentionné à l’article L. 6111-1 du code de la santé publique entre le 1er octobre 2018 et le 30 juin 2019 et ayant exercé des fonctions rémunérées, en tant que professionnel de santé, pendant au moins deux ans en équivalent temps plein depuis le 1er janvier 2015 se voient délivrer une attestation permettant un exercice temporaire, sous réserve du dépôt avant le 30 juin 2021 () d’un dossier de demande d’autorisation d’exercice auprès de la commission nationale d’autorisation d’exercice () ».

4. Par sa décision n° 2020-890 QPC du 19 mars 2021, le Conseil constitutionnel a déclaré contraires à la Constitution les mots « de santé mentionné à l’article L. 6111-1 du code de la santé publique » figurant au premier alinéa du B du IV et au premier alinéa du V de l’article 83 de la loi du 21 décembre 2006 de financement de la sécurité sociale pour 2007 pour méconnaissance du principe d’égalité devant la loi, au motif que, au regard de la diversité des professions de santé dont l’exercice est requis pour bénéficier du dispositif prévu par la loi, la circonstance que l’une de ces professions soit exercée au sein d’un établissement de santé ou au sein d’un établissement social ou médico-social ne permet pas de rendre compte d’une différence de situation pertinente au regard de l’objet de la loi. Il résulte du point 13 de cette décision du Conseil constitutionnel que la déclaration d’inconstitutionnalité qu’elle prononce a pris effet à la date de sa publication, soit le 19 mars 2021, et qu’elle est applicable à toutes les affaires non jugées définitivement à cette date.

5. Aux termes de l’article 1er du décret du 7 août 2020, pris pour l’application des dispositions de l’article 83 de la loi du 21 décembre 2006 de financement de la sécurité sociale pour 2007 citées au point 3 : " Peuvent déposer un dossier de demande d’autorisation d’exercice au titre des dispositions du B du IV ou de celles du V de l’article 83 de la loi du 21 décembre 2006 susvisée, les candidats à l’autorisation d’exercer la profession de médecin, chirurgien-dentiste, sage-femme ou pharmacien qui remplissent les conditions suivantes : / 1° Être titulaire d’un diplôme, certificat ou autre titre obtenu dans un Etat non membre de l’Union européenne ou non partie à l’accord sur l’Espace économique européen et permettant l’exercice de la profession dans le pays d’obtention de ce diplôme, certificat ou titre ; / 2° Avoir exercé sur le territoire national pendant au moins deux ans en équivalent temps plein entre le 1er janvier 2015 et le 30 juin 2021 des fonctions rémunérées au titre des professions de santé mentionnées à la quatrième partie du code de la santé publique. () / Ces fonctions doivent avoir été exercées dans un établissement de santé public, privé d’intérêt collectif ou privé. / () 3° Justifier d’au moins une journée d’exercice, dans les conditions prévues au 2° du présent article, entre le 1er octobre 2018 et le 30 juin 2019 « . Selon l’article 2 de ce même décret : » Les candidats remplissant les conditions mentionnées à l’article 1er adressent leur dossier de demande d’autorisation d’exercice à compter du 1er novembre 2020 et jusqu’au 29 juin 2021 () ".

6. Par sa décision n° 445041 du 12 mai 2021, le Conseil d’Etat, statuant au contentieux, a annulé les dispositions du cinquième alinéa de l’article 1er du décret du 7 août 2020 pris pour l’application de des dispositions de l’article 83 de la loi du 21 décembre 2006 de financement de la sécurité sociale pour 2007 et relatif à l’exercice des professions de médecin, chirurgien-dentiste, sage-femme et pharmacien par les titulaires de diplômes obtenus hors de l’Union européenne et de l’Espace économique européen selon lesquelles : « Ces fonctions doivent avoir été exercées dans un établissement de santé public, privé d’intérêt collectif ou privé ».

7. Aux termes l’article 17 de l’arrêté du 1er juin 2021 prescrivant les mesures générales nécessaires à la gestion de la sortie de la crise sanitaire : « Les médecins, chirurgiens-dentistes, sages-femmes et pharmaciens titulaires d’un diplôme, certificat ou autre titre obtenu dans un Etat non membre de l’Union européenne ou non partie à l’accord sur l’Espace économique européen et permettant l’exercice de la profession dans le pays d’obtention de ce diplôme, certificat ou titre, présents dans un établissement de santé, un établissement social ou un établissement médico-social entre le 1er octobre 2018 et le 30 juin 2019 et ayant exercé des fonctions rémunérées, en tant que professionnel de santé, pendant au moins deux ans en équivalent temps plein depuis le 1er janvier 2015 se voient délivrer une attestation permettant un exercice temporaire, sous réserve du dépôt d’une demande d’autorisation d’exercice avant le 30 octobre 2021 ».

8. M. AA S et autres demandent au juge des référés du Conseil d’Etat, statuant sur le fondement de l’article L. 521-1 du code de justice administrative, d’ordonner la suspension de l’exécution de l’article 17 de l’arrêté du 1er juin 2021 prescrivant les mesures générales nécessaires à la gestion de la sortie de la crise sanitaire, relatif à l’exercice des professions de médecin, chirurgien-dentiste, sage-femme et pharmacien par les titulaires de diplômes obtenus hors de l’Union européenne et de l’Espace économique européen.

9. Pour caractériser l’urgence qui s’attache à la suspension de l’exécution de ces dispositions, les requérants font valoir, d’une part, que dans leur rédaction en vigueur, elles excluent les praticiens titulaires de diplômes obtenus hors de l’Union européenne et de l’Espace économique européen, exerçant leurs fonctions dans une structure autre que les établissements de santé, les établissements sociaux ou médico-sociaux du dispositif institué par la loi du 21 décembre 2006 permettant aux praticiens exerçant dans des établissements de santé d’obtenir l’autorisation d’exercer leur profession en France et, d’autre part, que les dossiers de demande d’autorisation d’exercice en cours d’instruction depuis la clôture des dépôts le 31 octobre 2021 donneront nécessairement lieu à une décision de rejet, dès lors que le ministre des solidarités et de la santé a refusé de donner suite à leur demande tendant à l’abrogation des dispositions contestées de l’arrêté du 1er juin 2021. Toutefois, dès lors que le Conseil d’Etat, statuant au contentieux, sera en mesure de se prononcer prochainement sur la requête en annulation de l’arrêté contesté, la condition d’urgence ne peut être regardée comme remplie.

10. Il résulte de ce qui précède, sans qu’il soit besoin de se prononcer sur l’existence d’un moyen propre à créer, en l’état de l’instruction, un doute sérieux quant à la légalité de l’arrêté attaqué, que la requête de M. AA S et autres doit être rejetée selon la procédure prévue par l’article L. 522-3 du code de justice administrative, y compris les conclusions tendant au prononcé d’une injonction et à l’application de l’article L. 761-1 du même code.

O R D O N N E :

— -----------------

Article 1er : La requête de M. AA S et autres est rejetée.

Article 2 : La présente ordonnance sera notifiée à M. AT AA S, représentant unique désigné.

Copie en sera adressée au ministre des solidarités et de la santé.

Fait à Paris, le 23 février 202 Signé : Benoît Bohnert461408

Chercher les extraits similaires
highlight
Chercher les extraits similaires
Extraits les plus copiés
Chercher les extraits similaires
Collez ici un lien vers une page Doctrine
Inscrivez-vous gratuitement pour imprimer votre décision
Conseil d'État, 23 février 2022, 461408, Inédit au recueil Lebon